Chapitre 6 : Voyage de l'autre côté

« Il n'y a pas qu'une seule réalité. Il existe plusieurs réalités. Il n'y a pas qu'un seul monde. Il y en a plusieurs, et ils existent tous parallèlement les uns aux autres »

- Paul Auster -  

// 3 septembre 1979 //

Lorsque Julian revint dans la salle à manger avec Leonidas après leur interlude généalogique, il eut la surprise de voir que tout le monde y était rassemblé. La table du petit déjeuner avait été débarrassée et leurs sacs étaient posés près du buffet. Dans une imposante cage, deux hiboux grand-duc battaient des ailes, agités. Théa était agenouillée devant eux.

- Tout doux, Zéphyr, murmurait-elle. Borée, arrête !

- Ils ne vont pas t'écouter, tu sais, commenta Archer.

- C'est parce que tu les as laissé faire n'importe quoi tout l'été. Et tu aurais pu me demander avant de m'emprunter Borée !

- Zéphyr était fatigué.

- Avec tous les allers-retours que tu lui as ordonné de faire pour ta mystérieuse inconnue, pas étonnant !

Leonidas étouffa un rire.

- Ah ! Encore la mystérieuse inconnue, lui chuchota-t-il. Je suis curieux de savoir qui elle peut être.

Julian sourit. Vu la tête d'Archer, la curiosité mal venue de sa famille l'énervait plus qu'autre chose. A l'autre bout de la pièce, Charlotte était visiblement en train d'argumenter avec Tikky pour l'aider à porter un sac plus gros que lui.

- Non, miss Charlotte, insistait l'elfe. Tikky peut le faire, Tikky doit le faire !

- Mais...

- Charlotte, intervint Isadora. Laisse-le faire, il faut y aller ou nous allons finir en retard. Leo, tu nous accompagnes à la gare ?

- Non, ma tante. Je dois retourner à l'Ambassade.

Isadora parut déçue mais se reprit bien vite. Elle donna un petit coup de canne sur le plancher, comme pour marquer son assentiment.

- Bien. Alors allons-y. Théa, prends les hiboux. Cordelia, va ouvrir la porte. Et toi, Archer, fais-moi ce nœud de cravate correctement !

Julia vérifia immédiatement que la sienne était correctement nouée avant de se prendre une remarque. A sa gauche, Leonidas intercepta son regard et lui fit signe de s'approcher. D'un geste expert, il resserra sa cravate.

- Voilà, dit-il, prêt pour Ilvermorny.

- Merci...

- Avec plaisir. Je dois y aller, mais n'oublies pas ce que je t'ai dit : si tu as besoin de moi, n'hésite pas.

Julian acquiesça. Il ne l'avait pas prévu, mais il se surprit à être triste de voir Leonidas partir. Il aurait aimé que son parrain – le mot lui faisait étrange – l'accompagne jusqu'au train. Il n'osa pourtant pas lui demander. Leonidas avait l'air d'être un homme occupé.

Gagné par la nervosité, Julian attrapa son sac et suivit tout le monde dehors. Sur le trottoir d'en face, des moldus passaient sans les apercevoir ni eux ni la maison. Ni la diligence. Il manqua de rentrer dans Charlotte sous le coup de la surprise. Un grand fiacre aux portes dorées, orné de fioritures alambiquées, était garé juste dans l'allée. A la place du coché, Tikky était déjà en place et tenait les rennes attelés à deux créatures. Julian cligna des yeux, perplexe. Il n'en avait jamais vu de pareilles. Elles auraient pu passé pour deux chevaux bruns ordinaires si deux grandes ailes argentées ne sortaient pas de leurs omoplates. Les plumes des ailes, épaisses et brillantes, rayonnaient sous le soleil de septembre.

- Oh... murmura Charlotte, les yeux grands comme des gallions.

- Ce sont des Ethonans, expliqua Isadora. Des cheveux ailés proches des Abraxan. Ceux-là viennent d'Irlande. Très pratique pour traverser New York. J'espère qu'aucun de vous n'a le mal de l'air ?

Julian échangea un regard avec son père et sa sœur. Ils avaient plus ou moins bien supporté le voyage en avion, mais les chevaux volants promettaient sûrement autre chose, et il détestait l'altitude. Emerveillée, Charlotte s'approcha du fiacre et fut la première à monter dedans. Elle avait pratiquement bondi sur le marchepied.

- Vous venez ? S'exclama-t-elle, tout sourire.

- Tout de suite. Théa, Archer, Julian allez. Cordelia, aide-moi à monter.

La tante Cordelia tendit son bras à Isadora et l'aida à se hisser sur la banquette. L'intérieur avait dû être agrandi par magie car ils n'étaient pas serrés les uns contre les autres. Face à son père entre la vitre et Théa, Julian jeta un coup d'œil à sa montre. Le train pour Ilvermorny partait dans tout juste quarante-cinq minutes. Brusquement, le fiacre fit une ambardée et il manqua d'être projeté en avant. Charlotte laissa échapper une exclamation ravie juste avant que le bruit des sabots ne couvre son rire et que la diligence avance vivement. La vitesse redoubla et Julian s'accrocha, le cœur battant. Le fiacre décolla du sol.

C'était une impression étrange, presque instable, mais pas désagréable. Ils montèrent toujours plus haut. Julian colla sa tête contre la vitre et vit le manoir se réduire jusqu'à ressembler à une maquette.

- Le sortilège de désillusion doit être particulièrement puissant, commenta son père, l'air impressionné.

Isadora eut un sourire fier.

- De désillusion et d'invisibilité, confirma-t-elle. Tous les deux jetés par mon beau-père Edward.

- Impressionnant. Et comment... ?

Alors que son père se lançait dans une série de questions techniques, Julian observa les autres. Charlotte jouait mécaniquement avec son collier-horloge et il se retint de lui donner une énième tape sur les doigts. Archer regardait dans le vide, pensif, tandis que Théa s'amusait à nouer et à dénouer un ruban rouge autour de son poignet. En sentant son regard sur elle, elle releva les yeux et s'arrêta nette. Elle lui décocha une œillade assassine pour faire bonne mesure et Julian détourna la tête le premier. Il n'oubliait pas ce qu'il avait appris dans le livre généalogique, mais son réservoir de sympathie pour sa cousine commençait sérieusement à baisser. La plus à gauche, Cordelia était dissimulée derrière un journal, les mains si crispées qu'elle en perçait presque le papier. Le titre s'étalait en gras : La Revue du Nouveau Monde. Julian se décala sans bruit pour mieux lire.

A la une, la revue titrait « l'affaire Emilia Cooper » avec la photo d'une jeune fille blonde au visage allongé et à la bouche fine qui s'étalait sur presque toute la page. Les mots « toujours disparue » se déployaient toutes les cinq secondes au niveau de ses yeux. Juste en dessous, un encadré plus foncé indiquait « Ronan Graves en cavale : les Aurors impuissants ». Sur la dernière page, une simple publicité colorée vantait les mérites d'une nouvelle balle de Quodpot « encore plus explosive ! ».

Julian allait demander des informations sur les nouvelles en une lorsque Cordelia froissa brusquement le journal et le laissa tomber à ses pieds, les ailes du nez frémissantes de colère. Julian ravala ses questions. Il avait assez vu le professeur McGonagall dans cet état face à une blague des Maraudeurs pour savoir qu'il valait mieux garder le silence. Personne n'osa d'ailleurs émettre la moindre réflexion et seule Charlotte laissa échapper une exclamation de surprise.

Leur voyage dans les airs ne dura de toute façon pas longtemps. Le fiacre amorça sa descende une fois la gare en vue et se posa en plein milieu de New York sans qu'aucun passant ne se retourne sur son passage. Isadora avait raison, les sortilèges devaient être d'une puissance incroyable. Ils descendirent tous et laissèrent Tikky s'occuper des chevaux ailés avant de s'engouffrer dans Grand Central, non sans avoir jeté un sort de camouflage aux cages de Zéphyr et Borée, les deux hiboux de Théa et Archer. Dès ses premiers pas, Julian se retint de s'arrêter pour tout détailler du regard. Le bâtiment en lui-même était une merveille d'architecture et le hall était immense, quoique envahi par les voyageurs. Au fond du hall, trois immenses fenêtres industrielles en verre perçaient le mur et éclairaient le terminal. Le plafond, d'un vert bouteille, était démesurément haut tandis que l'éclairage des lampes jetaient une lumière dorée sur tout l'espace. Ronde et fière, l'horloge principale dominait les voyageurs et brillait de loin. Elle indiquait midi et demi passé.

Un peu devant eux, un homme en robe de sorcier fendait la foule avec une toute jeune fille qui traînait sa lourde malle, son hibou sur l'épaule. Plusieurs personnes en costard se retournèrent sur leur passage. Isadora claqua sa canne contre le sol, agacée.

- Des inconscients, maugréa-t-elle. Le MACUSA va devoir sévir à cause de gens comme ça !

Même si Julian voyait le problème, ce genre de scène était devenue un amusement le jour de rentrée à Poudlard et les quelques étourdis qui oubliaient de se vêtir « à la moldu » ne recevaient qu'un regard désapprobateur mêlé d'amusement avant que les Oubliators arrivent pour faire leur travail. C'était un peu le folklore du premier septembre. A l'évidence, les Etats-Unis étaient plus stricts avec le secret magique et ne trouvaient pas les tenues de cette famille folkloriques.

- Allons, soyons discrets, somma Isadora. Par ici.

Ils commencèrent à s'éloigner de la foule et se dirigèrent vers un passage qui devait mener vers un hall secondaire. En plein milieu, une grille ancienne en fer forgée, celle qui fermait autrefois les ascenseurs, courrait sur un pan de mur dissimulé dans l'ombre. Appuyé contre ce dernier juste à côté, un homme imposant engoncé dans un costume de portier aux épaulettes en or scrutait la foule. Il se redressa immédiatement en les voyant.

- Mr Clavis, salua Isadora. Ravie de vous revoir.

- Oh appelez-moi Otis, Mrs Grims, j'insiste depuis des années ! Le plaisir est toujours pour moi. Oh et Mrs Cordelia, vous êtes là... Bonjour !

Otis Clavis adressa un sourire rayonnant et gêné à sa tante et Julian retint une grimace en la voyant garder son masque de glace. Le gardien de porte était un homme au visage rond et rubicond avec des petits yeux enfoncés à l'air profondément gentil et il eut de la peine pour lui de s'être visiblement entiché de la tante Cordelia.

- Bonjour Otis, lâcha-t-elle du bout des lèvres.

- Oh et les enfants ! Continua-t-il, nullement perturbé. Archer, vous avez grandi. Et vous Théodora, aussi belle que votre maman.

Il ponctua sa remarque d'un nouveau sourire bienveillant que ses cousins lui rendirent, impatients. Otis Clavis parut soudain les remarquer, lui, Charlotte et son père, et il pencha la tête, interloqué.

- Ah tiens, dit-il, de nouveaux visages ? Je connais tous les élèves depuis qu'ils sont grands comme ça (il indiqua une hauteur au niveau de son ventre bedonnant) et pourtant vous ne me dites rien !

- Ils sont avec nous, Mr Clavis, assura Isadora. Je vous présente mes petits-enfants, Julian et Charlotte. Et mon gendre, Ethan.

Otis cligna des yeux, interloqué. Il ne comprenait apparemment pas.

- Les enfants d'Aurélia... finit par préciser Cordelia, agacée.

- Les enfants de... Oh ! (Son visage s'éclaira). Mais bien sûr ! Excusez-moi, je ne m'attendais pas... Ah formidable, formidable ! Vous allez voir, Ilvermorny est la meilleure école du monde ! Vous allez adoré !

Un nouvel élan de patriotisme s'empara de Julian, mais il était trop poli pour contredire le gardien de porte. Trop occupée à se dévisser le cou pour voir au-delà de la grille en fer, Charlotte ne releva même pas. Otis intercepta d'ailleurs son regard et sourit encore davantage.

- Curieuse hum ? Chantonna-t-il. Venez, c'est par ici.

Il leur tourna le dos puis plongea la main de sa poche pour en ressortir une grosse clé en bronze accrochée à un anneau. Il l'inséra dans la serrure qui émit un « clic » léger avant que la grille ne coulisse toute seule, révélant une cabine d'ascenseur dont le plafonnier s'alluma soudain, comme si elle venait d'avoir une idée brillante. Les murs étaient nus, aucun bouton ni levier n'y trouvait. Bouche-bée, Julian dut se faire pousser par Archer pour avancer.

Dès qu'ils furent tous entassés dans la cabine dont les murs s'étaient élargis au fur et à mesure qu'ils montaient tous, Otis Clavis referma la grille. A travers les barreaux, il leur adressa un signe de la main.

- Bon voyage les Grims !

Et la cabine s'ébranla, entamant sa descente. Avant que le sol ne les avale, Julian vit Otis accueillir une nouvelle famille, tout sourire. Il réprima l'envie de faire remonter l'ascenseur dès que la lumière de la surface disparut. Il n'était pas particulièrement claustrophobe, mais il n'arrivait pas à se débarrasser d'un certain sentiment d'étouffement. Heureusement, la descente ne dura pas longtemps et les grilles s'ouvrirent à nouveau dans un « ding » sonore.

- Le Sous-Quai ! Annonça une voix féminine depuis le plafond.

Charlotte laissa échapper un cri de surprise et Archer ricana.

- Quoi ? Vous n'avez pas ça chez les Buveurs de Thé ?

Julian se sentit personnellement insulté en songeant à la boîte de thé que Matthew lui avait offert dans sa valise. Charlotte redressa le menton, fière.

- Non, notre quai n'est pas caché sous terre comme un trou à rat, rétorqua-t-elle.

- Charly ! S'étrangla leur père. Voyons !

- Juste retour, approuva Isadora à la surprise générale. Archer, si tu arrêtais de te moquer d'elle un peu. J'aimerais te voir foncer dans un mur sans tressaillir.

- Ils foncent dans un mur ? S'exclama Théa, incrédule.

- A toute vitesse, renchérit Charlotte avec fierté. On y va, grand-mère ?

Et sans accorder plus d'attention à leurs cousins, elle se dirigea vers le quai. Isadora, surprise de se voir appelée de la sorte, mit une seconde à lui emboîter le pas mais la suivit néanmoins et Julian cacha son rire derrière une quinte de toux feinte.

Le Sous-Quai était apparemment un quai désaffecté caché sous les fondations de Grand Central et Julian admira l'état de conservation de la structure métallique qui surmontait ce lieu caché. Plus que tout, il dût reconnaître la beauté du train qui patientait, garé le long du quai bondé. La locomotive, légèrement arrondie et sans cheminée, était plus moderne que celle du Poudlard Express. De couleur bleu nuit, un ruban de peinture rouge cramoisie partait de part et d'autre de la vitre conducteur pour venir courir le long des flans du train. Le toit en métal argenté scintillait sous la lumière des lampes à huile. D'une certaine manière, le train ressemblait à un van Volkswagen près à traverser le pays, les fleurs du summer of love en moins, le prestige éducatif en plus.

- Je vais rejoindre les Représentants et l'autre Président des élèves, annonça Archer d'un air important. A Noël ! Dites à mes parents que j'écrirai.

Il parut vouloir ajouter quelque chose au sujet de ses parents, toujours en voyage d'affaire pour la rentrée de leur fils, mais il renonça et s'engouffra dans le premier wagon. Théa attrapa la cage de son hibou et s'empressa de limiter.

- Je vais retrouver Othilia, dit-elle. On se revoit pour les vacances, mamie. Maman...

Comme Archer, elle faillit ajouter quelque chose, mais se contenta de poser brièvement sa main sur le bras de sa mère avant de se hisser sur le marchepied.

- Celle la alors, maugréa Isadora. Elle aurait au moins pu rester avec vous...

- On va se débrouiller, rassura Julian, même s'il se sentait un peu perdu. Suffit de monter dans le train, pas vrai ?

- Vu sous cet angle. Un pragmatique, ce garçon !

Son père sourit.

- Un vrai Serdaigle, dit-il, fier.

- Je n'en doute pas. Mais allons, il est temps pour vous d'y aller.

- Quoi ? Dit Charlotte. Mais vous venez juste... On ne peut pas rester jusqu'à ce que le train parte ?

- Morgane non ! S'exclama tante Cordelia. On ne peut pas rester sur le Sous-Quai trop longtemps, nous devons repartir.

Julian haussa un sourcil, perplexe.

- Mais... Pourquoi ? S'étonna son père, pris au dépourvu.

- Voyons, Ethan, il en va du secret magique, expliqua Isadora. Le MACUSA l'a imposé aux familles pour éviter que nous ressortions tous du Sous-Quai en même temps. Cela attirait trop l'attention des Non-Maj'. Les familles n'ont le droit qu'à dix minutes avant de remonter sous peine d'une amende de cinquante Dragots.

Julian regarda son père, sidéré. Il n'avait pas réalisé que la législation autour du secret magique était si stricte aux Etats-Unis. Un long silence s'étira entre eux et ils savaient tous que le moment de la séparation était imminent. Julian ressentit la même appréhension qui le rongeait depuis plusieurs jours revenir en force.

- Bon, je suppose que c'est là qu'on se dit au revoir ? Souffla finalement son père. J'essayerai de vous écrire, promis.

Les yeux soudain humides, Charlotte se jeta sur lui pour l'enlacer avec force. Il referma ses bras sur elle maladroitement.

- Ne pleure pas, Charly. Tout va bien se passer, tu vas adorer Ilvermorny j'en suis sûr...

- Mais toi... ?

- Tu as vu la maison. Je ne manquerai de rien, ne t'inquiète pas. Tu dois te concentrer sur ton travail, tes devoirs... Ton frère sera là avec toi.

En retrait, Julian hocha la tête. Il espérait que Leonidas garderait sa promesse et s'occuperait de son père. Il n'était pas sûr que, même avec toute sa bonne volonté, il réussisse à supporter la solitude et à garder contact avec le monde extérieur.

- Nous nous reverrons à noël, assura Isadora avec une certaine émotion. Et ça sera l'occasion de mieux se connaître.

- Merci encore pour l'accueil...

- Oh Julian... Vraiment, c'était un devoir de famille. Maintenant montez, allez.

D'une main gantée de dentelle, elle caressa la joue de Charlotte une seconde avant de se détourner. Julian empoigna sa valise et monta dans le train. Il se retourna une dernière fois pour sourire à son père qui lui fit un signe de la main avant de redresser ses lunettes à monture écaille, geste si familier chez lui. La tante Cordelia se contenta d'incliner la tête sans les quitter du regard jusqu'à ce qu'ils s'avancent dans le couloir et ne les perde de vue.

- Ju'... murmura Charlotte dans son dos.

- Je sais, Lottie, je sais. Mais on ne peut pas rester sur le quai, t'as entendu. Allez, viens.

Décidé, il s'engouffra dans le long couloir. Le train était plus grand à l'intérieur qu'à l'extérieur et l'allée centrale donnait sur de vastes compartiments de part et d'autre. Julian jetait des rapides coups d'œil à ceux dont les portes étaient ouvertes mais des groupes de plusieurs élèves s'y trouvaient déjà et il continua donc à avancer.

Ils remontèrent l'allée ainsi quelques minutes, passant de wagon en wagon, lorsque le train s'ébranla soudain. Charlotte se raccrocha à son épaule pour ne pas perdre l'équilibre. Ils s'arrêtèrent une seconde pour regarder le Sous-Quai défiler, puis le train entra dans un tunnel et ce fut le noir complet.

Julian allait se remettre en marche, mais la porte sur sa droite s'ouvrit brusquement et une fille manqua de le percuter en voulant sortir. Il leva les bras instinctivement pour la maintenir à distance avant qu'elle ne lui rentre dedans et elle trébucha contre lui, emportée par son élan.

- Oh désolée ! Désolée ! S'excusa-t-elle. Je voulais... je ne t'avais pas vu...

- Pas grave, c'est moi...

Elle recula d'un pas.

- Tu es perdu, dit-elle avec assurance.

Ce n'était même pas une question. Je dois vraiment avoir l'air paumé, songea-t-il, dépité.

- Pas vraiment... Je cherche juste une place, enfin on cherche un compartiment avec ma sœur...

- Oh il doit en rester au fond du train. Un ami m'en a gardé un sinon, le temps de la réunion des Représentants. Si vous voulez venir avec nous... ?

Elle laissa sa question en suspens, sourire aux lèvres. Julian n'aurait pas pu deviner lequel, mais la fille avait un accent qui n'était définitivement pas américain, et de se dire qu'elle était aussi étrangère que lui le réconforta étrangement. Avec ses cheveux roux ébouriffés et son visage constellé de tâches de rousseur, elle aurait pu passer pour une Irlandaise, mais il aurait reconnu son accent si c'était le cas.

- Avec plaisir ! Répondit Charlotte derrière lui. J'en ai marre de traîner ma valise.

- Je comprends. Venez avec moi.

Elle passa devant eux et se mit à avancer, les bras légèrement écartés pour éviter de tanguer.

- Je m'appelle Aileen, lança-t-elle par-dessus son épaule. Aileen McCallum, Représentante des élèves de sixième année chez les Puck. Je suis là pour aider les autres si on veut. Comme ceux qui sont perdus ! D'habitude, j'aide plus les Juniors mais... vous êtes nouveaux aussi, non ? Ou alors vous êtes les élèves les plus discrets de toute l'école et je vous loupe depuis cinq ans !

- Non, non, on est nouveaux. On vient d'Angleterre. Poudlard.

- Oh ! Génial ! J'aimerais tellement voyager aussi, aller voir une autre école. Bon peut-être pas l'Angleterre en ce moment...

Elle grimaça.

- En tout cas, c'est vraiment génial, répéta-t-elle. On a quelques étrangers mais c'est parce que Ilvermorny peut accueillir des élèves d'autres pays d'Amérique du Nord.

- Comme toi ? Tenta-t-il.

Aileen se mit à rire et passa dans un autre wagon.

- Je suis repérée... C'est l'accent, c'est ça ?

- Complètement, confirma Charlotte.

- Bien joué. Oui, je suis canadienne. Je viens de Montréal.

- Et tu dois venir à Ilvermorny ? S'étonna Julian. Vous n'avez pas d'école au Canada ?

A peine les mots eurent-ils quitter sa bouche qu'il se rendit compte qu'ils pouvaient paraitre offensants, mais Aileen ne sembla pas y accorder d'importance.

- On en a une, répondit-elle, mais elle n'est pas homologuée parmi les onze écoles magiques reconnues par le Conseil Mondial de la Magie donc le diplôme canadien n'est pas valable partout. Mes parents ont préféré m'envoyer à Ilvermorny.

- Oh... J'avais jamais réfléchi à ça... avoua Charlotte.

- Crois-moi, tu n'es pas la seule. La plupart des élèves américains n'en ont même pas conscience. Ilvermorny accepte peu de candidatures étrangères, il faut avoir un bon dossier, mais on est une centaine d'élèves à venir du Mexique ou du Canada. On en a même un du Groenland et une de Cuba ! Une vraie galère pour la faire venir chaque année, le pays est fermé de partout.

Julian connaissait peu le contexte actuel de Cuba mais il hocha tout de même la tête. Dans un mouvement de cheveux roux, Aileen s'arrêta brusquement devant un compartiment. De profil, Julian remarqua qu'elle avait une silhouette dégingandée et menue.

- C'est là ! Annonça-t-elle. Entrez.

Elle s'effaça pour les laisser passer. A l'intérieur, un garçon châtain et athlétique était assis sur la banquette de gauche, la tête à moitié passée par la fenêtre et une cigarette à la main. Il s'empressa de souffler la fumée et de jeter le mégot en les voyant, mais Aileen l'avait vu.

- Liam !

- Pardon, pardon, regarde j'ai terminé. Hop, plus rien !

- Je devrais t'enlever des points ou te mettre une retenue, rétorqua-t-elle en fronçant le nez à cause de l'odeur qui persistait. Je dois te le répéter combien de fois : pas dans le train, pas dans le château, pas dans le parc ! Pas dans le cadre scolaire donc !

- Tu sais que quand tu t'énerves, ton accent ressort ?

- Liam !

Elle lui donna une tape sur le bras et referma la fenêtre d'un coup sec.

- T'as ramené du monde ? Observa-t-il, sûrement pour détourner l'attention de son entorse au règlement.

- Oui... Je te présente des nouveaux, ils viennent d'Angleterre.

- Non ? S'exclama Liam. Sérieux ? Je suis le seul à parler normalement ici alors ?

Aileen leva les yeux au ciel.

- La langue anglaise dépasse les Etats-Unis. Elle dépasse même ton petit état de l'Oregon.

- Et on est l'anglais originel, ajouta Charlotte avec un rictus.

Julian sourit en montant leurs valises dans le filet au-dessus des banquettes.

- Je capitule, reconnut Liam. Et l'accent anglais est quand même mieux que celui canad...

- Ne termine pas cette phrase, menaça Aileen.

- Oui madame.

Ils rirent tous les deux. Liam se tourna vers eux et les invita à s'assoir en face. Il avait des cheveux châtains qui partaient dans tous les sens, un nez pointu et des traits moqueurs.

- Désolé les Anglais, j'ai oublié vos prénoms...

- Oh je n'ai même pas demandé ! Dit Aileen. Pardon...

- Y'a pas de mal, rassura-t-il. Je suis Julian, et c'est ma sœur, Charlotte.

- Charly !

- Oui, oui, Charly.

- Shelton, ajouta-elle.

- C'est ça.

Aileen et Liam échangèrent un regard amusé.

- Donc si je comprends bien, c'est votre premier jour à Ilvermorny ? Dit Liam. Il faut immortaliser ça !

Il se pencha pour fouiller dans un sac besace à ses pieds. Il en sortit un journal, Le Fantôme de New York où le slogan se détachait nettement – « Les Dépêches Enchantées pour le Sorcier Américain » – et un polaroïd blanc et rouge qu'il brandit fièrement. Aileen l'examina.

- Pas mal, apprécia-t-elle. Une nouvelle acquisition ?

- Cadeau de mes parents. Il est sorcier, les photos pourront bouger cette année !

- Oh, quel progrès.

- Attention, prenez la pause ! Dites « Morgane ! ».

Julian n'eut pas le temps de comprendre que le flash de l'appareil l'aveugla momentanément. Il cligna des yeux, surpris, pendant que Liam récupérait la photo qui venait de sortir. Il se mit à la secouer.

- A la fin de l'année, vous verrez vos têtes de perdus tous les deux, et vous en rirez ! Affirma-t-il.

- Liam...

- Quoi ? C'est toi la Représentante bienveillante, moi je suis là pour créer des souvenirs.

- Tu veux dire que tu prends toujours tout en photo ? Demanda Charlotte, intriguée.

- Souvent on va dire, oui. Je suis le photographe attitré d'Aileen.

Julian fronça les sourcils.

- Il plaisante, s'empressa d'expliquer la rousse. Je suis responsable du journal de l'école, enfin du club de journalisme qui gère le journal d'Ilvermorny. Et Liam est notre photographe. Faut bien illustrer les articles.

- Un club de journalisme ? Répéta Charlotte. C'est génial ! Il y en a d'autres ? Des clubs ?

- Plein ! La journée de recrutement est demain, juste avant le début des cours. Tu pourras voir ce qui te plaît.

Comme si sa sœur avait besoin de réfléchir... Il était persuadé qu'elle choisirait le moindre club en rapport avec un sport sur balai. Un instant, il se demanda ce qu'il allait-lui-même pendre. Déjà, les balais étaient exclus. Il tenait à ses os. En y réfléchissant, le club de journalisme pouvait être une option. Aileen avait l'air sympathique et même si Liam semblait un peu exubérant il était de bonne compagnie jusqu'ici.

Il s'apprêtait à leur demander des précisions lorsque la porte du compartiment coulissa. Dans l'encadrement se trouvaient Théa avec une fille blonde au carré le plus parfait qu'il eut jamais vu et un garçon aux boucles noires. Il y eut un moment de flottement étrange puis Liam se râcla la gorge.

- Tiens, la clique royale. Quel honneur !

Son ton dégoulinait de sarcasme.

- Je savais qu'on n'aurait pas dû venir, soupira aussitôt la fille blonde en secouant la tête. Viens Noah...

Elle lui prit la main et voulu le tirer derrière elle, mais il ne bougea pas. Ses yeux bleus-gris étaient fixés sur Liam, désinvoltes et alertes à la fois. Julian se concentra sur lui plus attentivement. Son attitude se détachait par rapport aux deux filles. Il n'avait visiblement aucune envie de partir et se tenait appuyé contre le battant de la porte.

- La clique royale, hum ? Répéta-t-il. Qu'est-ce que ça fait de toi ? Le roturier ?

- Le fou du roi, riposta Liam.

- Du roi ou de la reine ?

Il désigna Aileen d'un coup de menton.

- Arrête avec ta métaphore, Noah. Qu'est-ce que vous vouliez tous les trois ?

L'expression de Noah se fit plus sérieuse.

- Je voulais juste... Enfin, j'ai vu le journal ce matin. Je voulais juste te dire moi-même que j'étais désolé pour Emilia.

Le visage de Liam se vida de ses couleurs et Aileen se tendit. Au fond de son esprit, Julian se demanda pourquoi le prénom « Emilia » lui disait quelque chose. Ce fut le mot « journal » qui lui ramena l'image en tête : celle de tante Cordelia, les mains crispées autour de la Revue du Nouveau Monde dans la calèche lors de leur voyage jusqu'à Grand Central. Le visage allongé d'une jeune fille à la bouche fine se trouvait en une avec le titre « l'affaire Emilia Cooper ».

- Merci... Maintenant que tu l'as dit, vous pouvez y aller non ?

- Excuse-nous pour notre compassion.

- Parce que t'arrives à éprouver des émotions, Othilia ?

Théa émit un claquement de langue agacé.

- Bon venez, on y va. Julian, Charly, je vous laisse avec les journalistes en herbe ?

- Euh oui... oui...

- Parfait !

Et sur ces mots, elle referma la porte du compartiment avec force. Julian croisa le regard de Charlotte, indécis. Il ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Nerveusement, Aileen jouait avec la sangle du polaroïd sur ses genoux tandis que Liam s'était remis à regarder par la fenêtre, les dents serrées.

- Pourquoi... commença maladroitement sa sœur. Enfin, c'étaient qui ?

- Des idiots prétentieux.

- Liam...

- Quoi ? C'est vrai, non ?

- Non, dit fermement Aileen. Désolée, ça a dû vous sembler étrange. Ce n'est pas qu'on ne les aime pas, c'est juste... Ils sont un peu différents de nous. Othilia est la fille du prof de potion, sang-pur riche et un peu aristocrate si vous voyez le genre. Théa est dans la même veine. Mais... Vous la connaissez ?

Julian hésita une seconde à révéler la vérité, mais il ne voyait pas vraiment comment pourvoir cacher son lien de parenté avec Théa.

- C'est notre cousine, avoua-t-il. On vient de la rencontrer, en fait. C'est une histoire compliquée, disons juste que notre mère est sa tante maternelle.

La nouvelle fit son effet. Les sourcils d'Aileen s'envolèrent et l'expression de Liam se fit étonnée. Il siffla.

- La reine des glaces est votre cousine ?

- Oh arrête de l'appeler comme ça !

- Tant qu'elle détestera, je le ferai.

- Peu importe... Et Noah... Lui, c'est plus compliqué. On était amis avec lui en première année, même s'il avait un an de plus que nous. Genre vraiment amis, toujours ensemble. On était tous au club du journal. Et puis, il a eu un... incident personnel. Il a dû redoublé. Ça aurait dû nous rapprocher, on était d'un coup dans la même année, mais ça ne s'est pas passé comme ça. Il s'est éloigné, il s'est refermé sur lui-même. Il a rencontré Othilia et il s'est mis à sortir avec elle en troisième année. Il ne nous adresse plus la parole.

- C'est bizarre, commenta Charlotte, désapprobatrice.

- Je sais, crois-moi. Mais c'est comme ça. Liam ne le digère pas très bien.

- N'importe quoi, grommela-t-il. Il peut bien faire ce qu'il veut. C'est juste une famille de timbrés, tout le monde le sait.

- Ne dis pas ça, protesta Aileen. Sa tante a toujours été gentille avec nous.

- Mais sa mère...

- Liam, ce n'est pas à nous d'en parler.

Mal à l'aise, Julian observa Liam tenter de lutter contre le ton sévère d'Aileen avant d'abandonner, vaincu. Pourtant, il aurait aimé en savoir plus. Il n'avait entraperçu Noah qu'une minute et il l'avait intrigué. Il n'avait pas été déstabilisé un instant, il avait gardé une expression neutre... Une véritable énigme impossible à lire.

- Et... ils parlaient de quoi ? En disant qu'ils étaient désolés pour Emilia ?

A nouveau, Liam se rembrunit. Il sortit une cigarette de la poche de sa veste et l'alluma du bout de sa baguette sans qu'Aileen ne l'arrête, comme si elle acceptait de lui en concéder une. Il tira une bouffée avant de répondre :

- Emilia a disparu depuis le début de l'été.

- Elle était dans le journal, c'est ça ? Intervint Julian.

- Ouais... Sa tête est sur tous les tracts, sur tous les avis de recherche, sur tous les journaux. Impossible de la louper. « L'affaire Emilia Cooper » qu'ils ont dit les médias ! Les abrutis...

- Ils vont la retrouver, Liam... Les Aurors la recherchent...

- Ils la recherchent depuis deux mois, tu parles. Aucun résultat.

Il soupira, tête baissée.

- C'est ma sœur, leur dit-il finalement d'une voix étouffée par l'émotion. Ma grande sœur. Elle aurait dû entrer en senior cette année. Avoir son diplôme...

Julian eut l'impression de sentir une pierre glacée dans son estomac. Il ressentait la détresse de Liam pour en avoir fait des cauchemars. S'il perdait sa sœur après sa mère, il ne savait pas s'il pourrait tenir bon, il ne voulait pas imaginer la douleur ressentie.

- Désolée... souffla Charlotte. Personne ne sait ce qui s'est passé... ?

- Non... Elle était partie en ville le soir du 4 juillet pour voir les feux d'artifice. Elle ne rentrait pas, mais on ne s'est pas inquiétés avec mes parents, elle devait profiter de la soirée et faire la fête. Elle ne sortait pas souvent, alors ils n'avaient rien dit pour une fois. Mais le lendemain matin, elle n'était toujours pas revenue. On a prévenu la police... C'est comme les Aurors mais version Non Maj', mes parents ne sont pas sorciers. (Il hésita une seconde avant d'ajouter). D'ailleurs, Emilia n'est pas ma sœur biologique.

Il porta à nouveau sa cigarette à ses lèvres avant de continuer son récit :

- Mes parents sont des gens normaux, vraiment. Ils voulaient des enfants, mais avaient du mal à en avoir. Et puis l'enfant prodige est arrivé ! (Il se désigna lui-même, ironique). J'étais déjà parfait, bien sûr, mais allez savoir pourquoi ils en voulaient un deuxième. Sauf que cette-fois, ça n'a pas fonctionné. Et moi je grandissais, je grandissais... mais des choses étranges commençaient à arriver. J'avais des manifestations de magie précoces, le MACUSA a dû prévenir mes parents de ma vraie nature pour éviter de risquer le secret magique : ils prennent ça assez au sérieux. Là, ils ont eu une opportunité, celle d'adopter un enfant sorcier. Maintenant qu'ils étaient au courant du secret, ça ne posait pas de problème, et les démarches dans le monde magique sont moins longues que chez les Non Maj'. L'enfant adopté se retrouverait dans une famille avec un enfant comme lui. C'était bénéfique pour tout le monde ! Emilia est arrivée chez nous à neuf ans, j'en avais sept. Un peu renfermée au début, mais elle s'est vite habituée. Elle est devenue ma grande sœur. (Il marqua une pause, l'air hanté). Et je n'ai plus de nouvelles d'elle depuis le 5 juillet...

Il s'interrompit dans un filet de voix. Entre ses doigts, sa cigarette se consumait jusqu'au filtre. Julian ressentit encore une fois un élan de compassion envers lui. Il ouvrit la bouche sans même savoir ce qu'il allait dire, sûrement des mots creux et vides de sens, lorsque le train se mit à ralentir. A l'extérieur, le soleil descendait derrière des montagnes.

- On va arriver, annonça Aileen.

- Allez, les Anglais ! Souriez ! Bienvenu dans le Massachusetts ! Bienvenu à Ilvermorny !

Le train s'immobilisa. 

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Verdict ? J'ai fait un gros travail d'invention sur ce chapitre en imaginant la gare de Grand Central, le Sous-Quai, l'ascenceur etc... Vous avez aussi pu découvrir de nouveaux personnages, pratiquement tout ceux qui composeront l'intrigue. J'espère que vous avez aimé et on se retrouve au prochain chapitre pour - enfin - la découverte de Ilvermorny ! 

Eléments tirés du canon/Pottermore :

- Le journal Le Fantôme de New York et son slogan sont tirés de Pottermore. 

- Ilvermorny se situe dans le Massachussetts. 

Prochain poste : Chapitre 7 - Mercredi 25 novembre 


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