Chapitre 43 : La relique du serpent
Tout le monde peut souffler, le chapitre est là ! Il a été très dur à écrire parce que de manière général j'ai toujours du mal à faire les moments de résolutions/confrontation de fin d'intrigue, mais bon il fallait bien y arriver à un moment. On est vraiment dans la dernière ligne droite désormais, il ne reste plus que deux chapitres après celui-ci normalement. Je dis normalement parce que le prochain est toujours en cours d'écriture, je n'ai plus d'avance, c'est pour vous dire à quel point je galère...
Je préfère donc prévenir tout de suite parce que certain.es me posaient la question, mais il y aura bien une pause avant le tome 2, au moins l'été ! A part ça, je vous laisse donc découvrir ce chapitre en espérant qu'il vous plaise !
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Chapitre 43 : La relique du serpent
« Les morts dorment en paix dans le sein de la terre. Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints. Ces reliques du cœur ont aussi leur poussière. »
- Alfred de Musset -
// 20 mai 1980 //
Deux mois. Il avait encore fallu deux mois après la compréhension du conte pour terminer de percer le Rituel d'Ancrage et toutes ses étapes. Julian commençait à y rêver même la nuit tant il s'était jeté à corps perdu pour briser chaque couche de sortilège, chaque parcelle de magie qui composait le verrou du Rituel. Les autres aussi avaient vu leur énergie décuplée, animés par le sentiment brûlant d'être si proches d'enfin réussir la mission qu'on leur avait confié. Liam, particulièrement, avait délaissé entièrement le reste pour veiller les potions jour et nuit. Les professeurs devaient commencé à s'inquiéter car Fleming avait fait une réflexion en début de semaine et Perrot lui demandé s'il allait bien. Son masque de positivité bien en place, Liam avait réussi à esquiver les questions, même s'il avait plus de mal face à Aileen et sa clairvoyance. La veille au soir, elle l'avait fait sortir d'Alberta – leur salle de travail – de force pour le forcer à se reposer. Heureusement, il avait eu le temps d'envoyer un mot au Corbeau avant ça pour lui annoncer que la mission était enfin accomplie.
S'ils avaient encore eu besoin d'une preuve qu'ils étaient surveillés, la prise de contact avec le Corbeau leur avait bien confirmé leurs soupçons. Liam avait juste eu à déposer son mot près des serres, là où ils avaient reçu les instructions pour le Rituel d'Ancrage en octobre dernier, et le corbeau – l'oiseau cette fois – était venu le récupérer dans son bec tranchant en quelques minutes.
Le rendez-vous avait été fixé ce soir. Julian s'efforçait de se vider la tête avant le grand moment, voire de faire passer le temps en dessinant, mais il avait horriblement conscience de chaque minute qui s'écoulait. Le nœud dans son estomac n'aidait pas non plus sa concentration. A vrai dire, il voyait encore tous les défauts dans ce plan décidé en quelques minutes à cause de l'euphorie générale qui avait suivi la fin de la déconstruction du Rituel. Est-ce qu'ils devraient affronter le Corbeau eux-mêmes ? Où devait avoir lieu le contre Rituel ? C'était encore le dernier élément qu'ils n'avaient pas réussi à trouver... Le parc était vaste et Julian commençait à l'avoir imprimé sur sa rétine tellement il le parcourait du regard depuis des mois à chaque fois qu'il le traversait ou qu'il passait près d'une fenêtre. Ça ne pouvait pas être tout au fond, près de l'entrée, car cette portion du mur d'enceinte n'était pas visible depuis le château et Martha Steward voyait sa famille renforcer le Rituel d'Ancrage depuis une fenêtre. Malheureusement, ça laissait encore un énorme terrain à couvrir.
Plongé dans ses pensées, Julian entendit à peine une personne s'approcher de lui et releva la tête au moment où un corps se laissa tomber à côté de lui sur le canapé du Foyer. Un éclat orange accrocha tout de même son regard avant qu'il ne la reconnaisse.
- Merlin Aileen, tu m'as fait peur ! fit-il, une main sur le cœur.
- Désolée... J'ai vu que tu dessinais, j'aurais dû te prévenir. (Elle leva les mains en signe d'excuse). Je peux m'assoir avec toi ?
Il hocha la tête.
- Evidemment. Et c'est moi qui suis désolé, je suis juste un peu... hum...
- A cran ? devina-t-elle. Ouais, je comprends. Je crois qu'on l'est tous.
Son regard dériva de l'autre côté du Foyer où Liam était avachi dans le fauteuil en forme d'œuf que tout le monde aimait tant, les yeux vissés sur l'horloge murale. Julian supposait que chaque minute devait être un compte à rebours insupportable pour lui.
- Toi aussi tu trouves ça étrange ? demanda-t-il, incapable de garder ses doutes pour lui. De te dire que tout pourrait être terminé ce soir ?
- Un peu, ouais... ça m'inquiète même, j'arrive pas vraiment à réaliser qu'on est vraiment entré en contact avec le Corbeau. En plus, il nous a redonné rendez-vous à la serre n°4 mais ça ne nous dit pas où aura lieu le Contre Rituel non plus...
- J'y ai pensé. J'aurais aimé qu'on soit mieux préparé, ça pourrait tellement mal tourné sinon...
Aileen ramena ses jambes contre sa poitrine, anxieuse. Sa silhouette frêle fut recouverte par sa longue chevelure rousse qui lui tombait autour du corps, informe, et il réalisa qu'elle ne les avait pas coupés depuis le début d'année. Surtout, il prit conscience que ça allait justement faire un an qu'il se connaissait tous les deux. La nature si amicale d'Aileen lui donnait l'impression de la connaître depuis plus longtemps.
- Tu crois qu'on aurait dû en parler ? s'interrogea soudain Aileen, le visage à moitié tourné vers lui. A des profs ? Aux Aurors ?
- Un peu tard pour ça, non ?
- Sans doute, mais... On n'a pas encore été jusqu'au bout après tout. On pourrait encore...
Julian soupira. Dans les faits, elle avait raison et cette question l'avait hanté un moment au début de leur entreprise. Puis, petit à petit, il s'était approprié cette mission. Il avait mené les recherches et le décryptage de ce Rituel toujours plus loin et il ne s'imaginait plus redonner l'affaire à quelqu'un d'autre. C'était sans doute sa fierté qui parlait sur ce point... L'autre partie de lui, plus rationnelle, savait qu'il était dépassé par l'enlèvement d'Emilia et qu'il ne faisait sûrement pas le poids face à celui qui avait tout manigancé.
- On pourrait, c'est vrai, convint-il, mal à l'aise. Mais est-ce que tu te vois faire ça à Liam ?
Mécaniquement, leur regard se porta à nouveau vers leur ami. Aileen déglutit.
- Non... Mais je sais aussi qu'il ne pense pas clairement parce que sa sœur est en jeu et qu'elle lui manque. C'était pareil en Junior avec Noah. Liam a hésité presque deux heures avant d'aller prévenir les professeurs pour leur dire que Heather avait enlevé ses fils, mais il l'a fait.
- Parce que c'était la bonne à faire, même si Noah lui en veut encore aujourd'hui, compléta Julian d'un ton lourd.
- Voilà...
Sur ce constat, un long silence s'installa entre eux. Il savait qu'ils pensaient à la même chose. Est-ce qu'un d'entre eux aurait le courage de tout envoyer valser à seulement quelques heures de l'ultime confrontation ? Julian s'en sentait incapable. Si depuis le début, il avait pris en charge les recherches sur le Rituel, Liam était celui qui fixait leur ligne de conduite et il l'avait assez trahi en impliquant Othilia, Théa et Noah. Aileen devait se dire la même chose car elle enfouit sa tête entre ses genoux plusieurs secondes et lâcha un profond soupir.
- C'est tellement compliqué, ragea-t-elle d'une voix étouffée. Toute cette histoire est complétement folle même !
- Je sais...
Il sentit la boule désormais familière se glisser dans sa gorge alors que son esprit dérivait vers le Conte des Animaux et sa mère. Depuis des semaines, il se battait avec cette nouvelle image d'elle, celle qui avait vécu une tout autre vie il y a des années. Il ne voulait en parler à personne, incapable de vraiment réaliser lui-même.
Aileen dû se méprendre sur son manque de réaction car elle demanda soudain :
- Eh Julian ? Je peux te poser une question ?
- Oui ?
- Est-ce qu'il s'est passé quelque chose avec Noah ? Vous avez l'air... en froid ? Enfin, je veux dire, je vous vois plus dessiner ensemble et tout ?
Sa réaction fut immédiate : Julian sentit son estomac se contracter, comme si un poids y était tombé avec brusquerie. Il s'efforça de ne pas laisser son cerveau paniquer. Aileen posait une observation, rien de plus. Ce n'était pas comme les doutes de Matthew. Prudent, il tenta d'adopter un air nonchalant avant de répondre.
- On est juste occupés, c'est tout. Et puis, c'est Noah, tu sais comment il est.
Il pria intérieurement pour qu'Aileen accepte cette excuse. Après tout, Noah était bien connu pour ses coups de tête et ses changements d'humeur, ce n'était pas dur de croire qu'il s'était juste lassé de lui après quelques mois. L'idée même fit pourtant naître une pointe douloureuse dans son ventre. C'était lui qui avait voulu cette distance avec Noah, épuisé de devoir se cacher, de devoir supporté le poids de la culpabilité qui pesait sur leur relation, mais ça ne signifiait pas que Noah ne lui manquait pas...
A côté de lui, Aileen fronça les sourcils.
- Je sais, oui, mais... Je veux dire, il ne t'a rien dit quand même pour que ça soit comme ça ? interrogea-t-elle.
- Non, non, pas vraiment...
Merlin, il n'aimait pas mentir en général, mais il trouvait ça toujours pire avec Aileen dont le regard le faisait douter sans cesse : elle avait l'air de savoir pertinemment qu'il n'était pas honnête.
- Etrange, dit-elle malgré tout, perplexe. J'essayerai bien de lui parler pour toi mais...
- Mais il va t'envoyer balader. Non, laisse, crois-moi je peux m'en occuper.
Il essaya d'être aussi ferme que possible, le cœur battant. Aileen se mordit la lèvre.
- Mais la dernière fois qu'on avait parlé... Tu disais que tu comprenais Noah ? Qu'il était différent de ce qu'il voulait bien montré ?
- Je n'ai jamais dit ça, nia-t-il en rougissant. Pas comme ça en tout cas.
- D'accord, j'extrapole un peu. Mais quand même...
Julian soupira une nouvelle fois. Il avait envie d'échapper à cette conversation au plus vite, mais il sentait bien qu'Aileen était trop curieuse pour se contenter d'une esquive et de réponses creuses. Les yeux levés une seconde vers le plafond, il pesa soigneusement ses mots, puis expliqua avec mal aise :
- Tu sais ce que t'as dis la dernière fois justement ? Qu'avec Noah c'était tout ou rien ? Qu'il voulait de l'absolu dans toutes ses relations parce qu'il avait peur d'être rejeté ou abandonné comme avec sa mère et sa tante ?
- Oui...
- Peut-être que t'avais raison... C'est parfois trop à gérer. Et honnêtement, je crois que j'ai assez donné. J'ai essayé même. (Il déglutit). Mais cette année est déjà assez compliquée comme ça, je ne peux pas être ce que Noah voudrait. Je ne suis pas prêt à tout supporter comme Othilia.
Il regretta sa dernière comparaison à la seconde où elle quitta ses lèvres. Ça ne se faisait pas. Aucun garçon ne se comparait à la copine d'un ami pour décrire sa relation avec lui. Pourtant, c'était la vérité... Et la vérité parut enfin assouvir Aileen qui hocha la tête avec compréhension. Il ne savait pas si elle comprenait réellement ce qu'il voulait dire – l'épuisement moral du deuil de sa mère, la pression sur le Rituel, les bouleversements de son arrivée dans une nouvelle école, les nouveaux liens avec les Grims – mais elle avait saisi l'essentiel.
- Je vois... souffla-t-elle. Et tu lui as dit, ça ?
- Plus ou moins... Mais il s'est braqué, comme d'habitude.
- Evidemment...
Elle roula des yeux, l'air agacé contre Noah, et Julian culpabilisa. Il lui faisait un portrait biaisé en excluant toute sa relation ambiguë avec Noah, mais c'était la ligne qu'il ne pouvait pas franchir. Il espérait juste que quand toute cette histoire autour de « l'affaire Emilia Cooper » serait terminée, les choses pourraient s'apaiser... Sinon, il devrait vivre avec le tiraillement dans la poitrine qui l'habitait depuis sa mise à distance avec Noah et il n'était pas sûr d'arriver à la supporter éternellement.
**
*
De l'avis de Julian, le seul avantage à la situation présente était la température extérieure par rapport au mois de septembre. Et le fait qu'ils étaient plus nombreux. Ça ne l'empêchait d'avoir une forte impression de déjà-vu impossible à endiguer alors qu'il marchait derrière Aileen et Liam, suivi de Théa, Othilia et Noah.
Minuit approchait. Leur rencontre avec le Corbeau aussi.
Plus ils avançaient vers les serres, plus le mauvais pressentiment qui s'était emparé de lui depuis le réveil prenait de l'ampleur. Le silence pesant qui entourait leur groupe prouvait d'ailleurs qu'il ne devait pas être le seul à ressentir ça.
- C'est vraiment glauque, murmura Théa en enroulant ses bras autour d'elle.
- C'est maintenant que tu t'en rends compte, votre Altesse ?
- Avance, Cooper.
Elle le poussa dans le dos pour faire bonne mesure et Liam manqua de trébucher dans l'obscurité. Julian retint un sourire, reconnaissant pour la courte distraction. Devant eux, la serre n°4 se dressa alors, toute en fer et en verre dans une grande silhouette qui se découpait dans la nuit pâle. Décidément, la sensation de déjà-vu était bien présente. Julian bascula d'ailleurs la tête en arrière pour observer le ciel avant même d'entendre le premier battement d'aile, alerte. Quelques instants plus tard, son intuition se confirma. Le même corbeau qu'en septembre dernier se mit à tourner au-dessus de leur tête et émit un croassement sonore.
- On est censés faire quoi ? fit Othilia. Je ne comprends pas...
- On doit commencer le Rituel ici ? suggéra Liam.
Mais le corbeau poussa un nouveau cri et commença à voleter plus bas, s'éloignant de la serre. Noah fit un pas dans sa direction.
- Il veut qu'on le suive, non ? avança-t-il.
- Génial, on est sous les ordres d'un vrai corbeau maintenant...
Mais Julian était d'accord avec Noah. L'oiseau les fixait d'ailleurs d'un œil sombre, comme s'il était impatient, et se maintint en vol stationnaire jusqu'à ce qu'ils se décident à le suivre. Dès qu'ils se remirent en mouvement, l'atmosphère se chargea à nouveau d'une sorte de gravité anxieuse. C'était presque étouffant. Sa baguette en main, Julian allongea sa foulée pour se retrouver à côté de Liam qui regardait droit devant lui.
- Eh ? souffla-t-il. Ça va aller ?
- Ca ira mieux quand Emilia sera saine et sauve.
Il n'ajouta rien, déterminé, et Julian décida de ne pas le pousser davantage. Ça allait faire des mois que Liam se repliait derrière une carapace, il n'allait pas se mettre à parler à cœur ouvert maintenant. Au lieu de ça, il se remit à regarder autour de lui. Il avait hâte de voir où le corbeau allait les emmener et pria en son fort intérieur que le lieu du Rituel ne soit définitivement pas la grotte sous le rocher. Il ne supporterait pas d'y associer un nouveau souvenir, mais surtout d'y redescendre avec Noah.
A peine l'image de leur premier baisé fusa dans son esprit que ses yeux dérivèrent d'instinct vers lui. Tête baissée pour regarder où il mettait les pieds, Noah marchait près d'Othilia et ses boucles lui retombaient sur le front. Julian se retrouva à contempler leur mouvement plusieurs secondes avant de se reprendre, les joues brûlantes. Il manqua même de rentrer dans Théa, perturbé, avant de se rendre compte qu'ils s'étaient arrêtés.
Le château se trouvait sur leur gauche à une dizaine de mètres, bien plus proches qu'attendu, et Julian fronça les sourcils :
- Quoi ? Ici ?
- Le corbeau s'est arrêté là... justifia Othilia, incertaine.
Il suivit son bras tendu du regard. Le corbeau était bien perché à deux mètres de hauteur sur une branche d'un espèce d'arbuste fleuri.
- Je connais cet arbre, déclara Aileen avec lenteur. L'infirmier en chef vient prendre des fleurs pour en mettre dans presque toutes ses préparations...
Liam lui jeta un coup d'œil surpris.
- Comment tu sais ça, toi ?
- Certains plantes ont des vertus en potion, c'est peut-être pour ça, intervint Othilia en ignorant sa question. (Elle se tourna vers lui). Mais ça veut dire que le Rituel d'Ancrage a été jeté sur l'arbre ?
Il secoua la tête avant même qu'elle n'ait terminé sa question.
- Si quelqu'un en cueille les fleurs, non, impossible... Les sortilèges du Rituel empêcheraient ça.
- Donc c'est pas l'arbre ? dit Liam, déçu.
- Pas exactement... mais ça ne veut pas dire que ce nous cherchons tous ce soir n'est pas là, intervint soudain une voix grave et profonde.
Julian se figea, glacé. Le temps se suspendit littéralement le temps d'un souffle bloqué, puis il fit volte-face vers le mur d'enceinte, vers là d'où venait la voix. Il réalisa avec un temps de retard qu'ils se tenaient près de la portion du mur dont Noah s'était servi pour les faire sortir d'Ilvermorny il y a des mois, le jour de Thanksgiving... Et si le passage pouvait laisser sortir, il pouvait aussi laisser entrer.
Face à eux, un homme avançait d'un pas assuré, mains plongées dans les poches de son long manteau marron. A la périphérie de sa vision, Julian se rendit compte que le corbeau avait disparu, mais ça avait peu d'importance. L'homme était tout aussi sinistre avec son nez brusqué, ses yeux sombres, sa barbe de plusieurs jours qui lui mangeait les joues... Ses cheveux étaient étranges, presque comme s'ils avaient besoin d'une coupe, et formaient des nœuds épais à cause leur longueur inégale. Il était aussi entouré d'une aura étrange, bien trop calme pour la situation.
Alors qu'il se rapprochait, les autres le virent aussi un par un et un souffle de surprise parcourut leur groupe. C'était perceptible, une peur soudaine apparu en même temps que l'homme, et Julian se retint de reculer par instinct. Pourtant, rien n'aurait pu le préparer au cri glaçant qui s'arracha à la gorge de Théa...
- Non !
Immédiatement, il détacha son regard de l'homme pour faire volte-face vers sa cousine, le cœur battant. Pendant une horrible seconde, il s'attendit à la voir s'écrouler au sol, touchée par un sort, mais elle resta bien debout. Blême, elle fixait l'homme avec horreur.
- Ah Théodora, souffla-t-il d'une voix étonnement avenante. Je n'avais pas prévue que tu sous mêlée à tout ça, mais le destin a parfois une façon inattendue de réunir les gens, tu ne crois pas ?
- N'avance pas ! Non, non... Reste où tu es !
Elle tendit la main dans un geste impétueux, comme si elle songeait à l'arrêter par simple volonté, mais l'homme continua à marcher vers eux jusqu'à arriver à leur hauteur. Déboussolé, Julian ouvrit la bouche pour demander des explications, mais Liam fut plus rapide :
- Où est ma sœur ? lança-t-il en un éclair, frénétique.
- Tss, tss, chaque chose en son temps. Ne vois-tu pas que je suis occupé ?
- Vous aviez dit qu'elle serait là !
- Non, j'avais dit qu'il fallait briser le Rituel. C'est pour cela que nous sommes tous réunis, ta sœur viendra après. (Il promena son regard sur chacun d'eux). Je ne pensais que nous serions aussi nombreux au départ, cela demande des ajustements et c'est pour ça que je garde Emilia pour le moment. Je suis sûr que tu comprends mon raisonnement, n'est-ce pas ?
Il regarda Liam avec une expression paradoxale, entre menace et logique, comme s'il s'attendait à ce que celui-ci accepte son raisonnement sans protester. C'était sans compter sur l'impulsivité naturelle de Liam Cooper.
- Non, stop ! J'ai fait tout ce que vous m'avez demandé, je veux ma sœur ! exigea-t-il, haletant. Et puis... et puis d'abord... Bordel, vous êtes qui ? ajouta-t-il après un temps d'arrêt, désespéré. Théa ?
Il s'était tourné vers sa cousine, attendant une réponse et Julian la trouva soudain beaucoup trop pâle. Elle tenait toujours sa baguette, mais sa main tremblait tellement qu'il était persuadé qu'elle n'arriverait à cadrer aucun sort si elle tentait de s'en servir. Cette constatation lui retourna l'estomac. Théa avait été la seule à réussir à le battre en duel, elle était a stabilité, l'assurance même... Et c'est pour ça qu'il devina le nom de l'homme avant même qu'elle ne le révèle en un souffle haché :
- Ronan Graves, murmura-t-elle. Il s'appelle Ronan Graves, Liam... C'est...
Elle s'étrangla elle-même. Ce fut Othilia qui termina pour elle en se rapprochant pour la soutenir :
- Ton père...
Le silence qui suivit fut assourdissant. Les yeux écarquillés, Liam ne put faire que la navette entre eux et Julian sut ce qu'il était en train de voir parce que les similitudes étaient frappantes. Théa ne ressemblait pas à sa mère. Elle n'avait héritée d'elle que les yeux bleu cobalt des Grims, voire ses quelques tâches de rousseurs, mais elle devait le reste à son père : ses traits de visages marqués, ses épais cheveux bruns, son front bas, et même son sourire asymétrique, celui qui donnait l'impression qu'elle affichait une moue moqueuse bien trop souvent.
Le plus horrible, c'est que Julian n'avait aucun mal à réconcilier l'image de l'homme qu'il s'était imaginé et celui qui se tenait devant lui au vu de son physique. Il mettait enfin un visage sur les actions horribles dont il n'avait fait qu'entendre parler : Ronan Graves avait laissé sa femme, Cordelia, au chevet de leur enfant malade pour un plan insensé. Il était allé jusque dans les montagnes autrichienne pour délivrer Grindelwald, le plus grand mage noir du siècle si on excluait Voldemort lui-même, de sa prison de Nurmengard. Habité par la conviction folle que seul un sorcier aussi puissant pouvait guérir son fils, il avait été jeté en prison au moment même où Théophilius était mort, laissant derrière lui une famille désœuvrée et fracturée. Il suffisait de voir la pâleur de Théa à cet instant pour le comprendre.
- Les Aurors te cherchant, souffla-t-elle d'ailleurs d'une voix cassée. Tu aurais dû te présenter au MACUSA dès ta libération... Qu'est-ce que tu fais... ?
- La seule chose à faire, Théodora. Ce que j'ai toujours fait. Je cherche la grandeur.
Toute l'emphase qu'il mit sur le dernier mot raisonna, haut et clair, et Julian retint un frisson alors que Ronan Graves s'avançait d'un pas.
- Crois-moi, si j'avais pu mener mes recherches en toute simplicité, je l'aurais fait, dit-il avec gravité. Mais j'ai été forcé de recourir à ces... extrémités par les gens au sein de ce système d'entre-soi qui veulent garder le pouvoir pour eux seuls. Je n'ai pas eu le choix.
- Pas eu le choix ? Des extrémités ? répéta Liam, vibrant d'une rage mal contenue. C'est comme ça que vous appelez ce que vous avez fait à ma sœur ?
- Je n'ai rien fait à ta sœur. Je t'assure qu'Emilia va bien et elle te retrouvera le moment venu... (Il marqua une pause, grave, et ajouta avant que Liam n'ai pu protester). Mais avant ça, nous sommes là pour quelque chose. Il est temps que le Rituel soit brisé.
De la pointe de sa baguette, il désigna alors l'arbuste fleuri sur lequel s'était posé le corbeau il y a quelques minutes. Julian s'en approcha, soudain avide de percevoir quelque chose, n'importe quoi... Et elle était bien là. Cette vibration si caractéristique de la magie d'ancrage, celle qui semblait entourer les objets d'un voile protecteur. Il était devenu familier avec cette signature magique à force de l'étudier et il se retrouva fasciné de la sentir en vrai, si tangible.
Ronan Graves s'approcha à nouveau, réduisant cette fois la distance entre lui et leur groupe, et attrapa une feuille de l'arbuste entre le pouce et l'index.
- Personne n'y fait attention... Un simple arbre en plus dans ce parc aux merveilles tellement plus intéressantes. Vous êtes passés devant des centaines de fois sans savoir le trésor qui se cachait sous vos pieds... (Il arracha son regard à sa contemplation pour venir les vriller sur eux). Une hérésie de dissimuler une relique pareille ici et pourtant ils ont osé.
- Une relique ? releva Noah, toujours trop vif à parler pour son propre bien.
Julian se retint de faire volte-face pour le faire taire.
- Une relique, oui, susurra Ronan Graves. Un témoignage du passé, habité par le pouvoir d'un des plus grand sorciers au monde.
- Grindelwald ? cracha Théa.
Même si elle était toujours pâle à cause du choc, elle avait retrouvé toute l'intensité de son fameux regard incendiaire. Malheureusement, son père n'en parut pas très affecté.
- Non, Théodora. J'ai appris ma leçon. Un sorcier, aussi puissant soit-il, n'est qu'un homme. Ce qu'il me faut, c'est la source même de son pouvoir. Le reliquat de la magie même !
Il marqua une pause, comme s'il s'attendait à ce qu'ils proposent une réponse à son énigme, mais Julian se doutait que les autres ressentaient la même chose que lui : une peur paralysante qui les empêchait de penser correctement. Ronan Graves eut une moue déçue exagérée.
- Voyons, vous ne comprenez pas ? déplora-t-il. Ils ne vous apprennent donc rien dans cette école ?
- Rien ne peut contenir la magie réellement, se força à articuler Julian, poussé malgré tout par une fierté non avouée. Elle fait partie de chaque individu, elle peut être insufflée dans un objet mais pas... enfin, elle ne peut pas être contenu...
- Ah ! Bonne remarque, oui. (Il leva un doigt, comme pour protester dans un procès). Mais je n'ai jamais dit que je cherchais un contenant. J'ai dit que je voulais un reliquat, c'est-à-dire quelque chose qui subsiste. Alors... Disons que ce que je cherche, c'est une empreinte, déclara-t-il dans un souffle. L'empreinte magique d'un grand sorcier, sa plus grande relique ! Celle dont on dit qu'elle ne fait qu'un avec le sorcier, celle qui lie la magie dans ses veines avec ses manifestations.
La réalisation frappa Julian en même temps que le regard sombre de Ronan Graves. Il comprit soudain. Non, ce n'était pas un contenant pour la magie... C'était un conducteur.
- Une baguette, murmura-t-il. C'est une baguette, n'est-ce pas ?
Ronan Graves claqua des doigts.
- Exactement !
- Mais pas n'importe laquelle... intervint Noah, sourcils toujours froncés. Vous avez parlé de relique, comme ce que disait Martha Steward, la fille d'Isolt Sayre. « La relique de serpent ».
D'un coup, tout le monde se tourna vers Noah. Julian traduisit aisément les expressions de ses amis : ils avaient oublié autant que lui ce détail des carnets de Martha, trop troublés par la présence de Ronan Graves et l'imminence du brisement du Rituel. Noah, lui, était finalement fidèle à lui-même avec cette perception décalée des choses. Durant toutes leur recherches, c'était d'ailleurs au livre sur Martha qu'il s'était intéressé, sûrement parce que d'une certaine façon elle représentait comme lui une figure marginale, l'éternelle exclue au sein de sa famille.
Brusquement, la seconde réalisation le frappa alors encore plus fort que la première. Les mots « famille », « relique » et « serpent » se mêlèrent dans son esprit, s'entrechoquèrent, résonnèrent. C'était un sentiment de frustration intense. Il sentait qu'il était en train de louper quelque chose de décisive et il ferma les yeux une seconde pour se concentrer. L'obscurité apporta la lumière.
- Merlin... La baguette, c'est celle d'Isolt, souffla-t-il, saisi par l'évidence. Enfin, celle de sa tante Gormlaith Gaunt... Et le serpent, c'était pour...
- Salazar Serpentard, oui, confirma Ronan Graves. L'un des quatre Fondateurs lui-même !
A nouveau, il effleura les feuilles de l'arbuste du bout des doigts, comme s'il sentait le pouvoir de la baguette à peine quelques mètres en-dessous. Julian eut à une nouvelle crampe à l'estomac. Des quatre Fondateurs, ce n'était pas un hasard si Serpentard était celui avec la plus mauvaise réputation. Sa légende entière était traversée par la magie noire et des idées obscures. Sa baguette ne pouvait qu'être à son image, surtout au vu de ce que sa descendante en avait fait. Après tout, Gormlaith Gaunt avait tenté de tuer sa nièce et de voler ses enfants pour les endoctriner dans l'idéologie sang-pur.
Autour de lui, ses amis ne paraissaient pourtant pas réellement réaliser ce que le nom signifiait, mais il supposait qu'il ne pouvait pas leur en vouloir. Avant d'arriver à Ilvermorny, il ne connaissait rien de l'histoire d'Isolt Sayre et c'était normal qu'eux ne sachent rien des Fondateurs de Poudlard.
Liam, peu impressionné, se remit d'ailleurs à s'agiter.
- Je m'en fiche que cette foutue baguette ait appartenu à Salazar, Morgane, ou Merlin ! Vous nous balader depuis tout à l'heure ! Je veux savoir où est Emilia, maintenant !
- Seul accomplir le Contre Rituel te permettra de le savoir, assura Ronan Graves, agacé. A toi de faire un choix.
Il le fixa avec intensité, le défiant presque du regard. Il lui remettait la décision entre les mains et Liam préféra serrer les poings le long de son corps, trop contrarié pour cacher sa colère. Julian imaginait aisément des doutes qui étaient en train de le déchirer : accomplir le Contre-Rituel sans garantie était un jeu dangereux, mais Ronan Graves mentait. Ils n'avaient pas réellement le choix. S'ils n'obéissaient pas, ils n'avaient toujours aucune idée d'où se trouvait Emilia et il se doutait que Ronan ne les laisserait pas repartir juste comme ça de peur qu'ils contactent désormais les Aurors.
- Très bien, qu'on en finisse, finit par maugréer Liam. Dites-nous comment faire.
- Liam... murmura Aileen. Attends, t'es sûr que...
- Non, coupa-t-il. Mais on ne va pas rester là toute la nuit et on n'a pas travailler sur ce foutu Rituel pendant des mois pour rien. Othilia, donne-moi les fioles de potion.
Impétueux, il se tourna vers elle, main tendue. Othilia eut un instant d'hésitation et chercha d'abord le regard de Théa. Cette dernière secoua la tête immédiatement.
- Non, je refuse de prendre une décision. Je refuse de m'associer à quoique ce soit avec lui !
- Oh arrête ! s'écria Liam. C'est toi qui disais pendant les vacances que tu ne laisserais pas la magie noire briser une autre famille. Il faut que je retrouve ma sœur ! Alors allez, on le fait !
- Ton ami a raison, Théodora. Je me doute que cette situation n'est agréable pour personne, autant la terminer au plus vite, tu ne crois pas ?
Le ton faussement compatissant de son père parut hérisser Théa. Mâchoire contractée, elle se contenta de croiser les bras contre son ventre et fit signe à Othilia de céder les fioles. Elle les donna à Liam comme si elle se débarrassait d'un objet brûlant. Sans attendre, celui-ci tomba à genoux devant l'arbre et demanda à Ronan Graves sans même le regarder :
- Je les verses sur le tronc, c'est ça ?
- Voilà, au plus proche des racines et de la terre. Les potions doivent s'infiltrer dans le sol.
Julian le savait. C'était la première étape qu'avait indiqué sa traduction des runes anciennes envoyées en tout début d'année. Incapable de réprimer sa curiosité, il s'approcha derrière Liam pour mieux voir et manqua de sursauter quand Théa, incapable de garder le silence, s'adressa à nouveau à son père avec colère :
- Pourquoi tu fais ça ? Vraiment ? A quoi ça peut bien te servir de récupérer une baguette d'un sorcier mort il y a des siècles ?
- Je l'ai déjà dit, elle n'a rien à faire ici, gardée prisonnière sous terre par un système qui croit pouvoir se l'approprier.
- Quel système ? La direction de l'école ? Le MACUSA ? Ils savent tous qu'elle se trouve ici, le Rituel est renforcé depuis des décennies pour une raison ! La baguette doit être dangereuse !
- C'est là que tu te trompes, Théodora, objecta Ronan de ce même ton patronisant. Elle n'est dangereuse que si tu décides qu'elle l'est, tout dépend du point de vue. Et pour moi, cette baguette a une valeur historique et magique infiniment plus importante que le reste.
Au pied de l'arbre, la terre s'était gorgée des potions versées par Liam, mais aucun autre changement n'était visible pour l'instant. Julian s'avança encore un peu pour la prochaine étape.
- Maintenant les sortilèges... souffla-t-il.
- Tu t'en occupes ? fit Liam, presque suppliant.
Il acquiesça, la gorge nouée. Il eut envie de se tourner vers Théa pour lui demander de l'aide. Techniquement, ils avaient travaillé ensemble sur cette partie et la maillage magique qui entourait l'arbre était d'une rare complexité. Il aurait aimé avoir ses savoirs en matière de maléfices et de tout ce qui concernait la Défense contre les Forces du Mal, mais il sut d'avance face à son regard glacial que ce n'était même pas la peine de demander. Concentré, il leva donc sa baguette et commença doucement à murmurer les premiers contre-sorts.
- Est-ce que c'est pour ça que vous nous avez laissé travailler avec Liam ? s'exprima soudain Aileen. Pour qu'on réussisse à briser le Rituel ?
Ronan se tourna vers elle. Julian aurait voulu qu'ils arrêtent tous de parler pour pouvoir réussir correctement ses sorts, mais il n'eut pas le cran de le dire à voix haute. Au lieu de ça, il écouta la réponse tout en essayant de se concentrer au mieux. Une magie pareille demandait de l'énergie et de la précision, quelque chose dont il craignait de manquer à cause de la peur qui lui tordait le ventre.
- J'avoue que c'était peut-être la partie la moins définie de ma... démarche, avoua Ronan avec cette nonchalance étudiée qui lui donnait des frissons en prime. Je voulais si Liam était capable d'y arriver seul, mais je me suis vite aperçu que le Contre Rituel n'aboutirait qu'avec l'aide d'autres personnes. C'est pour ça que je ne suis pas intervenu.
- Mais... le corbeau au cou brisé... ?
- Ah ça... Voyons, vous savez très bien que ce n'était pas la même chose. Cela faisait plusieurs fois que vous faisiez intervenir Leonidas Grims et je ne pouvais pas le tolérer.
Cette fois, son ton s'était chargé d'une lourdeur menaçante. Au sol, les ombres des serres jetaient des traits mouvants et noirs aussi fascinant qu'effrayants. Un silence s'étira, lent et pesant. Julian serra un peu plus sa baguette entre ses doigts tremblants. Il sentait la magie couler en lui et passer à travers sa baguette – le conducteur définitivement – avant de s'entremêler pour détricoter le Rituel d'Ancrage en place. C'était une magie contre intuitive, presque pratiquée à l'envers.
- Mais si vous pouviez entrer à Ilvermorny, pourquoi nous laisser briser le Rituel ? intervint soudain Othilia, la voix chevrotante. Vous pourriez défaire les sorts vous-même, là, maintenant.
Julian tiqua. Elle avait raison et il s'en voulu de ne pas y avoir pensé. Depuis le début, il avait cru que Ronan Graves leur avait confié la mission de préparer les étapes du contre rituel parce qu'il ne pouvait pas le faire lui-même, ici, à Ilvermorny ? Mais ce soir, alors qu'il était devant eux, il les regardait simplement faire.
Théa fut la première à réagir, méprisante.
- Mais parce qu'il est lâche ! La dernière fois, il a tenté lui-même de libérer Grindelwald et ça s'est retourné contre lui, il n'allait pas le faire une seconde fois. Si quelque chose dérape, c'est nous que les Aurors viendront chercher. Il suffira de remonter les sorts de nos baguettes, de trouver nos recherches !
- Théodora, tu es trop dure, je ne...
- Trop dure ? Mais tu crois quoi ? s'emporta-t-elle. Qu'on est là par plaisir ? Pour des retrouvailles familiales ? Tu sais ce qu'on endure depuis des mois ? Ce que Liam endure ? (Elle le désigna du doigt, toujours à genoux dans l'herbe à veiller que les potions pénétraient bien la terre). Qui nous dit que tu n'étais pas impliqué il y a trente ans aussi en 1950 ?
L'accusation parut être la première chose à déstabiliser Ronan. Julian ne vit son expression que du coin de l'œil, craignant de se retourner et de louper un sort dans le mouvement, mais même pour lui ce fut évident. Visiblement, Ronan n'avait pas prévu qu'ils en sachent autant.
- Comment... ?
- Quoi ? Tu crois qu'on ne ferait pas le lien ? continua Théa, trop satisfaite d'avoir trouvé une corde sensible pour remarquer les regards d'Aileen, Othilia et Noah qui lui indiquaient clairement d'arrêter d'en révéler autant. Tu as aussi forcé maman et tante Aurélia à participer à tout ça, c'est ça ?
Elle fit un large cercle du bras, censé englober toute la scène et Ronan parut enfin se reprendre.
- C'est ce que tu crois savoir, Théodora ? Que je les ai forcés ? (Il rit). Oh non, crois-moi, je n'ai forcé personne à l'époque. Contrairement à vous, ils avaient compris l'enjeu et la grandeur que représentait ce projet. Aurélia particulièrement, ce qui rend son hypocrisie encore plus grande si vous voulez mon avis...
Le dernier commentaire, marmonné à voix basse, fut pourtant tout à fait audible dans la nuit silencieuse. Julian loupa un sort pour la première fois et dû redresser sa baguette pour tenter de ne pas faire s'écrouler tous ses efforts... Les séquences de brisage de sortilèges devaient s'enchaîner de manière précise, il ne devait pas flancher, mais... Merlin, son cœur s'était remis à cogner à coups sourds comme un instrument désaccordé dans sa poitrine.
- Qu'est-ce que vous saviez sur ma mère ? laissa-t-il échapper, incapable de se restreindre.
- Julian, ce n'est peut-être pas le moment... tenta Aileen.
- Je veux savoir ! Ou j'arrête les sortilèges, maintenant !
Liam releva des yeux épouvantés vers lui.
- Non ! protesta-t-il.
Mais, contre toute attente, Ronan se contenta d'un rire sans joie, l'air presque amusé. C'était un son glaçant.
- Tu n'arrêteras pas, asséna-t-il, sûr de lui. Tu veux savoir comment je le sais ? Exactement pour la même raison pour laquelle je vous ai tous laissé travailler sur ce Rituel d'Ancrage et plus particulièrement toi. (Il vrilla son regard sombre sur lui et se déplaça pour être au centre de son champ de vision, bien plus menaçant ainsi). Tu es comme ta mère, Julian. Tu fais ça pour te prouver que tu le peux. Ces sortilèges à dénouer et à comprendre sont devenus ton défi, tu es trop de fierté pour te laisser échouer maintenant... exactement comme elle.
Julian se figea, tétanisé. Le dernier mot avait été professé avec assurance et un octave plus bas, le faisant résonner au plus profond de lui. Il se força à rester concentré malgré le nœud dans son estomac. Est-ce que Ronan avait raison ? Il avait voulu aider Liam depuis le départ, mais est-ce qu'il avait vraiment eu une motivation plus profonde ? Après tout, il avait passé des nuits blanches sur les runes, refusant d'utiliser celles données par le Corbeau pour pouvoir avoir les siennes. Il s'était emparé de la question des sortilèges sans concerter les autres, tout simplement parce qu'il considérait que c'était évident. Et le pire, c'était qu'il avait l'impression qu'une part de vérité se cachait dans les paroles de Ronan... Oui, il voulait venir à bout des sortilèges de protection du Rituel d'Ancrage. Des sorciers bien plus âgés en auraient été incapables, mais est-ce que ce n'était pas le sens du surnom que tout le monde lui attribuait ? Le prodige ?
Son trouble dû se lire sur son visage car Théa se récria brusquement :
- Oh par Morgane, Julian l'écoute pas ! Il cherche juste à entrer dans ta tête, c'est un manipulateur né !
- Vraiment, Théodora... Qui est-ce qui t'a dit ça ? Ta mère ? soupira-t-il d'un air contrit. Je pense qu'elle n'est pas très objective sur la question.
- Et qui pourrait la blâmer ? A cause de toi, Théo est...
Le nom sembla être le déclencheur. Le masque avenant de Ronan se fissura une seconde et il coupa sa fille, tranchant :
- Je ne veux pas en parler ! Théo était malade. Contrairement aux Grims, j'ai tenté de sauver mon fils. Ne t'avise pas de...
- De le sauver ? En nous laissant seules avec maman à la clinique affronter les journalistes et les médecins ? hurla Théa en retour.
Ronan n'eut pas l'occasion de répondre. En un denier mouvement de baguette, Julian finit se desceller le dernier pan du sortilège Incassable qui entourait l'arbre. Un éclat de magie – véritable cercle lumineux – jaillit de ce dernier en un cercle lumineux et plus personne n'osa soudain parler, fasciné. Julian se tint immobile, les jambes instables. Il le sentit à la seconde : il avait réussi. Plus aucun sortilège ne maintenait le Rituel d'Ancrage en place. Il ressentit une étrange euphorie le traverser, puis un mal aise immédiat face à ce constat : est-ce que cette sensation de triomphe venait de sa fierté personnelle ou du fait qu'ils se rapprochaient d'Emilia ? Il n'aurait pas su le dire...
Soudain nauséeux, il recula, s'éloignant de l'arbre de plusieurs pas. Il manqua de rentrer dans Noah sans faire exprès et tenta d'éviter son regard qui pesait sur lui, plus lourd peut-être que celui de tout le monde.
- Ca y est... murmura alors Ronan presque religieusement.
Il frôla à nouveau les feuilles de l'arbre et Julian se demanda s'il pouvait percevoir une quelque conque différence.
- Ma sœur... ? fit Liam, impatient.
- Oui, oui... Il ne reste plus qu'une étape de toute façon et nous allons avoir besoin d'elle.
- Quoi ?
Perdu, Liam dévisagea Ronan, mais celui-ci ne lui prêtait plus attention. Il s'était dirigé vers le mur d'enceinte, là même où il était apparu il y a près d'une demi-heure. Le temps paraissait de toute façon distordu, étiré dans une éternité angoissante, et Julian tenta de maîtriser ses tremblements. Il était épuisé, comme si la magie qu'il avait puisée en lui l'avait vidé de son énergie.
- Jules ? souffla Noah près de lui.
Ses lèvres remuèrent à peine, mais il l'entendit quand même, proche. Il aurait voulu ignorer la façon dont la pression dans sa poitrine réagit face au surnom si familier... en vain.
- Je vais bien, rassura-t-il d'une voix blanche.
- Tu...
Noah se coupa lui-même. Ses yeux bleus s'étaient vrillés ailleurs et Julian releva les yeux. Et c'est là qu'il la vit. Elle franchit le mur d'enceinte, droite et libre, le visage à peine dissimulé par sa longue chevelure. La Joconde blonde.
Après des mois de disparition, Emilia Cooper avait enfin refait surface.
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Et bah vous savez quoi ? En le relisant, je me dis qu'il est pas si mal pour un chapitre sur lequel j'ai autant lutter haha ! Bon évidemment, c'est votre avis que je veux ^^ N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de toutes les scènes, ça me fera plaisir, et je vous promets d'être dans deux semaines avec un chapitre prêt (je croise les doigts) !
Les meme de Lina pour toujours terminer en beauté. Le dernier m'a fait mourir de rire haha!
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