Chapitre 8 : Traditions locales

« La jeunesse de l'Amérique est sa plus vieille tradition : elle dure depuis trois cents ans. »

- Oscar Wilde -  

// 3 septembre 1979 //

Les oreilles bourdonnantes, Julian mit quelques secondes à se rendre compte que la répartition avait pris fin. La statue du Womatou venait de rugir pour la dernière fois. Dans un flot continu, les élèves sur le balcon circulaire au-dessus de sa tête se mirent à se diriger vers les escaliers, mais Julian n'osa pas bouger. Personne ne lui avait dit où aller. Devait-il rejoindre les autres élèves ou rester avec les Juniors ? A travers la foule, le professeur Fleming parut percevoir son trouble car elle s'approcha de lui.

- Bienvenue chez les Serpents Cornus, lui souhaita-t-elle. Tu verras, c'est une très belle maison.

- Vous dites ça parce que c'est la vôtre ? Osa-t-il demander, rendu confiant par le tutoiement.

Elle rit.

- En partie, concéda-t-elle. Et félicitation à toi aussi, Charlotte.

- Merci, professeur.

- Les Juniors vont maintenant passés dans la salle juste ici. (Elle désigna une pièce sur leur gauche, accolée au hall d'entrée). Nous l'appelons la Pièce aux mille baguettes. Ils vont y recevoir leur baguette magique pour la première fois à l'occasion de leur entrée dans notre école. Nous avons plusieurs partenaires fabricants qui viennent les vendre chaque année. Bien évidemment, vous avez déjà les vôtres... De chez Ollivander, j'imagine ?

- Oui...

- Un très bon fabricant, approuva-t-elle. Je vous invite à suivre vos camarades au Réfectoire dans ce cas. Vous pourrez découvrir la Pièce aux mille baguettes plus tard, je crois que les sixièmes années ont un cours sur la science des baguettes au premier trimestre. (Elle jeta un coup d'œil derrière son épaule en entendant les Juniors s'agiter). Il faut que j'y aille. Vous n'avez qu'à suivre les autres, un Représentant pourrait vous aider... Qui est le vôtre déjà cette année ?

- Je ne sais pas pour les cinquièmes années, admit Julian, mais on a fait le trajet avec Aileen McCallum. Je crois qu'elle est Représentante des sixièmes années, elle pourra nous aider ?

Le professeur Fleming hocha vivement la tête.

- Oh oui Aileen sera parfaite pour vous guider ! Si vous avez une question, n'hésitez pas non plus à venir me trouver. (Elle se retourna à nouveau pour superviser les nouveaux élèves). Ils ne tiennent pas en place, maugréa-t-elle. Le devoir m'appelle ! Je vous souhaite une bonne rentrée.

Julian n'eut pas le temps de la remercier qu'elle s'était déjà précipitée vers deux Juniors qui se poussaient pour être le premier devant la porte. Il trouvait encore cela étrange la façon dont les professeurs les appelaient par leurs prénoms et le son de « monsieur Shelton » prononcé par la voix fluette de Flitwick lui manqua soudain. Pour éviter de s'attarder sur ce coup de nostalgie si brusque, il pivota vers l'entrée du Réfectoire qui se remplissait à vue d'œil.

- Tu crois qu'on va manger des burgers toute l'année ? Chuchota Charlotte.

- Arrête avec tes clichés.

- Tous les clichés ont un fond de vérité. La preuve, tu bois du thé tout le temps !

Il ne pouvait pas réfuter ce point. Il songea à la boîte de thé en fer, offerte par Matthew, bien rangée dans sa valise.

- Allez viens, dit-il pour éluder sa remarque. Essayons de retrouver Aileen et Liam.

Traînant les pieds, Charlotte le suivit dans la foule. Le Réfectoire en lui-même ressemblait en partie à la Grande Salle avec son plafond haut, ses murs de pierres claires et ses grandes fenêtres en ogives, mais le parallèle s'arrêtait là. Le ciel et les bougies étaient remplacés par des lumières de sorts qui flottaient délicatement dans toute la pièce, comme des petites boules lumineuses ésotériques qui jetaient des reflets d'or sur les visages. Il n'y avait pas non plus quatre longues tables, mais plusieurs tables rondes qui pouvaient accueillir entre quatre et huit élèves selon leur taille. Des nappes blanches les recouvraient et tombaient jusqu'au sol à la manière d'une traîne de mariée. Au fond de la salle, les professeurs étaient assis en ligne le long d'une grande estrade en bois et Julian devina une grande porte dans leur dos au-dessus de laquelle une plaque indiquait en lettres capitales « SALLE DES PROFESSEURS ».

- Oh les Anglais ! Cria soudain la voix vive de Liam sur leur gauche. Par ici !

Il était debout à côté d'une table reléguée dans un coin et agitait les bras. Déjà assise, Aileen rougissait en sentant les regards curieux pivoter vers eux.

- Ils nous ont trouvés finalement, commenta Charlotte.

Arrivé à leur table, Julian s'assit en face de sa sœur, encadré par ses deux nouveaux amis. Le placement était visiblement bien plus libre qu'à Poudlard puisqu'il observa les maisons se mêler entre elles dans tout le réfectoire.

- Bon, Serpent Cornu, pas vraiment de surprise pour toi l'intello, non ? Attaqua Liam d'emblée.

- C'était la maison la plus proche de Serdaigle, convint-il, agacé par le surnom.

- Charly par contre jolie surprise ! Je ne pensais pas que t'atterrirais chez les aventuriers !

Charlotte rougit.

- Moi non plus, avoua-t-elle, mais j'avais envie de changement je crois.

Julian retint difficilement une exclamation sarcastique. Du changement ? Elle voulait du changement ? Ils n'en avaient pas eu assez dernièrement ? S'il se rappelait bien, c'était Charlotte qui pleurait encore il y a quelques jours à l'idée de quitter l'Angleterre. A croire que de découvrir ce nouveau château lui donnait des ailes. Pile à ce moment, comme un signe du destin, il vit soudain apparaître un nouvel emblème sur l'uniforme de sa sœur. Au niveau de la poitrine, un grand oiseau aux ailes déployées se broda à côté des armoiries de l'école. Julian baissa les yeux. Sur le sien, un Serpent dressé, le front serti d'une pierre, était également apparu près du nœud gordien.

- Vous faites officiellement parties des maisons maintenant, annonça Aileen en souriant.

Les uniformes d'Aileen et Liam abordaient, eux, une étrange créature aux grandes oreilles qui auraient pu passer pour un gobelin si Julian n'avait pas vu sa représentation grandeur nature il y a quelques minutes sous forme de statue.

- Le Puckwoodgenie, symbole de notre maison, crut-elle nécessaire d'expliquer.

- Symbole du cœur et des guérisseurs, c'est ça ? Se souvint Charlotte.

- Tout à fait. J'aime bien cette idée que nous sommes les garants de la paix à Ilvermorny.

- N'exagère pas, se moqua Liam.

Il venait de servir à tout le monde un verre de jus de citrouille et tenait la cruche en équilibre précaire sur sa paume.

- Si tu fais tomber ça...

- Tu ne pourras pas me tuer, objecta-t-il immédiatement. Ça irait à l'encontre de la « paix ».

Aileen soupira.

- Tu m'épuises, Cooper. Et tu ruines mes discours de bienvenue.

- Quand elle m'appelle par mon nom de famille, je sais qu'elle est énervée, dit-il.

Il parut vouloir tenter le diable encore quelques secondes, mais il finit par reposer la cruche de jus de citrouille à sa place. Charlotte riait. Julian, lui, trouvait surtout Liam épuisant à suivre et se rangea mentalement du côté d'Aileen. Le brouhaha incessant des conversations autour de lui commençait à lui donner mal à la tête et il se demanda si le décalage horaire, même encore après une semaine dans le pays, ne venait pas le perturber à retardement.

Inconscient de son trouble, Liam se pencha en avant et reprit :

- En plus, la paix, la paix... C'est un peu surfait comme concept ici avec toutes les tensions.

- Pourquoi ? Les maisons ne s'entendent pas ? Demanda Charlotte. Chez nous, Gryffondor et Serpentard ne peuvent pas se voir !

- Ce n'est pas vraiment ça, non, dit Aileen, hésitante. (Elle coula un regard vers Liam qui semblait la défier d'expliciter). Les maisons s'entendent plutôt bien. On partage un Foyer, même nos dortoirs. Les jours de compétitions sportives sont les seuls où chaque maison devient un peu... patriotes.

Julian fronça les sourcils.

- Alors à quel niveau se situent les tensions... ?

A nouveau, Aileen parut incertaine et ce fut Liam qui répondit, renversé contre le dossier de sa chaise, bras croisés sur la poitrine.

- Le sang, lâcha-t-il comme si les mots lui brûlaient la langue. Certains se croient mieux que les autres.

- Ce n'est pas ça ! Objecta tout de suite Aileen.

- Qu'est-ce que t'en sais ? Ta famille est une des plus vieilles du Canada !

Julian sentit son ventre se contracter. Il avait traversé l'Atlantique pour échapper aux idéaux comme ceux-ci et il ne supporterait pas de les retrouver ici, comme si leur fuite avait été vaine. Quand il était entré à Poudlard, les coups-bas et les insultes entre maisons étaient admises à la manière d'une tradition locale dont plus personne ne connaissait l'origine. Gryffondor détestait Serpentard. Les Poufsouffle subissaient les préjugés sur leur maison. Tout le monde voulait battre les Serdaigle en cours et prouver qu'ils n'étaient pas plus intelligents que les autres. Le monde de Poudlard tournait ainsi. Julian avait mis du temps avant de comprendre que ces tensions qui traversaient l'école remontaient aux fondateurs eux-mêmes. Sa mère, toujours soucieuse de s'intégrer en Angleterre en apprenant son histoire, lui avait raconté la légende des quatre sorciers créateurs de Poudlard.

Aurélia lui avait montré de manière bien plus intéressante que Binns comment le passé influençait encore le présent à bien des égards : les visions opposées de Godric et Salazar se répercutaient par-delà les époques, la gentillesse et l'ouverture d'esprit d'Helga avaient été transformées en croyances erronées sur les capacités de sa maison par les siècles, et l'intelligence parfois condescendante de Rowena laissait encore des traces aujourd'hui. Tous ces préjugés ancestraux étaient peut-être un tort, mais ils faisaient partie de l'identité de Poudlard et Julian s'en était accommodé. Les préjugés qui étaient venus ensuite en revanche...

S'il s'en souvenait bien, cela avait commencé en troisième année. Il y avait déjà eu des incidents précédemment bien sûr, mais les choses s'étaient accélérées cette année-là. Des messages contre les nés-moldus fleurissaient sur les murs du château, des agressions terrorisaient les élèves, les professeurs s'inquiétaient de plus en plus... Darren Mulciber s'était même fait renvoyé temporairement et Kevin Mells avait été exclus après son attaque avortée contre Lily Evans. D'un coup, les tensions entre maisons n'étaient plus historiques, elles étaient politiques. Voire, elle s'étaient doublées d'une haine contre les nés-moldus et de revendications de la part de ceux qui estimaient que le monde sorcier leur appartenait grâce à leur sang.

Or, si les tensions n'étaient justement que des tensions entre les murs de Poudlard, la réalité au dehors était plus sombre. La réalité avait explosé sur sa mère, l'ensevelissant sous les gravats. La réalité avait consumé sa mère, l'avalant dans les flammes.

Rien qu'en repensant à la photographie du bâtiment des Archives du Monde Magique en ruine, Julian sentit son souffle lui échapper. Une boule chauffée à blanc dans la gorge, il tenta de se concentrer à nouveau sur la conversation et les cheveux d'Aileen, rougeoyants sous les lumières de sorts, lui servirent de point d'ancrage.

- Je ne suis peut-être pas née Non-Maj' comme toi, reconnut Aileen d'un ton patient, mais n'exagère pas non plus. L'administration fait très attention sur ces questions depuis la guerre contre Grindelwald et il n'y a pas de racisme anti né Non-Maj' comme en Europe !

- Je n'ai pas dit ça, contra Liam, véhément. Je t'accorde que les idées de Grindelwald ont traumatisé tout le monde, mais ça n'a pas arrêté la peur du monde Non-Maj'. Tu sais que mes parents subissent des contrôles plusieurs fois par an du MACUSA ? Juste pour vérifier qu'ils ne sont pas des ennemis des sorciers !

- Ce qui est plutôt normal, objecta à nouveau Aileen. Le code du secret magique est là pour une raison...

- Pour renforcer la peur !

- Ne sois pas dramatique. Les Etats-Unis en font peut-être un peu trop, c'est vrai, mais au Canada tout se passe bien.

Liam roula des yeux.

- Et pourquoi ? Parce que le Canada est justement trois fois moins drastique que le MACUSA. Je ne compte plus les fois où les profs m'ont dit « d'être discret » pendant les vacances. Ils ne le faisaient même pas en pensant à mal, mais tu remarqueras qu'ils ne le disaient qu'à moi. Jamais à toi ou à Noah. Encore moins à la reine des glaces et à sa copine blondasse.

- Ce n'est pas pareil... Noah habite littéralement au Village, Théa doit être entourée de sortilège repousse Non-Maj' dans son manoir new-yorkais, et Othilia est la fille de Fontaine !

- Et toi ?

- Moi ? Je... je ne sais pas, c'est juste... Enfin c'est comme ça...

- Non, ce n'est pas « comme ça ». Ils ne te font aucune mise en garde, tes parents ne sont pas contrôlés et c'est juste parce que tu es sang-pure. Et ça se trouve, Emilia a été enlevée à cause de ça aussi !

Sous le coup de la colère, Liam donna un coup sur la table. La cruche de jus de citrouille vacilla, mais Charlotte la rattrapa grâce à ses réflexes de poursuiveuse tandis qu'Aileen se trouvait soudain à court de mots. En voyant l'éclat incendiaire dans les yeux de Liam, Julian comprit soudain l'origine de sa colère. Il ne le connaissait pas encore réellement, mais Liam ne lui donnait pas l'impression d'être quelqu'un qui s'emportait facilement et sa prise de parole ce soir devait être inhabituelle pour lui. Peut-être même qu'il ne venait que de réaliser récemment les faits qu'il rapportait avec fougue. La disparition de sa sœur, née moldu comme lui, était sans doute le déclencheur. Et Aileen, malgré sa gentillesse et son empathie, semblait ne pas réaliser la réalité vécue aux Etats-Unis pour avoir grandi au Canada.

Mal à l'aise, Julian hésita à intervenir. Il comprenait la colère qui habitait Liam. Merlin, il la ressentait au quotidien depuis cet été. C'était une colère pareille à un incendie, nourrie par un sentiment d'injustice, dévorante comme la douleur liée à la perte d'un membre de sa famille. Une mère et une sœur étaient peut-être différentes, mais leur absence soudaine engendrait une même souffrance et une même amertume.

- Tu as raison, dit-il finalement d'une voix rauque. C'est injuste. C'est normal d'être en colère. En avoir conscience et le dénoncer est la meilleure chose à faire. Sinon, les choses continuent et des gens comme Tu-Sais-Qui arrive au pouvoir.

Du coin de l'œil, il remarqua qu'Aileen comprenait la référence, mais Liam fronça les sourcils. Charlotte se chargea de lui expliquer, comme elle l'avait fait au dîner avec Théa et Archer.

- Tu-Sais-Qui est le mage noir qui contrôle l'Angleterre en ce moment... C'est lui qui a provoqué la guerre. On n'ose juste plus dire son nom. Je crois qu'on ne le connaît même pas...

- C'est effrayant... murmura Aileen.

Julian trouvait le mot encore faible. Il s'apprêtait à tenter de rassurer Liam au sujet de sa sœur aînée, sans trop savoir en vérité comment s'y prendre, lorsqu'un carillon résonna dans le Réfectoire. Les conversations s'évanouirent. Sur l'estrade, la directrice Hicks s'était levée, son verre à pied à la main levé vers l'assemblée. Son visage ridé abordait une expression sereine.

- Bonsoir à vous tous ! En cette nouvelle qui commence, laissez-moi tout d'abord vous dire que je suis heureuse de vous retrouver... ou de vous rencontrer. (Elle sourit aux Juniors, rassemblés au centre du Réfectoire). Ilvermorny est désormais votre maison et j'ose espérer que vous saurez la traiter comme telle. A mes côtés, les professeurs et l'ensemble du personnel de l'école se tiennent à votre disposition pour organiser au mieux les mois que nous allons passer ensemble. Je pense notamment à la journée de recrutement des clubs demain. Pour ceux dont le dirigeant ou la dirigeante du club n'est plus parmi nous cette année, veillez venir vous adresser à un professeur pour que nous mettions en place un suppléant pour demain. Quant à ceux qui voudraient changer de club, l'esprit de découverte est valorisé et je vous encourage à laisser une chance à tous les clubs proposés.

- Et pour le CDE ? Lança soudain une voix.

Julian tenta d'identifier qui avait osé interrompre la directrice, mais il n'y parvint pas. Sur scène, Hicks soupira sans se départir de son calme.

- Monsieur Fontaine, je sais que le Comité des Elèves vous tient à cœur, mais je pense que cela peut attendre lundi ? Je vous promets de vous accorder une heure entière d'entretien.

- Fontaine ? Répéta Julian en chuchotant. Comme Othilia ?

- Enjolras, oui. C'est son cousin avec quelques degrés d'écart je crois, souffla Aileen. Et le neveu du prof de potions par extension. Il vient de la branche française de leur famille. Tu verras, il est plutôt... vindicatif. Mais dans le bon sens. L'année dernière, il a milité pendant des mois pour que les élèves étrangers payent moins de taxes à l'école.

Julian haussa un sourcil.

- Une taxe ? Pour les élèves étrangers ?

- J'ai oublié de le préciser quand on parlait des élèves qui venaient d'hors Amérique ? Oui, on doit payer une taxe supplémentaire. Tous ceux qui viennent du Canada, du Mexique... L'élève de Cuba. (Elle réfléchit) Ah ! Vous aussi j'imagine.

Mentalement, Julian tenta de se souvenir de tous les documents qu'il avait eu entre les mains portant l'emblème d'Ilvermorny. Les droits d'inscriptions étaient sensiblement les mêmes qu'à Poudlard et il lui avait suffi de présenter l'attestation de Gringotts à son père pour que ce dernier signe le virement d'argent à l'école. Mais il ne se rappelait pas d'une quelconque mention de taxe. Perturbé, il se promit d'en toucher un mot à Leonidas lorsqu'il lui écrirait.

Il était tellement plongé dans ses pensées qu'il ne fit pas attention à la reprise du discours de la directrice Hicks et sursauta en entendant soudain des dizaines de voix se mettre à chanter :

Unis, nous ne ferons qu'un

Face aux Puritains,

Et notre inspiration nous vient,

De la sage sorcière Morrigan

Car c'est par l'Homme sans magie

Qu'elle subît la persécution

Elle fuit alors l'Irlande lointaine

Pour fonder notre maison

Ô Ilvermorny

Massachusetts

Nous te choisissons !

Nous te choisissons !

La plus prestigieuse des écoles sorcières

En ton sein de pierres nous sommes protégés

En ton âme nous vivons un rêve éveillé

Toute notre magie nous vient de toi

Et notre esprit en est désormais éclairé

Peu importe où nos pas nous mènent

Peu importe où notre cœur nous porte

Notre seul vrai foyer,

Le seul et nôtre

C'est toi, Ilvermorny la belle

Ebloui par la mélodie qui s'évanouissait doucement, Julian se mit à applaudir avec les autres alors que les paroles résonnaient dans son esprit.

- La chanson est belle, mais je préfère celle de Poudlard, jugea Charlotte.

- Vous en avez une aussi ?

- Oui... Si on peut dire. Dumbledore nous laisse la chanter sur l'air qu'on veut.

- Tu veux dire que chaque élève choisit sa mélodie ? S'esclaffa Liam.

Avec nostalgie, Julian se souvint de la cacophonie qui résonnait à chaque banquet de rentrée dans la Grande Salle. Il tentait toujours de chanter sur un air neutre, mais d'autres s'amusaient à faire exactement le contraire. Il se rappelait encore des Maraudeurs, debout sur le banc, qui braillaient la chanson de Poudlard en imitant Célestina Moldubec ou Matthew, effronté, qui déclamait les paroles à la manière d'un poème, presque sans air musical, sous l'œil agacé de McGonagall. Si elle connaissait la voix de troll de Matthew, elle aurait sans doute davantage apprécié sa retenue.

- C'est ça, confirma Charlotte.

- Aileen, tu crois qu'on peut demander à Enjolras de militer pour organiser un voyage à Poudlard ? Je veux voir leur chapeau étrange et écouter leur chanson !

- Je crois que le budget de l'école va être trop serré, Liam, désolée...

- Tragédie !

Heureusement pour son mal de crâne, Liam n'eut pas l'opportunité de continuer sa pièce de théâtre dramatique car les plats apparurent sur les tables. Des soupirs de contentement traversèrent le Réfectoire et tout le monde se servit avec appétit. Tout au long du dîner, Julian participa peu à la conversation. Il laissa Charlotte et Liam capter l'attention, rire bruyamment, et se disputer sur les coutumes de Poudlard et Ilvermorny. A côté de lui, Aileen lui coulait des regards fréquents, comme pour s'assurer qu'il était encore bien présent avec eux et il s'efforça de la rassurer à chaque fois. Pourtant, lorsque les plats disparurent, il retient un soupir de soulagement à l'idée de pouvoir enfin aller dormir.

- Suivez-moi, dit Aileen en se levant. On va vous montrer le chemin vers les dortoirs.

Emporté par la foule des élèves qui cheminaient dans la même direction qu'eux, Julian veilla à ne pas lâcher des yeux la chevelure rousse d'Aileen. Tout le monde continuait à parler avec animation et le bruit des conversations résonnaient en échos contre les murs de pierre. A l'avant du groupe, Julian crut discerner son cousin Archer, l'air important, qui tentait de contrôler le niveau sonore sans grand succès.

Ils empruntèrent un large escalier à double volée et s'arrêtèrent au premier étage. Devant lui, Julian découvrit une vaste pièce rectangulaire complètement hétéroclite. Au sol, le parquet était soit nu, soit recouvert de tapis orientaux ou européens, voire de carré de carrelage ici et là. Un fauteuil Louis XV côtoyait une chaise en forme d'œuf qui ressemblait à un cocon violet. Un peu plus loin, une armoire en bois et une étagère vitrée croulant sous les trophées et les médailles se tenaient contre le mur du fond. Sur ce dernier, quatre immenses bannières avaient été déployées et, dans un style amérindien, les quatre emblèmes d'Ilvermorny apparaissaient ainsi brodés au fil d'or sur un fond rouge et bleu. Les murs de gauche et de droite, eux, n'étaient qu'une succession de portes en bois dont les embrasures se touchaient presque tant elles étaient proches.

- Et voici le Foyer ! Annonça Aileen. C'est un peu la pièce commune où tout le monde traîne après les cours.

- Mais toutes les maisons se mélangent ? S'étonna Charlotte.

- Plutôt, oui. Comme on est rassemblés par années dans les dortoirs et non par maison, l'idée d'un Foyer était plus simple je suppose.

- Ne le prends pas mal mais... A quoi servent les maisons alors ?

- Est-ce que tu remets en cause la gloire des Puckwoodgenie ? Feignit de s'indigner Liam, une main sur le cœur au niveau de son écusson.

Aileen le repoussa sans ménagement.

- Comme je le disais pendant le dîner, l'unité de nos maisons viennent plus des points gagnés en cours et surtout des compétitions sportives ou les tournois des clubs. Là, tu verras, tu as intérêt à faire briller l'honneur de ta maison !

Le visage de Charly s'éclaira et Julian maudit à nouveau le cursus scolaire de leur imposer du sport. Il allait demander à Aileen si elle faisait partie d'un autre club que celui du journal d'Ilvermorny, mais un bayement le prit par surprise. Liam éclata de rire.

- Pas encore habitué au décalage horaire, l'Anglais ? Se moqua-t-il. Allez viens, je vais te faire découvrir notre dortoir. (Il se tourna vers les filles). On se voit demain ?

- Ne l'épuise pas, prévint Aileen. Bonne nuit, Julian.

- Merci... Pour tout. Tu nous as bien aidé aujourd'hui.

- Je suis là pour ça !

Julian lui retourna son sourire, puis reporta son attention sur sa sœur.

- Ça va aller, Lottie ?

- Mais oui ! Assura-t-elle en roulant des yeux. Va dormir, Ju'. Tu l'as bien mérité.

Elle ponctua sa remarqua d'un sourire soudain moins effronté et, avant qu'il n'ait pu réagir, elle s'avança pour l'enlacer en ignorant Aileen et Liam. Surpris, il referma ses bras sur elle en une seconde. Depuis plusieurs mois, Lottie semblait mettre un point d'honneur à lui montrer qu'elle avait grandie, qu'elle n'était plus la « petite dernière » de la famille, et il savait qu'il avait eu du mal à accepter. Cette étreinte, elle lui offrait sans compromis.

Ils s'écartèrent finalement l'un de l'autre et Aileen sourit.

- Promis, je veille sur elle, lui dit-elle. Viens, Charly, je vais te présenter des filles de ton année.

- Et toi, tu viens avec moi ! Ajouta Liam en l'entraînement vers le mur de droite. Notre dortoir est juste là. Sixième porte, sixième année. Pas trop dur, non ?

- Je crois que ça ira.

- Mais oui, l'intello !

D'un coup d'épaule, Liam ouvrit la porte et le poussa presque à l'intérieur. Julian s'arrêta sur le seuil. Contrairement au Foyer, la chambre était plus classique et n'était pas si différente de son dortoir à Poudlard. Il n'y avait pas de poêle en cuivre au milieu de la pièce, mais cinq lits à baldaquin étaient disposés sans encombrer l'espace. Au fond, une porte entre-ouverte donnait sur ce qui semblait être une salle-de-bain.

- Oh regarde, ils ont bien mis ton lit ! Eh la chambre a même été agrandie. Encore heureux, tu me diras, c'était déjà dur de vivre à quatre là-dedans.

- La faute à qui ? Lança une voix. T'es le pire coloc de la terre, Cooper !

Julian se retourna. Trois garçons venaient d'entre à leur suite dans la chambre. Celui qui venait de parler s'avança, hilare, et donna une grande tape dans le dos à Liam.

- Merci pour le compliment, Wilde, j'apprécie, se mit à rire ce dernier avant de les mettre face à face. Julian, je te présente Wilde Wilkinson. Fils de ministre, riche comme Merlin, capitaine de l'équipe de Quodpot des Womatou... Un cliché ambulant ! (Il évita le coup d'épaule que tenta de lui donner le fameux Wilde). Wil-Wilki, je te présente « Djulian Cheltooone » tout droit débarqué de la mère patrie.

Tout le monde haussa un sourcil.

- Ton accent anglais est terrible, l'informa Julian en grimaçant devant la prononciation de son prénom.

- Attends d'entendre celui canadien !

Julian secoua la tête et fit face à Wilde Wilkinson qui lui tendait la main. Jusqu'à présent, il ne s'était jamais senti complexé par son allure maigrichonne pour un garçon, mais son nouveau camarade de dortoir remettait les choses en perspective. Les larges épaules de Wilde auraient été parfaites pour un batteur de Quidditch et même son nez, qui avait dû subir plusieurs coups, paraissait s'être pris des cognards tant il était cabossé et de travers. Si ce n'était pour ce nez pourtant, Wilde était un garçon plutôt charmant avec ses cheveux ondulés, ses grands yeux clairs, et sa carrure imposante. Sourire franc aux lèvres, il serra la main de Julian avec fermeté.

- Salut ! Dit-il avec un accent américain prononcé. T'es l'Anglais de la répartition ? Serpent Cornu, c'est ça ?

- C'est moi... Julian. Julian Shelton.

Wilde sourit davantage.

- Je préfère ton prénom prononcé comme ça. Ecoute, bienvenue dans notre dortoir !

- Dans notre pays, même ! Ajouta Liam.

- Oui sans doute aussi, approuva Wilde.

- Merci...

Visiblement, Liam dû juger que les présentations avec son premier compagnon de dortoir avait assez duré, car il passa au suivant :

- Après Wil-Wilki, je présente notre deuxième célébrité locale : Enjolras Fontaine !

Julian pu enfin mettre un visage sur la voix entendue à la sortie du train et au cours du dîner. Devant lui se tenait un garçon presque aussi grand que Wilde, mais moins râblé et plus élancé. Il avait un visage ciselé et une masse de boucles blondes solaires qui formaient un halo autour de sa tête. Il se contenta de lui adresser un signe de la main.

- Le cousin d'Othilia, c'est ça ? Se souvint-il.

- Oui, au deuxième degré ou quelque chose comme ça, acquiesça Enjolras, visiblement surpris. Tu la connais ?

- Non. Je connais sa meilleure amie, Théa. C'est ma cousine.

D'un coup, Julian sentit les regards étonnés lui tomber dessus, exactement comme Liam et Aileen l'avaient fait dans le train en apprenant la nouvelle. Il commençait vraiment à se demander comment les gens voyaient Théa à Ilvermorny...

- Théa Grims est ta cousine ? Répéta Enjolras.

- La reine des glaces en personne !

- Liam, tu sais qu'elle va finir par te jeter un sort si tu continues avec ce surnom, n'est-ce pas ? Et d'ailleurs, arrête de m'appeler Wil-Wilki par Morgane ! Arrête avec les surnoms en général tiens !

Julian approuva Wilde silencieusement. Il ne savait pas s'il apprécierait encore longtemps d'être rebaptisé « l'intello » ou « l'Anglais » toute la journée.

- Oui oui pardon... Mais passons. Julian, si tu as des revendications pour l'école ou que tu te sens victime d'une injustice comme une mauvaise note non méritée à un devoir, va voir Enjolras, il lancera une manif' !

- Tu me fais passer pour une caricature, Cooper.

- Le monde est une caricature.

Un rire dédaigneux accueillit la réplique spirituelle de Liam. D'un même mouvement, ils se tournèrent tous vers le dernier garçon du dortoir, assis sur son lit, les coudes posées sur les genoux à écouter en silence. Noah Douzebranches, se souvint Julian. Contrairement aux deux autres, il n'était pas resté à côté pour l'accueillir, mais s'était isolé prêt de la fenêtre. Julian fut frappé par son visage dépourvu d'expression mise à part le rictus presque hautain qui hantait la commissure de ses lèvres.

- Quelque chose à dire, Noah ? Cingla Liam, tendu.

- Non, j'attends juste que tu aies terminé ton numéro de comique...

- Quoi ? Mon humour n'est pas à ton goût ?

- Ok ! On ne va pas recommencer cette année, arrêtez tous les deux ! Ordonna Wilde de sa voix grave et autoritaire. Sérieusement, ça devient fatiguant. Entre meilleurs potes gamins et ennemis jurés maintenant, vous ne pouvez pas trouver un entre-deux ?

Liam se renfrogna, muré dans le silence, et ne répondit pas. Quant à Noah, il se contenta de hausser les épaules. Julian l'observa plus attentivement. Sa main s'agita et tapota son genou nerveusement, un tic qui le prenait quand il avait envie de dessiner. Il aurait aimé avoir un crayon sous la main pour tracer les traits de Noah sur du papier, les figer et les immortaliser. Un dessin immortalisait de façon intime, bien plus qu'une photographie qui ne faisait que capturer le réel sans imagination. Julian avait le regard d'un dessinateur et ce qu'il voyait, c'était que Noah était saisissant. Il n'avait pourtant pas la beauté classique d'Enjolras et ses boucles angéliques... Les boucles noires de Noah étaient plus désordonnées, plus vivantes. Son visage arborait des imperfections, mais ses yeux saisissaient l'attention. Les prunelles bleues profondes de Noah semblaient dire tout ce que son rictus hautain signifiait : il défiait les autres du regard et le savait pertinemment.

- Julian, Noah, présenta finalement Liam, mâchoire contractée. Noah, voici Julian.

- Je sais.

- J'avais cru comprendre.

Leurs réponses, prononcées en même temps, se télescopèrent et leur regard s'accrocha. Bleu contre vert, ils ne lâchèrent pas jusqu'à ce que Wilde et Enjolras brisent leur échange en passant entre eux. L'année promettait d'être intéressante. 

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Eléments tirés du canon/Pottermore :

- Les élèves américains recevaient bien leur baguette en arrivant à Ilvermorny. Je n'arrive pas à bien comprendre, mais je crois que cette pratique a été arrêtée après une certaine date. Dans le doute, elle est toujours en application dans mon histoire. 

- La chanson d'Ilvermorny était présente dans une scène coupée des Animaux Fantastiques. MAIS ! Elle était en anglais bien sûr... Donc on applaudit tous et toutes PtiteCitrouille et ses talents de traduction littéraire ! Elle a fait un super travail pour rendre le sens de la chanson de manière poétique. Merci encore à elle. 

- En ce qui concerne le Foyer, les dortoirs, le Réfectoire et tout ça : ça vient de moi, j'ai tout inventé ! Donc copyright attention haha ! 

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Prochain post : Chapitre 9 - 23 décembre 


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