Chapitre 31 : Le tourment des sentiments
Hello ! Petit post surprise parce que je n'ai aucune volonté d'attendre le lundi haha ! Et en plus aujourd'hui je vais au salon du livre jeunesse avec Perri yeahhh ! (Elle est à côté de moi, elle vous dit bonjour et elle est en train de me prendre en photo alors que je suis en pyjama. Je vous jure, dur d'être une célébrité. Elle va la poster en story en plus, vous pourrez donc me voir en pyjama également : dites pas que je donne pas de ma personne hahaha).
Bonne lecture !
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Chapitre 31 : Le tourment des sentiments
« J'ai l'amour à fleur de cœur
Qui me fait souffrir sans trêve
[...]
Toi mon tourment
Toi ma douleur »
- Charles Aznavour -
// 19 Janvier 1980 //
Julian ne savait pas depuis combien de temps il fixait le vide en face de lui. Il aurait dû étudier et continuer son exposé sur Isolt Sayre, mais il n'arrivait simplement pas à se concentrer. Il n'y arrivait plus depuis hier... Parce que son esprit était bloqué sur une seule chose : son baiser avec Noah. C'était comme s'il n'avait plus la place de penser à rien d'autre. Dès qu'il tentait de remettre son cerveau sur les rails, celui-ci déraillait et il voyait tour à tour Noah, le visage plongé dans un clair-obscur à cause de la lumière de sort ; Noah avec ses boucles plaquées contre son front, nageant dans l'eau autour de lui, amusé ; Noah si proche qu'il pouvait sentir leurs jambes se cogner sous la surface. Plus que tout, il se revoyait l'embrasser à pleine bouche, perdu dans les sensations. Il avait l'impression de revivre la scène d'un point de vue extérieur, comme s'il avait été observateur de la scène. Il ne voulait de toute façon pas repenser à ce qui s'était passé après, mal à l'aise. S'il avait cru qu'embrasser Noah aurait apaisé le feu qui lui brûlait les entrailles, il avait eu tort. Le baiser n'avait été qu'un instant volé, un interdit franchi, et ils avaient dû ressortir de l'eau sans que les non-dits entre eux aient été éclaircies. Julian leur avait jeté à tous les deux un sort de séchage parfaitement maîtrisé, puis ils avaient cherché un indice – n'importe quoi – en lien avec le Rituel d'Ancrage. Rien. Pas une trace. Et alors... ils avait fallu qu'ils remontent à la surface dans un silence plus lourd que le ciel porté par Atlas.
C'était comme si le rocher avait constitué une frontière verticale : il y avait le monde de la surface, celui de la lumière et des regards, et le monde souterrain de la grotte, caché aux yeux de tous et où les ombres avaient enveloppé leur moment interdit. Julian ressentait la dichotomie jusqu'au plus profond de son esprit. Il se revoyait s'enfoncer sous terre en suivant la course du ruisseau sous le rocher... Dès que l'entrée avait disparu et que l'obscurité les avait cachés, Noah lui avait pris la main. Ce lieu, étroit et détaché du reste d'Ilvermorny, était devenu l'espace d'un instant le lieu de leur crime et il sentit les larmes pressées derrière ses paupières.
Parce que malgré toute sa volonté, il savait que si c'était à refaire, il le referait. Il n'arrivait pas à regretter.
Noah en revanche... Il n'en avait aucune idée. Ils ne s'étaient pas parlé seul à seul depuis hier. Ils s'étaient contentés de rejoindre les autres et de prétendre que rien ne s'était passé. Aileen avait été déçue qu'ils ne trouvent rien en rapport avec le Rituel d'Ancrage, mais ça n'avait pas suffi à entamer la bonne humeur des autres, heureux de cette avancée inespérée. Liam avait même été piocher dans sa réserve clandestine de bièreaubeurre pour fêter ça. Sur son visage, l'espoir de revoir sa sœur irradiait plus brillamment que jamais.
Aujourd'hui, assis tout seul à la bibliothèque pour être un peu au calme, Julian aurait finalement aimé retrouver l'agitation d'hier soir pour arrêter de penser. Frustré, il se prit la tête entre les mains et tira sur ses cheveux. La douleur, fugace, l'ancra au moment présent un instant avant que Noah ne revienne au premier plan. Il tenta d'avaler la boule qui lui obstruait la gorge. Plus il y repensait, moins il comprenait comment ce baiser avait pu avoir lieu. Certes, la grotte leur avait offert un refuge, une parenthèse loin des yeux indiscrets de leurs camarades, mais il avait dû mal à se reconnaître. Parce qu'il ne pouvait pas le nier, il avait voulu ce baiser. Il l'avait voulu bien avant que Noah ne prenne la décision de combler la distance entre eux dans l'eau. Tout le long de leur conversation, il l'avait poussé à parler, à mettre des mots sur ce qui se passait entre eux. Noah – étonnamment – avait été celui qui avait tenté de les freiner. De résister. Et encore, l'ambiguïté avait entouré chacune de ses paroles et de ses actions, comme d'habitude. Ça aussi, il commençait à en être agacé. Noah avait le don de le piquer et de le provoquer pour ensuite reculer. Même si Julian l'avait poussé à admettre qu'il lui avait pris la main pendant le match, c'était lui qui avait initié le baiser. Et c'était lui aussi qui avait remis de la distance entre eux dès qu'ils étaient ressortis du rocher. Julian ne savait pas comment interpréter ces signaux contradictoires. Il ne savait pas ce qu'il voulait lui-même, si en plus il devait le comprendre pour Noah...
Il retint un cri étranglé, lèvres serrées. Se mettre à paniquer – ou pire à pleurer – en plein milieu de la bibliothèque n'était vraiment pas ce dont il avait besoin maintenant. Il aurait sûrement pu continuer à se torturer comme ça longtemps si son regard n'était pas brusquement tombé sur Archer, assis à une table un peu plus loin. Il tenait une lettre entre ses mains et ses sourcils étaient si froncés qu'ils ne formaient plus qu'une ligne courbée. Julian y vit une opportunité. D'un geste empressé, il referma son livre et le glissa dans son sac avant de traverser les quelques mètres qui le séparaient de son cousin. Il se laissa tomber sur la chaise en face de lui.
Surpris, Archer redressa la tête et le dévisagea.
- Julian... ? Qu'est-ce que... ?
- Je travaillais juste là et j'ai vu que tu avais l'air contrarié, dit-il sans mentir avant de désigner la lettre entre les mains de son cousin d'un coup de menton. Qu'est-ce qui se passe ?
La question était terriblement intrusive, il en avait conscience, mais il était désespéré. Archer, pris au dépourvu, se mit à faire tourner la lettre entre ses mains et soupira :
- C'est Elizabeth, avoua-t-il, l'air préoccupé. On se donne des nouvelles tous les deux jours et je ne sens qu'elle ne va pas bien...
- Pourquoi ? Archibald est malade ?
Au moins son inquiétude pour le bébé était sincère. Il revoyait encore ses grands yeux noirs à Noël et son sourire qui éclairait son visage rond de bambin joyeux. Même s'il n'avait pas décidé ce qu'il ressentait vis-à-vis d'Elizabeth – il restait mal à l'aise en sachant tout ce qu'elle avait laissé derrière elle en Angleterre – il ne pouvait pas en vouloir à son fils, ressemblance avec Evan Rosier ou non.
- Non, non, il va bien, rassura Archer. Enfin, c'est dur de le gérer toute seule, mais elle y arrive. C'est une bonne mère.
La conviction qu'Archer mit dans sa voix, protecteur, n'échappa pas à Julian. Il se demanda si Elizabeth avait dû subir des remarques à ce sujet et il supposa que c'était le cas.
- Alors qu'est-ce qu'elle a ?
- Je crois qu'elle a le mal du pays entre autres. Elle ne connait pas grand monde après tout et elle a emménagé seule depuis quelques semaines grâce à une aide financière du MACUSA. (Archer déglutit). Et puis surtout... D'après ce que j'ai compris, elle a un ami qui est porté disparu en Angleterre... Mais elle a peur que « porté disparu » veuille dire pire, si tu vois ce que je veux.
Julian se tendit. Il voyait totalement ce que Archer voulait dire pour la simple et bonne raison que son quotidien avait été marqué par des disparitions de ce genre pendant des mois avant qu'il ne vienne aux Etats-Unis. Chaque matin, la liste des personnes disparues s'allongeaient dans la Gazette. Le Ministère tentait bien de trouver des explications rationnelles – des sorciers étourdis qui se seraient perdus ou des moldus qui seraient simplement partis en voyage sans rien dire – mais la véritable explication n'avait pas tardé à être évidente pour tout le monde. Et à partir du moment où la fameuse Marque des Ténèbres avait commencé à flotter dans le ciel anglais vers l'été 1978, il n'y avait plus eu de doute. Vous-Savez-Qui n'avait plus craint de revendiquer ses actes.
- Quel ami ? demanda-t-il après quelques secondes avec appréhension.
Il ne connaissait pas les amis d'Elizabeth Yaxley, pas réellement, mais il avait vu son cercle de loin à Poudlard et il se demanda soudain lequel d'entre eux aurait pu subir une « disparition ».
- Oh hum attends, elle me l'a dit...
Les yeux d'Archer reparcoururent la lettre en vitesse, survolant les mots, puis il annonça :
- Regulus Black. Le nom me dit quelque chose, ce n'est pas une famille sang-pur assez connu ? Tu le connais ?
Les paroles de son cousin ne formèrent qu'un bruit indistinct sur la fin. Julian s'était figé, incrédule. De tous les noms qu'il s'était attendu à entendre, Regulus Black était peut-être bien le dernier. Dans un souvenir venu de loin, il revit l'hériter des Black assis à la table de Serpentard, le dos droit et son masque désintéressé sur le visage alors que Livia Fawley et Antonin Dolohov l'encadraient. Il ne lui avait jamais parlé, bien entendu. Quelqu'un comme lui ne parlait pas avec quelqu'un comme Regulus Black. Personne ne parlait avec les étoiles. Il n'aurait de toute façon aucun intérêt à le faire. Black avait eu deux ans de plus que lui, ce qui faisait qu'il avait quitté Poudlard en juin dernier et Julian n'avait plus entendu parler de lui. Que s'était-il passé en quelques mois pour que l'héritier des Black fasse partie de la fameuse liste des disparus ?
Il dût rester silencieux un peu trop longtemps car Archer passa sa main devant de ses yeux, le ramenant sur terre.
- Eh Julian ? Alors tu le connais ce Black ?
- Quoi ? Oh... Hum oui, oui. Enfin non. (Il secoua la tête pour s'éclaircir les idées). On était à Poudlard ensemble mais il était plus vieux que moi. Il était à Serpentard aussi. Vieille famille sang-pur, noblesse, attrapeur de Quidditch... je crois que c'est à peu près tout. Je ne savais même pas qu'Elizabeth le connaissait vraiment, il a un an de moins qu'elle.
- Oh....
Pendant une seconde, l'expression d'Archer s'assombrit, minée par une émotion que Julian eu du mal à identifier, mais il n'était pas difficile de deviner à quoi il songeait.
- Enfin, je ne veux pas insinuer... je veux dire toutes ces familles se connaissent, se rattrapa-t-il. Ce n'est pas surprenant. Les familles nobles comme ça, ils font des fêtes ou des bals... Elle doit le connaître de là. (Il réalisa avec un temps de retard que son explication n'aidait pas vraiment lorsqu'il visualisa Elizabeth et Regulus Black en train de danser une valse imaginaire et il ajouta précipitamment). De loin je veux dire. Ils devaient se connaître de loin.
Il avait conscience qu'il s'enfonçait et il se mordit la joue pour ne pas mentionner que de toute façon Elizabeth avait eu Evan Rosier attachée à chacun de ses pas à l'époque. Il n'était pas sûr que l'anecdote plaise vraiment à Archer. Avec un raclement de gorge gêné, il désigna à nouveau la lettre :
- Et elle ne dit rien de plus ? demanda-t-il pour détourner la conversation. Sur la disparition de Regulus ?
- Non, pas grand-chose. Elle n'a gardé contacte avec personne en Angleterre, même pas sa propre famille. (Un rire sans amusement échappa à Archer). Surtout pas sa propre famille en vérité, se corrigea-t-il. D'après ce qu'elle a lu dans votre journal national... euh... ?
- La Gazette du sorcier.
- Oui, c'est ça. D'après ce journal, la famille a signalé la disparition de Regulus la semaine dernière après plus de trois semaines d'absence. Il n'a plus été vu depuis le nouvel an visiblement et c'est assez inhabituel pour lui. Je... je ne comprends pas tout, mais apparemment le simple fait que sa famille signale la disparition est inquiétant. Elizabeth n'a pas été très explicite mais si j'ai bien lu entre les lignes, ce gars est... enfin il fait partie du même groupe... tu vois.... Celui auquel Elizabeth a échappé.
Le malaise d'Archer était palpable Julian, lui ressentit un frisson glacé et familier le parcourir avant que ce froid intérieur ne vienne lui tordre le ventre. Il ne savait pas si Archer était gêné d'évoquer le passé trouble d'Elizabeth devant lui – surtout après la crise de famille pendant les vacances de noël au sujet de la magie noire – ou si il avait conscience qu'il parlait du même groupe responsable de la mort de sa mère.
- Les mangemorts, dit-il, le nom résonnant d'un air sinistre entre eux. Oui, ça ne m'étonne même pas que Regulus Black ait pu en faire partie. Et si c'est étonnant que la famille ait signalé sa disparition, c'est parce que ça ne serait pas étonnant non plus que d'autres membres soient eux-mêmes des mangemorts. L'un d'eux doit bien savoir ce qui s'est passé...
- Mais si ce Regulus en était un... pourquoi est-ce qu'il aurait été attaqué ?
Julian haussa les épaules.
- Aucune idée... Il a peut-être fait quelque chose qui a déplu à Tu-Sais-Qui.
- A qui ?
- A... Laisse tomber, c'est vrai que tu... (il roula des yeux, agacé par la méconnaissance toute américaine d'Archer). Disons à celui qui dirige les mangemorts. En tout cas, si eux-mêmes peuvent devenir des cibles, c'est que la situation empire...
Nerveux, il pianota des doigts contre sa jambe. Ce tic le prenait autant lorsqu'il avait envie de dessiner que quand il était stressé et, à cet instant, c'était la deuxième option qui lui dévorait les nerfs. Parce que si les mangemorts eux-mêmes pouvaient être attaqués et disparaître, ça voulait dire que personne n'était en sécurité. Il songea à Matthew, à sa grand-mère Jeanne, à Hanna...
Merlin, Hanna.
A nouveau, il se figea. La discussion autour de la disparition de Regulus Black l'avait distrait un temps, mais le nom d'Hanna le replongea dans la spirale infernale de ses pensées. A aucun moment hier il n'avait pris la peine de songer à elle. Noah avait occupé chaque recoin de son esprit, chaque fibre de son être, et il n'avait pensé à rien d'autre qu'à lui et à son désir d'enfin briser l'ambiguïté qui les entourait. Seulement, aujourd'hui, il se heurtait au monde extérieur. Il n'était plus dans la grotte. Il ne savait même pas comment il avait pu agir comme ça, comment il avait pu le vouloir avec autant de force. C'était comme s'il revoyait toute la scène de l'extérieur. Ça ne pouvait pas être lui. Il n'était pas censé être ce genre de personne. Il n'était même pas sûr de vouloir le refaire maintenant que son cerveau s'était remis à fonctionner : c'était interdit, il avait Hanna, et quoiqu'il se passe avec Noah ça ne pourrait mener à rien.
Inconscient de son trouble intérieur, Archer reprit.
- C'est tellement compliqué ce qui se passe... Je sais qu'Elizabeth s'inquiète, ça m'énerve pour elle mais je ne peux rien faire d'ici et... Julian ?
Il venait d'amorcer un mouvement pour se lever et adressa un signe de compassion à son cousin, peu concentré.
- Hum, oui, oui je comprends. Passe le bonjour pour moi à Elizabeth, j'espère que ça ira...
Archer parut tout de même touché, mais il fallait dire que le reste de la famille Grims n'avait pas été très accueillant avec la jeune femme, et Julian repartit avec un dernier signe de la main. Il traversa la bibliothèque, puis passa les portes sans un regard en arrière. Tant pis pour son exposé sur Isolt Sayre.
Sa conversation avec Archer lui avait offert une courte parenthèse de répit, mais celle-ci venait de se refermer et la tempête dans son esprit se remit à souffler, plus forte que jamais. Il se demanda s'il devait parler à Hanna de ce qui s'était passé. Il en eu la nausée rien que de l'imaginer. Il ne pouvait pas. Il ne s'en sentait pas capable. Comment est-ce qu'il pourrait justifier ce baiser ? Ce baiser avec un autre garçon ? C'était impensable. Hanna avait beau être sa meilleure amie, être compréhensive, elle le trouverait... détraqué. Parce que c'était le cas, il y avait forcément quelque chose qui n'allait pas chez lui pour qu'il ait eu envie de ce baiser.
Le ventre tordu dans une douleur anxieuse, il remonta vers le Foyer, espérant trouver Noah. Il fallait qu'il le voit. Il fallait qu'ils parlent. Noah avait toujours réponse à tout, peut-être qu'il en aurait eu pour ce qui était arrivé. Peut-être que Julian avait juste mal compris.
Dès qu'il déboucha en haut des escaliers, il parcourut la pièce du regard. La décoration hétéroclite de la pièce ne cesserait jamais de l'étonner. Assise à même sur le sol sur un tapis au style oriental, Winona Qaletaga, la fille du chef indien, jouait à un jeu de cartes avec sa sœur Sora ; Wilde Wilkinson et Elicia Jauncey tentaient de rentrer tous les deux dans le fauteuil violet en forme d'œuf en se poussant mutuellement ; et Clémence Laveau, Enjolras, et Zack Ledwell, eux, étaient penchés au-dessus d'une pile de tract sûrement destiné au Comité des Elèves. En voyant le capitaine de Quidditch, habillé de son éternel col roulé noir, Julian retint un mouvement de recul. Les vacances lui avaient presque fait oublier la scène à laquelle il avait assisté dans les vestiaires, mais maintenant il revoyait parfaitement le visage ensanglanté de son camarade. Les bleus sur la peau de Zack n'étaient désormais plus très visibles, même si des traces colorées continuaient à lui border l'œil et Julian dû le fixer un peu trop longtemps car il ne vit pas sa sœur arriver près de lui.
- Eh Ju' ? fit-elle soudain. Ça va ? T'as une drôle de tête.
Il se tourna vers elle avec un sursaut. Elle haussa un sourcil.
- Quoi ? Oh, rien désolé... Je... je pensais, c'est tout.
- Oh rien de nouveau alors ! se moqua-t-elle. J'ai eu peur une seconde.
- Très drôle. Qu'est-ce que tu fais là ? Je croyais que t'assistais toujours aux entraînements de Raphaël pour voler un peu ?
Il avait remarqué cette habitude de Charlotte avant les vacances. Elle accompagnait souvent Raphaël pour avoir des heures de vol en plus alors même que le stade était réservé pour la course sur balais. Il n'avait rien dit. Du moment que ses devoirs étaient faits, il supposait que ça ne lui faisait pas de mal et il lui avait promis de ne plus être constamment sur son dos. Pourtant, elle se tenait devant lui non pas en tenue de sport mais en uniforme, ses cheveux blond foncé et fins détachés sur ses épaules.
- Oh j'avais juste pas envie aujourd'hui, c'est tout, dit-elle en passant son poids d'une jambe à l'autre, l'air mal à l'aise.
Ce fut à son tour d'hausser un sourcil.
- Toi ? Pas envie de monter sur un balai ?
- Ca peut m'arriver.
- Non, jamais, objecta-t-il sur le ton de l'évidence. Tu t'es blessée ?
Il la détailla du regard, cherchant une quelconque trace d'égratignure, mais elle avait l'air comme d'habitude. Charlotte soupira.
- Je vais bien, Ju', sérieux. Juste... ce n'était pas le bon jour pour monter sur un balai, si tu vois ce que je veux dire...
- Pas le bon... ? Oh !
Elle lui jeta un regard éloquent, sourcil dressé et joues rouges, et il sentit les siennes s'empourprer également. « Problème de fille », comme finissait par dire Hanna lorsque lui et Matthew se ne comprenaient pas pourquoi elle avait besoin d'aller autant aux toilettes pendant une sortie à Pré-au-Lard ou qu'elle mangeait moins que d'habitude à cause de maux de ventre. Ils se sentaient stupides à chaque fois d'oublier et il ressentit le même sentiment à cet instant face à sa petite sœur.
Charlotte, définitivement mal à l'aise, balaya l'information d'un geste de la main et reprit :
- Et puis au-delà de ça, Raphaël voulait voler un peu seul je crois... La journée d'hier a été un peu compliquée à cause du cours d'Histoire.
- Pourquoi ? dit-il, perplexe. Perrot est plutôt sympa, non ?
- Oh rien à voir avec le prof. Mais on a étudié la loi Rappaport.
D'après le ton de sa sœur, sa réponse aurait dû être explicite pour comprendre la contrariété de Raphaël, mais Julian cilla sans comprendre. La loi Rappaport avait instauré une ségrégation stricte entre sorciers et Non-Maj' jusqu'en 1965, année de son abrogation, et il se creusa la tête avant de se rappeler que le père de Raphaël et Noah était effectivement Non-Maj'. Or, vu leur date de naissance, la relation entre cet homme et Heather Douzebranches avait dû être illégale à l'époque.
- Oh... à cause de son père ?
- Entre autres, oui, acquiesça Charlotte. Et puis à cause de Dorcus et de la malédiction.
- Qui et quoi ?
Sa sœur lui envoya cette fois un regard surpris.
- Tu n'as pas étudié la loi Rappaport ? s'étonna-t-elle.
- Pas vraiment. Enfin, on l'a évoqué en cours de Droit, mais plus d'un point de vue juridique. Il y a une histoire derrière ?
- Une grosse histoire même ! Merlin Ju', ça a été l'affaire et le scandale du siècle, littéralement !
- Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
Visiblement, Charlotte était ravie de savoir quelque chose qu'il ignorait pour une fois et elle s'assied en tailleur dans le canapé près d'eux avant de lui faire signe d'en faire d'eux-mêmes. Il obtempéra, curieux. Sa sœur se pencha vers lui et se mit à raconter d'une voix passionnée, preuve malgré tout ce qu'elle disait qu'elle restait la fille d'une historienne.
- Je ne sais pas ce que t'as vu en cours de Droit, mais du coup la loi Rappaport a été mise en place par Emily Rappaport, elle était Présidente du MACUSA à l'époque. Et si elle a été obligée de la faire voter, c'est à cause d'une des plus grandes violations du secret magique que le monde sorcier ait connu !
- A ce point ?
- Oh oui ! Et c'est à cause d'une femme : Dorcus Douzebranches.
Les sourcils de Julian s'envolèrent.
- Une ancêtre de Noah et Raphaël ? supposa-t-il.
- C'est ça. Elle a vécu au XVIIIe siècle, elle était assez frivole, et en 1790 elle est tombée amoureuse d'un Non-Maj'... Mais le problème c'est que ce n'était pas n'importe quel Non-Maj'. Il descendait d'une famille de Ratisseurs, il s'appelait Bartholomé Bellebosse. Oh je ne sais pas si tu sais pour les Ratisseurs...
- Si, si. Des sorciers qui chassaient des sorciers pour de l'argent et qui torturaient même des Non-Maj' en échange de récompenses de la part des puritains, se souvint-il en repensant au cors du professeur Perrot. Et certains ont échappé à la justice en se fondant dans la société Non-Maj' jusqu'à devenir des anti-magie notoires.
- Voilà ! Les Bellebosse sont une des familles les plus connues pour ça. Et Bartholomé ne faisait pas exception. Le problème, c'est que Dorcus était très amoureuse et pas très maligne.
- Mauvaise combinaison.
- Tu l'as dit. Et elle était la fille du Gouverneur des Finances et des Dragots en plus ! Aristote Douzebranches !
Julian retint une grimace. D'après ce qu'il avait compris, le Gouverneur des Finances et des Dragots – aujourd'hui le père de Wilde – était un des postes les plus importants du MACUSA.
- Un jour, Bartholomé a emmené Dorcus faire un pique-nique, reprit Charlotte en faisant des mouvements de mains pour rythmer son récit. Il l'a interrogé, lui a fait des compliments, bref il l'a charmé... Et Dorcus a tout avoué !
- Tout ?
- Tout ! Le monde sorcier, l'existence de la magie, du MACUSA, l'emplacement d'Ilvermorny ! Elle a même jeter des sorts devant lui : des petits tours pour l'impressioner tu vois ? Bartholomé n'a pas pris la peine de jouer la comédie plus longtemps : il lui a volé sa baguette et a disparu en laissant Dorcus désespérée. Il s'est mis ensuite à montrer la baguette à tous les reporters qui croisaient son chemin pour alerter le monde Non-Maj'. (A ce stade, Charlotte avait les yeux écarquillés, comme si elle lui racontait le scénario d'un livre catastrophe et Julian se dit que c'en était pas loin). Il a aussi envoyé des lettres à des Non-Maj importants et fait imprimer des prospectus. Ensuite, Bartholomé a rassemblé ses amis et s'est mis en tête de persécuter et même de tuer la communauté des sorciers.
- Par Merlin...
- Je sais ! Le groupe a attaqué le MACUSA en pensant toucher des sorciers mais en fait ils s'en sont pris à des Non-Maj qui avaient eu le malheur de quitter l'immeuble au mauvais moment.
Julian déglutit, horrifié. Une attaque pareille lui rappelait douloureusement la situation actuelle en Angleterre et il serra les poings contre ses genoux.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il avec réticence.
- Bartholomé a été arrêté et mis en prison sans même l'intervention du MACUSA. Emily Rappaport, la Présidente, a eu beaucoup de mal à réparer les dégâts causés par Dorcus parce que Bartholomé avait diffusé ses prospectus à grandes échelles et le siège du MACUSA était devenu le centre d'intérêt de la population. De nombreux sorciers ont apparemment demandé à ce que Dorcus soit emprisonnée à vie, mais elle n'a finalement été condamnée qu'à un an. Emily Rappaport a ensuite crée la loi Rappaport qui interdit évidemment le contact entre les sorciers et les Non-Maj pour éviter que ça se reproduise.
- Et Dorcus ? Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
Charlotte eut un sourire triste, presque compatissant.
- Ses contemporains ont dit qu'elle n'avait plus jamais été la même après son année de prison, elle en est ressortie traumatisée et un peu... instable. Avant, elle aimait la mode, organiser des fêtes, participer à des bals, mais finalement... Disons qu'elle a fini ses jours isolée avec pour seule compagnie un miroir et un perroquet.
Sa sœur conclut son récit en laissant retomber ses mains sur ses cuisses avec fatalité. Julian encaissa ce qu'il venait d'apprendre. Il tenta d'imaginer Dorcus Douzebranches, jeune femme naïve et amoureuse, regarder impuissante les évènements s'enchaîner à cause de la confiance qu'elle avait accordé à la mauvaise personne. Sans pourvoir s'en empêcher, il se la représenta avec une masse de boucles noires et de grands yeux bleu terrifiés. Il n'arrivait pas à croire que la crédulité un peu idiote d'une jeune fille avait pu entraîner autant de dégâts... Des générations de sorciers avaient dû subir une ségrégation horrible à cause d'elle.
Ses sentiments devaient se lire sur son visage car Charlotte hocha la tête, comme si elle marquait son accord. Elle s'était mise à jouer du bout des doigts avec son collier horloge, celui de leur mère, et le bijou accrocha un rayon de lumière.
- Je sais, c'est terrifiant de se dire qu'elle a tout déclenché pour si peu...
- Oui, c'est sûr... (il repensa soudain à ce qu'elle avait dit au début de leur conversation). Et la malédiction dont tu parlais alors ? C'est quoi ?
- Oh ça ! C'est moins « historique » on va dire. C'est juste des rumeurs entre les sorciers américains si j'ai bien compris ce que Raph' m'a dit. On va dire que certains pensent que Dorcus a en quelque sorte... maudit sa famille. Comme je te disais, elle est devenue instable, elle pouvait rester des heures à parler à son perroquet ou à son miroir. Et elle n'est pas la seule Douzebranches à être devenue un peu...
Charlotte laissa sa phrase en suspens, mais fit un geste au niveau de sa tempe en tournant son doigt d'un air entendu. « Folle », compléta-t-il.
- Le père de Dorcus, Aristote, par exemple... Il a évidemment démissionné et il s'est retiré de la vie public. Il est mort dix ans plus tard avec pour seul compagnie son elfe de maison. Il n'avait plus osé parlé à quelqu'un d'autre à cause du scandale. Et puis il y a eu Abe Douzebranches dans les années 1880. Il croyait voir l'avenir dans le vieux miroir de Dorcus, mais aucune de ses prophétie ne s'est jamais révélée vraie. Les gens l'ont surnommé « l'Illuminé ». Deux de ses petits enfants se sont suicidés et ensuite il y a évidemment Heather Douzebranches, la mère de Raph'... Hum... Noah t'en a parlé ?
Mal à l'aise, sa sœur parut réaliser qu'elle en avait peut-être trop dit car elle tira sur son collier horloge avec nervosité et il s'empressa d'hocher la tête.
- Oui, je suis au courant des grandes lignes. Elle est instable aussi et puis l'histoire d'enlèvement...
Il revit Noah lui avouer, sur le toit d'Ilvermorny puis en haut du mont des Errants, que sa mère avait perdu la garde de ses fils après les avoir pris avec elle sans prévenir personne pour les emmener à Chicago. Son opinion sur Heather Douzebranches restait en demi-teinte, trop influencée par la vision de Noah qui persistait à la défendre.
- Enfin voilà, tu sais tout ! déclara Charlotte après quelques secondes. Raphaël était donc un peu perturbé parce que tout le monde lui jetait des regards pendant le cours dès que le nom de Dorcus était évoqué. Personne n'a fait de remarque, mais apparemment il s'en est pris plus jeune. Il m'a raconté qu'un élève lui avait un jour demandé si les psychomages allaient venir le chercher bientôt à cause de la malédiction de sa famille. Plus personne n'a ensuite osé quand Noah lui a jeté un sort et a cassé le nez de Wilde Wilkinson parce qu'il avait fait une remarque sur l'enlèvement.
Julian grimaça. Il n'osa pas corriger sa sœur en lui disant que, techniquement, Wilde ne parlait pas de l'enlèvement en tant que tel mais avait simplement défendu Liam. Il avait jugé que ce dernier avait eu raison d'alerter Hilda, la tante des deux frères, et que ce qu'Heather avait fait était mal.
Pris de nausée, Julian se demanda brusquement si Noah l'avait embrassé à cause de la malédiction... Est-ce que lui aussi était atteint du mal qui rongeait sa famille et était aussi instable que ses ancêtres ? Après tout, les médicomages parlaient bien de « maladie mentale » pour le genre de pensées qui le hantaient dernièrement. Mais si Noah était vraiment comme ça à cause de sa famille, quelle excuse avait-il, lui ?
Juste comme ça, son esprit se remit à le dévorer. Est-ce que Archer ressentait la même chose alors qu'il s'inquiétait pour Elizabeth depuis la bibliothèque ? Est-ce que Dorcus avait ressenti ce sentiment, recluse chez elle lorsque la Loi Rappaport avait été mise en place à cause de son amour trahi ? Est-ce que le tourment des sentiments faisait toujours cet effet-là ? Ou est-ce que quelque chosait n'allait véritablement pas chez lui ?
Merlin, il fallait vraiment qu'il parle à Noah...
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Voilà ! Verdict ?
Je suis assez contente de ce chapitre, genre j'avais trop aimé me plonger dans la tête embrouillée de Julian post baiser mouahaha !
Sinon, toute l'histoire des Douzebranches est tirée de Pottermore. J'extrapole ensuite sur la malédiction qui touche la famille, mais la base vient de JK Rowling !
Prochain post : chapitre 32 - 20 décembre
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