Chapitre 41 : Ouvrir les yeux

Salut ! Avant de commencer ce chapitre, faut que je vous raconte mon week-end incroyable parce que...

C'ETAIT LE MARIAGE DE CAZOOOO !

Oh mon dieu, c'était incroyable. Déjà merci à Perri et Clem parce qu'elles ont été des compagnes de roadtrip parfaites : musique à fond, rires, et karaoké ! On s'est préparées ensemble avec nos jolies tenues et maquillages, bref la total. On a dû courir pour arriver à l'heure à la cathédrale (Perri et ses talons s'en souviennent). Mais le grand moment ça a été en voyant la mariée arriver. C'est simple, je me suis mise à pleurer direct, Perri juste derrière. On souriait comme des débiles en la regardant remonter l'allée ! Le reste de la journée est vraiment passé trop vite, mais on s'est trop amusées, c'était génial ! (Rien que de repenser à l'alliance sur la main de Cazo, j'ai encore les larmes aux yeux haha)

Le lendemain, on a réussi à se lever tôt, on était fières de nous. Et Perri, la meilleure conductrice du monde, m'a déposé chez ma mamie que je n'avais pas prévenu de mon arrivée. Donc j'ai pu lui faire la surprise ! (Perri est repartie avec des fraises en guise de remerciement après que ma grand-mère ait tenté de la faire rester manger une bonne dizaine de fois en bonne grand-mère qui se respecte ^^).

Bref, vraiment un week-end incroyable ! Et pour le continuer, je vous offre donc un nouveau chapitre. Merci pour vos réactions sur le dernier, j'ai l'impression que les réactions de Hanna ont été assez bien comprises donc ça m'a fait plaisir. Elle est blessée dans son amour propre, c'est une forme de trahison, mais elle n'aimait pas Julian d'un amour avec un grand A. Ca ne veut pas dire que la révélation n'a pas été douloureuse pour elle, au contraire. Elle se remet en cause notamment en se disant que c'est en parti sa faute ou que Julian a un problème ect... Ce n'est pas facile à lire/écrire, mais c'est humain aussi...

En tout cas, je vous laisse découvrir la suite et on se retrouve en bas ! Bonne lecture ^^ 

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Chapitre 41 : Ouvrir les yeux

« Le temps révèle tout et n'attend pas d'être interrogé. »

- Euripide -

// 19 mars 1980 //

Le Poudlard Express avait quitté Londres depuis longtemps et roulait maintenant à vive allure dans la campagne anglaise. Agacé, Matthew contempla le paysage en se demandant si le silence dans le compartiment allait durer jusqu'en Ecosse, mais il ne voulait pas être le premier à craquer. Il savait très bien à quoi la tension dans l'air était due et il n'était pas sûr de savoir comment la gérer. En face de lui, le visage de marbre, Hanna regardait elle aussi par la fenêtre. Ils s'étaient retrouvés sur le quai avec un simple salut, sans effusion ni accolade, et il avait vite compris que la situation ne s'était pas améliorée depuis une semaine. Depuis leur retour des Etats-Unis ou comme Matthew aimait le baptiser, la Guerre de Sécession. En l'occurrence, rien à voir entre un conflit entre le Nord et le Sud, mais plutôt entre deux autres pôles : ceux de ses amitiés. Julian face à Hanna. Son meilleur ami contre sa confidente d'école.

Au bout d'un moment, la brume épaisse typiquement anglaise finit par couvrir le paysage et Matthew en eut marre de plisser les yeux pour essayer de se distraire à distinguer un pauvre sapin. Il laissa échapper un sourire frustré et Hanna coula un regard en sa direction.

- Quoi ? lâcha-t-elle, presque agressive.

- Rien.

- Tu soupires juste pour rien ?

Il croisa les bras devant lui.

- Je sais pas, marmonna-t-il, tu vas me faire la gueule pour rien longtemps ?

Sa remarque atteignit sa cible : d'un coup, Hanna se raidit et son regard se fit plus direct, plus assassin. Il se fit un point d'honneur à le soutenir.

- Pour rien ? Tu trouves vraiment que c'est pour rien ? ragea-t-elle.

- Ouais, un peu, ouais ! Sérieux Hanna, t'attends que je te dise quoi ? Que je suis désolé pour toi ? Après ce que tu lui as balancé au visage ?

- Ce que moi je lui ai balancé ? Mais tu t'entends ? (Elle se pencha vers lui, outrée). Et lui alors ? On en parle de ce qu'il m'a balancé à moi ?

Sur la fin de sa phrase, sa voix était montée dans les aigus et Matthew contracta la mâchoire. En vérité, il avait de la compassion pour Hanna au fond de lui. Il y avait pensé toute la semaine et il s'était mis à sa place ; mais à chaque fois qu'il le faisait la même vision lui revenait systématiquement. Celle du visage de Julian quand il était rentré chez les Grims après avoir avoué la vérité à Hanna. Du moins, une partie de la vérité. Il n'avait pas évoqué le nom de Noah devant elle et Matthew se fit une énième note mentale de ne pas le laisser échapper dans son emportement. De toute façon, Julian avait eu raison de ne pas aller au bout de ses aveux : la réaction d'Hanna avait été suffisante comme ça.

Il avait passé une partie de la nuit à réconforter un Julian prostré, tellement retranché en lui-même qu'il avait eu l'impression de revenir aux premiers jours après la mort de sa mère. Ça avait été presque plus glaçant que s'il s'était mis à pleurer ou à balancer des objets à travers la pièce. Au lieu de ça, Julian s'était contenté de lui raconter la scène d'une voix atone, les poings crispés à part les moments où il avait attrapé un crayon pour le faire tourner entre ses doigts, nerveux. Matthew s'était insurgé pour deux de toute façon. Il n'avait pas été naïf au point de croire qu'Hanna prendrait bien la nouvelle, mais il n'avait pas anticipé une telle colère ni une telle rancœur. Sa mère lui avait pourtant dit un jour une remarque qu'il n'était plus près d'oublier : « une femme trahie devient une autre femme ». Il ne savait même plus dans quel contexte elle lui avait sorti une phrase pareille. Une de ses enquêtes peut-être ? Peu importait dans le fond. Elle avait eu raison et Julian en avait fait l'amère expérience. Pendant des heures, il n'avait cessé de répéter qu'Hanna avait de toute façon eu raison, que quelque chose n'allait forcément pas chez lui... Matthew devait avouer qu'il n'avait sûrement pas trouvé les mots justes pour le rassurer parce que, au milieu de la nuit, Julian avait fini par lui demander d'arrêter de parler et était allé dormir, dos tourné.

Encore maintenant, il s'en voulait... Il avait essayé pourtant. Il avait vraiment cru en ses mots en réconfortant Julian, mais son mal l'aise avec l'idée de deux garçons ensemble avait quand même dû être perceptible. Il n'y pouvait pas grande chose, tenta-t-il de se rassurer. Après tout, la vision de son meilleur ami et de Noah Douzebranches ensemble était encore déstabilisante et il lui faudra sans doute plus de temps pour véritablement la comprendre. Malgré tout, il savait une chose avec certitude : Julian n'était pas détraqué. Il était peut-être un peu différent à la limite, mais il l'avait toujours su. Peu de garçons de leur âge ressemblait à Julian. C'est ce que Matthew avait aimé chez lui dès le premier jour et c'est ce qui avait solidifié leur amitié. Julian avait une passion pour le dessin et l'art, il était un prodige agaçant en sortilège et en magie, il comprenait le poids des responsabilité qui entourait le fait d'avoir des frères ou une sœur plus jeune. Plus que tout, il était un pilier inébranlable.

Aujourd'hui, Matthew était résolu à être ce pilier pour lui aussi, même à un océan d'écart. Et si ça signifiait tenir tête à Hanna, alors qu'il en soit ainsi.

- Tu lui as dit qu'il était dérangé, Hanna, cingla-t-il. Tu lui as dit qu'il avait besoin d'un putain de médicomage !

- Parce que c'est le cas !

- Que c'était à cause de sa mère !

- Au moins ça expliquerait ! se défendit-elle. J'essayais d'être rationnelle et de l'aider pour comprendre comment...

Sans prévenir, il claqua sa main contre la vitre. Hanna sursauta.

- Non ! coupa-t-il avec colère. Je t'interdis faire ta Serdaigle réfléchie et « rationnelle ». Y' avait rien de rationnel là-dedans ! T'étais juste blessée et folle de rage, avoue-le ! Et franchement, Hanna, personne ne te dira que t'avais pas le droit de l'être, Julian le premier l'a reconnu. Mais sérieux... Impliquer sa mère ? Alors qu'on avait dit tous les deux qu'il avait encore son deuil à faire et qu'il en souffrait ? C'est juste dégueulasse !

Le mot claqua, violent, et cette fois Hanna tressaillit même si elle ne détourna toujours pas les yeux. Ils étaient quand même rouges, signe qu'elle se retenait peut-être de pleurer, sauf que Matthew était trop indigné pour s'en soucier. Il le regretterait plus tard.

- T'es injuste, Matt, s'insurgea-t-elle alors, la voix chevrotante. Qu'est-ce que je suis censée ressentir, hum ? Depuis quand t'as un droit de regard sur ce que je peux dire ou non ? Ca concernait Julian et moi, personne d'autre !

- C'est mon meilleur ami, bien sûr que ça me...

- Et c'était mon copain ! Sauf que pendant que je m'inquiétais pour lui, il voyait un gars dans mon dos. Un gars !

Matthew jeta ses bras en l'air, incrédule.

- Qu'est-ce que ça change que ça soit un gars, sérieux ? s'exclama-t-il en sachant pertinemment qu'il était de mauvais foi.

Hanna ne fut pas dupe. Elle lui renvoya un regard qui signifiait clairement qu'il était en train de se foutre d'elle et, pour la première fois depuis le début de leur dispute, il fut celui qui détourna les yeux. Le problème, c'est qu'elle avait raison : ça changeait tout que ça soit un gars. Ce n'était plus une simple affaire de tromperie ou de trahison – ce qui était déjà assez dur comme ça – c'était une remise en cause de ce qu'ils avaient cru savoir tous les deux sur leur meilleur ami. Seulement, il y avait des limites à ne pas franchir et Hanna avait largement dépassé la ligne de la brutalité en matière de réaction.

Une pensée fulgurante lui traversa soudain l'esprit.

- Est-ce que t'es réellement en colère contre lui ou contre la situation ? lâcha-t-il, suspicieux.

- Quoi ? Je comprends pas... Bien sûr que je suis en colère contre lui, c'est la même chose !

Il secoua la tête.

- Non, réfuta-t-il. Julian est responsable de ne pas t'avoir parlé avant et de ses actes, mais pas de ce qu'il ressent. Et je pense que c'est ça qui te met en rogne. Parce que si ça avait été une autre fille, t'aurais pu te battre ou essayer de le récupérer ou juste le rayer de ta vie. (Il marqua une pause avant s'asséner). Là, t'as même plus le choix.

Avec un temps de retard, il se rendit compte qu'il était sans doute trop violent lui-même dans ses mots. Le visage d'Hanna passa par plusieurs teintes en plusieurs secondes – de l'écarlate au blême – et il sut qu'il avait visé juste. Pour quelqu'un comme Hanna, Serdaigle dans l'âme, rationnelle, qui aimait que chaque étoile soit à sa place et que chaque rotation de planète entraîne une conséquence mesurable, ne pas avoir la main sur ce qui se passait devait être insupportable. Il la connaissait aussi pour savoir qu'elle avait un esprit bouillonnant. Pendant les mois qui l'avaient séparé de Julian, elle avait dû envisager des centaines de fois leurs retrouvailles et il s'était même demandé à un moment si ce n'était pas pour cela qu'elle refusait de le confronter par lettre. Hanna aimait la réalité et le concret. Pourtant, rien ne s'était passé comme elle avait dû l'imaginer et la collision entre ses espoirs et la réalité avait dû être violente.

Il lui laissa donc le temps de reprendre ses esprits avant qu'elle ne finisse par répondre, la voix étranglée mais toujours vibrante de colère :

- Evidemment que la situation « me met en rogne », cita-t-elle avec hargne. Je me suis battue pour nous, tout ça pour découvrir que... que c'était du vent. Et je ne peux rien faire ! Finalement, si j'avais été un gars, peut-être que ça aurait pu marcher mais là... Tout ce qu'il me dit c'est juste « c'est comme ça » et je ne peux pas lutter. (Elle essuya une larme qui s'était soudain échappée). Peut-être qu'en fait, j'étais pas assez... désirable ou je sais pas...

- Hanna, arrête, il t'a dit que ça n'avait rien à voir...

- Mais ça doit jouer non ? Je sais que j'ai jamais été très féminine, mes cheveux sont jamais coiffés...

- Ca n'a rien à voir avec tes cheveux !

Mais elle ne l'écoutait plus. Matthew le voyait bien dans la façon dont elle s'était recroquevillée dans le fond de la banquette, défaite, et il soupira. Sa propre colère retomba doucement face à ses larmes silencieuses.

- Hanna... murmura-t-il.

- Non, je ne veux pas de ta pitié, grommela-t-elle, bras croisés contre son ventre en geste presque protecteur. Essaye pas de me mentir, c'est juste objectif. Regarde-moi ! (Elle désigna son visage où des plaques rouges commençaient à germer). Je n'ai jamais été jolie, ni sexy, ni tout ce que tu veux ! Pas comme Elizabeth Yaxley ou Dorcas Meadowes ou même Charity !

A cette comparaison, Matthew sentit son sourcil se hausser d'instinct.

- Charity ? répéta-t-il. Enfin, c'est pas juste, vous êtes complètement différentes !

- Justement, Matt ! Je n'ai pas sa poitrine, ni ses longs cheveux blonds, ni ses lèvres, ni rien !

- Et alors ?

- Alors la preuve que ça fait une différence : je me suis fait larguée pour un gars et tu la regarde elle comme tu m'as jamais regardé moi !

Abasourdi, il dévisagea Hanna, incapable de trouver une réponse. Pendant une seconde, il eut peur de mal comprendre et sentit une pointe de panique l'envahir avant qu'elle ne comprenne et s'empresse d'ajouter :

- Pas que je veuille que tu me regardes comme ça, non ! Arg ! C'était juste dans l'absolu, tu vois ?

- Ouais, je vois... Pas besoin de faire cette outrée quand même, marmonna-t-il.

Elle roula des yeux.

- Laisse tomber... De toute façon, je savais que tu serais de son côté...

Elle avait beau avoir parlé à voix basse, il l'entendit tout de même et se redressa, piqué au vif.

- T'es sérieuse ? répliqua-t-il en relevant la tête pour la fixer à nouveau. Te trompe pas de cible, Faucett, je t'ai défendu aussi !

- Et on voit le résultat !

- Eh, arrête, je ne suis pas responsable !

- Non, juste complice, objecta-t-elle. Si je n'avais pas confronté Julian, il ne m'aurait rien dit et la mascarade aurait pu continuer longtemps. Tu m'aurait rien dit non plus, pas vrai ?

Elle le défia, menton haut, et il se crispa.

- J'ai dit à Julian qu'il devait te parler, se défendit-il.

- Mais s'il ne l'avait pas fait ? Est-ce que tu serais finalement venu me voir pour tout m'expliquer ? Est-ce que tu m'aurais dit la vérité, Matt ?

Son silence fut accablant. Non, il ne l'aurait pas fait, et ils le savaient tous deux. Parce que depuis le premier jour, sa loyauté allait à Julian et qu'il n'aurait pas pu trahir sa confiance, surtout pour quelque chose comme ça. Ce n'était pas moral, ni éthique, ni même digne de ses valeurs mais l'amitié transcendait parfois les codes qu'on s'était fixé.

Hanna laissa échapper un souffle consterné, une moue méprisante accrochée aux lèvres.

- La noblesse d'âme des Gryffondor, évidemment, railleur-t-elle. Seulement quand ça vous arrange.

- Oh allez, va te faire voir, Hanna. Tu déformes tout !

- Ouais, c'est ça. Je suis la copine timbrée, la mauvaise amie... Tu sais quoi ? T'es pas mieux que lui ! Peut-être même que t'es comme lui en fait !

Il aurait voulu que ça en soit autrement, mais l'insulte l'atteignit violemment. Il se leva d'un bond.

- J'en ai ma claque, reviens me voir quand tu te seras calmée, déclara-t-il en attrapant ses affaires.

- Quoi ? La vérité fait mal ? T'es détraqué aussi ! Charity sera ravie !

Pour toute réponse, il lui adressa un doigt d'honneur et ouvrit la porte du compartiment à la volée. Il le referma tout aussi sèchement. Le bruit vibra à ses oreilles, comme son cœur battant. Au fond de son esprit, derrière son indignation et sa rage, il espéra avec inquiétude qu'Hanna ne lancerai pas de rumeurs ou qu'elle n'irait pas voir Charity à ce sujet. Il savait qu'elle avait seulement voulu le provoquer mais si c'était une chose de soutenir Julian, c'en était une autre de se voir accuser de la sorte... Ecœuré par la tournure qu'avait pris leur conversation, il se décida finalement à remonter le couloir et à se lancer à la recherche de Charity. Il préférait faire le trajet avec elle et ne plus revoir Hanna avant un moment.

**

*

- Laisse-moi te le dire, on ne verra pas Noah avant un moment, ricana Liam. Mais enfin voilà, vous avez loupé un sacré week-end.

Assis sur le cheval à bascule – celui offert comme cadeau de noël par Théa – Liam contempla les visages sidérés d'Aileen et d'Othilia face à lui. Ils venaient tous de revenir à Ilvermorny après les vacances et les deux filles s'étaient étonnées de ne pas retrouver Noah chez Alberta, leur salle de classe vide et repère de travail secret. Un léger malaise avait flotté quand elles en avaient demandé la raison. Liam s'était vite rendu compte que personne n'allait se dévouer pour raconter ce qui s'était passé : Julian avait baissé la tête, le nez plongé dans ses parchemins à faire semblant de travailler et Théa avait roulé des yeux avec dédain. Ravi de pouvoir donc prendre les choses en main, Liam s'était lui-même lancé dans le récit de leur séjour à New York, à commencer par la crise que Noah avait fait à la pauvre Hanna Faucett.

- Mais... pourquoi il a fait ça ? s'éberlua finalement Aileen, perplexe. Qu'est-ce qui lui a pris par Morgane ?

- Noah n'a jamais eu besoin d'une raison, répliqua Théa, perchée sur le dossier du canapé. Il devait juste être de mauvaise humeur et il a saisi l'occasion de se défouler. Je ne suis même pas étonnée !

Othilia pressa ses paumes contre ses yeux. Elle avait l'air prête à subir une forte migraine et Liam eut un élan de compassion pour elle.

- Il y a dû avoir quelque chose pour le mettre dans cet état, marmonna-t-elle. Vous êtes sûr qu'il ne s'est pas disputé avec son frère ou sa tante avant ?

- Aucune idée... Il avait l'air normal quand il nous a rejoint à Central Park avec Charly. Et avant il était passé te voir, Julian, non ?

A la mention de son nom, Julian redressa la tête, crispé. Liam regretta presque de l'avoir dérangé dans son travail.

- On s'est vu à peine cinq minutes, répondit-il après quelques secondes. Il est passé chez les Grims mais je venais de rentrer de mon expo d'art et il est reparti avec ma sœur assez vite. Aucune idée de ce qui lui a pris...

Et, sans rien ajouter, il replongea dans ses parchemins, fuyant. Liam le laissa faire. Même s'il ne voulait pas le montrer, c'était assez évident que cette histoire l'avait secoué. Apparemment, il avait rompu avec sa copine pendant les vacances et il pouvait deviné que ça ne s'était pas vraiment bien passé. Moins compatissante, Théa lança à la cantonade :

- Il est surtout lâche à pas venir nous voir. Il sait qu'il a été horrible et maintenant il attend qu'on vienne le voir. (Elle haussa les épaules). Je ne lui ferais pas ce plaisir.

- Et s'il va mal... ? objecta Aileen, toujours compatissante.

Liam se balança un peu plus et il lui jeta un regard incrédule.

- McCallum, allez ! Même toi, tu ne peux pas le défendre. Son Altesse a raison, il a été horrible. Si quelqu'un doit aller mal, c'est Hanna ou...

Il laissa sa phrase en suspens, soudain conscient que Julian écoutait quand même malgré son visage concentré, mais toutes les filles comprirent le message car elles tournèrent brièvement la tête vers lui avant de se reprendre. Il toussota, gêné.

- Enfin bref... Non, je le plaindrai pas non plus, termina-t-il faute de mieux.

- Mais Aileen a raison, protesta Othilia. S'il est comme ça, vaux mieux pas qu'il reste seul parfois...

- Et t'es qui ? Sa mère ?

La réplique, venue spontanément à ses lèvres, prit malgré tout un sens plus lourd quand il réalisa que le sujet était sensible. Il claqua des doigts, traversé par une idée soudaine.

- Eh vous croyez pas que c'est ça ? dit-il à voix haute. Qu'il est un peu comme sa mère ? Elle était à moitié timbrée, non ?

La question jeta un froid, même s'il vit Théa pencher la tête sur le côté, l'air de vraiment considérer la question. Il n'eut pas le temps d'argumenter.

- Liam, intervint brusquement Julian d'une voix sourde. Tu crois pas qu'on a mieux à faire ?

- Mon rôle, c'est de surveiller la potion. T'inquiète, elle mijote !

- Ouais bah on a qu'à faire un point sur le reste alors au lieu de parler de ça. (Il se leva pour épingler un nouveau parchemin sur leur tableau récapitulatif avec toutes les étapes du Rituel d'Ancrage). Ça nous remettra les éléments en tête.

Dans le fond, Liam savait que Julian avait raison, comme souvent. C'est juste qu'il sentait qu'ils encore piétiner et ressasser les mêmes informations, celles qui lui bouffaient l'esprit depuis des mois quand ce n'était pas son inquiétude. Se défouler contre Noah aurait au moins été une distraction bienvenue. Malgré tout, il n'insista pas en voyant les filles reprendre leur sérieux et se mettre à parcourir les notes des yeux. Liam, lui, resta sur son cheval à bascule. Il n'en donnait peut-être pas l'air, mais il avait mémorisé la moindre ligne sur ces maudits papiers. Elles tournaient dans sa tête la nuit et le hantaient le jour.

Il en devenait malade et les vacances n'avaient rien arrangé. Retourner chez lui à être enfermé avec sa mère avait été un cauchemar. Elle était pire qu'à noël. Et même s'il la comprenait – elle vivait le pire pour un parent – il ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir, à elle et à son père, d'accentuer son inquiétude. Ça ne ferait pas revenir Emilia. Rien ne fait revenir sont qui sont partis, fit une voix dans sa tête. Mais ma sœur n'est pas morte, lui objecta-t-il.

Mécaniquement, il coula un regard vers Théa. La conversation qu'ils avaient eu ensemble pendant son week-end à New York lui revint alors en mémoire.

**

*

// Deux semaines plus tôt //

Le manoir des Grims n'était peut-être pas un palais, mais c'était tout ce que Liam avait toujours imaginé quand il pensait à la demeure de Théodora Grims, le Reine des Glaces. L'architecture et le boiseries renvoyaient à la grande époque victorienne et à l'avènement des Etats-Unis, bien loin de sa petite ville paumée d'Oregon où tout le monde se connaissait. Ici, les tableaux d'ancêtres faisaient office de photo de famille, il y avait un petit et un grand salon, et même un foutu jardin d'hiver. Il se sentit déplacé dans cet univers à la seconde où Julian l'abandonna pour partir avec son meilleur ami, un garçon roux au long nez et à l'accent anglais étrange. Il ne lui en voulait pas vraiment. Même si leur amitié s'était solidifiée depuis le début de l'année, il savait que Julian vivait mal d'être séparé de son pays et de ses amis là-bas, et sa réaction en les retrouvant l'avait prouvé. Il avait rarement vu autant d'émotions sur son visage qu'au moment où Matthew était apparu dans son champ de vision.

Heureusement, ils n'étaient pas revenus trop tard et Liam devait reconnaitre qu'il avait passé une bonne soirée en compagnie de tout ce monde. Noah était enfin rentré à son hôtel, emportant sa morosité, et il avait pu profiter des anecdotes de Leonidas Grims, de l'humour élaboré de sa femme Lysandra, des joutes verbales entre Hanna et Matthew et même du rire de Théa.

Voilà, Liam Cooper avait fait cette découverte : Théodora Grims pouvait rire.

En fait, il la trouvait différente chez elle. C'était peut-être à cause de toute l'animation et des invités présents, mais elle lui paraissait moins froide, plus accessible. En fait, il la trouvait différente chez elle. C'était peut-être à cause de toute l'animation et des invités présents, mais elle lui paraissait moins froide, plus accessible. Il n'abandonnait pas son surnom pour autant, juste pour le plaisir de la voir froncer le nez, mais c'était devenu une réaction familière maintenant. Au moins, peu important où ils se trouvaient, il avait toujours le même effet sur elle et s'en rendre compte était réconfortant. Sa vie avait été tellement chamboulé depuis le 4 juillet dernier qu'il était prêt à s'accrocher à n'importe quoi de familier de toute façon.

Au-delà de Théa, il découvrir également la fameuse famille Grims dont Julian lu avait déjà touché quelques mots. Pour commencer, il apprécia énormément Leonidas, le fameux oncle/parrain/cousin – il s'y perdait – à l'humour caustique. La mère de Théa, Cordelia, fut une rencontre plus... déstabilisante. Elle ne voyait visiblement pas d'un très bon œil l'arrivée d'autant d'invités et il n'avait pas tenté d'entamer une discussion avec elle. Si Théa était la Reine des Glaces, sa mère lui avait légué sa couronne ! La matriarche, Isadora, était quant à elle bien éloignée du souvenir qu'il gardait de sa propre grand-mère paternelle, décédée il y a quelques années. Elle s'était usée le corps dans une usine toute sa vie avant de mourir peu de temps après sa retraite : une vraie prolétaire et une vraie américaine, disait souvent son père avec fierté. Autant dire qu'Isadora Grims, elle, n'avait pas du travaillé un seul jour de sa vie, ni s'user beaucoup les mains à part pour tenir sa baguette et enfiler ses robes au col en dentelle. Pourtant, derrière son apparence un peu revêche, Liam devait lui reconnaître qu'elle l'avait accueilli avec gentillesse. Quand il était arrivé, il s'était attendu à dormir dans la même chambre que Julian, sur un lit de fortune ou un matelas puisqu'il ne restait qu'une seule nuit. Finalement, c'était Matthew qui partageait avec Julian et lui avait eu le droit à une chambre d'ami rien que pour sa personne ! Inutile de dire que sa propre chambre dans l'Oregon devait faire la moitié de celle qu'il occupait.

C'est comme cela qu'il se retrouva à se réveiller seul le dimanche matin, le lendemain de son arrivée. Et il aurait peut-être dû faire plus attention à la visite guidée express de la veille parce qu'il se retrouva perdu au bout de dix pas en sortant de sa chambre. S'il se rappelait bien, le petit-déjeuner devait être exceptionnellement servi dans le Petit Salon à cause du nombre d'invités, mais il ne savait plus si Théa lui avait indiqué le premier ou le deuxième étage pour cela.

Décontenancé, il se mit à errer dans les couloirs. Ses pas étaient étouffés par le tapis qui recouvrait le parquet dans la longueur et, pendant une seconde, il eut la tentation de l'enlever pour voir s'il ne pouvait pas faire de glissade dessus. Il abandonna bien vite l'idée. Au lieu de ça, il continua à avancer, jetant des coups d'œil à l'intérieur de certaines pièces. Certaine avaient l'air de sortir tout droit des châteaux européens qu'il avait vu en photo à l'école plus jeune. Ilvermorny avait beau être un vrai château, elle devait son style à des générations d'élèves et de professeurs qui l'avaient aménagé en un joyeux bazar hétéroclite à l'image de son Foyer, et Liam n'était juste pas habitué à autant de faste.

Arrivé au bout de son couloir, il fut confronté à deux possibilité : descendre l'escalier à sa gauche et continuer à chercher le Petit Salon un étage plus bas ou ouvrir la porte en face e lui. C'était une des seules dont la porte était fermée. Evidemment, sa curiosité lui fit choisir la seconde option. Sans prendre le temps de se dire que c'était sûrement une mauvaise idée de fouiller ainsi chez les gens, il ouvrit le battant.

La première chose qui le saisie fut la forte odeur de poussière et il toussa, pris à la gorge. De toute évidence, la pièce n'avait pas été ouverte depuis un moment, comme en témoignait donc l'odeur de renfermé, mais surtout la pénombre qui y régnait. Liam dû plisser les yeux pour mieux voir, le temps que sa vision s'ajuste. Quand elle y parvint enfin, il distingua alors plusieurs silhouettes étranges qui se découpaient dans l'ombre : une grande armoire, une table avec un dînette, des cubes pour enfants... Tout était enveloppé dans un silence inquiétait, presque glauque. Le pire était sans doute le papier-peint : il devait être ensorcelé pour faire bouger ses personnages – des petites fées, des trolls au coin du feu et des lutins bondissants – mais le sort ne faisait plus effet correctement. Ils se mouvaient tous avec lenteur de manière angoissante.

Liam resta figé à observer ce spectacle, interdit. Quelque chose lui semblait étrange dans cette pièce. Elle n'avait pas les atmosphères des chambres d'enfants ayant grandi, elle avait une aura plus ancienne, plus figée. Il remarqua seulement une double trace parallèle dans le tapis et le lien se fit dans son esprit. Le cheval à bascule ! Il avait dû se trouver là. Qu'est-ce que Théa avait dit déjà au retour des vacances de noël ? « C'est pour rappeler que les personnes qui ne sont plus avec nous le sont peut-être plus qu'on ne le pense ». Un frisson lui parcourut l'échine.

- Qu'est-ce que tu fous là, Cooper ? claqua une voix dans son dos.

Il l'avait assez entendu dirigée contre lui pour la reconnaître en un battement de cœur frénétique. Il se retourna pour faire face à Théa, plantée dans l'embrasure, le regard brûlant.

- Hum... Je visite votre palais, Votre Altesse ? tenta-t-il sur le ton de l'humour.

Elle ne parut pas amusée le moins du monde.

- Cette porte était fermée. Qu'est-ce qui te fait croire que tu pouvais entrer ?

- Je... Désolé, je ne savais pas que... C'était une chambre d'enfant ?

- La nurserie. Maintenant dehors.

Elle lui indiqua la sortie d'un mouvement de menton, mais son visage n'avait pas l'expression stoïque à laquelle il s'attendait. Elle était habitée par une émotion qu'il voyait rarement chez elle et il piétina sur place, hésitant.

- Cooper, pressa-t-elle, je t'ai dit de dégager ! T'es sourd ?

- Non, ta douce voix porte bien jusqu'à moi t'en fais pas. Je me demandais juste pourquoi tout avait l'air... (il chercha ses mots une seconde avant de lâcher, faute de mieux :)... tellement figé ici.

Théa inspira profondément. Il se doutait qu'au fond d'elle, elle se retenait de lui envoyer un sort en pleine poire et, pour avoir assisté à certaines séances du club de duel, il savait qu'elle pouvait être redoutable. Au lieu de ça, elle se servit de sa langue acérée.

- Je ne sais pas, à quoi ressemble la chambre d'Emilia depuis qu'elle a disparu ? cingla-t-elle d'une voix sarcastique. Vous avez tout refait peut-être ?

Le coup atteint sa cible. Liam aurait préféré un sort alors que la chambre de sa sœur, chez eux, s'imposait à lui. Une chambre d'adolescente typique avec un couvre-lit couleur crème, un bureau qui croulait sous les livres et les bijoux, et même des objets typiquement moldu qu'elle n'avait jamais pu emporter à Ilvermorny, notamment sa collection de casette et son walkman jaune. Pendant les vacances, elle venait toujours le voir avec un crayon en main pour qu'il l'aide à rembobiner les bandes sorties sans les endommager.

Son visage dû se décomposer à son tour, car Théa recula, les yeux écarquillés.

- Désolée, murmura-t-elle, c'était peut-être... un peu trop.

- Tu crois, Votre Altesse ? répliqua-t-il, acerbe avant de se détourner, incapable de soutenir son regard. Tu sais, t'as pas le monopole de la douleur. Je fais bonne figure, je suis les instructions de ce putain de corbeau et de Julian pour réaliser ce putain de Rituel, mais je vis un cauchemar depuis des mois ! Alors lâche-moi un peu, ok ?

Dans son énervement, son accent campagnard, celui qu'il s'était efforcé de gommer depuis son arrivée à Ilvermorny, ressortit. A la décharge de Théa, elle ne tressaillit pourtant pas face à sa vulgarité, mais il se sentit malgré tout gêné. Tout lui rappelait qu'ils n'appartenaient pas à la même classe sociale, même leur façon de manifester leur colère.

- Je sais, Cooper. Crois-moi, je sais. Mais t'en prendre à moi ne la fera pas revenir. Rien ne fait revenir ceux qui sont partis.

A la manière dont elle prononça les mots, il sut qu'elle répétait ceux que quelqu'un lui avait un jour dit. Sa mère ? Ou Leonidas ? Dans tous les cas, ils lui tordirent l'estomac. La colère était montée en lui à une vitesse affolante, comme bouillonnante sous la surface.

- Ma sœur n'est pas morte, martela-t-il. On ne fait pas ça pour rien, d'accord ? Elle va revenir !

- C'est ton espoir qui parle, Liam...

Il eut à peine le temps de noter qu'elle s'était radoucie ou qu'elle venait de l'appeler par son prénom. Son agitation prit le dessus et il donna un coup dans la table à dînette. Les tasses en porcelaine – pas en plastique évidemment, songea-t-il, amer – vacillèrent mais restèrent en place.

- Mais j'ai que ça l'espoir, bordel ! s'insurgea-t-il. Tu comprends, ça ? (Il aurait voulu la secouer par les épaules). Arrête de projeter ce qui est arrivé à ton frère sur ma sœur ! Elle est vivante ! Sinon, tout ce qu'on fait ne sert à rien et autant tout arrêter ! Si t'y crois pas, reviens même pas d'ailleurs !

- Liam...

- Elle va revenir ! Il faut qu'elle revienne, ma mère va péter un plomb sinon et moi... moi... je...

Il n'arriva pas à terminer. Une peur insidieuse s'était glissée en lui, sourde et latente depuis sûrement des mois. Et s'il avait parlé aux Aurors dès qu'il avait reçu le mot du corbeau ? S'il ne s'était pas lancé dans cette mission insensée pour briser un Rituel que même un prodige comme Julian Shelton ne comprenait qu'à moitié ? Est-ce que sa sœur serait avec lui aujourd'hui ? Et s'il l'avait condamné ?

- Eh, Liam ! Cooper ! Ecoute-moi ! ordonna soudain Théa en s'avançant jusqu'à lui.

Elle claqua des doigts juste devant ses yeux et il se refocalisa sur elle, drainé de son énergie. Elle planta ses yeux bleu cobalt dans les siens.

- On va y arriver, tu vas retrouver sa sœur, assura-t-elle. Tu sais comment je le sais ?

- Non...

- Parce que celui qui l'a enlevé avait oublié de prendre une chose en compte : tu n'es pas seul. Et je ne laisserai plus jamais la magie noir faire voler une famille en éclat donc je te le promets ici, dans cette pièce particulièrement, on va la retrouver. Tu reverras Emilia.

**

*

Deux semaines plus tard, la certitude qui avait animé Théa résonnait encore en lui. Il n'avait pas compris jusqu'à présent la force de sa conviction, mais ce jour-là lui avait fait entrevoir une nouvelle facette. Elle n'était pas là juste pour suivre Othilia ou aider Julian, elle était sincèrement contre la magie noire et il était reconnaissant envers elle de se battre pour sa sœur alors même que chaque jour devait lui rappeler le déchirement de sa propre famille. Avec ce souvenir en tête, se retrouver ici devant toute leur enquête étalée devant les yeux lui redonnait la motivation qu'il croyait perdu et faisait taire les doutes.

- Ok, déclara-t-il, mû par un regain d'énergie. On récapitule tout ce qu'on a. T'as raison, l'intello, faut se remettre tout les éléments en tête.

Julian grimaça devant le surnom, mais laissa passer. Face à leur groupe, il se mit à énumérer à voix haute comme s'il se trouvait devant une classe :

- Donc, tout commence le 4 septembre. Un corbeau – une vrai, un oiseau – inconnu débarque à Ilvermorny pour déposer une lettre à Liam. Il sait précisément qui il vise et te donne rendez-vous le lendemain à minuit à la serre n°4, soit celle qui est la plus près du mur d'enceinte. Est-ce que quelqu'un nous observe ? Aucune idée.

- Je crois vraiment qu'il n'y avait personne... intervint Aileen. On était seuls ce soir-là.

- On ne voyait pas à trois mètres, marmonna Liam. Dur à dire quand même. Mais vas-y, continue.

Il fit un signe de la main à Julian pour l'encourager, la même qu'il avait d'ailleurs envoyé dans un des carreaux de la serre cette nuit-là. Il en gardait encore une faible cicatrice le long de la paume.

- La personne qui a vraisemblablement envoyé le corbeau demande un échange : briser le rituel indiqué sur le parchemin et retrouver Emilia. Ça signifie qu'il est responsable de sa disparition le 4 juillet dernier, mais il attend trois mois avant de se manifester. Pourquoi ? Qu'est-ce qui a changé pendant ce laps de temps ?

- Je ne suis plus chez moi, répondit-il avec évidence. Je reviens à Ilvermorny, les Aurors sont moins sur mon dos, voire plus du tout parce qu'ils cherchent dans le reste du pays. L'affaire piétine de toute façon. Et surtout, le rituel a un lien avec Ilvermorny.

- Ca, on le découvre plus tard, nuança Julian, patient. Pour l'instant, on retraduit les runes pour comprendre le rituel qui comporte plein d'étapes.

Aileen l'interrompit :

- Tu retraduis les runes, fit-elle remarquer. Le corbeau n'avait pas prévu ça, je pense. Ces indications étaient vagues, tout juste bonnes pour suivre les étapes. Avec ta traduction, on a pu comprendre ce qu'on faisait vraiment. Un Rituel d'Ancrage !

- Si tu veux, ouais, consentit Julian, visiblement mal à l'aise devant le compliment. Le rituel à briser est donc complexe. Il comporte plusieurs couches : un philtre, une potion, un maléfice et un maillage de sortilèges. Au fil des mois, on arrive à tout isoler et à créer des antidotes ou des contre sorts grâce à l'implication de tout le monde.

C'était vrai. Liam ne voulait pas l'avouer, mais il devait une fière chandelle à toute la Clique Royale. Othilia avait été d'un soutien inestimable en potions à ses côtés et les connaissances en Défense contre les Arts Obscurs de Théa s'étaient révélées plus que pratiques. Quant à Julian, il en venait à se dire que sans lui, il n'aurait même pas compris ne serait-ce qu'un tiers de sortilèges mentionnés.

- Mais il reste quelque chose de perturbant, reprit Julian en parcourant ses notes où la chronologie de leur enquête était inscrite. Pourquoi ce rituel existe ? Qu'est-ce qu'il sert à garder ou à cacher ? On ne sait toujours pas, mais Martha Steward, la fille Cracmol d'Isolt Sayre, nous donne des réponses. (Il pointa sa biographie qui gisait sur leur table de travail, ouverte au milieu à force d'être lue et relue). Elle décrit sa famille en train de jeter un Rituel d'Ancrage dans le parc du château au XVIIe siècle. Le Rituel a l'air particulièrement puissant puisque sa mère, ses deux frères et sa sœur jumelle y participent ! Elle mentionne le fait que Lilith jette son emprise sur la maison : ce que garde le Rituel d'Ancrage doit avoir un rapport avec la magie noire.

- Elle parle aussi d'une relique de langue de serpent, compléta Othilia, sourcils froncés.

- Ce qui pourrait être tout et n'importe quoi... dit-il avec frustration.

Aileen lui coula un regard plein d'empathie. Soucieux de ne pas retomber dans une attitude morose, il se força à prendre la suite de Julian pour expliquer :

- Mais bon, ça nous donne au moins le lien avec Ilvermorny. Le Rituel concerne directement le château ou plutôt son parc. Le rocher n'a rien donné donc ça doit être un autre endroit qui existait déjà au XVIIe siècle.

Comme à chaque fois qu'ils évoquaient ce problème, un léger silence s'installa entre eux. Liam savait que tout le monde était en train de visualiser le parc pour trouver un endroit, un indice... Pour la plupart – sauf Julian – ils arpentaient ce parc depuis leur arrivée à onze ans. L'endroit qu'ils cherchaient était sous leurs yeux ! Julian se râcla la gorge.

- Et enfin dernier mystère... Quel est le lien avec la Génération 1950 ?

- Je me charge du récap ! proposa Aileen en se redressant. Avec Noah, on a recoupé toutes les infos qu'on avait : les témoignages de Perrot et Leonidas, les journaux de l'époque... D'après ce qu'on a compris, il s'est passé quelque chose pendant l'année scolaire 1949-1950 entre Aurélia Grims, Cordelia Grims, Heather Douzebranches, Diego Calderon et Barren Perrot.

Aux noms énumérés, Liam remarqua les grimaces de ses amis, mais Aileen ne flancha pas et resta neutre. Il supposait qu'elle s'entêtait à les appeler par leurs noms complets pour les détacher de l'aspect émotionnel que chacun pouvait avoir avec eux et il trouvait que c'était une bonne idée. Lui-même essayait d'occulter Emilia en tant que sœur dès qu'il se mettait à contempler les indices : il fallait qu'il pense sous le prisme de « l'affaire Emilia Cooper », comme le reste du pays.

- Si on doit émettre une hypothèse, continua Aileen, ils faisaient exactement ce qu'on est en train de faire : ils voulaient briser le Rituel d'Ancrage ou ils s'y intéressaient de près. Pourquoi ? Quelle était leur motivation à eux ? Est-ce qu'ils sont allés jusqu'au bout ou est-ce que la mort de Diego, tué par un Demi-Guise, a tout fait voler en éclat ?

- Est-ce que c'est même important pour nous ?

- Franchement, je trouverais la coïncidence étrange s'il n'y avait pas de lien, évalua Othilia, pragmatique. Je veux dire, la moitié du groupe a un lien de famille avec nous !

Liam lui accorda le point. L'évidence était effectivement dure à ignorer. Toujours nerveux, il se mit à fouiller dans ses poches, pris par le soudain besoin de fumer. Au diable le règlement. Il fallait qu'il se détente pour réussir à endiguer les pensées qui s'entrechoquaient dans sa tête. Parfois, il se demandait encore si leur enquête servait à quelque chose et s'il n'allait pas apprendre que le corps d'Emilia avait été retrouvé... Ses mains se mirent à trembler et il dût s'y reprendre à deux fois avant de trouver enfin son paquet de cigarette. Il jura en découvrant son état.

- Et merde, pesta-t-il.

Théa se tourna vers lui.

- Elles ne s'écraseraient pas comme ça si tu les mettais dans une boîte comme Leonidas, indiqua-t-elle de son air hautain mais familier. Je ne comprends pas pourquoi les Non-Maj' font ça ?

- Parce qu'on les achète comme ça, c'est tout. Tout le monde se promène pas avec des boîtes en fer gravées du siècle dernier !

- J'aime bien celle de Leonidas, intervint Julian, comme s'il voulait calmer le débat. Y'a un oiseau gravé dessus.

Liam ricana.

- Donne pas d'idée à la Reine des Glaces, elle serait capable de m'en offrir une avec des corbeaux volants dessus, juste histoire que je me balade avec le symbole des Grims partout. Ça lui ferait trop plaisir !

- N'importe quoi, rétorqua Théa. En plus, Leonidas n'a même pas de corbeaux sur la sienne, c'est un rouge-gorge. Ça lui vient de sa grand-mère. Eugénie Perrot, tiens, une française immigrée. C'est peut-être la même branche que notre Perrot maintenant que j'y pense...

En vérité, Liam n'en avait rien à faire. Même après toutes ses années, il n'arrivait pas à comprendre l'importance que les sorciers accordaient à la généalogie. Il connaissait à peine ses grands-parents, il aurait été bien en peine de remonter plus loin. De toute façon, ses racines ne devaient pas remonter plus loin que les frontières de l'Oregon, ce qui était tout de suite moins prestigieux que des ancêtres français.

Il allait enfin allumer sa cigarette quand il remarqua soudain l'expression de Julian, les yeux dans le vague toujours debout face à eux.

- Eh l'intello, ça va ? lança-t-il. Ton cerveau a eu un court-circuit ?

- Un quoi ? fit Théa.

Il ne prit pas la peine de lui répondre. Elle n'aurait qu'à se renseigner sur l'électricité bon sang.

- Julian ? s'inquiéta à son tour Aileen.

Elle agita la main pour lui faire signe et, enfin, Julian émergea de ses pensées. Liam sut qu'il allait annoncer quelque chose de déterminant avant même qu'il ne se mette à parler :

- Le symbole des Perrot, c'est un rouge-gorge ? demanda-t-il à sa cousine d'une voix sourde. T'es sûre de toi ?

- Hum oui... Enfin, Leonidas m'a toujours dit que la boîte venait de là et sur notre arbre généalogique Eugénie Perrot est représentée avec un rouge-gorge. Pourquoi ?

- Des corbeaux, un rouge-gorge... Merlin, j'ai l'impression que ça me rappelle quelque chose...

Liam haussa un sourcil.

- Un zoo ? proposa-t-il avec humour.

Mais Julian ne rit pas. Agité, il se mit à faire les cent pas.

- Non, non... dit-il en secouant la tête. Théa, est-ce que les Douzebranches ont un symbole ? Ou les Calderon ?

- Aucune idée, répondit-elle, perplexe. Je crois pas... Les Calderon sont une famille du Mexique, ça me dépasse un peu, et les Douzebranches sont tellement tombés en disgrâce après le fiasco de Dorcus et de la loi Rappaport qu'ils n'ont pas dû en obtenir un officiellement.

- Et officieusement ?

- Il y a l'histoire de Dorcus qui aurait fini seule avec un miroir et un perroquet, suggéra Othilia, l'air d'être aussi perdue qu'eux tous. Mais je ne vois pas le rapport entre ça et le Rituel ?

Liam non plus ne voyait rien. Aileen et Théa devaient le voir encore moins parce qu'elles dévisageaient Julian, l'air de se demander si elles ne devaient pas lui filer un somnifère pour le faire dormir un peu. Peut-être que sa rupture avec sa copine lui faisait péter les plombs, songea-t-il avec empathie. Il allait proposer d'arrêter tout pour aujourd'hui et de reprendre demain quand Julian s'écria soudain, comme frappé par une révélation :

- Merlin, le conte !

- Le conte ?

- Elle m'a tout raconté ! L'histoire est dans le conte !

Et juste comme ça, Liam comprit que « l'affaire Emilia Cooper » était sur le point de basculer. 

************************

Alors le gang des enquêtrices ? Vous êtes là haha ?

Chapitre avec pas mal de choses pour faire avancer l'intrigue : je continue sur ma lancée avec Hanna dont la frustration se traduit par des mots assez durs, mais il faut dire qu'elle ne trouve pas beaucoup de soutien en face pour le moment, et une fille - surtout à son âge - a pas mal d'insécurité comme mentionné au chapitre précédent. Ensuite, pour la partie sur le Rituel, on avance encore d'un grand pas ^^ Je vous laisse me dire ce que vous en avez pensé de manière générale --> 

Autre petite question pour que je me rende compte : est-ce qu'il y a des gens ici qui ne lisent que LHDI mais pas ATDM ? J'essaye de voir si mes lecteur.ices naviguent entre les deux histoires ou non et de comprendre les statistiques sur les deux fanfics (nombres de vues et de commentaires qui sont un peu irréguliers ou en baisse).

Et enfin pour terminer comme d'habitude: le même de Lina ! HarryStranger 

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