Chapitre 39 : Les éclats de la vérité

BONJOUR TOUT LE MONDE C'EST LE PRINTEMPS ! Je suis de super bonne humeur après une balade dans Paris au soleil couchant, ça m'avait manqué, j'aime trop ! 

Vous l'attendiez, voilà le fameux chapitre ! C'était un des premiers que j'avais en tête en commençant la fanfic et j'avoue que j'en suis contente ^^ Merci à Perri pour la relecture ! 

Petite précision également sur la perception de l'homosexualité. Plusieurs commentaires ont mis l'accent sur l'aspect immoral de la relation entre Julian et Noah, surtout vis-à-vis de leur petite amie respective. On est tous d'accord sur cela. Mais j'ai essayé de montrer tout au long de la fanfic le contexte historique et social dans lequel ils évoluent et ont été élevés. A l'époque, quand je dis que l'homosexualité est condamné comme maladie mentale, ce n'est pas anodin. Les réactions pouvaient être vraiment violentes vis-à-vis de cette question, on en parlait pas, ça pouvait déchirer des familles et surtout être quelque chose de honteux/dégradant, tout ce qu'on veut... Beaucoup d'hommes homosexuels (ou bi ou queer de façon plus large) entretenaient une relation avec une femme pour les apparences - certains avaient même des sentiments pour elle d'une certaine façon, comme Freddie Mercury avec Marie Austin même si son cas est un peu spécial évidemment -  et même si ça ne rend pas les choses plus "morales", je pense que c'est important de ne pas juger avec les yeux du XXIe siècle une situation très compliquée. Voilà, je dis juste ça parce que je sentais que certain.es se questionnaient ou ne comprenaient peut-être pas certaines réactions des personnages ^^ 

Pour vraiment illustrer mon propos, je vous partage cette vidéo d'archive de l'INA sur ce que signifie être homosexuel en 1979, soit le début de cette histoire. Les 2 premières minutes suffisent à se faire une idée avec un micro-trottoir où les réponses des passants sur la question sont juste... d'une brutalité et d'une violence incroyable. Vous me direz, aujourd'hui encore, certains pourraient tenir ce discours malheureusement... Bref, je mets donc un warning pour les personnes qui pourraient être sensibles à ce type de propos. D'un point de vue historique, en revanche, je pense que c'est une vidéo qui permet de vraiment comprendre le cadre dans lequel s'inscrivent Julian et Noah. 

https://youtu.be/RXtZt9Rz_2A

Bonne lecture ! 

UPDATE : Je ne sais pas pourquoi, mais Wattpad m'a enlevé des lignes par moment, ça faisait juste des "blancs". Normalement j'ai remis les textes manquants mais si vous en voyez ou que ça vous semble étrange, genre il manque quelque chose, hésitez pas à me le signaler j'en ai peut-être oublié un... J'espère que ça ne gêne pas la lecture et que tout est bon maintenant ! 

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Chapitre 39 : Les éclats de la vérité

« Les vérités qu'on ne peut jamais dire parce qu'elles vous étrangleraient au moment de franchir votre gorge »

- Lauren Oliver –

// 6 mars 1980 //

Noah s'est embrouillé avec Hanna.

Cette simple phrase pouvait signifier tant de choses, recouvrir tant de réalités, mais évidemment celles que Julian avait en tête ressemblaient toutes à des scénarios catastrophes. Il sentit une panique familière ronger son corps. Il la ressentait depuis des semaines maintenant, mais peut-être depuis plus longtemps encore. Son pacte – relation ou expérience, peu importe le foutu nom qu'il lui donnait – avec Noah était une source d'angoisse certaine, il ne pouvait pas le nier, mais il avait de toute façon l'impression d'être sur un fil tendu depuis un an. Le souvenir de son espèce de crise d'angoisse pendant le Bal des Fantômes en était la preuve et il ressentit la même pression dans la poitrine à cet instant.

C'était une sensation étrange, comme si son corps devenait trop étroit pour ses émotions. Son estomac se contractait jusqu'à devenir douloureux et surtout l'air avait du mal à circuler en lui. Tétanisé, il chercha son souffle.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? réussit-il à articuler d'une voix sourde.

Du coin de l'œil, il eut conscience du regard étrange que coula Matthew vers lui, mais il l'ignora. Il resta concentré sur Liam, Théa, et Charly, plantés en ligne devant eux dans le hall, mal à l'aise.

- Bon sang, racontez-nous ! Allez !

- Oui, oui... Hum, c'était juste hyper bizarre, avoua Liam, habité d'une énergie nerveuse. On jouait à la bataille explosive, normal, et Hanna a juste fait une plaisanterie du style « il a pas vu sa copine depuis six mois et il préfère aller voir son expo d'art, c'est bien un garçon ». (Il leva les mains, défensif). T'inquiète pas, je t'ai défendu direct, tu t'en doutes ! J'ai dit que c'était juste pour mieux la retrouver après, tu vois ?

Impatient, Julian lui fit signe d'accélérer. Il était certes touché que Liam ait pris sa défense, mais le poids dans sa poitrine commençait à être insupportable.

- Vraiment, on rigolait juste. Elle est plutôt cool d'ailleurs Hanna, jugea Liam avec enthousiaste. Et puis Noah a... comment dire ?

- Il a fait son Noah, complètement Théa, venimeuse.

Il se tourna vers elle. Il savait que si quelqu'un n'aurait scrupule à lui raconter ce qui s'était passé, ça serait sa cousine et il se prépara au pire alors qu'elle commençait à expliquer

- Il lui a balancé que si tu n'étais pas resté, c'était peut-être parce que tu ne voulais pas la voir. Elle n'a pas compris et nous non plus pour être honnête. J'ai essayé de lui dire de la fermer, mais tu sais bien que quand il est comme ça, c'est peine perdu...

- C'était juste méchant, marmonna sa sœur. Hanna a voulu savoir pourquoi il disait ça...

- Et là il a dit « si t'as pas compris avec un océan d'écart qu'il ne voulait plus de toi, remets-toi en question » ou un truc du genre. Je vous fait pas un dessin, on a arrêté de jouer à notre partie à ce moment-là.

Piteusement, Liam leva ses cartes qu'il avait encore à la main. Julian, lui, eut envie de vomir et d'envoyer son poing dans le mur en même temps. Ou la tête de Noah maintenant qu'il y pensait. C'était comme s'il se prenait un train lancé à pleine vitesse, incapable de quitter les rails. Matthew, resté silencieux jusque-là, s'emporta soudain.

- Mais attendez, il est sérieux là ? Il a dit ça à Hanna ?

- Et ce n'est pas terminé, il a mis le coup de grâce pour finir... grogna Théa, fulminante.

- Parce qu'il y a pire ?

Elle hocha sombrement la tête.

- Il lui a dit que tu n'avais juste pas le courage de la quitter... dit-elle en s'adressant à lui. Là, elle a jeté ses cartes sur la table avec une insulte assez imaginé, si vous voyez ce que je veux dire, et elle est montée à l'étage.

Du doigt, elle pointa vers le plafond, et Matthew et lui levèrent la tête par réflexe. Charly se chargea de terminer l'histoire.

- Noah est reparti fumer dans le jardin d'hiver... On n'a pas osé aller lui parler.

- Tu parles, hors de question que j'aille me jeter dans la cage du lion maintenant, se moqua Liam, désabusé. J'ai assez donné.

Les deux filles avaient l'air assez d'accord. Julian, lui, n'osait plus regarder personne en face de toute façon. Il se sentait horrible. Il ne pouvait pas contrôler Noah, mais il était responsable de la situation dans laquelle ils étaient. La soirée avant les vacances l'avait prouvé : si Noah avait pu envoyer son poing dans le mur juste par peur qu'il parle à Zack Ledwell, il aurait dû prévoir un coup d'éclat face à Hanna. En plusieurs mois, il en était venu à comprendre la façon de penser de Noah Douzebranches, toujours si fascinante par moments, et il n'était pas difficile de comprendre que Noah ait craint que la soudaine apparition d'Hanna mette fin à leur expérience...

Julian tenta d'avaler la boule dans sa gorge. Ce terme était tellement stupide. Expérience. Ça n'en avait peut-être jamais été une. Une expérience était scientifique, dépourvu de toute subjectivité, de tout sentiment, et vu l'état dans lequel il se trouvait, c'était loin d'être le cas aujourd'hui.

Une colère brûlante se mêla brusquement à sa peur. Noah n'avait pas le droit de lui faire ça. Pourtant, il ne savait pas quoi faire... Liam avait raison : confronter Noah s'il était encore de cette humeur était suicidaire. Il allait retourner sa verve et ses mots cruels contre lui et il n'était pas sûr de pouvoir les encaisser.

Face à leur manque de réaction, Matthew les dévisagea, incrédule.

- Sérieusement ? s'indigna-t-il, rageur. Vous allez le laisser s'en tirer comme ça ? Mais je vais aller lui remettre les idées en place, moi ! Il est où le jardin d'hiver ?

- Matt, non !

Il stoppa Matthew en l'attrapant par le bras. Le temps se suspendit un instant et ils regardèrent tous les deux ses doigts qui enserraient Matthew à en faire blanchir les jointures.

- Julian, lâche-moi.

Les mots étaient calmes, mais il comprit la tension qu'ils dissimulaient. L'utilisation de son nom complet était déjà un indice en soi et il relâcha Matthew, le cœur battant. Sa voix prit encore quelques secondes en plus à sortir.

- Laisse-moi gérer, s'il te plait, plaida-t-il. Noah... il est compliqué et...

- Compliqué ? C'est comme ça t'appelles comment il vient de traiter Hanna ? Parce que je m'en tape de Noah, tout ce qu'il mérite c'est mon poing dans la figure !

- Je sais, d'accord, je sais ! Je vais aller voir Hanna, je vais lui parler...

L'expression de Matthew se crispa un peu plus et il continua à s'emporter, inflexible :

- Lui parler ? Vraiment lui parler ? défia-t-il.

- Matt...

- Ecoute, j'ai pas insisté au café, mais c'est ma meilleure amie à moi aussi. Alors tu vas te bouger, monter cet escalier et mettre les choses au clair avec elle. Maintenant. Et après tu verras ce que tu fais avec ce gars qui est clairement un con si tu veux mon avis. Moi aussi, je voulais que tu parles à Hanna, mais lui dire les choses comme ça, c'est trop !

Théa se râcla la gorge.

- Avis partagé, marmonna-t-elle.

Il ne savait pas ce qui le frappait vraiment : le ton dur de Matthew, rarement dirigé contre lui, ou le sentiment d'assentiment général qui flottait au-dessus du groupe et qu'il pouvait ressentir de manière criante. Dans tous les cas, sa respiration se bloqua un peu plus. Il ne leur en voulait pas, lui aussi n'était pas loin de partager leur avis...Tendu, il se retint de fermer les yeux, juste pour faire disparaître la réalité le temps d'un battement de cil, mais il savait que les choses ne marchaient pas ainsi. De toute façon, Matthew avait raison. Il avait besoin que quelqu'un le pousse et le moment ne pouvait plus être reculé.

Sans un mot, les autres se détournèrent pour retourner dans le salon. Seule sa sœur s'attarda, mal à l'aise, et finit par lâcher :

- Je ne comprends pas... je croyais que ça allait avec Hanna comme tout à l'heure vous... tu sais...

Elle laissa sa phrase en suspens, visiblement désireuse de ne pas l'accabler, même s'il voyait bien qu'elle était perplexe. Il ravala la boule d'appréhension dans sa gorge et la supplia du regard.

- C'était compliqué, Lottie, éluda-t-il. Mais s'il te plait, est-ce que ça peut rester entre nous ? Ca va être assez difficile comme ça, je ne veux pas en rajouter...

- Oh... Oui, oui, bien sûr, désolée...

- Non, ce n'est pas toi. Mais juste... promets-moi, ok ?

Charlotte hocha la tête avec solennité.

- Promis. Et... bonne chance.

Avec un dernier sourire triste, elle tourna les talons pour rejoindre les autres et il resta seul au pied de l'escalier. Plus personne n'était dupe, même pas lui-même, et il monta les marches avec appréhension. Il espéra intérieurement que les autres mettent effectivement le comportement de Noah sur une tentative de révélation envers Hanna. Pour eux, ça serait d'ailleurs la seule explication et Matthew venait de leur fournir sans que personne ne la remette en cause. A leurs yeux, il n'y avait après tout aucune autre raison au coup d'éclat de Noah : il avait juste voulu, à sa façon très personnelle, avouer la vérité à Hanna en voyant qu'il ne le faisait pas. C'était la seule consolation qu'il pouvait trouver dans cette situation.

La respiration laborieuse, il arriva au premier étage et resta figé sur le palier. Les mots se mélangeaient dans son esprit. Il était incapable d'anticiper ce qu'il allait dire à Hanna et ses pas le guidèrent d'instinct vers sa chambre. Le battant était clos, mais il pouvait entendre sa présence derrière. Elle devait faire les cent pas et il pria pour qu'elle ne soit pas en train de pleurer. Il ne savait pas s'il arriverait à le supporter... A arriver à supporter qu'il était responsable de ses larmes.

C'était étrange, il était presque dans la même situation qu'en août dernier, avant son départ d'Angleterre. Il s'était déjà retrouvé derrière une porte alors que sa sœur pleurait, mais à l'époque il avait celui qui pouvait la réconforter. Il n'était plus sûr de pouvoir endosser ce rôle aujourd'hui malgré tous les efforts qu'il allait déployer.

- Hanna ? appela-t-il avec anxiété. Hanna, je peux entrer ?

Le bruit de pas s'arrêta. Il attendit, incertain, puis le battant s'ouvrit. Il découvrit le visage d'Hanna, pâle et contrarié, et elle eut un mouvement de recul en l'apercevant. Il ne devait pas renvoyer une meilleure image. Face à face, ils restèrent silencieux un moment. Il aurait aimé avoir le courage de Gryffondor de Matthew...

Hanna finit par lâcher un rire désabusé.

- On est ridicules... Allez viens, entre. Je ne vais pas te manger.

- Ouais, c'est vrai...

Elle avait raison. Elle restait son amie et il la connaissait. Pas besoin de s'angoisser. Si son cerveau pouvait avoir le message, tout serait parfait.

Pourtant, malgré son affirmation, ils restèrent encore quelques secondes gênés l'un face à l'autre avant de s'assoir côte à côte sur le lit. Incapable de rencontrer son regard, il baissa les yeux et remarqua que ses pieds ne touchaient même pas le sol. Ce détail réussit à faire naître un faible sourire sur ses lèvres et il lui donna un léger coup dans la cheville, faisant se balancer sa jambe au-dessus du parquet des Grims. Le rire qu'il obtenu en retour lui donna enfin une once de courage.

- Je suis désolé, murmura-t-il brusquement. Tellement désolé...

Hanna garda les yeux rivés droit devant elle.

- Les autres t'ont raconté, c'est ça ? fit-elle d'une voix rauque.

- Ouais... Noah n'aurait pas dû faire ça comme ça. Il n'avait aucun droit et je te promets que j'irai lui parler.

Hanna se mordit la lèvre. Elle aussi avait baissé la tête et elle immobilisa soudain sa jambe avant de répondre :

- C'est un con, clairement, approuva-t-elle. Mais ce qu'il a dit... J'en suis venue à me demander si ce n'est pas vrai, Ju'.

- Hanna...

- Non, attends, laisse-moi t'expliquer. Je sais que ça a été dur pour toi, vraiment. Je n'ose même pas imaginer ce que tu traverses depuis l'attentat et le déménagement, mais... j'ai été patiente. Je ne t'ai jamais rien demandé, même si j'insistais parfois un peu dans mes lettres...

- Et t'avais raison de le faire ! Vraiment, je...

- Je sais que j'avais raison, coupa-t-elle. Mais j'essayais de comprendre ce que tu vivais, où en était tous les deux, et là on se revoit enfin et... Et tu te barres avec Matthew au bout de cinq minutes, Merlin !

Malgré le calme qu'elle aurait sans doute voulu maintenir, il entendit l'accusation mordante dans sa voix. Il comprenait. Il ne pouvait pas juste lui dire pourquoi... Pas honnêtement. Ça avait été une fuite, rien de plus ni moins, tout comme ses lettres évasives. Il n'avait pas cessé de repousser leur conversation et de fuir leur couple.

- Je sais, je sais, reconnut-il, la gorge sèche. Je suis désolé, Hanna, je te jure. Et je sais aussi qu'être désolé n'aidera pas, mais je veux que tu le saches parce que c'est vrai. C'est juste que... je ne suis pas sûr... Enfin, je n'y arrive pas...

Merlin, ce que c'était frustrant. Hanna se replia sur elle-même, défaite.

- On n'y arrive pas, corrigea-t-elle d'une petite voix. C'est ça qu'on devrait se dire, non ?

- Non, non. C'est moi. Tu n'as rien fait de mal. Je ne peux pas m'excusez assez, mais je peux te dire ça : tu n'y ai pour rien. Tu n'as jamais cessé d'essayer pour nous deux !

- Evidemment que j'ai essayé ! Tu es un de mes meilleurs amis, je voulais que ça marche !

Son sourire devait malgré tout être teinté de mélancolie car il le vit se refléter sur le visage d'Hanna, signe qu'elle ressentait la même chose que lui.

- J'avoue, j'avais peut-être peur de comment on allait faire si d'un coup tu te mettais à vraiment vouloir de notre relation, reconnut-elle. J'ai peut-être fait l'autruche moi aussi...

Il ressentit le besoin de la dédouaner immédiatement. 

- Je ne te donnais pas beaucoup d'espoir, on va dire. Mais Hanna... Je voulais de notre relation au début. L'année dernière, en haut de la tour d'astronomie... Je ne faisais pas semblant, je te le jure.

Au souvenir de leur premier baiser, la nostalgie qui irradiait d'Hanna se renforça. Elle déglutit.

- Je sais, je sais, affirma-t-elle. Ça allait plutôt bien l'année dernière, on se cherchait, mais on avançait. Et puis ça a changé quand...

Elle n'osa pas terminer. Il le fit à sa place, le cœur lourd.

- Quand ma mère est morte.

- Oui, sans doute, grimaça-t-elle. Et je ne t'accuse pas, pas sur ce point. C'est juste... J'ai l'impression que je ne t'ai jamais retrouvé après ça, tu vois ? Tu t'étais tellement retranché en toi-même, j'arrivais plus à t'atteindre. Je le sentais dans tes lettres, tu parlais de choses tellement vagues, on n'avait plus nos grandes conversations comme avant et tu ne disais rien sur... toi, en fait. Même Matt avait cette impression. 

- Parce que vous en avez parlé ?

Il dû avoir un ton un peu trop crispé car Hanna se fit cassante :

- Tu ne peux pas me le reprocher. Il était le seul qui pouvait me donner un semblant de réponse.

La vérité de sa réponse le frappa et il retint une grimace à son tour. « Tu étais tellement retranché en toi-même ». Il ne s'en était pas rendu compte. A l'époque, l'été dernier, il avait eu l'impression que sa propre vie se dérobait sous ses pieds et il avait exclu tout le monde, trop occupé à essayer de maintenir les éclats de sa famille en place. Il n'avait pas eu le temps, ni l'énergie, et sans doute pas le courage pour affronter les attentes des autres.

Il prit soudain conscience que si les Etats-Unis avaient paru l'aider sur ce point ; là aussi ce n'était sans doute qu'une façade. Il avait reporté son énergie sur le Rituel d'Ancrage et l'enquête Emilia Cooper, sur le journal, sur le club de sortilèges. Au moins, il avait relâché la pression sur sa sœur.

- Pardon, t'as raison...

Sa voix craqua, fragile et il détourna la tête. Peut-être que les seuls moments où il ne s'était pas retranché en lui-même avaient été avec Noah... Ce constat lui serra un peu plus le ventre. Avec Noah, tout était différent. Il pouvait se permettre de laisser de côté les attentes que les autres lui avaient imposé sans s'en rendre compte. Il n'avait pas à sauver sa famille en train de couler, ni la sœur de Liam, disparue, ni une relation vouée à l'échec. Noah se débattait avec ses propres problèmes, mais surtout il comprenait les siens. Et c'était peut-être hypocrite de croire que Noah s'en sortait seul, parce que c'était évident que sans lui, Hilda ou Othilia, il se serait retranché sur lui-même depuis longtemps aussi, mais Julian n'avait pas la fausse assurance de Noah à présenter au monde. Et il lui enviait ça, voire il était fasciné par cette capacité. C'était en partie ce qui l'attirait chez lui...

A côté de lui, Hanna soupira.

- Ju'... Je crois qu'il faudrait qu'on arrête... Je veux retrouver mon meilleur ami.

Elle osa enfin le regarder. Il ne vit que de la sincérité sur son visage et, pour la première fois depuis des mois, il fut soulagé. Soulagé et reconnaissant qu'elle lui offre cette porte de sortie.

- Je crois aussi, approuva-t-il avant d'ajouter, les joues rouges. On n'est juste pas fait pour être en couple tous les deux.

- Non... Mais on aura essayé au moins ! Enfin, j'aurais plus essayé que toi, mais...

Il y avait une touche d'humour dans sa voix, même s'il sentait bien que les reproches n'étaient une fois de plus pas loin et il encaissa, compréhensif.

- Tu as le droit à toutes les piques que tu voudras, promit-il. Je suis désolé...

Elle émit un nouveau soupir, un demi-sourire accroché aux lèvres :

- Le pire c'est ce que je sais que tu es sincère. Mais franchement, Ju'... La prochaine fois qu'une fille traverse l'Atlantique pour te voir, tu peux au moins venir avec à l'Empire State Building si elle te le demande.

La honte le brûla de l'intérieur. Elle avait raison, encore une fois. Peut-être qu'il l'aurait finalement accompagné si Noah n'était pas arrivé... Il repensa soudain à ses lèvres contre son cou et la brûlure redoubla. Merlin... Pour éviter de se mettre à pleurer, il ouvrit les bras et attira brusquement Hanna contre lui. Elle ne lutta pas. Elle cala sa tête contre son épaule et un bruit étranglé remonta de sa gorge.

- Je suis désolé, répéta-t-il pour la énième fois, le visage enfoui dans sa tignasse de boucles. Ce n'est pas de ta faute, ok ? Je te le jure...

Il ne pouvait peut-être pas réparer ses erreurs avec elle, mais il voulait être certain qu'elle sache au moins ça. Hanna Faucett aurait dû être la fille parfaite s'il quelque chose n'avait pas cloché chez lui... S'il n'avait pas eu des pensées dérangées...

Hanna s'écarta légèrement, sans enlever son bras de ses épaules.

- Ca fait quand même un peu mal... souffla-t-elle d'une petite voix. Et je ne dis pas que je te pardonne tout, tu vas devoir te rattraper, tu m'entends ? Mais je sais que ça va aller aussi parce que maintenant on peut juste être amis comme avant, pas vrai ?

Il acquiesça. Il ne demandait pas son pardon, ça serait injuste et non mérité. A nouveau, il tenta de ravaler sa culpabilité tout en sachant qu'il ne pourrait pas s'en séparer avant un moment, mais il se força à sourire.

- Ouais, dit-il avec émotion. Et je te jure de t'envoyer des lettres toutes les semaines. Tu pourras me raconter tout ce qui se passe entre Matthew et Charity Burbage.

- Oh Merlin, Ju' ! Si tu le voyais avec elle, il ne sait plus réfléchir d'un coup !

Amusé, il se mit à rire. Hanna avait raison. Amusé, il se mit à rire. Hanna avait raison. Peut-être qu'ils perdaient une relation, mais qu'à terme il regagnait leur amitié, et il préférait ça sans hésiter.

**

*

Assis sur son lit après avoir raccompagné Hanna à son hôtel en fin de soirée, Julian se sentit soudain seul. Le sentiment lui tomba dessus, accompagné d'un lourd silence, et il contempla le mur d'en face vidé de son énergie. Il n'arrivait pas à comprendre tout ce qui s'était passé aujourd'hui. Noah et ses baisers, Charlotte qui les avait presque découvert, le coup d'éclat de Noah, et la rupture avec Hanna... Etrangement, c'était le dernier évènement qui lui apportait le moins d'émotions négatives. Il avait aimé la retrouver – la retrouver vraiment – et briser ce spectre romantique dont ils ne savaient tous les deux pas quoi faire. Libérés de ce poids, ils avaient passé l'après-midi à rire ensemble et à rattraper le temps perdu. Hanna lui avait parlé de son projet de peindre la carte du ciel sur son plafond chez elle à Bristol. Il avait adoré l'idée et il avait esquissé une ébauche sur une feuille pour lui donner des conseils. Quand elle l'avait empoché au moment de partir, l'éclat de son bracelet lui avait saisi l'œil. Touché, il s'était soudain rendu compte qu'elle portait le cadeau qu'il lui avait offert pour Noël, le bracelet aux breloques en forme de soleil, de lune et d'étoiles.

- Je l'adore, merci encore... avait-elle soufflé.

Sur le coup, il avait été heureux de lui avoir faire plaisir. Il n'avait pas besoin d'être son copain pour savoir ce qu'elle aimait, ni pour lui offrir un cadeau comme celui-ci, et elle n'avait pas paru le penser non plus d'après son expression. Ce n'était que maintenant qu'il se rendait compte d'un détail.

A son poignet à lui se trouvait la montre au sablier encadré d'ailes noires. Le cadeau de Noah.

Il ferma les yeux et rejeta la tête contre le mur. Merlin. Il ne méritait pas Hanna. Elle lui avait rendu leur rupture facile alors même qu'il savait que ce n'était pas facile pour elle. Ses reproches n'avaient pas été violents, ni culpabilisateurs. Il espérait que sa propre culpabilité compensait au moins en partie...

Rationnellement, il savait pourtant que le cadeau avait été celui de tout son groupe d'amis, mais son esprit l'associait quand même à Noah. De toute façon, il en venait à se demander quand est-ce que son esprit ne ramenait pas tout à Noah Douzebranches. Il était d'ailleurs frustré de ne pas avoir pu lui parler aujourd'hui, mais Noah avait fait ce qu'il savait le mieux faire et ce qu'il reprochait pourtant aux autres : il avait fui. Il était reparti sans prévenir. Personne n'avait pu lui parler de son invective contre Hanna et Julian sentit la colère gonfler dans son ventre en y repensant. Plus il observait Noah, plus il le comprenait. C'était instinctif dès qu'il s'agissait de lui. Mais pour une fois, il hésitait... Soit Noah avait eu une de ses sautes d'humeur familière et irascible et avait pris Hanna pour cible, soit la raison était plus profonde, plus émotionnelle, comme celle qu'il avait eu contre Zack Ledwell. Julian connaissait le sentiment. Il le ressentait à chaque fois qu'il voyait Othilia et Noah ensemble, mais ça ne donnait aucun droit à ce dernier de réagir comme il l'avait fait.

Pris dans sa tourmente, il manqua de sursauter quand la porte de la chambre s'ouvrit soudain. Matthew s'y engouffra, un livre et du parchemin coincés sous le bras, l'air bougon.

- Tante Lysa m'oblige à commence mes devoirs, marmonna-t-il. J'ai essayé de lui dire que je digérais encore le dîner et que je ne pouvais pas travailler dans ces conditions mais...

- Mais ça n'a pas marché ?

- Ce n'est pas une femme compréhensive, ma tante.

Laconique, Matthew traîna des pieds et vint se jeter sur le lit à côté de lui. Julian se décala pour lui faire de la place, un sourire en coin aux lèvres. Pour se donner un air occupé, il attrapa un des livres qui trainaient sur sa table de chevet – un des nombreux qu'il n'avait en vérité pas le temps de lire – et Matthew ouvrit son manuel pour commencer à travailler. Ils restèrent ainsi tous les deux, enveloppés dans le silence. De temps en temps, Julian coulait un regard vers Matthew. Même à l'envers, il arriva à déchiffrer qu'il bossait sur un devoir de Sortilèges et il retint un sourire en le voyant froncer les sourcils au-dessus son parchemin, l'air concentré.

- Tu confonds le principe de magie élémentaire et de magie primitive, intervint-il, incapable de se retenir. Enfin, si j'en crois ton schéma.

Du bout du pied, il désigna l'espèce de dessin que Matthew avait tracé à la va-vite et celui-ci lui renvoya une œillade agacée.

- Comment tu fais pour toujours tout savoir ? maugréa-t-il.

- Le talent.

Matthew grogna de dépit, même s'il percevait une touche d'amusement derrière.

- Tu sais, je crois que tu manques à Flitwick. Parfois, il regarde ta place avec nostalgie. Il doit traiter ses autres élèves « d'idiots avec un bout de bois » face à toi et à ton souvenir grandiose !

- N'importe quoi.

- Je te jure ! De toute façon, je ne comprends pas à quoi ça sert tout ça... Un sort, c'est censé être concret, servir à quelque chose ! Là, c'est juste...

Visiblement incapable de traduire son idée en mot, Matthew se contenta d'agiter ses mains dans sa vague geste mystique et Julian éclata de rire.

- C'est ça qui est intéressant, argua-t-il. Comprendre comment un sort ou un charme fonctionne, ce qui le compose ! Il y a toujours plusieurs composants et plusieurs couches de magie.

- Toi et moi avons une définition vraiment différente d'intéressant, rétorqua Matthew. En plus, si tu veux mon avis, les devoirs pendant les vacances vont à l'encontre de nos libertés individuelles.

- Pourquoi ça ne m'étonne pas que tu ais trouvé une idée pareille ?

Matthew eut un sourire d'enfant terrible.

- Attends, attends, laisse-moi t'expliquer, d'accord ? plaida-t-il en levant les mains, son devoir oublié sur le côté. Je suis un Bones, la justice ça me connait ! Et je déclare que c'est injuste d'avoir cinq jours de cours et seulement deux de repos, surtout si on nous impose du travail à faire. Donc, je propose une égalité des choses : cinq jours de cours, cinq jours de week-end !

- Un raisonnement à toute épreuve, se moqua-t-il, amusé.

- Pas vrai ?

L'air fier de lui, Matthew se relaissa tomber sur le ventre avec dramaturgie et enfouit sa tête dans le matelas. Il n'avait écrit qu'une dizaine de lignes sur son devoir. Pris de pitié, Julian referma son livre.

- Donne-moi ça, soupira-t-il, je vais essayer de te faire la trame au moins.

En une seconde, la tête de Matthew réapparut et il le fixa avec enthousiasme.

- Ju', t'es le meilleur !

- C'est ça. Au moins, on sait que tu ne feras pas carrière dans les Sortilèges, c'est déjà ça.

D'une main, il attrapa le manuel que Matthew lui tendait et ils inversèrent les rôles : il se retrouva à travailler pendant que lui feuilletait négligemment son roman abandonné. Au fond de son esprit, il se surprit à se demander soudain ce que Matthew envisageait pour son futur... C'était une question qu'ils avaient plus ou moins évité tous les deux, mais la mention de la justice – branche historique des Bones – et des sortilèges venait de lui rappeler que la fin de leurs études n'était plus si loin. Encore une année et quelques mois... C'était effrayant comme ce simple laps de temps paraissait long et court à la fois, mais surtout incertain. Il ne savait pas s'il pourrait revenir en Angleterre d'ici là. C'était une chose de se réfugier aux Etats-Unis le temps que la situation s'améliore, mais une question fatale demeurait suspendue au-dessus de sa tête : et si ça ne s'améliorait jamais ?

Pour éviter de s'attarder sur cette éventualité, il s'apprêta à demander à Matthew s'il avait un projet d'orientation mais un détail l'arrêta quand il releva la tête. Son meilleur ami avait à nouveau froncé les sourcils, mais son expression était différente de tout à l'heure. Plus grave, plus hésitante aussi.

- Matt ? appela-t-il, intrigué. Ça va ?

- Hum ?

- Tu fais une drôle de tête.

- Ah... Non, désolé, je pensais à quelque chose...

A nouveau, il fronça les sourcils sans le regarder tout à fait. Perplexe, Julian le dévisagea. Il hésita à insister une seconde, puis préféra continuer à avancer sur le devoir de Sortilèges pour lui laisser du temps, même si le silence était d'un coup moins paisible. Matthew ne mit d'ailleurs pas longtemps à le rompre :

- Eh Ju'... commença-t-il maladroitement. Je peux te poser une question ?

Surpris qu'il prenne même la peine de demander, Julian tourna la tête vers lui et une pointe d'appréhension le traversa.

- Je t'écoute.

- Ah... Hum...

Matthew semblait lutter contre les mots et son froncement de sourcil s'accentua.

- Le prend pas mal, ok ? reprit-il avec nervosité. C'est juste... enfin c'est juste une question...

- Matt, bon sang, vas-y !

- Oui, oui... Je me demandais juste si... – et j'insinue rien vraiment – mais...

A nouveau, il buta sur ce qu'il voulait dire et sa voix s'éteignit alors qu'il jouait avec sa plume dans un mouvement stressant. Julian se sentit soudain inquiet sans réussir à savoir pourquoi.

- Sérieux Matt, pose ta question.

- Ouais...

Son cœur cognait si fort qu'il faillit ne pas entendre Matthew lorsque les mots s'arrachèrent enfin à ses lèvres :

- C'est quoi le truc entre toi et Noah ? dit-il sans le regarder.

Le temps, qui s'était pourtant étiré de manière douloureuse, se suspendit. Ou du moins, Julian eut l'impression que tout son corps arrêta de fonctionner alors que le monde autour de lui continuait de fonctionner et que Matthew attendait une réponse. C'était une sensation horrible, en décalage douloureux... Son ventre se tordit si violemment qu'il en eut la nausée. Il n'arrivait plus à avoir de prise sur quoique ce soit : la réalité autour de lui prenait des contours flous, son esprit refusait de former une pensée cohérente, et même son souffle lui paraissait lointain, comme s'il se dérobait. Il chercha de l'air.

Son mauvais pressentiment s'était transformé en question concrète. Celle qu'il redoutait depuis des semaines et pourtant il ne s'était pas attendu à ce que ça soit Matthew qui la pose. Matthew n'avait pas été là, il n'avait rien vu... Mais la question était quand même là, suspendue entre eux. « C'est quoi le truc entre toi et Noah » ?

Merlin, il y avait tant de réponses possibles et aucune ne convenait. Ce « truc » n'avait aucune logique, aucune définition et l'impression de perdre le contrôle le saisit avec force. Il inspira une respiration tremblante, incapable de plus... Sa panique se renforça.

- Ju' ? appela Matthew, inquiet.

- Je... j'arrive pas...

Julian se sentit perdre pied. Incapable de rester assis sur le lit, il se leva et se mit à marcher, un sentiment indescriptible au cœur de la poitrine. Il ressentait un mélange de honte et de peur viscérales qui le submergeait et il se déroba au regard de Matthew. Mécaniquement, il se mit à attraper les choses qui traînaient dans sa chambre. Un pull, une écharpe, des crayons et des pages où ses dessins à peine esquissés se devinaient. Il fourra le tout dans sa valise avec un peu trop de force, sans bien savoir pourquoi. Sa soudaine agitation fit se lever Matthew à son tour.

- Eh, eh ! Julian !

Il l'ignora. Il n'arrivait toujours pas à respirer correctement et la pression qui l'écrasait devenait de plus en plus oppressante. Il voulut continuer à remettre les choses en ordre, juste pour se distraire et avoir le contrôle sur quelque chose, mais Matthew se mit en travers de son chemin, l'empêchant de continuer. Il lui agrippa littéralement les poignets pour le faire arrêter.

- Eh, Julian, répéta-t-il avec un peu plus de force et cette fois il releva la tête vers son meilleur ami. Qu'est-ce qui te prend ?

- Rien ! J'ai juste...

Les mots moururent sur ses lèvres. Un éclat de compréhension s'alluma dans les yeux de Matthew.

- Respire avec moi, ordonna-t-il soudain d'un ton autoritaire.

- Non, ça va, je...

- Julian Shelton, essaye d'être moins borné pour une fois ! Je te dis de respirer avec moi !

C'était St-Mangouste qui se foutait de la charité, songea-t-il dans un éclair de lucidité. Matthew était borné comme un hippogriffe quand il s'y mettait. Pourtant, à cet instant, il céda. Avec un hochement de tête sec, il se mit à suivre la respiration de Matthew, expiration après inspiration. Le processus fut lent, mais son cœur se calma progressivement et il sentit son esprit s'éclaircir en retour. La panique, elle, demeura lovée au creux de son corps...

Sa détresse devait être encore évidente car Matthew le fixa avec intensité.

- C'est juste moi, Ju', allez. Je croyais qu'on pouvait parler de tout ça, de tout ce bordel...

Il était sincère, Julian l'entendait bien, mais son instinct lui criait toujours que quelque chose allait de travers... Et ce quelque chose était sûrement lui-même. Anxieux, il tenta de se dégager, mais Matthew raffermit sa prise autour de ses poignets.

- On peut en parler... souffla-t-il. Mais...

Matthew secoua la tête pour l'interrompre.

- Ne me repousse pas, Ju'. Peu importe que ça soit Hanna ou Noah, je peux écouter. Juste... me repousse pas.

La respiration à nouveau presque coincée, Julian ferma les yeux une seconde. Il était tétanisé. Si Matthew savait qu'il avait peur, lui, qu'il le repousse et non l'inverse.

- Ju'... Dis-moi ce qui se passe avec Noah.

Julian déglutit avec difficulté et il se répéta en boucle ne pars pas, ne me laisse pas, ne me repousse pas jusqu'à que les mots se brouillent. Puis, lentement, il acquiesça avant de lâcher si vite que sa réponse s'étrangla, à l'image de toutes les confessions dans l'histoire humaine :

- C'est compliqué... Lui et moi, c'est compliqué, mais... je crois que j'ai fait une connerie, Matt... parce qu'on s'est embrassés. Et il se passe un truc, oui, je crois...

Voilà, ils étaient prononcés, ces mots interdits. Ceux qu'il n'aurait jamais cru réussir à dire à voix haute. La prise autour de son poignet se radoucit. Julian réalisa que Matthew n'avait pas détourné le regard.

Ils se contentèrent de se dévisager, immobiles, et il comprit que Matthew ne savait pas plus que lui comment réagir. Malgré tout, sa respiration s'était stabilisée, comme si la boule qui était coincée dans sa gorge depuis des semaines était enfin sortie. Tremblant, il finit par se dégager. Il avait besoin d'espace, juste une seconde, et il se rassit sur le lit pour éviter de s'effondrer. Contrairement à son souffle, ses pensées étaient toujours erratiques. Il ne comprenait pas comment Matthew avait pu deviner... Il n'était là que depuis quelques jours. Si lui savait, alors qui d'autre ? Qui d'autre à Ilvermorny et dans son groupe d'amis ? Il lutta contre les larmes, hébété.

- Matt... dit-il d'une voix rauque. Comment... ?

Il n'arriva pas à terminer sa question.

- Je n'étais pas sûr en fait... admit Matthew, toujours debout devant lui, l'air désarçonné. Ta réaction a confirmé, c'est tout. Mais j'ai eu des doutes avec tes lettres, tu parlais de lui parfois et c'était différent. Et puis... la scène qu'il a fait à Hanna, la façon dont vous étiez tous les deux, je ne sais pas...

Visiblement, la colère de Matthew était toujours là, sous la surface, mais il l'écarta pour le moment.

- T'en as parlé à quelqu'un ? demanda-t-il, nerveux.

- Quoi ?

- Est-ce que t'en as parlé à quelqu'un, Matt ?

Sa voix s'était faite plus pressante, plus dure, mais il était incapable de se calmer complètement. Matthew parut indigné.

- T'es sérieux ? s'exclama-t-il. Tu crois vraiment que j'aurais pu... Non, Ju', évidemment que non ! Et si ça peut te rassurer, je crois que personne n'a rien remarqué. C'est juste que... je te connais. C'est tout.

« C'est tout ». Peut-être qu'elle était là, la clé. Son amitié avec Matthew avait toujours été d'une simplicité incomparable, une évidence comme seuls les liens noués dans l'enfance pouvaient l'être. Ils s'étaient trouvés dès leur rentrée à Poudlard et il n'avait jamais cessé d'admirer la force de caractère de son ami depuis ce jour. Matthew était tout ce qu'il n'était pas, ils se complétaient : le courage rageur et la réflexion créative. Si le rouge et le bleu s'opposaient, l'or et le bronze les rapprochaient.

D'un coup, il eut envie de parler. Il eut envie de combler le gouffre qui s'était creusé entre lui et les personnes qui l'entouraient depuis que Noah Douzebranches était entré dans sa vie. Matthew parut sentir le changement car, prudemment, il vint le rejoindre et s'assit à côté de lui.

- Je ne sais pas par où commencer, avoua-t-il, yeux baissés. C'est un peu arrivé... comme ça.

- Tu t'es retrouvé à embrasser un gars comme ça ?

L'incrédulité dans la voix de Matthew lui brûla le visage.

- Non, non, il y avait eu des choses avant, mais... Je ne sais pas, c'est différent avec lui. Et je sais que c'est interdit, qu'on ne devrait pas, mais... je te dis, c'est arrivé.

- Ok... je vois. Mais... ça veut dire que tu... ? Enfin, c'est juste avec lui ou... ?

- Je ne sais pas. Pour l'instant c'est juste lui, mais je crois que... ça va au-delà.

Merlin, il avait conscience de ne pas être clair, mais il ne parvenait pas à poser les mots sur la réalité qu'il vivait. Il avait même évité de trop y penser. C'était une chose d'affirmer ne pas être comme Zack Ledwell, de juste tester un peu les limites, et de se rendre compte que les sentiments et les réactions qu'il éprouvait était tellement plus qu'un jeu. A côté de lui, Matthew fronça le nez, l'air d'essayer de comprendre. Il semblait aussi perplexe que face à son devoir de sortilèges.

- Bon, on va tenter de tirer ça au clair, déclara-t-il avec une détermination toute Gryffondor. Désolé d'avance, je risque de poser des questions stupides et je ne dis pas que je ne trouve pas toute l'idée un peu... étrange, mais j'écoute. Promis.

- Si ça peut te rassurer, je trouve ça encore étrange moi aussi la moitié du temps...

Quand il n'était pas avec Noah à vrai dire. Parce que dès qu'ils étaient ensemble, cette impression s'apaisait et il souvenait avoir pensé lors de leur second baiser que personne n'avait le droit de condamner ce qu'ils vivaient tous les deux.

- Alors vas-y ! Qu'est-ce qui passe ? Vous vous êtes vraiment... embrassés ?

- Hum... acquiesça-t-il, honteux. On était sous un rocher dans le parc d'Ilvermorny, c'est une sorte de grotte avec un lac souterrain. Je te passe toute l'histoire, mais je suis tombé dans l'eau.

- Quoi ?

Un éclat de rire échappa à Matthew et il lui donna un coup de coude.

- Hilarant, je sais. Bref, Noah a plongé avec moi, juste pour me prouver qu'il pouvait le faire je pense. On était proches et...

- Et vous vous êtes embrassés, termina Matthew.

- Ouais...

C'était si étrange à prononcer à voix haute. Il n'osa pas regarder l'expression de Matthew à cet instant et, au lieu de ça, il se mit à jouer avec le bout de parchemin qui traînait près de lui. Le schéma sur la magie élémentaire se tordit sous ses doigts.

- Et alors ? Il embrasse bien ?

Il manqua de s'étouffer sous le coup de la surprise.

- Matt !

- Quoi ? se défendit-il. J'essaye de m'adapter, ok ?

- Merlin...

Gêné, il se prit la tête entre les mains et coula enfin un regard vers son meilleur ami.

- Oui, avoua-t-il à mi-voix. (Un sourire impossible à réprimer lui monta aux lèvres). Il embrasse bien.

- Génial, c'est important, jugea Matthew avec une fausse attitude confiante. Et... hum... c'est différent d'Hanna ? Je veux dire, c'était différent ?

Immédiatement, Julian perdit son sourire. Il voyait bien ce que Matthew essayait de faire : il voulait démêler la situation, tenter de la comprendre en posant des comparaisons, s'accrocher à quelque chose de familier. Il lui devait au moins d'être honnête s'ils voulaient arriver quelque part.

- Complètement différent, ouais...

- Sérieux ?

- Hum...

- Pourquoi ?

A sa décharge, Matthew avait l'air sincèrement intéressé. Il sentit son visage s'embraser et il retourna les phrases plusieurs fois dans son esprit avant de tenter d'expliquer :

- Parce que quand j'étais avec Hanna, je n'ai jamais... ce n'était pas pareil... Elle ne m'a jamais...

Il n'osa pas prononcer le mot. La hardiesse de Matthew s'en chargea, même si son teint se colora quand il lâcha  : 

- Attiré ?

- C'est ça, admit-il, mortifié. Je l'apprécie comme amie, mais physiquement je n'ai jamais voulu... tu vois ? Alors que Noah...

Sans pouvoir s'en empêcher, il repensa à ce matin : Noah et lui, allongés dans ce même lit à s'embrasser ; ses lèvres contre son cou ; son cerveau qui vrillait ; son corps qui répondait au moindre toucher... Cette fois, son visage s'enflamma plus franchement et Matthew eut un rictus moqueur.

- Oh Merlin, Ju', tu ne l'as pas juste embrassé pas vrai ? devina-t-il.

- Matt !

- Ne me sors pas tes « Matt » indignés, je vois clair dans ton jeu. (Il le scruta avec attention, soudain alerte). Attends, vous n'avez pas... enfin vous... Est-ce que deux gars peuvent... ?

- Matthew, arrête de parler.

- Ouais...

Il s'entrechoqua presque les dents entre elles en refermant sa bouche et Julian leva les yeux vers le plafond, priant presque pour qu'une force extérieure vienne interrompre la conversation. Il compta jusqu'à dix dans sa tête, histoire de se recomposer un visage neutre, puis se tourna à nouveau vers Matthew. Celui-ci lui renvoya un regard gêné, preuve qu'il n'était pas aussi à l'aise avec le sujet qu'il voulait bien le faire croire.

- Non, on n'a pas couchés ensemble, réussit-il à articuler au prix d'un effort certain. On n'en est pas du tout là...

- Oh Merlin, merci !

Surpris, il haussa un sourcil. Matthew s'empressa de lever les mains devant lui.

- Pas que je désapprouverais, expliqua-t-il précipitamment. Mais j'ai toujours cru que si un de nous deux devait le faire avant l'autre... tu sais !

En un sens, Julian savait. C'était évident. Pourtant, l'entendre prononcer ainsi – dans ce contexte – le prit tellement au dépourvu qu'il éclata de rire. Au moins, il avait une réponse sur le statut de la relation entre Charity et Matthew.

- Ok, on passe à autre chose, fit ce dernier, mal à l'aise. Ju' arrête de rire !

- Pardon, ouais... Mais Charity alors... ?

- On parlait de Noah, pas de Charity ! Tu crois que je vais m'arrêter là ? Je l'ai entendu te parler, tu sais. Comment il t'a appelé à un moment ? Jules ?

Le surnom, si étrange prononcé par quelqu'un d'autre, coupa court à son amusement. Son expression arracha un cri de triomphe à Matthew et il le pointa du doigt.

- J'ai raison, ce n'est pas juste physique, hum ? affirma-t-il.

La question à mille Gallions.

- C'est compliqué...

- J'avais compris ça. Parle, allez. (Il pencha la tête sur le côté, songeur). Vous êtes... ensemble ?

Julian sentit son cœur cogner contre sa cage thoracique. Comment expliquer le pacte ? Hésitant, il chercha ses mots.

- Non, on n'est pas ensemble. On ne pourrait pas de toute façon... Il y a une loi aux Etats-Unis. La loi des Bonnes Mœurs. C'est interdit. Et en Angleterre, c'est sous-entendu par des vides juridiques de toute façon.

- Oh...

- Mais ça ne change rien dans tous les cas... Noah a une copine, Othilia. Et moi... bah j'avais Hanna, je suppose.

Matthew haussa un sourcil, l'air perdu. 

- Justement, vous avez rompu !

Il secoua la tête.

- Oui, mais Noah restera avec Othilia.

- Quoi ?

- On en a parlé, d'accord ? Ce n'est pas comme si on pouvait être ensemble pour de vrai, ça ne servirait à rien. Il n'y a pas de solution, Matt. Et puis... (à nouveau, il tira sur le bord du parchemin), on a fait une sorte de pacte après notre premier baiser. C'est juste pour voir, comme une expérience, tu vois ? Rien de sérieux...

Perplexe, Matthew cilla et ses sourcils se froncèrent une fois de plus.

- Attends, j'ai du mal à suivre. Une expérience ?

- Hum...

- Qui est-ce qui a dit ça ? Toi ou lui ?

Julian sentit son anxiété remonter dans son ventre et il fit un vague mouvement d'épaule pour tenter de paraître nonchalant.

- Lui, admit-il.

- Tiens, comme par hasard... Ok, écoute-moi Ju'. Comme je disais, je ne suis pas sûr de tout comprendre et je n'y connais peut-être pas grand-chose en psychologie féminine, mais l'avantage ici c'est que je sais reconnaître un truc et c'est un gars jaloux. Le coup que Noah a fait à Hanna, c'était pas juste au nom de la vérité. C'est évident !

- Mais...

- Non, laisse-moi parler. Tu veux savoir ce que je pense ? dit-il avec hargne. Noah est comme toi, il est juste terrifié par ce qui se passe entre vous et il veut donner l'illusion que c'est un jeu. Il veut te faire croire que lui est téméraire ou une connerie du même genre. C'est comme ça que tu le décrivais non ? (Julian n'eut le temps que d'hocher la tête, se souvenant vaguement qu'il avait peut-être évoqué dans une lettre la façon dont Noah paraissait défier le monde entier d'un seul regard). Il a tout risqué en t'embrassant et il ne voulait pas faire marche arrière alors il t'a proposé cet espèce de pacte que tu t'es senti obligé d'accepter parce que sinon ça revenait à le perdre. J'ai raison ou pas ?

Tout ou rien, songea-t-il. C'étaient les mots qu'Aileen avait prononcé la dernière fois quand ils en avaient parlé et elle l'avait mis en garde : « si tu n'es pas prêt à tout donner, ça veut dire que tu ne tiens pas à lui ». Oui, c'était souvent la façon dont fonctionnait Noah Douzebranches et Matthew l'avait visiblement compris lui aussi. En écho, il se revit assis face à Noah alors qu'ils discutaient du pacte. Il avait accepté l'accord faute de mieux. Après tout, il était venu chercher une réponse ce jour-là, mais il avait dû se contenter des cases que lui offraient Noah sans qu'aucune ne lui convienne réellement. Sa curiosité l'avait poussé, bien sûr, mais ça allait au-delà et c'était peut-être cela que ni Aileen ni Matthew ne comprenait. Il ressentait un besoin viscérale de comprendre ce que Noah avait réveillé chez lui et de prouver à Noah qu'il pouvait lui faire confiance. Il avait vu ce qu'il avait offrir si on ne doutait pas de lui... Le problème, c'est que ça ne rendait pas moins leur relation déséquilibrée et asymétrique. Et c'était bien ce qu'il détestait sans oser l'avouer : Noah et lui devaient être égaux, les deux faces d'une même pièce. Le contraire ne pouvait pas fonctionner.

Patient, Matthew le laissa intégrer le raisonnement, même s'il voyait bien un feu impatient brûler en lui et il se força à répondre :

- Oui, t'as raison, je crois... C'est juste que... ça paraissait avoir du sens au moment où il le disait, tu vois ?

- Je me doute bien. Ce type a l'air de pouvoir convaincre n'importe qui.

Là encore, Matthew n'avait pas tort : son attirance pour Noah avait commencé par une aura de fascination dont il se détachait à chaque fois qu'il entrevoyait une nouvelle faille chez lui. Et il commençait à prendre conscience d'à quel point elles étaient nombreuses...

- Ecoute, je dis ça, mais je ne sais pas ce que tu peux faire non plus, reprit Matthew avec gravité. Tu le connais mieux que moi alors fais comme tu le sens, mais pour ce que ça vaut... t'as eu raison de rompre avec Hanna. C'était pas juste...

- Je sais, je n'aurais pas dû... mais je ne pouvais rien lui dire non plus.

- Ouais, je suppose... Bordel, c'est compliqué.

Comme pour ponctuer sa remarque, Matthew lui arracha son parchemin des mains avant de le rouler en boule, frustré.

- Eh ! protesta-t-il. J'avais commencé à te faire ton devoir là-dessus.

- Au diable ce foutu devoir, Flitwick peut attendre. Mon meilleur ami a une pseudo relation avec un autre gars, c'est ça l'important !

- Merlin, Matt, parle moins fort !

Paniqué, il jeta un coup d'œil vers la porte. Matthew rentra la tête dans les épaules.

- Pardon, pardon ! Je suis juste... un peu dépassé. Et moi qui croyais que ma relation avec Charity manquait de communication et de clarté...

- Ouais, ça change de perspective quand tu pourrais te faire interner pour avoir brisé une loi, pas vrai ? balança-t-il, acerbe.

L'amertume était sortie toute seule et Matthew lui jeta un regard étonné, mais il se contenta de s'adosser contre le mur, bras croisés. La boule douloureuse dans sa gorge venait de revenir, nourrie par une honte impossible à endiguer.

- Eh Ju'... Tu sais qu'on pourra en parler maintenant, pas vrai ? Je ne veux pas que... enfin je t'ai dit, je peux écouter, je peux faire des efforts... Faut juste que j'appréhende bien le truc, c'est tout.

- Hum...

Il se retrouva une seconde incapable d'en dire plus. Même si Matthew avait toute la bonne volonté du monde, il venait de le dire : il devait faire des efforts, appréhender quelque chose qui n'était pas naturel. A ses yeux, il ne serait sans doute plus jamais normal et cette idée le paralysa à nouveau.

Toutefois, Matthew ne le laissa pas se dérober

- Oh Shelton ! l'invectiva-t-il avant de lui donner un coup de pied léger contre la jambe. Me fais pas ça !

Le changement de ton le prit par surprise. 

- Shelton ? Depuis quand tu m'appelles comme ça ?

- Je sais pas, tu préférerais « Jules » ?

Matthew eut l'audace de sourire, goguenard, et il s'empourpra pour la dixième fois au moins.

- Matt, la ferme, grommela-t-il.

- Seulement une fois que j'aurais fait rentrer dans ta tête de prodige agaçant que je suis sincère. T'es toujours le même, Ju'. C'est juste une nouvelle... comment tu disais déjà... composante ? T'es comme un sortilège ! Un peu complexe, différent selon le sorcier qui le lance, et il faut juste que j'apprenne à déchiffrer chaque aspect pour tout comprendre. Simple, non ?

Présenter ainsi, la situation paraissait en effet si simple... Emu, Julian laissa échapper un rire étouffer et les larmes qui pressaient derrière ses paupières eurent soudain une tout autre raison. Il ressentit un élan de reconnaissance sans fin envers Matthew Bones, inébranlable dans ses convictions et sa logique douteuse. Il avait eu besoin d'entendre ça.

- Oh et Ju' ?

- Ouais... ? murmura-t-il.

Matthew le regardait droit dans les yeux à présent et il tenta de maîtriser le tremblement de ses mains.

- On emmerde leur loi des Bonnes Mœurs ! affirma-t-il. 

**********************************************

Aloooors ? Verdict ? La rupture peut paraître soft, mais c'est voulu et toute l'histoire n'est pas terminée... La scène avec Matthew, quant à elle, est vraiment une de mes préférées je pense. J'ai voulu y traduire tout l'enjeu de ce que représentait l'homosexualité à l'époque. 

Pour celles et ceux qui ont regardé les premières minutes de la vidéo de l'INA mise en introduction, est-ce qu'elle vous a permis de mieux comprendre ? Vous en avez pensez quoi ? Je suis curieuse d'avoir vos retours ! 

Et avant de se quitter, comme chaque semaine maintenant, les memes de Lina aka HarryStranger sur le chapitre précédent ! 

A dans deux semaines ! 

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