Chapitre 38 : La spirale des mensonges
Bonjour tout le monde ! Ravie de vous retrouver cette semaine avec ce nouveau chapitre. Un énorme merci pour vos réactions sur le dernier, ça m'a réconforté et j'ai été super contente de voir votre joie en retrouvant Julian et Matthew ensemble haha !
Petit warning pour ce chapitre : il contient une scène un peu plus explicite que d'habitude, rien de bien méchant, mais je préfère prévenir ^^
Bonne lecture !
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Chapitre 38 : La spirale des mensonges
« Rien n'est vrai, rien n'est faux ; tout est songe et mensonge, illusion du cœur qu'un vain espoir prolonge. Nos seules vérités, hommes, sont nos douleurs »
- Lamartine -
// 6 mars 1980 //
- Ju' ? fit la voix d'Hanna à sa droite.
Julian releva la tête, affalé dans son fauteuil avec son carnet à dessin sur les genoux. Il découvrit Hanna, vêtue d'un manteau et d'une écharpe qui lui couvrait presque le menton et il lui adressa un sourire.
- Tu pars ? devina-t-il.
- Ouais ! L'Empire State Building n'attend que moi !
- Amuse-toi bien!
- Merci... T'es sûr de préférer vouloir aller à ton expo d'art ?
Il comprit l'invitation muette et son sourire se transforma en grimace d'excuse.
- Elle se termine aujourd'hui, je suis désolé... Mais je peux te rejoindre après si tu veux ! On pourra aller à Central Park puisque tu loupes la visite guidée si incroyable de Leonidas.
- Et quelle tragédie, se moqua-t-elle. Matthew va nous en vouloir à vie de ne pas être allé avec lui.
- Il va rendre notre vie infernale, approuva-t-il avec gravité.
Ils rire ensemble. Plus tôt dans l'après-midi, Leonidas avait proposé à tout le monde de faire une visite de New York, et notamment de Central Park. Julian avait décliné pour son exposition d'art et Hanna, qui avait promis à ses parents d'y aller avec eux pendant leur semaine de vacances, avait donc préféré se rabattre sur une autre activité touristique. Le regard défait de Matthew leur avait bien fait comprendre sa déception quand la porte s'était refermée sur le petit groupe composé de grand-mère Isadora, tante Cordelia, Liam, Théa, Archer, Lysandra, Charly, et son père.
- Bon, je pars alors ! s'exclama Hanna en agitant la main. Ah et juste pour te prévenir, ton ami vient d'arriver pour te voir. L'elfe lui a ouvert. J'ai oublié son prénom, désolée.
- Mon ami ?
Curiosité piquée, il se leva pour la suivre.
- Oui, celui avec les boucles là. Il était avec vous hier en revenant de Grand Central ?
- Noah est là ?
- Voilà, lui !
Il marchait derrière elle et, heureusement, elle ne vit pas son expression. Il avait encore du mal à associer l'idée de Noah et Hanna sur le même continent, mais alors sous le même toit... Une culpabilité sourdre l'habitait depuis hier. Ou, s'il devait être honnête avec lui-même, depuis bien plus longtemps. Mais l'abolition soudaine de la distance entre eux rendait la situation impossible à ignorer. Hier soir, après sa balade avec Matthew, il avait essayé de compenser en passant toute la soirée avec Hanna. La retrouver lui avait fait du bien malgré ses sentiments conflictuels... Il avait oublié à quel point c'était facile de parler avec elle quand il trouvait un sujet commun. Cette fois-ci, ils avaient rattrapé le temps perdu en se racontant leur vie à Poudlard et Ilvermorny et la curiosité naturelle d'Hanna avait alimenté la conversation pendant plusieurs heures. Elle avait quand même dû rentrer à son hôtel en milieu de soirée et ils s'étaient quittés sur un baiser enthousiaste. Julian avait vraiment essayer de s'y abandonner, de faire comprendre à Hanna à quel point elle n'avait rien à se reprocher, mais le sentiment de manque avait demeuré dans sa poitrine même après son départ.
Arrivé dans le hall, il lui tint la porte en une parodie de majordome et elle sortit avec une révérence à riant.
- A tout à l'heure ! lança-t-elle.
Il lui retourna son geste de la main, puis la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin de la rue. Il avait à peine refermé le battant qu'une nouvelle voix l'apostropha de loin :
- Jules !
- J'arrive !
Pire qu'un enfant. Parfois, il se disait que Noah ne supportait pas de ne pas avoir d'attention et que c'était pour ça qu'il ne s'entendait pas avec Théa et Liam, les seuls capables de lui faire de l'ombre. Amusé, il se dirigea donc vers le salon et trouva Noah Douzebranches en personne, allongé sur le canapé d'un air ennuyé. Ses boucles brunes s'étalaient sous sa tête, ébouriffées, et il sut qu'il avait dû braver le vent new-yorkais pour arriver. Il n'arriva pas à retenir son impulsion : il enroula une boucle autour de son doigt, debout devant lui, et Noah se tordit la nuque pour le regarder. Il ne repoussa pas sa main.
Julian sourit.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? dit-il.
- L'elfe m'a fait entrer.
- Je sais, Hanna m'a dit. Non, je voulais dire ici, chez les Grims.
Noah haussa les épaules, nonchalant.
- Je voulais échapper à Hilda et Raphaël. Après la réunion d'Hilda avec les dirigeants de commerces, ils voulaient aller voir une course sur balai professionnelle. Un ennui.
- J'approuve. (Il relâcha la boucle qui s'enroula à nouveau sur elle-même et il suivit le mouvement, fasciné, avant de se souvenir de continuer à parler). Et tu pensais que j'avais mieux à proposer ?
- J'ai eu raison, non ? rétorqua Noah. Une maison vide pour nous tout seuls, tu frappes fort !
Son rictus équivoque lui fit monter le rouge aux joues. Il n'avait même pas pris conscience que, techniquement, ils avaient effectivement le manoir pour eux tous seuls maintenant que tout le monde était parti se promener. Il ressentit une drôle de sensation au creux du ventre et se râcla la gorge.
- J'avais prévu d'aller à une expo... Sur Picasso. Ça peut t'intéresser, non ? T'aimes plus que moi le style déstructuré...
- Jules, là tout de suite, je me fiche de Picasso même s'il avait peint la Joconde.
D'un mouvement souple, Noah se releva et ils se retrouvèrent face à face, presque sans espace entre eux à cause du canapé qui empêchait Noah de reculer. Julian aurait pu, lui... Mais il se retrouva simplement à rire doucement, incapable de se souvenir pourquoi Picasso lui avait semblé si important la veille encore. La dernière fois qu'il s'était retrouvé seul avec Noah, c'était il y a seulement deux jours dans la petite salle de bain d'Ilvermorny. Julian n'avait pas cessé de penser à leur baiser depuis... Et son corps lui faisait comprendre en ce moment-même. Il ressentait la force désormais familière qui s'exerçait dans sa poitrine comme à chaque fois qu'il était aussi proche de Noah.
Les yeux bleus de celui-ci se fixèrent soudain un peu plus bas et Julian sut qu'il avait envie de l'embrasser autant que lui. Il dévia à son tour son regard sur les lèvres de Noah, comme une réponse muette, et attendit. Il pouvait presque sentir une sorte d'énergie entre eux.
Il craqua en premier, incapable de résister au défi. Pour une fois, il n'en avait rien à faire de perdre. Embrasser Noah debout était une expérience nouvelle, différente des dernières fois où il avait toujours eu une prise sur son corps. Là, il resta un instant sans savoir quoi faire de ses mains, mais Noah était plus expérimenté : il vint placer la sienne autour de sa taille, l'attirant un peu plus contre lui. Julian entrouvrit les lèvres automatiquement, grisé par la distance abolie et la sensation de leur torse qui se touchait presque. Noah avait une odeur de cigarette, de peinture et de parchemin autour de lui. C'était quelque chose qu'il avait fini par lui associer et il aimait ce genre de détail.
Pourtant, la sensation principal qui dominait tout le reste était bien celle des lèvres de Noah, avides contre les siennes. Il allait vite, puis lentement, dans un mouvement incessant qui lui faisait tourner la tête et il suivit le rythme avec plaisir.
Au bout de quelques secondes, ils finirent malgré tout par reculer, cherchant de l'air. Julian sentit ses lèvres le picoter, comme un écho au baiser qui s'attardait sur sa peau brûlante. Il avait envie de recommencer dès maintenant, juste pour courir après cette sensation, mais Noah eut une autre idée. D'un coup, il lui vola le carnet qu'il avait toujours dans la main, celui qu'il avait pris pour descendre avec Hanna, et il se retrouva trop déstabilisé pour réagir.
- J'ai remarqué que t'avais ça, commenta-t-il. Alors qu'est-ce que ton esprit de prodige a dessiné aujourd'hui ?
- Je croyais que t'en avais rien à faire ?
- J'ai dit que j'en avais rien à faire de Picasso. Ne me dis pas que ton ego se compare au maître du cubisme ? Tu ne peux pas être doué à ce point en tout, Jules.
Noah devait être de bonne humeur car il n'y avait même pas le mordant habituel derrière son ton et il se mit à sourire, amusé, même s'il n'oubliait pas son carnet. D'un geste vif, il tenta de le reprendre, mais Noah fut plus rapide. Il le leva au-dessus de sa tête. Julian maudit ses quelques centimètres en moins et se refusa à se hisser sur la pointe des pieds par fierté.
- Noah...
- Quoi ? Je croyais que j'avais un droit de regard sur tes œuvres ?
- Je n'ai jamais dit ça.
- Non, tu me demandes juste mon avis. C'est pareil.
Il s'esclaffa.
- En quoi c'est pareil ? protesta-t-il, lorgnant toujours le carnet.
- Tu ne demandes jamais l'avis des autres.
L'affirmation le prit au dépourvu. Surpris, il fit retomber son regard sur Noah et leurs prunelles s'accrochèrent, bleues contre vertes.
- Quoi ?
- Tu ne demandes jamais l'avis des autres, répéta Noah, sûr de lui. Ni en cours, ni pour le Rituel d'Ancrage, ni pour le journal. C'est un truc que j'ai remarqué. Tu donnes le tiens aux autres, tu expliques des choses, ça oui. Mais jamais l'inverse et certainement pas pour le dessin. (Il pencha la tête sur le côté, songeur, puis corrigea). Enfin, pas au début. Tu le fais maintenant. Depuis...
Il ne termina pas sa phrase, mais Julian comprit. Maintenant qu'il y pensait, il demandait effectivement son avis et son aide à Noah depuis leur premier baiser sous le rocher. C'était inconscient, il s'en rendait compte. S'il ne lui avait pas fait remarquer, il n'y aurait sans doute pas fait attention et il ressentit une certaine satisfaction à se dire que Noah était attentif à ce genre de détails. Gêné, il se força malgré tout à s'expliquer :
- Oui, c'est vrai... mais c'est parce que t'es le seul à comprendre. Pour le dessin, je veux dire...
- Hum ?
- Le style que t'as, j'arrive pas à le refaire, admit-il, frustré. Ça m'énerve.
D'un coup de menton, il désigna son carnet. L'air sincèrement étonné, Noah mit quelques secondes à croire la proposition muette et il abaissa sa main avec lenteur jusqu'à amener le carnet entre eux. Sur les pages qu'il fit alors défiler, ils purent voir s'étaler ses esquisses... Ou du moins ses tentatives. Il avait essayé de reproduire le trait fuyant de Noah maintes fois, certaines de ses caricatures même, mais son style était trop précis, trop académique. C'était une émotion différente qui s'en dégageaient et, même si jusqu'à présent il avait été fier, il recherchait autre chose aujourd'hui.
- C'est pas mal, jugea Noah d'une voix neutre.
Trop neutre pour être honnête et Julian s'en retrouva agacé.
- Un avis sincère ou rien, prévint-il.
- Ouais, compris... (il feuilleta un peu plus le carnet). Y'a de l'idée, mais il manque quelque chose... J'arriverais pas à dire quoi...
- Merci, c'est d'une grande aide.
- La ferme, Jules.
Avec la main qui ne tenait pas le carnet, Noah le repoussa et il s'agrippa à lui pour ne pas tomber en arrière. Le contact soudain fit se contracter son estomac.
Ils ne s'étaient pas éloignés de plus de deux pas l'un de l'autre et l'envie de sentir à nouveau leurs lèvres ensemble se ralluma en lui, fort et étourdissant. Noah chercha son regard, lui aussi déstabilisé, et il fit taire son cerveau le temps de combler la distance pour l'embrasser. Pour une fois, il voulait que l'initiative vienne de lui.
Ce baiser ne dura qu'un court instant, mais ce fut suffisant pour leur faire oublier le carnet. Noah désigna l'étage.
- On monte ? proposa-t-il, la voix rauque.
Julian acquiesça, l'esprit embrumé. Il ne savait pas bien ce qu'il ressentait, mais son corps paraissait branché sur une nouvelle fréquence et il aimait plutôt ça. La main de Noah s'accrocha à la sienne, sans préavis, puis ils se dirigèrent vers les escaliers. A nouveau, il songea au rocher sous-terrain : ils s'étaient tenus la main aussi ce jour-là, tout comme pendant le match de Quodpot. Pourtant, aujourd'hui, leurs mains jointes n'étaient ni cachées par une cape ni par l'obscurité. La vision avait quelque chose de terrifiant et excitant à la fois.
C'étaient précisément ces deux émotions qui se battaient en lui alors qu'ils entrèrent dans sa chambre. L'intimité du lieu – du lit à baldaquin – le frappa soudain. Ce n'était pas comme dans leur dortoir à Ilvermorny où Wilde, Enjolras et Liam étaient presque en permanence. Cette chambre, c'était la sienne. Il ne l'avait partagé qu'avec Charly, le premier jour aux Etats-Unis, mais elle avait préféré ensuite déménagé avec Théa. Il ne l'en blâmait pas. Il prenait conscience qu'il avait été trop sur son dos ces derniers temps et ils avaient passé l'âge de partager une chambre.
Mais y faire entrer Noah était différent... surtout dans le genre de situation où ils se trouvaient. Pourtant, il n'eut pas le temps d'hésiter. Dès que la porte se referma sur eux, il se retrouva happé par un nouveau baiser et se laissa embarquer, grisé par la sensation encore plus vive que tout à l'heure. Sa bouche était plus humide, plus sensible, plus brûlante. Il osa enfin poser ses mains sur les hanches de Noah et la réponse ne se fit pas attendre. Un bruit sourd émana de lui. Merlin, c'était surréaliste.
Il avait l'impression que son corps ne lui appartenait plus, qu'il regardait la scène de l'extérieur et qu'en même temps il était attentif aux moindres détails. Les moments d'absences alternaient avec ceux d'hypersensibilité.
- Jules... murmura Noah contre sa mâchoire alors qu'ils s'avançaient un peu plus dans la pièce.
Il n'avait plus aucun repère de toute façon, trop proche de Noah pour voir autre chose, mais il comprit que le lit était près d'eux un instant avant qu'ils ne se retrouvent allongés dessus. Le changement le saisit avec brusquerie et il ralentit ses gestes, soudain conscient de leur position. Noah tenta de suivre ses lèvres, mais il se recula encore un peu, le souffle court.
- Une seconde... articula-t-il, gêné.
Au-dessus de lui, Noah se figea. Son torse se soulevait aussi avec rapidité, signe qu'il n'était au moins pas le seul à être affecté, et il l'interrogea du regard.
- Trop ?
La question, si basse qu'il faillit ne pas l'entendre, le frappa au cœur. Oui, c'était peut-être ça. Noah était trop, ce qui passait entre eux à l'instant était trop, et il ne savait plus comment suivre. Il aurait surement dû... Embarrassé, il n'arriva pas à répondre, mais son expression devait parler pour lui car Noah se détacha un peu plus et roula sur le côté, toujours proche. Julian expira, libéré d'un poids, même si ses yeux restaient fixés sur le plafond au-dessus de lui avec obstination.
- Jules ?
- Ca va, ça va... Désolé...
- C'est bon, t'inquiète.
Encore une fois, aucun mordant dans la voix de Noah et il l'en remercia. Il n'aurait plus jamais osé le regarder en face si ça avait été le cas. Il se trouvait juste dans un entre-deux étrange, là tout de suite. Il sentait son corps toujours habité par cette énergie dévorante qui le poussait vers Noah et en même temps par un mal l'aise dont il ne savait pas quoi faire. Nerveux, il eut soudain le besoin de se justifier :
- Je... je ne sais pas pourquoi...
- J'ai une idée, admit Noah, presque malicieux.
Il désigna l'ensemble du lit d'un geste vague et Julian se couvrit le visage des mains. Si le matelas pouvait l'avaler... Peut-être qu'il y avait un sort pour ça. A ses côtés, Noah rit.
- Je crois que j'ai ma réponse à la dernière question que j'avais posé au jeu, commenta-t-il.
Le souvenir mit un instant à lui revenir. Il se remémora la pente ardue qu'ils avaient gravi le jour de Thanskgiving pour observer la vue depuis le Mont des Errants et du jeu de question/réponse qui avait suivi. « Jusqu'où t'as été avec Hanna ? ». Merlin...
- Ce n'est pas... enfin, on a...
Il chercha ses mots, mais aucune phrase cohérente ne se forma. Lui-même ne savait pas où il voulait en venir et de toute façon il n'avait sûrement rien à répondre. Noah ne l'accusait de rien, il constatait juste : c'était une nouvelle facette de lui qu'il découvrait, moins intransigeante. Il appréciait. Noah se mit à faire courir sa main le long de son bras et il eut un frisson, surpris. Il fut surtout soulagé de retrouver un contact entre eux. Très vite, ils retombèrent ainsi dans le silence, et Noah se contenta de frôler son bras jusqu'à son épaule pendant plusieurs minutes. Le rythme était apaisant. Un va et vient incessant, prédictible. Il se détendit. Sa respiration s'apaisa. C'était comme flotter et seul le toucher de Noah le retenait.
Ils restèrent ainsi pendant plusieurs minutes jusqu'à ce qu'il ressente à nouveau l'envie de parler et il pesa soigneusement ses mots dans sa tête avant de le faire.
- Tu sais, je pensais ce que je disais tout à l'heure, dit-il à voix basse pour ne pas briser la bulle dans laquelle ils s'étaient enfermés. Tu devrais vraiment t'inscrire à une école d'art avec le style que t'as...
Surpris, Noah releva les yeux vers lui. Il n'avait pas cessé son geste pour autant.
- Tu crois ? Parce que t'es le seul à le dire, marmonna-t-il, amer. Othilia et Hilda n'arrêtent pas de vouloir me faire abandonner l'idée.
- Et elles s'y connaissent en dessin depuis quand ?
Il prit conscience de son ton presque hautain avec un temps de retard et Noah émit à un rire étouffé.
- Pas faux. Mais Hilda sera celle qui payera hypothétiquement cette école donc je ne peux pas vraiment lui balancer ça, tu vois.
- Et une bourse ? T'y as pensé ?
- Hum... C'est sur dossier. Faut envoyer un book pendant la période des inscriptions, mais je ne sais pas si ça suffira...
Julian prit la peine de rouvrir un œil pour lui lancer un coup d'œil incrédule.
- Tu ne le sauras pas si tu ne le fais pas, non ? Je pourrais t'aider à le constituer si tu veux.
- C'est seulement l'année prochaine, Jules.
- Et ? Il y a déjà plein de dessins qu'on pourrait mettre dedans !
Pour toute réponse, Noah eut un léger hochement de tête, même s'il voyait bien qu'il était encore hésitant. Pourtant, il ne manqua pas le demi-sourire qu'il esquissa à la mention du « on » et sa conviction en fut encore plus renforcée. Satisfait, il retomba dans le silence.
Le mouvement que Noah traçait toujours le long de son bras était devenu hypnotique. A un moment, celui-ci poussa même l'audace à remonter vers son cou, traçant la courbe avec son pouce. Julian sentit le tiraillement se manifester à nouveau dans son ventre.
- Refais-le... souffla-t-il avant de réfléchir.
Noah suspendit son geste. Même sans le regarder directement, il pouvait sentir ses yeux bleus peser sur lui, et il pencha la tête un peu plus sur le côté, impatient. Noah repassa son pouce contre sa gorge, du haut de sa clavicule jusqu'à la courbe de sa mâchoire et Julian expira une respiration tremblante. Il y avait quelque chose, là... Le pouce de Noah s'attarda sur son pouls battant et il ferma les yeux. La sensation s'en retrouva décuplée. C'était comme si le petit espace de peau, juste à cet endroit, électrisait tout le reste de son corps et il aimait sentir la peau de Noah contre la sienne. Il traçait des signes alambiqués, aléatoires, sans motif particulier. Il variait la pression de temps en temps... Sa respiration s'accéléra à nouveau.
Soudain, Noah retira sa main et il retint la protestation qui montait à lui.
- Pourquoi tu... ?
- Je peux essayer quelque chose ? Si c'est encore « trop », tu me dis...
Le ton de Noah était étrange. Cette fois, il osa tourner la tête pour chercher dans son regard quelque chose – il ne savait pas quoi – et il y vit cette lueur tellement Oiseau Tonnerre, celle qui reflétait toute la curiosité et l'envie d'aventure qui animaient Noah parfois. Il acquiesça sans réfléchir davantage. Il savait qu'il n'aurait qu'un mot à dire pour tout arrêter... Et il voulait voir ce que Noah avait en tête. Il en avait envie.
Lentement, Noah se pencha vers lui et il crut un instant qu'il allait l'embrasser à nouveau, mais il dévia au dernier moment. Ses lèvres se posèrent sur son cou.
Et Julian sentit son cerveau vriller.
La sensation était tellement plus intense, tellement plus intime... Il sentait le corps de Noah, encore plus proche qu'avant mais pas aussi étouffant qu'au début quand il était au-dessus de lui. Son cœur battait plus vite, comme comprimé par une force qui s'exerçait dans sa poitrine, et tout fut à nouveau « trop » dans le bon sens du terme. Tout le long de son cou, Noah continuait à déposer des baisers, bouche entre-ouverte. Il pouvait sentir son souffle, les variations de pression, la sensation humide et chaude. Pendant plusieurs secondes, ses sensations se réduisirent justement à son cou avant que tout se propage dans le reste de son corps. C'était indescriptible. Et à l'instant où Noah se mit à accentuer la pression et à laisser ses dents frôler sa peau, la mordillant légèrement, le tiraillement au creux de son ventre s'intensifia en retour. Il laissa échapper un espèce de souffle haché, presque un gémissement, et il sentit Noah sourire en retour, amusé.
- Merlin... murmura-t-il.
- Trop ?
- Non...
Il secoua la tête, incapable de former plus de mots, puis il la pencha un peu plus en arrière pour laisser plus d'accès à Noah. Il ne se fit pas prier. Dès que ses lèvres se posèrent à nouveau contre son cou, Julian sut qu'il ne pourrait plus jamais oublier cette sensation, ni ne plus la désirer. Elle viendrait le hanter la nuit. Le mélange entre douleur et plaisir était presque déstabilisant à chaque fois que Noah se décidait à mordiller sa peau et il se concentra sur le tiraillement qu'il ressentait, différent de celui qui animait son bas-ventre, même si les deux semblaient se répondre en écho. Il émit un nouveau bruit, venu du fond de sa gorge.
Le t-shirt qu'il portait paraissait soudain trop sensible, comme s'il était enfermé dedans, et Noah dût avoir le même ressenti car il remonta sa main pour tirer légèrement sur le col, dévoilant le début de son épaule et de sa clavicule. Il s'agita, mal à l'aise.
- Désolé...
Il retira sa main immédiatement. Julian secoua à nouveau la tête, frustré.
- Ce n'est pas ça, je...
Il ne se voyait pas réussir à prononcer les mots. Au lieu de ça, il repoussa Noah et se redressa en position assise. L'air léger de la chambre lui frappa les joues, contraste saisissant vu la chaleur qui l'étreignait. Sans réfléchir, il passa son t-shirt par-dessus sa tête et le laissa tomber à côté de lui. Quand il se rallongea en un geste fluide, il vit l'expression choquée de Noah. Le sang lui monta au visage. Puis, sans prévenir, Noah laissa échapper un éclat de rire et son regard se fit plus intense alors qu'il le parcourait sans retenu.
- Julian Shelton, un paradoxe vivant ... souffla-t-il.
La façon dont il prononça son nom, en étirant les syllabes, fit se contracter sa poitrine une fois de plus. A croire que sa cage thoracique se rétrécissait autour de son cœur ou que ce dernier était en train d'exploser devant toutes ces nouvelles sensations. Le mot « expérience » n'avait jamais eu autant de sens, même s'il lui paraissait terriblement faible à cet instant.
Quand Noah reprit là où il s'était arrêté, il laissa sa main reposée contre son ventre, immobile, et la chaleur que cela provoqua en lui le consuma. Il ferma à nouveau les yeux. Au fond de son esprit, il se dit qu'il devrait sans doute faire quelque chose lui aussi, mais sa volonté l'abandonna alors que les lèvres de Noah continuaient à se mouvoir près de son oreille, révélant un nouveau point sensible. Tout son côté gauche était brûlant désormais. Il aurait presque voulu que Noah se mette à bouger sa main... Presque, parce qu'il n'arrivait à décider s'il était terrifié par la perspective ou impatient.
Il était encore en train de débattre avec lui-même quand, soudain, un bruit sourd résonna depuis le rez-de-chaussée. Ils se figèrent. Toute la chaleur le quitta en un battement de cœur frénétique et ils s'écartèrent avec brusquerie. La porte d'entrée venait de claquer...
- Merde, jura Noah.
- Reste là, ordonna-t-il en remettant son t-shirt en vitesse.
- Jules...
- Je... je m'en occupe, je...
Il était déjà sur ses pieds. Noah suivit le mouvement et l'arrêta d'un geste sec.
- L'escalier au bout du couloir, là-bas, il a bien une fenêtre, pas vrai ?
- Quoi ?
- La fenêtre, elle donne sur le jardin d'hiver, on est d'accord ?
Le fait que Noah se rappelle d'un détail pareil alors qu'il n'était venu au manoir des Grims qu'une seule fois, la veille, le prit au dépourvu. Il hocha la tête mécaniquement.
- Parfait. Alors vas-y.
Et sans s'expliquer, il le poussa vers la porte. Julian ne chercha pas à comprendre et se précipita vers le rez-de-chaussée.
**
*
Charlotte frissonna en passant la porte du manoir. Elle était contente de faire une pause dans sa balade découverte de Central Park. Les autres devaient encore écouter les anecdotes historiques de grand-mère Isadora et de Leonidas. Amusée, elle s'imagina Liam rouler des yeux pour la troisième fois.
Alors qu'elle pendait son manteau à la patère, elle se demanda si Hanna avait pu aller voir l'Empire State Building comme elle l'avait prévu et si Julian ne s'était pas perdu dans le métro pour se rendre au musée d'art dont il lui avait parlé. Pile à cet instant, elle entendit des bruits de pas et elle releva la tête juste à temps pour justement voir son frère dévaler l'escalier, s'arrêtant juste en bas des marches. Il la dévisagea avec une drôle d'expression.
- Qu'est-ce que tu fais là ? dit-il, le souffle court. Je croyais que tu passais l'après-midi à Central Park avec les autres ?
- J'ai oublié mon écharpe et mon appareil photo, expliqua-t-elle. Grand-mère m'a dit que je pouvais revenir le chercher.
- Toute seule ?
Charlotte roula des yeux.
- Non, Tinky m'a déposé. Il m'attend derrière la porte pour transplaner. Je vais juste manger un truc avant de repartir, je meurs de faim. (Elle enleva ses chaussures, la main à plat contre le mur pour garder l'équilibre). T'es déjà rentré du musée ?
- Quoi ?
- Le musée d'art ? Tu devais y aller un peu après qu'on soit partis, non ?
Julian se passa une main dans les cheveux et elle remarqua soudain qu'ils semblaient décoiffés. A tous les coups, il avait oublié son bonnet avant de partir et était mort de froid avant d'avoir pu arriver au musée. Il eut l'air un peu plus perdu face à la question.
- Laisse-moi deviner, tu n'y es jamais arrivé ? se moqua-t-elle.
- Si, bien sûr que si. Mais l'exposition était petite, je suis rentré il y a cinq minutes.
- Ah... Crois-moi, tu n'as rien loupé. Leonidas connait l'histoire de chaque pierre de ce maudit parc, j'ai l'impression. Liam et Matthew traînent les pieds derrière, je veux prendre leur expression en photo !
C'était la seule façon d'envisager cette journée avec un peu d'humour, songea-t-elle. Et pour ça, elle avait besoin de son appareil photo. Julian et Hanna avaient vraiment eu une bonne idée de refuser de venir avec eux.
- Et alors ? reprit-t-elle en se dirigeant vers la cuisine. Tu sais où sont les autres ?
- A Central Park, répondit-il mécaniquement.
- Merci Sherlock ! Je voulais parler de Hanna et Archer, espèce de crétin.
- Eh, un peu de respect !
Il lui donna une tape sur le bras. Charlotte sourit et ouvrit le placard à friandises. Elle aurait rêvé d'un paquet de dragées surprises, là, tout de suite. Au lieu de cela, elle attrapa un gâteau vaguement américain qui avait l'air d'être au chocolat et attrapa une pomme sur la table avant de se hisser dessus. Julian lui jeta un regard de reproche mais ne commenta pas.
- Elle est partie voir Time Square, dit-il finalement. Et Archer doit être avec Elizabeth quelque part.
- Hanna voulait pas voir l'Empire State Building ? s'étonna-t-elle.
- Oh... Oui, c'était peut-être ça.
Charlotte fronça les sourcils. Elle n'aurait pas su dire pourquoi, mais Julian lui paraissait étrange tout d'un coup. Elle l'observa plus attentivement et un carré blanc près de sa nuque attira son attention. Elle éclata de rire.
- Tu sais que ton t-shirt est à l'envers ? fit-elle.
Julian baissa les yeux. Il rougit en constatant qu'elle avait raison et il tenta de cacher l'étiquette qui dépassait de son col en la rabattant à l'intérieur. Elle allait lui demander s'il avait passé toute la journée comme ça lorsqu'autre chose saisit son regard : une tâche rouge au niveau du cou de son frère, là où son col s'était décalé une seconde auparavant.
- Merlin ! s'exclama-t-elle. Qu'est-ce que tu as ?
- Quoi ?
- Dans le cou ! T'as été attaqué par un vampire ou quoi ?
D'un bond, elle descendit de la table pour venir observer de plus près, mais Julian recula précipitamment en couvrant la marque avec sa main. Son teint s'enflamma.
- C'est rien, dit-il. Une allergie.
- Une allergie ? répéta-t-elle, sceptique. (Ses yeux s'écarquillèrent soudain en comprenant et elle éclata de rire). Merlin, Ju' !
- Tais-toi, marmonna-t-il.
Mais Charlotte ne put s'empêcher de l'embêter un peu.
- Est-ce que Hanna aussi est rentrée plus tôt ? dit-elle d'une voix chantante. J'ai interrompu quelque chose ?
- Lottie ! s'étrangla-t-il.
- J'arrive pas à y croire ! Est-ce que t'es au moins allé à ton expo d'art ?
- Charlotte, ça suffit !
- Oh allez, ne t'inquiète pas ! Je ne dirai rien à papa, ni à grand-mère. Matthew par contre...
Julian se passa une main sur le visage, l'air de vouloir la maudire, et elle put mieux voir la marque dans son cou. Elle grimaça. Hanna n'y était pas allée doucement.
- Tu sais quoi ? dit-elle. J'allais faire du thé avant de repartir. Je t'en fais une tasse pour toi et Hanna et ensuite je vous laisse, promis ! Je retarderai même les autres si tu veux.
Elle n'attendit pas la réponse et commença à faire chauffer l'eau. Julian s'agita dans son dos.
- Vraiment Lottie, ce n'est pas la peine...
- Tu sais que je ne vais pas pouvoir regarder Hanna dans les yeux maintenant ? rétorqua-t-elle.
- Lottie, ce n'est pas...
- Oh arrête, coupa-t-elle en riant. Tu vas me dire que tu es tombé sur le cou, c'est ça ?
Julian s'apprêtait à répondre, toujours plus embarrassé, lorsqu'un bruit sourd se fit entendre. Ils se figèrent tous les deux. Charlotte allait demander ce que c'était – elle était sûre que ça ne venait pas de l'étage là où devait être Hanna – mais avant qu'elle ait pu ouvrir la bouche, Noah Douzebranches entra dans la cuisine depuis l'entrée qui donnait sur le jardin d'hiver. Elle le dévisagea, perplexe. Elle savait que Raphaël et son frère étaient en ville – il était revenu de Grand Central hier avec eux après tout – mais elle ne s'attendait pas à le trouver ici aujourd'hui.
- D'où est-ce que tu sors ? s'exclama-t-elle, surprise.
Noah haussa un sourcil.
- Dehors, répondit-il en désignant la porte par laquelle il venait d'entrer. L'elfe m'a laissé entrer pendant que vous étiez partis. Je fumais.
Comme preuve, il leva son paquet de cigarette puis se tourna vers Julian, toujours figé près de la table.
- Tiens, t'es rentré. Alors l'expo d'art ?
- Je crois qu'il n'y est jamais allé, s'amusa immédiatement Charlotte, trop enthousiaste de pouvoir se moquer de Julian pour s'attarder sur la présence de Noah. T'es revenu sans monter à l'étage, pas vrai ?
- Lottie, siffla son frère.
Noah se contenta d'hocher la tête, une drôle d'expression sur le visage, et Charlotte s'empressa de lui expliquer, un rire dans la voix :
- Il était avec Hanna !
- Avec Hanna, hein ?
Pendant une brève seconde, un échange de regard passa entre son frère et Noah, et comme souvent Charlotte eut l'impression qu'ils arrivaient à se parler sans mots.
- Bon ça suffit, s'agaça Julian. Vous devriez aller à Central Park tous les deux, d'accord ?
- Tu veux te débarrasser de moi ? lança Noah. (Il échangea cette fois un regard avec Charlotte). Tragique, non ? Dès qu'il y a une fille, tu ne comptes plus pour tes amis !
- Si tu voyais la marque dans son cou, tu comprendrais pourquoi !
- Lottie bon sang !
Julian pointa un doigt accusateur vers elle, découvrant la marque au passage, et Noah émit un sifflement avant de s'approcher pour mieux voir. Charlotte sourit. Elle aimait avoir Noah de son côté pour se moquer de son frère pour une fois, il était doué pour ça.
- Morgane, Jules, nargua Noah. Tu passais une bonne journée, non ? Hanna a fait ça ?
- Hanna a fait ça, oui, et maintenant je vais la tuer, rétorqua Julian à travers ses dents serrées.
Il tressaillit quand Noah traça le contour de la marque du bout des doigts, l'air fier de lui, et Charlotte retint à nouveau un éclat de rire devant le spectacle.
- La pauvre ! commenta-t-il, sarcastique. Quand est l'enterrement ? J'enverrai des fleurs !
- Dès que je la verrai. (Il repoussa le bras de Noah avec un regard noir). Bon allez, vous vous êtes bien amusés maintenant filez !
Avec un soupir, Charlotte croqua le dernier morceau de sa pomme et décida qu'elle avait assez rit à ses dépens. Elle fila dans l'entrée pour remettre ses chaussures et entendit la bouilloire siffler, mais ne se pressa pas. Julian pouvait s'en occuper. Au lieu de ça, elle attrapa en vitesse son écharpe et son appareil photo oubliés dans le salon, puis retourna une dernière fois en cuisine.
Noah faisait face à Julian, un rictus amusé aux lèvres, tandis que son frère secouait la tête.
- J'y retourne ! lança-t-elle.
- Je viens avec toi ! dit Noah. On va laisser Julian... Il est occupé, je crois. (Il la guida vers l'entrée). Allez viens, bébé Shelton !
Charlotte lui passa même le surnom, trop amusée pour protester.
- Bon après-midi, Jules ! cria-t-il par-dessus son épaule.
Et la porte claqua derrière eux.
**
*
Le cœur encore affolé, Julian se précipita vers le miroir accroché dans le hall d'entrée à la second où la porte se referma derrière sa sœur et Noah. Il tira sur le col de son t-shirt.
- Merlin ! jura-t-il.
Lottie avait eu raison. Une marque rouge, informe et sombre, se détachait nettement sur sa peau. Il ne l'avait même pas senti arriver. Mortifié, il la recouvrit de sa main pour ne plus la voir, ce qui n'empêcha pas tout son visage de s'empourprer. Il n'arrivait pas à croire ce qui venait de se produire... Maintenant qu'il avait l'esprit clair, ça lui semblait surréaliste. Il n'arrivait même à comprendre ce que ça avait signifié. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il avait aimé. Il ne pouvait pas le nier, c'était impossible. Surtout, il avait l'impression de s'être lié à Noah d'une nouvelle manière, ou au moins d'avoir renforcé un lien qui avait commencé à se tisser depuis longtemps maintenant. Et même s'il avait encore du mal à comprendre Noah par moments, il n'avait aucun doute sur le fait que la réciproque était vraie aussi et il en fut terrifié.
Ce lien les avait mis en danger aujourd'hui. Charlotte n'avait juste pas été très observatrice, trop distraite par sa faim et son enthousiasme, mais quelqu'un d'autre aurait pu revenir. Si sa sœur disait quelque chose à Hanna... Il en eut la nausée. Paniqué, il se mit à frotter la marque sur son cou, mais elle refusa de s'effacer. Noah les avait tirés d'affaire un temps, mais ça n'allait peut-être pas suffire et il sentit les larmes presser contre ses paupières rien qu'à cette idée.
Au-dessus de sa tête, le portrait de la grande tante Sarana le toisa, jugeur. Elle avait l'air toujours aussi ridicule avec sa perruque poudrée et ses rangées de perles. Julian lui renvoya un regard noir. Pourtant, en une seconde, une idée le frappa comme la foudre. La perruque poudrée... Il repensa à Théa qui, souvent, se préparait dans leur salle Alberta avant de partir en cours le matin pour gagner du temps et avancer sur les recherches du Contre-Rituel. Elle s'appliquait de la poudre sur le visage. Parfois, elle en envoyait même à la figure de Liam pour l'embêter et il lui disait que le maquillage ne suffirait pas à dissimuler son cœur de glace.
Dix minutes plus tard, il comprenait pourquoi Théa prenait la peine de l'appliquer chaque matin. L'œil nu ne distinguait presque plus la marque qui avait orné son cou et il retint un soupire de soulagement. Maintenant, il ne restait plus qu'à demander à sa sœur de garder le silence... Il pouvait encore rattraper les autres à Central Park.
Heureusement pour lui, Tikky accepta de l'emmener par transplanage et il s'agrippa à l'elfe au moment où ses pieds décollèrent du sol. L'air hivernal de New York le frappa une seconde plus tard. Sa nausée se renforça à la seconde où les couleurs arrêtèrent de tanguer autour de lui et il découvrit alors Central Park pour la première fois. Son inquiétude céda la place à la contemplation. C'était impressionnant, il avait l'impression d'être coupé du reste de la ville, présente par la vue de ses gratte-ciel à plusieurs dizaines de mètres. Seulement, une barrière végétale se dressait entre lui et eux.
- Julian !
Il fit volte-face. Matthew arrivait vers lui, son affreux bonnet orange planté fermement sur sa tête, et il chercha instinctivement sa sœur aux alentours. Il ne la trouva pas.
- Matt, t'as vu Charly ? dit-il, angoissé. Elle devait vous retrouver et...
- T'inquiète, elle vient de repartir avec les autres. Quand Noah l'a ramené, ta grand-mère a dit qu'elle était fatiguée de marcher et ils sont tous rentrés ensemble faire une bataille explosive je crois. J'ai voulu continuer un peu. (Il sourit, l'air extatique). C'est cool que tu sois venu ! T'as vu cet endroit ?
- Hum ? Oui, oui...
Il n'arrivait pas à apprécier Central Park à sa juste valeur. Il était trop rongé par l'inquiétude.
- Matt, désolé, je sais que je viens d'arriver mais... on peut rentrer aussi ? Faut que je parle à Charly.
- Quoi ? Pourquoi ?
- Juste... je t'expliquerai. Plus tard.
Matthew fronça les sourcils. Il voyait bien qu'il était sur le point de protester et il refoula une nouvelle vague de nausée.
- Matt, s'il te plait...
Son meilleur ami dû lire quelque chose sur son expression. Il le dévisagea longuement, l'air face à un problème complexe, et finit par soupirer.
- Ok, ok, on rentre. Allez viens.
Comme Tikky était reparti après l'avoir déposé, ils durent rentrer à pied. Julian avait l'impression de sentir chaque seconde s'écouler avec agonie et il enfonça les mains dans les poches, crispés. A ses côtés, Matthew coulait vers lui des regards peu subtils chargés d'inquiétude. Il était trop préoccupé par la sienne pour s'en soucier maintenant.
Le retour au manoir des Grims ne leur prit qu'une trentaine de minutes. Le soleil commençait à décliner derrière l'horizon quand ils poussèrent la porte et Julian sut que quelque chose n'allait pas à la seconde où Théa, Charly et Liam débarquèrent dans le hall en courant, une drôle d'expression sur le visage. Il avala la boule dans sa gorge.
- Eh... Tout va bien ? fit Matthew, perplexe.
- Oh Morgane, vous êtes rentrés ! Pire partie de Bataille Explosive de l'histoire !
- Quoi ? Pourquoi ?
Théa et Liam échangèrent un long regard. Ce fut finalement sa sœur qui lui répondit :
- Noah s'est embrouillé avec Hanna. C'était pas beau à voir !
Immédiatement, Julian se figea. Une sensation glacée se répandit dans son ventre et il retint l'impulsion de fermer les yeux. Merlin, non... Pitié non... Il ne s'était pas attendu à ça. Evidemment, il fallait que Hanna soit rentrée elle aussi ! Il eut l'impression d'être pris dans une spirale infernale, composée de mensonges et d'illusions. Seule sa douleur, elle, était bien réelle.
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Drama !! Alors vous en avez pensé quoi ?
Et pour terminer, je vous offre les memes de HarryStranger sur le chapitre de la semaine dernière parce qu'elle m'a fait mourir de rire !
A dans deux semaines !
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