Chapitre 44 : Briser la roue du sort
Bonjour tout le monde ! Je suis désolée de poster si tard, je rentre tout juste de mes vacances à Lisbonne et c'était trop biiien ! J'ai été pas mal occupée à visiter et profiter donc je vous présente mes excuses car je n'ai pas trop eu le temps de répondre aux commentaires laissés la semaine dernière. Je vais essayer de rattraper ça au plus vite !
En tout cas merci pour votre soutien, on continue donc vers la fin de ce tome 1 avec cet avant-dernier chapitre normalement. Le dernier est en cours d'écriture et il devrait être prêt pour dans deux semaines ^^
Merci à Perri pour ses conseils et son soutien dans l'écriture de ce chapitre !
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Chapitre 44 : Briser la roue du sort
« Je sais pas si nous avons chacun un destin... ou si nous... si nous nous laissons porter par le hasard comme sur une brise... Mais je... je crois que c'est peut-être un peu des deux... peut-être un peu des deux arrive en même temps »
- Forrest Gump -
// 20 mai 1980 //
Emilia...
Dès que Liam aperçut sa sœur, il manqua de prononcer son nom à voix haute, comme une évocation sacrée. Il se retint de peur de la voir disparaître.
Emilia...
Elle était là, à seulement quelques pas, vêtue d'une robe de sorcière d'un bleu parme qui tirait sur le violet à cause de l'obscurité. Heureusement, ses longs cheveux blond pâle éclairaient son visage et l'entouraient d'un halo presque évanesçant.
Emilia...
Après presque un an de disparition, elle était enfin de retour... Si vivante ! Un sanglot de soulagement lui obstrua la gorge. Il l'avait imaginé morte tellement de fois. Il avait été tellement persuadé de devoir soutenir sa mère effondrée à l'enterrement de sa sœur. Et même si l'espoir avait toujours prévalu sur ses pensées morbides, elles l'avaient hanté malgré tout.
- Emilia... s'étrangla-t-il. Oh Morgane, Emy !
Les genoux douloureux, il voulut se révéler, toujours à terre après avoir versé les potions sur le pied de l'arbre aux fleurs guérisseuses d'Isolt Sayre. Ses jambes manquèrent de se dérober sous lui, ankylosées par le stress et l'émotion. Instinctivement pourtant, sa sœur tendit les mains pour le retenir, mais ce fut Aileen, plus proche, qui le fit vraiment. Elle le retint de toutes ses forces et il manqua de laisser échapper un cri de douleur quand ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau.
- Gardons nos distances, vous voulez bien, s'interposa alors Ronan Graves d'une voix qui ne soufflait aucune réplique. Emilia, viens par-là.
D'une main, il lui fit signe de le rejoindre et Emilia, toujours figée devant lui, finit par se diriger vers Ronan. Liam se força à respirer au mieux, déboussolé. Il avait encore du mal à se faire à l'idée que ce type était le père de Théa, même si les similitudes ne manquaient pas sur leur visage. De toute façon, leur parenté lui importait peu à cet instant. Seule sa sœur comptait.
- Tu vas bien ? demanda-t-il alors, une urgence dans la voix qu'il ressentait au plus profond de lui. Il ne t'a rien fait.
Emilia secoua la tête avant même qu'il ne termine sa question. Ses longues mèches claires volèrent autour de son visage.
- Non, rien... Je vais bien, Liam, je te le promets. Mais Ronan a raison, il faut qu'on brise le Rituel, vite...
Elle jeta un coup d'œil nerveux autour d'eux, scrutant le parc, et il réalisa avec un temps de retard qu'elle avait peur que des gens arrivent. Il resta figé de stupeur. Lui priait justement pour que des professeurs remarquent enfin leur présence et interrompent son tourment infernal maintenant que sa sœur était enfin dans son champ de vision. Quelque chose n'allait pas... Il fit un pas vers elle.
- Emy ?
- Arrête ! s'exclama-t-elle en une seconde, mains tendues. Reste là. (Elle lui envoya un regard implorant). Plus tard, je t'expliquerai tout plus tard.
- Mais...
- Emilia a raison, intervint Graves. Il ne reste plus qu'une étape pour briser le Rituel d'Ancrage et nous n'avons plus de temps à perde. Plus les étapes se fond de manière rapprochée, plus elles seront effectives.
Il s'était à nouveau rapproché de l'arbre dont les fleurs bruissaient sous le vent chaud. Liam se dégagea de la poigne d'Aileen. Il n'arrivait plus à se concentrer clairement, ni à se soucier du Rituel après y avoir pourtant consacré des mois. Il ne supportait pas non plus le silence des autres. Aileen et Othilia avaient juste l'air terrorisé à la limite, mais Théa s'était juste retranchée en elle-même, loin de son image de Reine des Glaces frondeuse qu'elle portait d'ordinaire. Julian, lui, était pâle après avoir fourni autant d'effort à défaire les couches de sortilèges, mais paraissait près à continuer. C'était à se demander si les accusations de Ronan Graves n'étaient pas fondées : Julian voulait se prouver à lui-même qu'il pouvait briser une magie de ce niveau. Liam voulait croire qu'il l'avait fait pour lui depuis le départ, mais il n'y croyait plus entièrement désormais. Quant à Noah... Il avait au moins le mérite d'être fidèle à lui-même. Il observait le chaos autour de lui avec un certain détachement que Liam lui enviait mais il supposait qu'il était habitué aux drames familiaux.
- Mais la dernière étape... c'est le scellement du Rituel par le sang d'Isolt, se souvint Aileen. C'est possible à briser ?
- Toute magie peut être brisée, lui répondit Ronan Graves avec suffisance. Est-ce que le prodige de votre bande a réussi à trouver comment ?
Ils se tournèrent tous vers Julian. Celui-ci ne se détourna pas, comme s'il acceptait enfin le rôle qu'ils lui avaient confié dans cette affaire.
- C'était un sortilège de Scellement qui était à l'œuvre, je l'ai défait, expliqua-t-il. Le sang servait simplement de verrou et de signature... Pour que ça soit effectif, il faut simplement redonner du sang au Contre-Rituel.
- Du sang... de n'importe qui ? souffla Othilia.
- Je ne suis pas sûr de ça... Mais non, je ne crois pas...
Il jeta un regard interrogateur vers Ronan Graves.
- Non en effet, ça a été mon erreur il y a longtemps. Le sang qui a été utilisé pour ce Rituel n'est pas n'importe quel sang. Il portait en lui la force magique d'Isolt Sayre bien sûr, mais surtout celui de sa lignée et de ses ancêtres. Serpentard et Morgane en personne.
Les deux noms, presque mythiques, roulèrent sur sa langue en un accent étrange et se suspendirent dans la nuit. Liam mit une seconde à les assimiler. Pour lui, issu d'une famille de Non-Maj', ces noms n'étaient plus que des expressions utilisées par toute la communauté sorcière ou des mentions dans ses livres d'histoire.
- Ils étaient de la même famille ? s'étonna-t-il à voix haute.
- Tu n'as rien retenu des cours de Perrot, hum ? le tacla Théa immédiatement. Isolt descendait de Morgane par son père et de Serpentard par sa mère. (Elle parut comprendre d'un coup ce qu'elle énonçait elle-même). Oh... C'est pour ça qu'il te faut le sang d'Isolt, cracha-t-elle alors en direction de son père. Il contient celui de Salazar Serpentard et tu ne peux t'emparer de sa baguette que grâce à lui.
Il ne lui fit pas l'affront d'objecter. Quelque chose brillait au fond de ses yeux sombres en se posant sur Théa et Liam ne sut pas comment l'interpréter. Que ressentait un père comme lui ? Pouvait-il même encore s'arroger ce titre ? Lui-même avait beau avoir eu des relations difficiles avec ses parents ces derniers mois, il reconnaissait qu'ils avaient été là pour lui. Le mal être de sa mère n'avait été qu'une preuve de son amour pour ses enfants. Ronan Graves avait préféré sacrifié sa famille pour une cause perdu... Il avait blessé Théa plus profondément que la froideur de sa mère ou la mort de son jumeau n'avait jamais pu le faire et Liam n'arrivait pas à ressentir une once de compassion pour cet homme.
- Mais la lignée d'Isolt s'est éteinte, objecta soudain Julian. Je l'ai étudié cette année. Sa fille Rionach a eu des enfants, mais sa descendance s'est arrêtée vers 1920... Il reste bien des branches du côtés de ses fils, mais Chadwick et Webster avaient été adoptés. Ils n'ont pas son sang...
Ronan Graves eut un rictus supérieur.
- Et c'est là que tu fais la même erreur que tout le monde, dit-il. Pourtant, j'aurais cru que vous aviez compris. Où avez-vous eu toutes vos informations sur le Rituel d'Ancrage après tout ?
Aileen laissa échapper une exclamation la première.
- Martha... la sœur jumelle de Rionach, l'autre fille d'Isolt...
- Mais elle était Cracmol ? protesta Othilia.
Contre toute attente, et alors qu'elle était restée silencieuse jusqu'ici, ce fut Emilia qui se chargea de lui répondre avec un certains empressement mêlé de solennité :
- Ca n'empêche pas de transmettre le don magique, souligna-t-elle en relevant le menton, la voix claire. Les historiens se sont détournés d'elle, on a fini par perdre sa trace au fil des siècles... Alors qu'elle faisait autant partie de l'héritage d'Ilvermorny que les autres enfants d'Isolt.
Liam sentit une sorte de bourdonnement commença à résonner à l'arrière de son crâne. Quelque chose dans les paroles de sa sœur faisait écho à son drôle de comportement, à l'attitude de Ronan, à la baguette enfouie sous leurs pieds... Il n'arrivait juste pas à faire le lien.
- Et où est-ce qu'on va trouver le sang de Martha alors ? interrogea-t-il à voix haute. C'était pas dans les instructions qu'on avait reçues, on n'a pas prévu ça...
Pendant une seconde, il contempla les fioles de potions vides qui gisaient à terre et la baguette de Julian, toujours crispée dans sa main. Ils avaient respecté chaque étage, mais il leur manquait visiblement la dernière. Si Ronan Graves décidait de tout annuler et de remmener Emilia pour ça, il ne savait pas s'il arriverait à supporter à nouveau son absence. Derrière lui, Noah émit un drôle de raclement de gorge, loin de sa défiance ou de moquerie habituelle, et il se tourna dans sa direction.
- Liam... marmonna-t-il alors, tendu. S'il ne l'a pas demandé dans les instructions, c'est qu'il l'avait déjà.
L'affirmation paraissait tellement évidente pour lui et Liam fronça les sourcils. Il chercha le regard d'Aileen en soutien, mais elle aussi avait l'air de comprendre. Son cœur s'accéléra. Autour de lui, il se rendit compte qu'aucun de ses amis n'osaient affronter son regard, et il se décida à se reconcentrer sur sa sœur. Son expression acheva de faire le lien entre toutes les idées qui se bousculaient dans sa tête.
- Toi ? articula-t-il alors difficilement, la gorge serrée. Tu es... enfin tu... ton sang... ?
Chaque mot trébuchait sur le suivant, incapable de s'enchaîner pour former une vraie phrase et Emilia parut compatir un instant avant qu'une lueur de fierté ne s'allume dans ses yeux clairs.
- Ronan a raison. Martha Stewards a été privée de son héritage et de son histoire pendant trop longtemps. J'ai été privée de mon histoire pendant trop longtemps. Quand il est enfin venu me trouver pour m'expliquer qui j'étais... Morgane, Liam, tout faisait sens !
- Sens ? Mais... ?
Il ne comprenait plus rien. Depuis mois, il imaginait sa sœur retenue par un psychopathe ou un tueur en série comme il en avait tant vu dans les films d'horreur qui passaient dans le petit cinéma de leur ville perdue au fin fond de l'Oregon. Là, toutes les cartes étaient rabattues et il avait peur de comprendre ce que ça signifiait.
- Attends, tu le connaissais... Avant le 4 juillet... ?
Sa voix se brisa au moment où l'expression d'Emilia vacilla une seconde. Son euphorie céda la place à la culpabilité, mais Ronan Graves intervint :
- Ne la blâme pas. Je n'ai fait que lui ouvrir une nouvelle voie qu'elle a souhaité emprunté. Ensemble, nous pouvons enfin nous réapproprier la baguette perdue de Salazar Serpentard. Rien de plus.
- Oh arrête, réagit Théa avec véhémence. Il y a une raison pour laquelle cette baguette est enterrée. Julian n'est pas le seul à avoir un livre d'histoire. Cette baguette n'a fait qu'attirer les convoitises, elle s'éveille avec la magie noire !
- La magie noire ? C'est ce que tu penses, Théodora ? C'est ce que tes manuels d'histoire t'ont fait croire ?
- C'est la réalité ! Il faut parler fourchelangue pour l'activer !
- Et alors c'est forcément mal pour toi ?
- Venant de toi, oui !
Liam fut reconnaissant à Théa de crier sa colère. Elle criait un peu la sienne, celle bloquée désespérément en lui tant il avait l'impression de perdre pied. Il se souvenait qu'il n'avait pas compris Julian lors du Bal des Fantômes quand il s'était mis à faire une espèce de crise de panique à l'idée de revoir sa mère. Là, c'était presque pire... Sa sœur était bien là, vivante, comme il l'avait espéré et pourtant un mur aurait très bien pu se trouver entre eux tant les questions bourdonnaient dans sa tête. Rien ne faisait sens. Les fragments d'informations que Ronan Graves révélait étaient à l'image de ce qu'il faisait depuis le début : il jouait avec lui en ne lui donnant rien de concret, juste assez pour l'empêcher de se noyer alors qu'il était en train de couler.
- Je veux parler à ma sœur, s'entendit-il soudain dire d'une voix rauque, presque lointaine. Seul à seule.
- Certainement pas, le Rituel ne peut...
- Il va attendre. Vous allez tous attendre parce que je veux parler à ma sœur.
Il plongea ses yeux dans ceux d'Emilia, écarquillés et si claires.
- Emy, s'il te plaît...
Elle tressaillit au surnom. Ce n'était la première fois qu'il l'employait depuis qu'elle était arrivée, mais cette fois-ci ce son venu de leur enfance parut l'atteindre vraiment. Elle se tourna vers Ronan.
- Quelques minutes, pas plus, souffla-t-elle. Je lui dois bien ça...
- Emilia...
- Je veux qu'il comprenne.
Et sans lui laisser le temps de la retenir, elle franchit enfin la distance entre eux. Liam sentit tous ses muscles se tendre, traversé par la brusque envie de se jeter dans ses bras – de la sentir vivante – mais Emilia se contenta de le dépasser. Elle fit quelques pas pour s'isoler du groupe et il resta encore immobile quelques secondes avant qu'Aileen ne le sorte de sa torpeur.
- Liam... souffla-t-elle. Vas-y.
Sa voix le tira de sa léthargie. Aileen avait toujours été à ses côtés, comme une sorte de deuxième sœur, et il lui jeta une œillade reconnaissante avant de rejoindre Emilia. Face à face, il pouvait mieux la distinguer dans l'obscurité. C'était affolant de voir à quel point elle n'avait pas changé physiquement, mais que tout chez elle semblait différent. Elle irradiait une confiance différente.
- Explique-moi, supplia-t-il avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche. Emy, explique-moi parce que je suis complètement paumé...
Il détestait se sentir aussi vulnérable, mais il supposait que les choses étaient trop déstabilisantes pour qu'il arrive à maintenir une façade plus présentable. Morgane, il aurait voulu avoir une cigarette dans les mains, là toute de suite.
- C'est compliqué... commença-t-elle alors. Je ne voulais pas que tu apprennes les choses comme ça, tout s'est un peu emballé ce soir...
- Alors reprends depuis le début, non ?
Emilia parut agacée d'être coupée, mais c'était une expression de grande sœur qu'il lui connaissait bien.
- Comment tu connais ce type déjà ? grommela-t-il en donnant un coup de menton vers Ronan Graves qui les surveillait d'un regard perçant.
- Ce « type » comme tu dis m'a aidé, lui rétorqua Emilia d'un ton dur. Il est venu me trouver l'année dernière fin mai. Il venait d'être libéré de prison.
- Et tu sais pourquoi il y était de base justement ? Morgane, il avait tenté de faire évader Grindelwald !
- Pour sauver son fils. Parce qu'il était persuadé que si les sorciers ne se réfrénaient pas eux-mêmes sur la magie, on aurait peut-être encore plus avancé pour inventer de nouvelles choses, des nouveaux sorts, des nouvelles pratiques médicales. Des choses qui auraient pu sauver le fils de Ronan.
Liam cligna des yeux, perturbé.
- Et alors ? lâcha-t-il sans filtre. Désolé, au risque de paraître insensible, en quoi ça nous concerne ? Je veux dire, on n'est pas responsable de l'avancement ou non du monde magique, non ?
- Non, mais les gouvernements qui se succèdent et leurs décisions le sont. Le Code du Secret Magique en tête de liste, mais aussi la volonté de garder des objets infiniment puissants comme la baguette de Serpentard cachée sous terre.
- Donc c'est pour ça qu'il veut la baguette ? Pour démontrer la supériorité des sorciers ?
Il n'arriva pas à couvrir l'incrédulité qui perça dans sa voix. Rien ne faisait sens. Il refusait de croire qu'il s'était angoissé des mois entiers juste pour pauvre baguette, valeur historique de la dite baguette ou non. En face de lui, Emilia parut encore un peu plus agacée par son manque de compréhension.
- C'est pour ça qu'on veut la baguette, corrigea-t-elle entre ses dents. Parce que c'est un héritage. Mon héritage en réalité.
Il ne manqua ni l'accentuation qu'elle mit sur les mots, ni son regard éloquent. Ce soir, ce fameux regard si clair – celui qui avait valu à Emilia nombre remarque de Mrs Callister plus jeune – le perturbait presque. A croire qu'il n'avait plus l'habitude d'y être confronté.
- Ton héritage ? répéta-t-il, perplexe. Parce que t'es une sorcière ?
- En partie, reconnut-elle. Mais surtout parce que Ronan m'a rendu ce que j'avais perdu : une histoire et une identité.
Et la pièce manquante s'emboîta enfin dans le puzzle. Liam écarquilla les yeux, traversé par la surprise.
- Tu veux dire... Il a trouvé qui t'étais ? Avant l'adoption ?
Emilia acquiesça lentement, solennelle, et il la dévisagea un peu plus. C'était un sujet dont ils parlaient peu entre eux, même s'il n'était jamais loin de leur esprit. L'adoption d'Emilia avait bouleversé leur famille et pourtant personne n'avait hésité quand le MACUSA était venu toquer à leur porte pour leur proposer d'accueillir cette petite fille sorcière dans leur foyer. Les choses s'étaient faites d'une drôle de façon, naturellement. Ses parents avaient mis du temps à avoir un enfant, puis il était arrivé et s'était dévoilé être un sorcier assez tôt, attirant au passage l'attention du MACUSA. Les familles comme eux, entre monde magique et monde Non-Maj', étaient apparemment le réceptacle parfait pour des orphelins qui se découvraient des pouvoirs. Et même si ensuite l'intégration s'était bien passée, Liam savait qu'Emilia avait mal vécu toute son enfance ce manque d'information sur son passé, cet écart entre elle et le reste de la famille que tout le quartier lui rappelait sans cesse. Il suffisait de les comparer physiquement pour se rendre compte qu'ils n'avaient pas les mêmes parents après tout : la blonde aux yeux clairs, aux paupières tombantes et la silhouette élancée face au gringalet aux cheveux châtains en bataille et au nez pointu.
- Oui, il a trouvé... répondit Emilia après quelques secondes de silence. Il n'était pas sûr à vrai dire quand il est venu me trouver pour la première fois en mai dernier au Village, mais il m'avait promis de chercher pour que j'ai enfin la vérité. Et il a tenu parole.
Liam se retint de grimacer devant la foi qui perçait dans sa voix.
- Il est venu au Village ? s'exclama-t-il plutôt, choqué. Il avait le droit ?
- Sa peine de prison était terminée.
- Mais... il aurait pu voir Théa, il...
Il se coupa lui-même, incertain. Il n'aurait même pas su dire si le fait que Ronan aurait pu voir sa fille mais ne l'ait pas fait était une bonne chose ou non.
- Je crois que tu as remarqué que Théa a un comportement assez conflictuel envers lui...
- Et tu te demandes pourquoi ? la défendit-il. Ce type a brisé sa famille, il n'était pas là pour elle parce qu'il a préféré poursuivre un rêve mégalomane plutôt que de soutenir sa femme et sa fille !
- Arrête de faire comme si tu comprenais tout, Liam. Je t'ai dit, Ronan a tout donné pour moi. Il a rompu sa liberté conditionnelle pour aller chercher des informations à l'autre bout de la planète et m'apporter des réponses !
- Et il les a trouvés, c'est ça ? Le 4 juillet ?
La date, prononcée d'une voix blanche, flotta entre eux. Emilia eut le mérite d'avoir l'air coupable.
- Oui, c'est ça... C'est le jour où il est revenu aux Etats-Unis. Il est venu me chercher à a fête et on a discuté. Ce n'était pas prévu, mais... J'ai décidé de ne pas rentrer. On avait un plan pour récupérer la baguette, il fallait qu'on s'y tienne.
- Un plan, hum ? croassa-t-il. Mais t'as pensé à ce que ça ferait à papa et maman ? Tu sais dans quel état elle est depuis des mois ? Elle pleure pendant des heures, elle fait des crises d'angoisse, elle regarde la télé même la nuit en espérant que les infos annoncent que la police t'a retrouvé ! Bordel, Emy, t'es inconsciente !
Emilia encaissa le reproche. Plusieurs émotions conflictuelles jouaient sur son visage, mais elles allaient trop vite pour que Liam réussisse à les distinguer. Il crut déceler quand même une once de regret, avant que la certitude ne vienne tout balayer. La certitude d'avoir raison...
- Laisse-moi t'expliquer, plaida-t-elle, même s'il savait qu'il n'avait pas vraiment le choix. Ça allait au-delà de papa et maman, c'était à propos de qui j'étais. (Elle inspira profondément). Quand Ronan est venu me trouver, il m'a expliqué ses idées. Pour lui, la magie était supérieure et il ne comprenait pas pourquoi on s'infligeait nous-mêmes une vie cacher alors même qu'on aurait eu les moyens de lutter contre la persécution des Non-Maj'. Il disait que parfois la paix devenait une cage et que le prix était trop élevé. Il m'a montré que c'était cette volonté de rester cacher des yeux des Non-Maj' qui m'avait fait finir en orphelinat.
- Comment ça... ?
- D'après ses recherches, Ronan avait des raisons de croire que j'étais la descendante de Martha Steward, la fille Carcmol de Isolt Sayre. Elle s'était retirée parmi les Non-Maj' parce que c'était dur pour elle de vivre entourée de gens aux pouvoirs magiques. Le problème, c'est que le don magique ne s'éteint pas juste parce qu'il ne s'est pas manifesté une fois. Il peut sauter des générations et resurgir. C'est ce qui a dû se passer dans mon cas. Peut-être même que le gène magique avait ressurgit plus tôt, peut-être que ma mère ou mon père biologique avait des pouvoirs, mais je ne peux pas le savoir. Ce que je sais simplement, c'est que j'ai été abandonnée à la naissance par une femme qui n'arrêtait pas de répéter au docteur que je n'étais pas « normale » et qu'elle avait peur... Il a cru qu'elle était juste folle ou faisait un rejet de maternité, les services sociaux m'ont pris pour le placer. Mais tu ne trouves pas que c'est étrange qu'elle ait dit ça, juste après ma naissance ? Comme si elle savait déjà et que la magie l'effrayait ?
Emilia marqua une pause pour lui laisser le temps de s'imprégner de la question et il la dévisagea. Il n'avait jamais entendu parler de cette histoire, mais elle le mettait profondément mal à l'aise. Des vieux souvenirs y répondaient en échos. Combien de fois avait-il entendu sa maîtresse de primaire répéter à qui voulait l'entendre qu'il n'était pas normal et de drôles de choses arrivaient autour de lui ? Combien de fois il avait surpris Mrs Callister en train de le montrer du doigt au paster quand sa mère s'entêtait encore à vouloir l'emmener à l'église le dimanche ? Et encore, sa magie s'était au moins véritablement manifestée à l'époque. Mais Emilia ? Elle n'avait été qu'un nourrisson et déjà l'étiquette « anormale » lui avait été imposée. Il n'imaginait pas ce qu'elle devait ressentir en sachant que sa magie lui avait aussi bien coûté et fait gagner une famille en même temps.
- Mais comment tu sais tout ça ? souffla-t-il, sourcils froncés. Le docteur t'a dit ça ? Tu lui as parlé ?
Il ne voyait pas comment. Pour ce qu'il en savait, Emilia n'avait plus aucun contact avec son orphelinat, celui qu'elle avait quitté à neuf ans avant d'arriver chez eux. Pendant les premiers mois, il se souvenait qu'une assistante sociale venait les voir avec un médecin, juste pour s'assurer que tout allait bien, mais c'était il y a des années.
- Le docteur en question travaillait en partenariat entre l'hôpital et l'orphelinat, raconta-t-elle. C'est pour ça que c'était lui qui suivait mon cas quand j'étais petite. Et... disons que Ronan m'a aidé à le retrouver pour lui poser des questions sur ma naissance. Il n'était pas complètement sûr, la descendance de Martha se perd avec le temps...
- Et ce docteur se souvenait de ta vraie mère ? Après tout ce temps ?
L'idée lui semblait improbable. Il n'arrivait déjà pas à se souvenir des devoirs qu'il avait à faire d'une semaine à l'autre si Aileen et Julian ne lui rappelaient pas, alors garder des informations sur une orpheline dix-sept ans plus tard ? L'expression d'Emilia vacilla alors et il comprit avec horreur.
- Morgane... Il ne s'est pas souvenu seul, c'est ça ?
- Ne le dis pas comme ça ! Ronan a juste... Enfin, il voulait m'aider, on voulait des réponses plus claires...
Liam ne la laissa pas terminer, indigné.
- Vous avez fouillé dans sa mémoire ! accusa-t-il. Emy, même moi je sais que ça peut être dangereux pour l'esprit !
- Ne t'inquiète pas, il va bien, d'accord ? Ronan est un excellent sorcier, il savait ce qu'il faisait !
L'admiration dans sa voix lui donna presque un coup physique en plein ventre. Même avec les explications de sa sœur, il ne comprenait toujours pas ce qui avait pu la pousser à faire confiance à un homme pareil. Un homme qui avait rompu sa liberté conditionnelle et avait fouillé l'esprit d'un médecin pour parvenir à ses fins... pour découvrir qui était Emilia Cooper, une gamine perdue de l'Oregon.
- Alors il avait raison finalement ? s'entendit-il dire, lointain. T'es vraiment la descendante de Martha Steward ?
La question n'appelait même pas de réponse. Aucun d'eux ne serait là ce soir si ce n'était pas le cas, mais Emilia carra malgré tout les épaules avant de répondre, altière.
- De Martha Steward, d'Isolt Sayre, de Salazar Serpentard et de Morgane, oui.
Chaque nom portait en eux un pouvoir, une noblesse. Liam commença à comprendre le changement d'attitude que tout le monde avait décrit chez sa sœur en fin d'année dernière. Toute sa vie, elle avait eu une identité d'emprunt, un nom qu'une famille avait bien voulu lui donner... Cooper. Emilia Cooper. Mais ce n'était rien comparé aux noms qu'elle venait de citer avec fierté. Plus que jamais, Liam eut l'impression d'être renvoyé de là il venait, de cette petite ville perdue dans l'Oregon que personne ne saurait jamais placé sur une carte, de cette famille à la maison modeste si loin du manoir new-yorkais de Théa... Il n'avait juste jamais cru que ce sentiment lui serait jeté à la figure par sa propre sœur.
- Tu comprends maintenant, Liam ? murmura-t-elle alors, inconsciente du trouble qui lui dévorait la tête. J'ai brisé la roue du sort. Je suis plus que je n'ai jamais osé rêver... Et Ronan m'a apporté ça.
Voilà, elle était à nouveau là, la fascination pour cet homme. Et Liam comprenait en un sens de quoi elle s'était nourrie, mais ça ne le rendait pas moins en colère parce qu'Emilia occultait tout le mal qu'elle avait causé. Face à face, il continua à la dévisager.
- Et ça valait la peine ? rétorqua-t-il, tendu. Ça valait la peine d'empêcher maman de dormir, de déployer les forces des Aurors dans tout le pays, de me faire subir ce jeu tordu de devinette pour briser le Contre-Rituel ?
- On t'avait tout faciliter, tu avais toutes les instructions dans les runes, il n'y avait qu'à appliquer...
- Mais Emy, tu t'entends ? Oui, je me tape des instructions, mais c'était pas un devoir à rendre ! Chaque jour, je me disais que si je n'arrivais pas à faire une putain de potion ou si Julian décidait qu'il en avait sa claque de travailler sur les sortilèges, je te perdais ! Je pensais que t'allais mourir à cause de moi ! se récria-t-il.
Avec horreur, il sentit des larmes de frustration presser derrière ses paupières et il tenta de les retenir, trop conscient que Ronan Graves les observait à quelques pas. Emilia voulut tendre la tendre la main vers lui, mais il se dégagea et quelque chose craqua dans sa poitrine :
- C'était quoi même votre plan à la con ? Sérieux ? cingla-t-il. Me faire briser le Rituel pour vous ? Pourquoi t'es pas juste venu m'expliquer, Emy ?
- Tu n'aurais pas compris...
- On peut pas dire que tu m'avais laissé énormément d'éléments pour comprendre...
La rancœur dans sa voix atteignit à peine Emilia, visiblement protégée par sa nouvelle dignité trouvée et Liam serra les poings de frustration. Il avait terriblement besoin de fumer une cigarette, là tout de suite, mais il se contenta de secouer la tête, défait. Est-ce que c'était ce que ressentait Noah face à sa mère ? Cette sensation de ne pas réussir à l'atteindre ? D'être dans une réalité presque différente ? A l'époque, il se souvenait de ne pas avoir compris du haut de ses onze ans, mais maintenant le parallèle lui laissait un sens d'ironie amère au creux du ventre.
- Donc depuis tout ce temps, vous nous observiez de loin, c'est ça ? Tu me manipulais pour qu'on brise le Rituel ?
- Ne le vois pas comme ça, s'il te plait...
- Comment je devrais le voir ? répliqua-t-il.
Emilia soupira.
- Ecoute, Ronan ne voulait pas se révéler à vous. Il disait que vous n'accepteriez pas d'aider si je... si...
- Si tu ne servais pas d'appât pour me motiver ?
Cette fois, elle tressaillit et il ressentit une certaine satisfaction à la faire réagir.
- C'est juste qu'il avait déjà vécu ça et c'était difficile pour lui...
- Justement. Qu'est-ce qui s'est passé la dernière fois ? Quelqu'un est mort, c'est ça ?
Dans sa tête, la voix de Julian déroula à nouveau le conte des animaux et il s'imagina le puma en garçon de son âge. Diego Calderon. Il n'arrivait pas même à comprendre que toute cette histoire ait pu avoir lieu.
- Je ne sais pas... admit Emilia, mal à l'aise. Ronan refuse d'en parler, mais c'est ce que j'ai cru comprendre...
- Et ça ne t'a pas un minimum alerté sur le genre de personne qu'il était ? dit-il avec véhémence.
Sa sœur n'eut pas le temps de répondre. Visiblement, ils avaient pris assez de temps à deux, enfermés dans leur bulle, car Ronan Graves les rappela avec autorité :
- Le Rituel doit être terminé ! Maintenant ! Emilia, reviens.
Aussitôt, elle s'écarta un peu plus de lui. Liam fusilla Ronan du regard, incapable de se retenir, mais l'homme n'était déjà plus tourné vers eux. A croire qu'il savait très bien qu'il serait obéi dans la seconde. Enervé, il emboîta donc le pas à sa sœur pour revenir vers le groupe.
En leur absence, personne n'avait osé vraiment bougé. Théa était toujours tendue, blême et furieuse, et Othilia et Aileen essayaient tant bien que mal de s'interposer entre son père et elle pour faire barrage. Un barrage illusoire, tout le monde en avait bien conscience. Un peu plus en retrait, Noah observait tout, bras croisés, même si Liam remarqua qu'il était le seul à avoir sa baguette en main et il se sentit étrangement rassuré par ça. Quant à Julian... Il n'avait pas réalisé jusqu'à présent, mais défaire les sortilèges tout à l'heure avait dû lui demander plus d'énergie qu'il ne l'avait cru car il paraissait encore un peu instable, bien que déterminé. Il avait l'air impatient de terminer le Rituel lui aussi et Liam ne put s'empêcher de se demander si c'était pour que tout soit terminé au plus vite ou pour voir s'il avait vraiment réussir à venir à bout d'une magie aussi complexe comme l'avait affirmé Ronan Graves un peu plus tôt.
A la lumière des dernières révélations de sa sœur, Liam fut pourtant soudain saisi d'une inquiétude sourde en se rappelant de la dernière étape.
- Le sang dont on a besoin... Quelle quantité exactement ? articula-t-il.
Ronan Graves lui renvoya un regard entre mépris et amusement.
- Quelques gouttes suffisent. Tu crois vraiment que j'aurais vidé Emilia de son sang pour récupérer une baguette, aussi exceptionnelle soit elle ?
« Oui », songea-t-il sans oser le dire à voix haute. Et vu l'expression des autres, il n'était pas le seul.
- Peu importe... reprit Ronan en secouant la tête. Ma chère, à toi l'honneur.
Il désigna d'un geste l'arbre en fleurs, celui qui avait germé au fil des siècles au-dessus de la baguette de Salazar Serpentard. Autour de ses racines qui s'enfonçaient dans le sol, la terre luisait presque des diverses potions appliquées et l'air s'était chargé d'une énergie étrange, sûrement à cause des sortilèges brisés autour.
Lorsque Emilia s'approcha, tout le monde suivit le mouvement. Liam admettait qu'il était curieux de voir ce qui allait se passer et, bientôt, ils formèrent tous un demi-cercle autour de l'arbre à l'exception de Ronan, resté quelques en arrière, sa baguette pointée sur eux pour éviter un retournement de situation en sa défaveur. Le visage fermé, Emilia plongea la main dans sa poche pour en ressortie un simple petit couteau, le même genre que celui qu'ils utilisaient en cours de Potions et Elixirs. Elle tendit ensuite sa paume au-dessus de la terre, prête à y verser son sang, mais la voix de Julian fusa avant qu'elle n'ait pu effleurer la lame de sa peau :
- Attends ! s'exclama-t-il, bras tendu. Attends...
- Oh Morgane, Julian ! protesta Liam, une main sur le cœur.
Il le fixa dans un sursaut, pris par surprise.
- Désolé... C'est juste que... je crois que quelque chose ne va pas.
- Quoi ? fit Emilia, sourcils froncés.
Derrière eux, Ronan Graves émit un grognement agacé.
- Ne tente pas de gagner du temps, gamin. Tout fonctionne comme prévu, il ne manque plus que la dernière étape.
- Mais la terre n'absorbe pas assez les potions... Quelque chose bloque ou manque.
- Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'incidence.
- Peut-être que ça en a une ! rétorqua Julian. Peut-être que c'est à cause de ça que Diego Calderon est mort la dernière fois.
Au nom du jeune homme décédé, Ronan Graves eut un tic nerveux. S'ils avaient encore eu besoin d'une preuve que le conte disait la vérité, elle était là. A sa gauche, Liam remarqua le frisson qui secoua le corps de Théa et il se sentit mal pour elle un instant, avant de s'apercevoir que les mains de sa sœur tremblaient aussi. Il refocalisa son attention sur elle. Emilia fixait Ronan en attente d'une réponse, soumise à son jugement.
- Calderon n'est pas mort pour ça, assura-t-il finalement avec réluctance. D'après ce qui m'a été rapporté, il a donné son sang pour compléter le Contre Rituel. Evidemment, celui-ci s'est donc défendu pour protéger la baguette puisque le sang n'était pas le bon. (Il plongea ses yeux sombres dans ceux d'Emilia). Aujourd'hui, tu es la clé. Tout se passera bien.
C'était incroyable comment il avait l'air sûr de lui et Liam ressentit un léger soulagement. Si la Génération 1950 n'avait pas eu accès au sang de la descendance de Isolt Sayre – et donc de Serpentard – alors leur échec s'expliquait.
- « Ce qui t'a été rapporté » ? répéta alors Théa avec indignation. Tu veux dire que tu n'étais même pas là ?
- Si les calculs t'échappent, Théodora, je n'étais plus à Ilvermorny depuis un moment à l'époque, lui répondit son père.
Sa patience commençait de toute évidence à s'épuiser. Malheureusement pour lui, Théa pouvait être butée et Liam en savait quelque chose.
- Et pourtant t'es bien là ce soir, non ? fit-elle remarquer.
- Justement. J'ai laissé les choses se dérouler sans ma présence une fois, je ne veux plus rien laisser au hasard. Maintenant, Emilia, si tu veux...
Il lança un regard insistant à l'arbre. Julian s'agita à nouveau.
- Ecoutez, vraiment, je vous dis que quelque chose ne va pas... Il devait y avoir autre chose que le sang...
- Non ! Le Contre Rituel est prêt ! affirma Ronan avant de s'adresser à nouveau à sa sœur. Emilia, vas-y.
- Emilia, ne le fais pas ! ordonna Julian.
Hésitante, ses yeux clairs firent la navette entre les deux et Liam sentit la tension lui nouer les muscles.
- Bordel, Julian, on a revu les étapes de ce Rituel trente fois, t'avais dit que c'était bon ! accusa-t-il.
- Je le pensais, mais je crois qu'il y a quelque chose qui ne va pas là.
- Tu crois ou t'en es sûr ?
Evidemment, Noah lui sauta à la gorge à cet instant, incapable de laisser passer une occasion.
- Eh Cooper, je te rappelle qu'il a bossé sur ce Rituel jour et nuit, il sait mieux que toi si ça fonctionne ou pas.
- Mais on a tout fait parfaitement, intervint Othilia. Il ne manque plus rien...
- Théoriquement, oui, mais...
Ronan coupa Julian avant même qu'il n'ait pu vocaliser à nouveau ses doutes.
- Silence ! Plus un mot d'un seul d'entre vous ou je vous jette un sort, est-ce que je suis clair ?
Sa baguette se pointa successivement sur chacun d'eux. Liam déglutit et pria pour que Julian arrête de jouer à celui qui savait mieux que tout le monde. Il voulait en finir bon sang. Il voulait rentrer avec Emilia à la maison pour qu'ils puissent s'expliquer. Il voulait arrêter de voir l'expression presque maladive de Théa. Il voulait sortir cette baguette du sol à mains nues s'il le fallait.
- Emilia, le sang, allez, dit Ronan avec fermeté.
- Oui...
Il nota que Ronan avait dit « le sang » et non « ton sang », comme pour mettre une certaine distance. Emilia ne parut pas faire la différence. Mâchoire contractée, elle s'entailla enfin la paume et une ligne pourpre, nette, apparue sur sa peau alors qu'un halement de douleur franchissait ses lèvres. Liam repensa à sa propre main pleine d'éclats de verre et de sang en octobre dernier quand il l'avait passé à travers une fenêtre de la serre.
Et alors, lentement, Emilia retourna sa main vers le sol dans un battement de cœur suspendu. Le sang fut attiré par la gravité...
- Quelque chose ne va pas... marmonna encore Julian, agité. Emilia, arrête !
Il rompit leur demi-cercle pour l'attraper par le bras et la pousser loin de l'arbre.
- Eh lâche-la ! s'écria Liam en se jetant sur eux.
Mais Noah s'interposa et plusieurs cris indistinct se mêlèrent dans es oreilles. Tout le monde haussaient la voix, tentaient de se faire entendre, voulaient agripper les autres. Près d'eux, Ronan leur hurlait de reculer et s'arrêter. Emilia se débattait. Tout était flou autour de lui, il ne savait plus où était l'arbre... Un sort siffla à son oreille et son estomac se retourna alors qu'Emilia se dégageait de la prise de Julian, son bras décrivant un large mouvement à cause de son élan. Et une goutte de sang toucha enfin le sol.
Exactement comme pour le maillage de sortilèges tout à l'heure, une vague lueur bleu entoura l'arbre et la terre grésilla, comme si la magie à l'œuvre s'effondrait sur elle-même. Liam entendit un demi-cri de triomphe émaner de Ronan Graves derrière lui.
Puis, le monde explosa.
Ce fut comme si le Rituel qui entourait l'arbre se défendait et repoussait ceux qui avaient tenté de lui voler le trésor qu'il gardait. Une émanation de magie pure le projeta en arrière. Il n'avait pas besoin d'être chercheur en sortilège pour ressentir le type de magie : agressive, destructrice... L'inverse totale de celle qui habitait d'ordinaire l'arbre et faisait fleurir sur ses branches des fleurs guérisseuses. Alors que sa tête frappait le sol avec force dans un éclat de douleur, Liam se souvint de la voix de Fleming, leur professeur d'enchantement, qui évoquait une inversion de la polarité magique pour certains sorts. Il n'avait rien compris à l'époque, mais il visualisait mieux maintenant. Autour de lui, il avait vaguement conscience que les autres avaient aussi été projetés à plusieurs mètres et il lutta contre la nausée qui accompagnait le goût de sang dans sa bouche. Il tenta de respirer, le souffle bloqué, et une nouvelle douleur explosa au niveau de ses côtes. Il émit un grognement sourd, puis tenta de se redresser, les yeux fermés, encore aveuglé par la vive lumière.
- Liam ? appela Aileen d'une voix tremblante.
Elle avait peut-être réussi à se redresser avant lui. Elle avait été la plus loin de l'arbre au moment de l'explosion magique, sans compter Ronan Graves. Dans un accès de panique, Liam se demanda où était ce dernier et ouvrit les yeux malgré la douleur derrière ses paupières. Son cœur lui remonta dans la gorge.
Près de lui, face contre terre, gisait le corps de sa sœur. Elle ne bougeait pas.
- Emilia...
Rien.
- Emy !
Et une pensée, horrible, s'infiltra dans son esprit : si Emilia n'avait pas brisé la roue du sort ? Si la roue du sort l'avait brisé, elle ?
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Oui, j'aime vous torturer, c'est mon plaisir d'autrice mouhaha ! Verdict ? ^^
Je suis désolée de ne pas être plus bavarde aujourd'hui, je me suis levée à 6h du mat, pris l'avion, et je suis un peu dans le mood "redescendre de mes vacances" haha ! Mais j'attends avec impatience vos retours !
Et avant de se quitter, les memes de Lina ! Ils sont exceptionnels cette semaine haha !
Alors ? Votre préféré ? ^^
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