Chapitre 35 : Maître Corbeau

Heyyy ! Rien de particulier à dire pour aujourd'hui, à part que j'ai survécu au dentiste haha! Et j'attends trop les JO si vous saviez !! 

Merci à Perri pour sa relecture sur ce chapitre, je ne serais rien sans elle *keur* 

Comme d'hab, n'hésitez pas à commenter à fond, c'est toujours ce qui fait plaisir. En vrai j'ai remarqué que vous commentiez plus ici que sur ATDM, chose que j'aurais pas cru possible et vraiment un énorme merci ça me touche énormément ! 

Bonne lecture !! 

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Chapitre 35 : Maître Corbeau

« On ne chante pas à la place de l'oiseau »

- Mariette Navarro -

// 3 mars 1980 //

- Vous êtes sûrs qu'on a besoin de reposer des questions à Leonidas ?

- Julian, on ne va pas en débattre trente fois, s'exaspéra Liam. Si t'y vas pas, je débarque moi-même dans son Ambassade !

- Un incident diplomatique avec l'Angleterre, c'est tout ce qui nous manquait... marmonna Théa en émiettant un toast dans son assiette.

Julian s'enfonça dans sa chaise, sa tasse de thé en train de refroidir devant lui. C'était la première fois que tout leur groupe prenait leur petit déjeuner dans la salle Alberta, signe que leur mission prenait de l'ampleur, mais il s'en serait bien passé. Le bouillonnement des chaudrons à sa droite faisait un peu trop écho à son ventre qui réagissait avec appréhension. Assise sur le canapé que Liam avait ramené d'une brocante aux dernières vacances, Aileen l'observa intensément et, comme d'habitude, il lui sembla qu'elle arrivait à capter ses émotions.

- Je peux t'accompagner, proposa-t-elle. Ça sera peut-être plus facile si on est deux face à lui ?

- Et on justifie ton implication comment ? objecta Othilia, concentrée à déchiffrer des runes pour entamer une nouvelle préparation de potion. Je veux dire, tu ne peux pas juste te pointer devant Leonidas Grims avec Julian et commencer à poser des questions sur Diego Calderon ou sur les autres de la « Génération 1950 ». Comment on justifie même que vous soyez au courant ?

- Elle n'a pas tort, il va finir par se demander ce qu'on fabrique si on n'arrête pas de poser des questions...

- Mais on a besoin des réponses ! protesta Liam.

- Et bah t'as qu'à aller les poser toi-même au lieu d'envoyer les autres faire le boulot, marmonna Noah.

Julian tourna la tête. Il en aurait presque oublié sa présence. Presque... C'était impossible de vraiment ignorer Noah lorsqu'il était dans la même pièce que lui. Retranché dans un coin de la pièce, il avait son carnet à dessin sur les genoux et dessinait depuis plusieurs minutes, apparemment peu désireux de participer, mais envoyer une pique à Liam avait dû être trop tentant. Surtout que ce dernier réagit évidemment en un tour de baguette.

- Rappelles-nous ce que tu fous là déjà ? dit-il, agressif. Parce qu'à part squatter la salle et dessiner, je ne te vois pas participer à l'enquête. Je ne vois même pas pourquoi vous l'avez amené ! ajouta-t-il dans leur direction.

Théa appuya sa joue contre son poing, l'air blasé et agacé à la fois.

- On ne l'a pas ramené, il s'est ramené, nuance.

- Et Noah m'aide, rappela Aileen, apaisante. Il m'aide à éplucher les carnets d'Isolt. On a terminé ceux de Martha hier, il va falloir qu'on se penche du côté de Rionach. Peut-être qu'elle savait des choses sur le Rituel d'Ancrage. (Elle repoussa ses cheveux roux et se massa les tempes). Revenons sur Leonidas. Vous êtes sûrs qu'il pourrait nous en dire plus que Perrot ?

Julian soupira.

- C'est probable, admit-il. Je veux dire, je sentais bien que Perrot ne disait pas tout, soit parce qu'il avait quelque chose à cacher, soit parce que je suis son élève. Avec mon parrain, ça devrait être différent. Il me dira peut-être plus de choses sur le groupe de ma mère.

- Et de la mienne, marmonna Théa.

Noah, lui, se contenta de lever son crayon comme pour dire « moi aussi ». Après son entretien avec Perrot, Julian avait hésité à révéler à Noah que l'instabilité de sa mère était en partie dû à la découverte du corps de Diego, mais il n'avait pas réussi à lui cacher. Il avait le sentiment que même s'il avait essayé, Noah l'aurait su. Et s'il y a bien une chose qu'il préférait éviter, c'est d'avoir Noah contre lui si jamais il lui en voulait.

- De toute façon, on ne perd rien à essayer, conclut Aileen. Allez, on y va tous les deux !

Stressé, Julian se contenta de se lever à la suite d'Aileen. Pendant une seconde, il croisa le regard de Noah et espéra qu'il arrive à comprendre ce qu'il tentait de lui faire passer, à savoir qu'il aurait préféré que ça soit lui qui l'accompagne. Mais Noah resta désespérément assis, la main crispée autour de son crayon et les yeux obstinément tournés vers Othilia. Il se résolut à partir.

Dans les escaliers qui menaient au Hall, ils croisèrent plusieurs élèves pressés de se rendre au Village. Il repéra notamment Enjolras, talonné de près par Clémence Laveau comme à son habitude, et la carrure imposante de Wilde entre les sœurs Qualetaga, Sora et Winona. Il se fit la réflexion que chacun d'eux était devenu un visage familier au cours des derniers mois. Ilvermorny ne lui faisait plus l'impression d'être une pâle copie de Poudlard : elle avait gagné une identité et ses élèves n'y étaient pas pour rien.

Malheureusement, ses camarades ne lui offrirent qu'une distraction temporaire. Dès qu'ils sortirent de l'enceinte du château, Julian se retrouva à nouveau seul avec ses pensées et il retint l'impulsion de pianoter du bout des doigts contre sa jambe en marchant. A croire que ses retrouvailles avec Leonidas ne pouvaient jamais échapper au spectre de sa mère...

A nouveau, il dût mal réussir à cacher ce qu'il ressentait car Aileen coula un regard vers lui.

- Ca va bien se passer, le rassura-t-elle d'un ton tranquille. Tu verras.

D'un point de vue rationnel, il savait qu'elle avait raison. Il n'avait aucune crainte à avoir avec Leonidas. Simplement, il avait l'impression que c'était l'énième entretien avec son parrain qu'il allait avoir au sujet de sa mère, comme si les secrets qui hantaient sa vie s'accumulaient sans cesse. Comme s'il avait ouvert une boîte de Pandore sans fond.

- Je sais, je sais, se contenta-t-il de répondre, les yeux dans le vague.

- Tu dis ça pour me faire plaisir et tu n'en penses pas un mot, c'est ça ?

- Quoi ?

Il tourna la tête vers elle, déstabilisé, et capta son sourire entendu. Ses cheveux roux se déployaient sur ses frêles épaules et elle avait une démarche bondissante, tout à l'opposé de lui-même.

- Je ne sais pas, ça fait plusieurs semaines que je te sens un peu ailleurs, avoua-t-elle. Alors je profites qu'on soit seulement tous les deux pour une fois... T'es sûr que ça va ? Parfois, je demande si ce qu'on est en train de faire n'est pas « trop », tu sais...

Touché, il chercha ses mots avant de répondre. Peu de personne s'était soucié – ou se souciait – de ce qu'il ressentait comme Aileen le faisait. Il supposait que c'était compréhensible. Au décès de sa mère, le peine de Charlotte et de son père avaient plus évidentes, plus extérieures. Tout le monde avait voulu être là pour eux. Lui, il était celui qui tenait le coup. Celui qui forçait le respect. Celui dont on disait « moi je n'aurais pas été capable d'en faire autant ». Seulement, Aileen n'était pas tout le monde et elle lui prouvait encore aujourd'hui en lui offrant son soutien sans faille.

Pendant une seconde, il considéra d'accepter cette sollicitude, mais il songea ensuite aux personnes qui l'attendaient au château.

- Non, ça va, marmonna-t-il finalement. Si ça doit être « trop » pour quelqu'un, c'est pour Liam. C'est sa sœur qui a disparu et est visiblement retenue par un psychopathe.

Aileen grimaça.

- Certes... reconnut-elle. Mais je m'occupe de Liam. Tout le monde s'occupe de Liam, même Théa, c'est dire. Pour l'instant, c'est toi qui m'inquiète.

- Mais ça va, c'est juste perturbant c'est tout...

- Je me doute. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si ma mère avait été sur cette liste...

Julian leva la tête vers le ciel, l'esprit embrumé. La Génération 1950. Bon sang, sa mère avait à peine quinze ans à l'époque. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire pour se retrouver mêlée à un Rituel d'Ancrage ? Quel était son lien à Diego Calderon, Heather Douzebranches, tante Cordelia et le professeur Perrot ? Est-ce qu'elle avait fini par découvrir ce que lui-même était en train de chercher désespérément ? Quel était le secret d'Ilvermorny ? Quel objet pouvait bien être caché dans ses tréfonds depuis l'époque d'Isolt Sayre ?

Et s'il n'y avait que ça... Il n'oubliait pas l'autre tempête contre laquelle il se débattait. Une tempête qui se nommait Noah Douzebranches. Même maintenant, plusieurs semaines après leur pacte, il ne comprenait pas comment il s'était embarqué dans cette histoire d'expérience étrange.

Il dû dériver un peu trop loin dans ses pensées car Aileen le ramena sur terre d'un geste doux. Il sentit le contact sur son bras et sursauta. Dès qu'elle se rendit compte qu'elle avait récupéré son attention, elle recula comme si elle s'était brûlée.

- Désolé, marmonna-t-il, gêné. Tu disais... ?

- Ce n'est pas seulement à cause de ta mère, pas vrai ?

Surpris, il cilla et ralentit le pas. Ils étaient sur le chemin qui coupait à travers la Sylve d'Argent et descendait vers le Village, mais il avait presque l'impression d'être scruté par les arbres tant le regard d'Aileen était intense.

- Quoi ?

- C'est un tout, non ? Les Etats-Unis, l'enquête, le groupe... (Elle fronça le nez, un tic qu'elle avait quand elle rassemblait ses pensées et hésitait à parler). Ecoute, je sais que ce n'est pas facile. Je sais qu'on n'est pas facile plutôt, mais ce n'est pas contre toi. Ça fait longtemps que c'est tendu entre nous.

- Nous ? La « clique royale » et « les justiciers journalistes » ?

Elle eut un sourire dépité.

- Tu traînes trop avec Noah, dit-elle en roulant des yeux.

Il tenta de retenir la flambée qui colora certainement ses joues.

- Je partage son dortoir, se justifia-t-il.

- Hum...

Mais Aileen avait un sourire énigmatique au coin des lèvres. Elle garda le silence un moment, songeuse, et il se mit à paniquer. Que savait vraiment Aileen derrière ses éclairs de clairvoyance et ses phrases cryptique sur tous ceux qui l'entouraient ? Noah et lui avaient veillé à être prudent. Ils ne parlaient jamais de leur pacte à moins d'être seuls, mais Ilvermorny n'était pas différente de Poudlard : on ne pouvait jamais être certain que quelqu'un n'était pas au coin du mur à tendre l'oreille. Le cœur affolé, il ravala une boule d'angoisse avant qu'elle ne reprenne :

- Je sais que Liam peut sembler avoir raison sur Noah, tu sais Il n'est pas simple à suivre ni à apprécier, mais il a bon cœur dans le fond. Si t'arrives à le comprendre pour Théa, je pense que tu peux y arriver avec lui, surtout que vous avez le dessin en commun. (Elle marqua une pause puis ajouta). Parfois, je me dis que c'est le vrai langage de Noah.

Aileen ne se doutait sûrement pas d'à quel point elle avait raison. Noah ne s'exprimait jamais avec autant de sincérité que lorsqu'il avait un crayon à la main. Il avait assez été témoin de son talent pour le savoir.

- Je sais, dit-il avec une certaine condescendance, mais parfois il peut être...

- Cassant ? Lointain ? Cruel ?

- Ouais...

Mal à l'aise, il resserra son écharpe de Serdaigle autour de son cou.

- C'est tout le mystère de Noah Douzebranches, soupira Aileen, compréhensive. Mais dis-toi qu'il est avec les autres comme la vie l'a traité, on va dire.

- A cause de sa mère ?

- T'es au courant ?

Il voyait bien qu'Aileen était prudente, soucieuse de ne rien révéler et de ne pas colporter de ragots. Il supposait qu'il ne pouvait pas lui en vouloir. Wilde Wilkinson avait bien fini avec un nez cassé pour moins que ça.

- Elle l'a enlevé quand il était en première année et a pris la fuite avec lui et son frère, oui, résuma-t-il en passant sous silence l'histoire où Heather et Hilda avaient demandé aux enfants de choisir entre elles. Je sais aussi que son père n'a jamais vraiment été là...

- C'est ça. Noah s'est un peu construit sur cette instabilité. Il est terrifié de l'abandon, je dirais, et c'est pour ça qu'il demande autant dans ses relations aux autres. Avec lui, c'est tout ou rien.

- Parce que si tu n'es pas prêt à tout donner, ça veut dire que tu ne tiens pas à lui ?

A nouveau, Aileen acquiesça et donna un coup du bout du pied dans un caillou qui alla rouler plus loin. Julian le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dans les hautes herbes sur le bord du chemin.

- Ce n'est pas pour rien que Théa et lui se ressemblent sans arriver à s'entendre, marmonna-t-il. Othilia avait raison. Ils sont pareils.

- Mais un peu différents, nuança Aileen, les yeux rivés devant elle. Théa a perdu des gens qu'elle aimait. Son frère, son père... sa mère d'une certaine façon vu comment leur relation s'est dégradée. Elle a besoin de se sentir protégée. (Elle expira un nuage de fumée). Noah... Comme je disais, Noah est plus intransigeant.

- Vu de cette façon, tu m'étonnes que tu ne l'aimes pas...

- Oh mais j'aime bien Noah. On était amis, je te rappelles. C'est juste que... c'était difficile parfois pour moi de gérer ses émotions excessives.

Julian n'avait pas le mal à l'imaginer. Il avait rarement rencontré quelqu'un d'aussi sensible à l'âme humaine qu'Aileen et il comprenait qu'elle avait dû se sentir vite dépassée par le trop-plein qu'était Noah. Lui-même le ressentait parfois. Noah était volatile, dur à suivre, impossible à canaliser. Il suffisait de voir la façon dont il s'était tour à tour dérobé après leur baiser – alors qu'il avait été celui à combler la distance entre eux – avant de mettre en place leur jeu expérimental.

Il dû garder le silence un peu trop longtemps ou faire une drôle d'expression car Aileen reprit, défensive :

- Après, Noah a plein de qualités aussi quand il veut bien les montrer. On ne peut pas lui enlever qu'il est intéressé par plein de choses et est doué en dessin. C'est aussi pour ça qu'il s'est intéressé si vite à toi, je pense.

- Moi ? Pour le dessin ?

- Evidemment. Il n'avait personne pour partager ça, à part Zack Ledwell je crois. Mais ils ne s'entendent pas très bien.

Au nom du capitaine de Quidditch, Julian manqua de s'arrêter de net, mais ses jambes continuèrent à fonctionner pour lui. Il le revit, prostré dans les vestiaires du stade, le nez en sang alors que Noah refusait de l'aider. Il se souvint aussi que Noah avait évoqué des rumeurs sur lui et Zack avant de dévier le sujet. Avant qu'il n'ait eu le courage d'interroger Aileen dessus – les mots restèrent coincés douloureusement dans sa gorge – elle poursuivit :

- Et puis, je pense que ton opinion compte beaucoup pour Noah, même s'il ne veut pas le montrer.

- Noah ? Non, il n'en fait qu'à sa tête, peu importe ce que je dis.

Aileen eut un sourire amusée, comme si elle se moquait de sa naïveté.

- C'est ce qu'il veut te faire croire. Mais tu es doué, ça compte pour lui. Noah est un Oiseau Tonnerre pur et dur : il aime l'aventure, il aime les challenges. Le fait que tu sois meilleur que lui en dessin, ç'en est un pour lui. Mais c'est bien, il a besoin d'un égal pour une fois.

- Je ne suis pas meilleur que lui en dessin, protesta-t-il, gêné. On a un style trop différent pour comparer...

- Si tu le dis.

Pourtant, Aileen ne se départit toujours pas de son petit sourire entendu, signe qu'elle ne croyait pas un mot de ce qu'il disait. Il se renferma dans le silence, son esprit tournant à plein régime. Il n'avait jamais été à l'aise avec le terme de prodige que tout le monde lui collait depuis son entrée à Poudlard. Il avait une affinité avec les sortilèges certes indéniable, mais ça tenait plus d'une sensibilité magique qu'autre chose. Son talent pour le dessin, en revanche, il l'avait toujours considéré à part. Pourtant, ce dernier lui était venu avec autant de facilité. Il avait juste été doué à partir du moment où sa mère lui avait mis un crayon dans les mains. Evidemment, il ne s'était pas perfectionné sans effort, mais comme avec les sortilèges il se laissait souvent guidé par son instinct, un peu comme les musiciens doués de l'oreille absolue. Noah s'en rapprochait aussi à sa manière, même s'il aimait davantage prendre des chemins inattendus et laissait sa créativité l'emporter au risque de se perdre. C'est ce qui rendait sans doute leurs séances de dessin si intéressantes.

Sans qu'il sache bien comment, son esprit conjura une image de papillon de nuit. Ils avaient comparé Théa et Noah il y a quelques minutes : chacun représentait un élément de l'image. Théa était la lumière agressive, celle qui réclamait qu'on la regarde, mais qui pouvait être aussi dangereuse. Elle n'avait pas été répartie dans le maison des guerriers pour rien. Noah, lui, était le papillon curieux, incapable de se retenir d'aller vers ce qu'il trouvait brillant... au risque de se brûler.

Plongé dans ses pensées, il continua à marcher mécaniquement, insensible au silence qui s'était tissé entre lui et Aileen. Elle avait dû percevoir qu'il n'avait plus envie de s'étendre car elle ne chercha pas à relancer la conversion et, tous les deux, ils arrivèrent au Village une dizaine de minutes plus tard.

La rue principale était bondée d'élèves et de passants engoncés dans des capes d'hiver. Julian avança vers le café qu'il connaissait désormais bien, celui des Deux Souafles tenu par Hilda Douzebranches en personne. Ce fut elle qu'il repéra en premier. Elle se tenait sur sa terrasse, face à un client, son plateau sous le bras. Elle avait toujours cette même silhouette sèche et ce visage ciselé, légèrement ridé, mais ses boucles brunes coupées courts étaient impeccables à l'arrière de sa nuque.

- Tu vois ton parrain ?

- Il ne doit pas être loin...

Julian scruta la foule et repéra au bout de quelque secondes Leonidas, habillé de son éternel costume. Il était à l'intérieur du café, à côté de la vitrine, et sa mâchoire carrée découpait son profil reconnaissable. Mais un détail lui attira l'œil... Son parrain n'était pas seul. Une femme était assise en face de lui. Une femme qui n'avait nullement la chevelure noire et le port altier de Lysandra.

- Qui... ? commença-t-il, sourcils froncés.

- Ce n'est pas Fleming avec lui ? s'exclama Aileen.

Comme d'habitude, elle avait raison. Julian reconnut avec stupeur et un temps de retard sa prof de Sortilèges. Il ne l'avait pas identifié sur le coup à cause de ses cheveux châtains déployés sur ses épaules contrairement à sa coupe quotidienne, soignée et relevée, mais c'était bien elle qui riait en face de son parrain.

- Qu'est-ce qu'elle fait là ?

- Aucune idée, dit Aileen, décontenancée. Viens, un seul moyen de le savoir.

Elle ouvrit le chemin et traversa la terrasse avant de s'engouffrer dans l'établissement. Il la suivit, les doigts crispés autour de son écharpe bleue et bronze, et son corps accueilli avec soulagement l'ambiance chaleureuse du café. Il en avait plus qu'assez du froid montagnard qui durait depuis des mois. Même les premiers rayons de soleil du mois de mars ne suffisaient pas encore à lutter contre.

Tête basse, il arriva enfin à la hauteur de la table de Leonidas et Fleming. Ils étaient encore en train de rire et ils mirent quelques secondes à remarquer leur arrivée alors qu'il piétinait sur place avec Aileen, gênés.

- Oh Julian ! s'exclama son parrain. Tu es déjà là, pardon.

- Je n'ai pas vu l'heure passer, je m'excuse, dit Fleming avec embarras. Aileen, Julian, bonjour.

- Professeur... marmonnèrent-ils.

Il remarqua soudain une boîte colorée entre eux sur la table, à côté d'une tasse de café entamée. Il en avait assez vu entre les mains de Charly ou jonchant la chambre de Matthew pour reconnaître la marque.

- Des Dragées Surprises de Bertie Crochue !

Fleming baissa les yeux sur les bonbons.

- Oh ça ? Oui, évidemment vous connaissez ! J'en ai ramené de mon séjour en Angleterre cet été. C'est assez amusant, je dois l'avouer, mais assez traître. Je n'en avais plus mangé depuis une éternité.

- Depuis un certain incident avec des goûts étranges ? intervint Leonidas, amusé.

- Ne fais pas l'innocent, Leo, je sais très bien que toi et Lysa aviez trafiqué ce paquet !

- Moi ? Je m'en défends !

- Comme si Aurélia ou Ethan se serait abaissé à ça. Un jour, il faudra avouer.

Ils échangèrent un nouveau regard complice et Julian eut l'impression que son cerveau se figeait en retour. Pour la dixième fois depuis le début d'année, il n'arrivait pas à appréhender comment le nom de sa mère pouvait encore surgir dans la conversation sans prévenir. Quel pan de sa vie allait-il découvrir cette fois ?

Son trouble devait être perceptible car Aileen se rapprocha de lui en soutien silencieux. Fleming parut elle aussi le remarquer et son sourire s'évanouit. Elle remit en place son masque de professeur, instaurant une soudaine distance, puis se leva.

- Je vais vous laisser. J'ai assez abusé de votre temps. (Elle enfila sa cape). Bonne journée à tous. Aileen, Julian, faites attention au couvre-feu pour le retour.

- Oui professeur...

Figé sur place, il la regarda s'éloigner, puis sortir du café avec un signe de tête en direction d'Hilda Douzebranches. Il n'attendit pas que son parrain lui propose avant de se glisser sur la chaise laissée par sa professeure de Sortilège tandis qu'Aileen en tirait une autre pour se joindre à eux. Leonidas marqua un geste de surprise face à cette invitée surprise.

- Enchanté, miss...

- Bonjour, monsieur Grims, fit-elle, les joues rouges. Je suis désolée de m'imposer mais je me suis dit que Julian aurait besoin d'être... accompagné pour aujourd'hui.

- Vraiment ?

Leonidas eut l'air sincèrement étonné et Julian ne pouvait pas lui en vouloir. Il ne lui avait absolument pas parlé du sujet qu'il voulait aborder avec lui, mais pour l'instant il ne réussit qu'à sortir la question qui le tourmentait :

- Comment tu connais Fleming ?

- Miranda ?

- Parce que tu l'appelles Miranda ?

- Pardon, c'est vrai que ça doit te sembler étrange, convint-il. Oui, il se trouve que je la connais bien. Nous étions amis à une époque, celle où je vivais à temps partiel à Londres.

- Avec ma mère. Avant qu'elle ne coupe les ponts.

Leonidas hocha la tête et sortit de l'intérieur de sa poche de costume son petit boîtier en fer gravé d'un oiseau. Il y piocha une cigarette.

- C'est cela. Miranda passait sa fin d'études à Londres pour valider un stage. Comme ta mère ne connaissait personne, elle était contente de retrouver un visage familier. Elles avaient quelques années d'écart et ne s'étaient pas du tout fréquentées à Ilvermorny, mais elles faisaient toutes les deux de la recherche alors...

Il alluma sa cigarette et en tira une bouffée. Aileen fronça le nez face à l'odeur de la fumée qui tourbillonna, emprisonnée dans l'espace clos du café.

- A vrai dire, je n'avais plus parlé à Miranda depuis des années, mais je l'ai croisé la dernière fois et je lui avais proposé de boire un café en t'attendant. Histoire de parler du bon vieux temps, tu sais.

- Tu ne l'avais pas revu ? Ma mère non plus ?

- Pas à ma connaissance, non. Je te l'ai déjà dit, Aurélia ne parlait plus à personne.

Julian tira sur le bout de son écharpe, perplexe.

- Elle savait que j'aimais dessiner en début d'année, expliqua-t-il en fronçant les sourcils. Elle a dit qu'elle le tenait de mon père parce qu'elle l'avait vu à un congrès.

- Ce n'est pas impossible. Peu probable, mais pas impossible. Elle a longtemps fait de la recherche en Sortilèges comme Ethan avant d'être professeure à Ilvermorny, ce n'est pas étonnant qu'elle connaisse encore des gens dans ce cercle.

Peut-être pas, mais il trouvait ça improbable que sa passion pour le dessin soit venue dans la conversation entre elle et son père, si détaché de toutes pratiques artistiques. Leonidas dû percevoir sa curiosité mal dissimulée et la façon dont Aileen gigotait sur sa chaise car il soupira.

- Je suppose que j'aurais dû voir les questions arriver, marmonna-t-il plus pour lui-même que pour eux. (Il plongea la main dans sa poche de costume). Tiens, regarde si tu veux. Elle l'avait ramené pour se replonger dans nos souvenirs, mais je pense que ça peut t'intéresser.

D'un mouvement fluide, il glissa vers eux une photographie. Julian se pencha pour l'observer. Plusieurs personnes y étaient représentées, un verre à la main et un sourire sur le visage sur ce qui ressemblait à une terrasse dans le centre de Londres. Ce qui le marqua en premier fut les vêtements et les coupes de cheveux.

- Merlin, qu'est-ce que tu portais ? s'exclama-t-il, hilare.

- Sans commentaire. La mode n'était pas la même, j'étais jeune... et je te ferai dire que j'étais à la pointe des tendances avec ça !

- Mais c'est un costume à frange !

Face à l'évidence, Leonidas ne répondit pas et tira sur sa cigarette avec frénésie. Aileen cacha un éclat de rire derrière sa main. A côté de son parrain version jeune hippie, il reconnut aussi sa mère, fidèle à elle-même avec ses longs cheveux blonds. Enceinte jusqu'aux yeux, elle avait passé un bras autour de son père qui la couvait du regard et c'est en le voyant ainsi que Julian se rendait compte à quel point il avait changé depuis plusieurs mois. Même s'il remontait la pente, il n'avait plus vu un sourire pareil sur son visage depuis longtemps. Ethan Shelton était peut-être un homme enfermé dans son monde, un homme d'esprit ; mais il avait aimé sa femme comme si elle avait été la seule chose concrète de son existence, la seule réalité qui avait compté mis à part ses enfants. De l'autre côté de ses parents, il mit quelques secondes à reconnaître les deux dernières femmes de la photo : Lysandra et Miranda Fleming. La première avait de larges lunettes de soleil – le style que les femmes des années 50 portaient – qui lui mangeait le visage et sa longue chevelure, source d'orgueil habituellement, était pour une fois attachée sur le sommet de sa tête en chignon épais entouré d'un foulard. Elle avait l'air prête à fouler un tapis rouge à Cannes ou à partir en cabriolet d'une minute à l'autre. Quant à sa professeure... Elle arborait une coupe à la garçon et un lourd maquillage qu'il ne lui avait jamais vu, perchée sur des talons hauts.

- C'était le nouvel an 1963, expliqua Leonidas. Notre dernière soirée tous ensemble.

Vaguement, Julian se souvint sur son parrain l'avait déjà mentionné.

- Elle avait l'air heureuse, commenta-t-il. Pas prête à couper les ponts avec tout le monde...

- Non, c'est vrai.

Aileen se râcla la gorge. Ils se tournèrent vers elle et elle croisa les mains devant elle, l'air incertaine, mais Julian pouvait voir la détermination dans ses yeux qui avait pris la couleur des châtaignes sous les lueurs de sort du café. Il sut qu'elle allait commencer à mener la mission pour laquelle était venue. Obtenir des réponses sur la Génération 1950.

- Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Grims, mais c'est en partie pour cela que nous sommes venus vous voir aujourd'hui... Aurélia n'avait pas l'air prête à couper les ponts sur cette photo, mais...

Mal à l'aise, Aileen marqua une hésitation. Son parrain l'encouragea avec bienveillance.

- Je vous écoute, miss McCallum.

Aileen parut encore plus embarrassée que Leonidas connaisse son nom de famille alors même qu'elle n'avait pas pris la peine de se présenter au début de leur conversation, mais la reconnaissance des familles de sang-pur n'étonnait plus Julian depuis un moment.

- Mais on pense que ce n'est pas la première fois qu'elle le faisait, non ? acheva Aileen sans se laisser démonter. Aurélia n'en était pas à son coup d'essai en matière de briser des liens d'amitié avec tout un groupe, n'est-ce pas ?

- Qu'est-ce que vous entendez par là ?

- Juste qu'après la naissance de Julian, elle a arrêté de parler aux personnes autour d'elle à Londres. Mais elle l'avait fait bien avant en partant de New York, non ? Cordelia, Barenne Perrot...

- Oui, c'est vrai. Elle ne s'entendait plus avec sa sœur et Barenne était son ami d'école si j'ose dire...

- Son meilleur ami, coupa Aileen avec fermeté. C'est étrange de couper les ponts avec lui aussi, vous ne trouvez pas ?

- Sans doute, mais...

- Et avec la plus jeune des sœurs Douzebranches ? Ce n'est pas encore plus étrange ?

La question fit tomber un lourd silence sur leur table. Julian sentit sa cage thoracique comme rétrécir et il s'enfonça contre le dossier de sa chaise, incapable de détacher son regard du visage de son parrain. L'expression de Leonidas s'était figée pareille à une statue de marbre, son imposante mâchoire carrée contractée. Il faisait peser sur Aileen tout le poids de ses yeux bleu cobalt.

- Comment est-ce que vous êtes au courant ?

- Est-ce que c'est important ? répliqua-t-elle.

- Ce qui me semble avoir de l'importance c'est la raison pour laquelle vous semblez croire que cette histoire en a une.

Aileen croisa son regard, incertaine. Ils ne pouvaient pas révéler à Leonidas qu'ils travaillaient sur un Rituel d'Ancrage sur lequel sa mère et ses amis avaient eux-mêmes travaillés trente ans plus tôt.

- Ca n'a peut-être pas d'importance, mentit-il après s'être râclé la gorge. Mais j'aurais voulu savoir. Aileen a raison. Il y a quelque chose qui ne va pas. Maman n'a pas coupé les ponts une fois, elle l'a fait deux fois à plusieurs années d'écart. Ce n'est pas normal...

- Je t'ai déjà dit que je ne savais pas pourquoi...

- Mais vous étiez là, monsieur Grims, insista Aileen. Vous étiez là les deux fois. A Ilvermorny et à Londres. Il doit bien y avoir un dénominateur commun.

Cette fois, l'expression de Leonidas se fit agacée et il croisa les bras, comme sur la défensive. Julian comprenait sa frustration. Il devait avoir l'impression lui aussi de tourner en rond, voire de faire du sur-place. Ils en revenaient après tout toujours à la même chose : les raisons des actes de sa mère, incompréhensibles à la lueur du présent. Pourtant, les réponses devaient bien se cacher quelque part dans le passé et Leonidas en faisait partie.

- Ecoutez, s'il y en a un, je l'ignore, affirma-t-il avec sincérité. Oui, Aurélia était proche de Barenne Perrot. Très proche même, ils étaient meilleurs amis et ça m'a surpris qu'elle arrête de lui parler en partant des Etats-Unis. Pour Cordelia, j'ai deviné qu'il s'était passé quelque chose et que ça concernait sûrement Ronan. Mais pour la soeur Douzebranches...

Les yeux de Leonidas dérivèrent une seconde sur Hilda derrière son comptoir.

- J'avoue être perplexe. Je n'ai jamais vraiment compris cette amitié. Aurélia avait deux ans de moins que Heather. Elles ne se connaissaient pas réellement, elles avaient juste participé à une manifestation ensemble. Et puis un jour... Je les voyais ensemble partout. Une drôle d'amitié qui n'aura juste pas survécu à la sortie d'Ilvermorny d'Heather, c'est tout. Il n'y a pas à chercher plus loin.

- Vous en êtes sûr ?

Son parrain soupira. Julian devait reconnaître que la pugnacité toute journalistique d'Aileen devait être dure à encaisser, mais il la remercia intérieurement. Il n'aurait pas été capable d'insister comme elle le faisait.

- Est-ce que vous avez une vague idée du genre de personne qu'est Heather Douzebranches ? leur demanda-t-il alors.

- A peu près, oui, répondit Julian. Elle n'est pas très stable...

- C'est un euphémisme. Heather ne l'a jamais été. Même adolescente, elle avait tendance à... partir en vrille pour reprendre une expression de mon neveu. Les amitiés avec des personnes comme Heather ne tiennent jamais longtemps ; elle est là votre explication.

- Ce n'est pas un peu simple ?

- On parle d'une femme qui a un jour décidé d'abandonner ses enfants à sa sœur avant de les reprendre et de les kidnapper sur un coup de tête. Il n'y a rien de simple là-dedans, miss McCallum. Juste une triste réalité.

Sur ce constat, Leonidas se renfonça dans son siège, sa cigarette aux coins des lèvres. Julian ressentit la sensation familière au creux de son ventre à chaque fois qu'il songeait à l'inconscience de Heather Douzebranches et des répercussions qu'elle avait eu sur ses fils. Entre un qui visait toujours plus l'excellence, la rejetait, s'accrochait à la figure de la tante qui l'avait véritablement élevé et l'autre qui était en colère contre le monde entier mais ne cessait de croire en sa mère... Oui, elle les avait définitivement marqués. Même l'attitude de Hilda était compréhensible. Après tout, Julian savait ce que c'était d'être le responsable d'une fratrie.

Devant leur expression sûrement déçue, Leonidas se pencha à nouveau vers eux.

- Ecoutez les enfants, je partage votre frustration. J'aimerais avoir les réponses à vos questions, mais je ne les ai pas. Je ne les ai jamais eus. On peut continuer longtemps à s'interroger, surtout que j'ai l'impression que vous ne me dites pas tout... Mais je respecte que tes sentiments vis-à-vis de ta mère soient ambigus, Julian. Tu en as le droit, c'est normal. Et je serai toujours là pour t'écouter. Simplement, je ne peux pas parler pour Aurélia, j'en suis désolé.

La sincérité de Leonidas était palpable dans chacun de ses mots. Ça n'en rendait la situation que plus rageante et, déstabilisé par la soudaine vague d'émotions qui le submergea, Julian lutta contre la boule chauffée à blanc qui lui obstruait la gorge. Son parrain avait raison. Ils étaient arrivés au bout ce qu'il pouvait leur apprendre, ils faisaient du sur-place... Pourtant, il avait espéré que ce rendez-vous serait le bon. Celui qui ramènerait du sens à l'inconnue qu'était devenue sa mère.

Cependant, pour la énième fois, ses espoirs se fracassèrent sur le mur de la réalité. Il n'entendait presque plus le brouhaha du café autour de lui et il aurait justement peut-être dû faire plus attention car, soudain, une ombre tomba sur la table. Ils relevèrent tous la tête vers Hilda, son carnet et son plateau qui attendaient leurs commandes.

- Oh Berthilda ... dit Leonidas avant de se corriger devant son regard sévère. Pardon Hilda, je pourrais vous reprendre un café ? Et un thé pour les deux jeunes gens avec moi ?

- Bien sûr, monsieur Grims, dit-elle alors qu'une plume à papote griffonnait la commande par-dessus son épaule. Je venais juste parce que quelqu'un a laissé ce mot pour vous.

Julian mit une seconde à comprendre qu'Hilda s'adressait à lui et Aileen. Il se tourna vers elle.

- Pour nous ? répéta-t-il.

- C'est ça. (Elle lui tendit un morceau de papier plié en deux). Il m'a demandé de vous le remettre.

- Il ? Qui ça « il » ? s'angoissa Aileen.

Elle s'était à moitié retournée pour balayer le café du regard et Julian l'imita, soudain tendu. N'importe qui pouvait leur faire une blague... Peut-être qu'un élève avait un béguin non avoué pour Aileen et voulait lui faire passer un mot... Pourtant, un pressentiment lourd lui laboura les entrailles alors que ses doigts dépliaient le papier.

D'un même mouvement, ils se penchèrent pour le lire.

Les oisillons chantonnent trop, je les entends piailler d'ici. Et vous savez ce qui arrive aux oisillons qui piaillent et s'éloignent du nid...

Julian se figea. Tous ses muscles semblèrent se raidirent et le pressentiment se mua en terreur pure qui coula dans ses veines. Il avait redouté ce moment sans en avoir conscience, mais il aurait dû l'anticiper. Ils menaient ce projet seuls depuis bien trop longtemps et même s'ils savaient être surveillés, aucun message concret n'avait filtré au cours des moins. Le sang lui battit soudain les tempes alors que ses yeux cherchèrent frénétiquement une silhouette menaçante, un visage plongé dans l'ombre, une présence déplacée... Pourtant, rien ne détonnait dans le café chaleureux d'Hilda. Elle-même attendait toujours près de leur table, perplexe, mais Julian avait l'impression d'avoir perdu sa voix.

Le corbeau les avait retrouvés. Après des mois de silence, il sortait enfin de l'ombre dans laquelle il restait toutefois tapie.

Brusquement, la main d'Aileen lui saisit le poignet. Il manqua de sursauter alors que ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau, douloureux, mais cette douleur lui permit de s'ancrer au moment présent. Il plongea ses yeux dans ceux d'Aileen, écarquillés, et il prit sa décision en un battement de cœur frénétique.

- On doit y aller, dit-il d'une voix sourde en se levant précipitamment.

- Quoi ? s'exclama Leonidas. Mais vous venez d'arriver !

- Désolé... Une urgence. On doit... retourner à Ilvermorny. Je t'écrirai.

- Merci pour votre temps, monsieur Grims, ajoura Aileen, tremblante.

Sans laisser la possibilité à son parrain de le retenir, Julian rattrapa la main d'Aileen dans la sienne et la tira dans son sillage. Les tables et les chaises qui se trouvaient sur son chemin lui donnaient l'impression de le retenir, comme si le corbeau tentait de l'agripper ou de l'entraver dans sa fuite. Le souffle court, il poussa la porte du café au bout de ce qu'il lui sembla une éternité et il inspira une goulée d'air glacé.

- Merlin...

Son souffle s'était raccourci et ce simple mot lui écorcha les lèvres. Il avait l'impression d'être totalement engourdi.

- Morgane... frémit à son tour Aileen. Il faut qu'on prévienne Liam, il faut qu'on...

Le reste de sa phrase fut noyé par un cri stridant qui s'arracha de sa gorge. Glacé, Julian l'attira vers lui par réflexe, le poing crispé autour de sa baguette, mais il ne distingua qu'une forme sombre tombée devant eux dans un bruit sourd. Le cœur affolé, il baissa les yeux.

Sur le sol recouvert de givre, la masse noir d'un corbeau le regardait d'un œil vitreux. Le cou de l'oiseau avait été tordu.

Dans ses bras, Aileen se mit à trembler et il raffermit sa prise autour d'elle. Il n'arrivait pas à détacher son regard du spectacle macabre et monochrome à ses pieds. Les plumes ébène du corbeau tranchaient avec la transparence éthérée du verglas... L'angle de son cou lui donnait une aura étrange, presque comme celle qui enveloppait les fantômes des sorcières de Salem. Pendant le bal, ces dernières avaient eu une voix rendue rauque par leur nuque brisée, mais ce corbeau...

Les oisillons chantonnent trop, je les entends piailler d'ici.

Non, ce corbeau n'émettrait plus jamais un son... 

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Moi, un sens du dramatique ? Jamais haha ! 

Alors verdict ? ^^ Je sais que ce chapitre peut paraître frustrant, l'intrigue patine et on apprend seulement des bébés choses, mais je voulais retranscrire ce sentiment de frustration que ressent Julian chez les lecteurs. 

On se retrouve dans deux semaines, le 14 février, veille de mon anniversaire ^^ Je n'ai encore rien prévu, peut-être que je vous ferais un cadeau le 15 février du coup pour fêter l'évènement (oui c'est un anniversaire à l'envers haha) ! 

EDIT : Quelques memes de HarryStranger pour rire un peu parce qu'elle est exceptionnelle ^^













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