Chapitre 27 : L'espoir d'une nouvelle année
Perri l'a réclamé, le chapitre sera pour ce soir pour votre plus grand plaisir ! Je sors tout juste de James Bond et franchement c'était cool alors je suis de bonne humeur haha !
Au passage, je me souviens enfin de ce que je voulais vous demander la semaine dernière ! Je vous explique, c'est pour ATDM 3. En fait, j'avais prévu de faire en sorte que la grossesse de Lily précède le mariage avec James : genre ils apprennent qu'ils attendent un enfant vers octobre puisque Harry est né en juillet et se marient un peu précipitamment en décembre / janvier pour "faire les choses bien" (ils sont un peu classique pour ça) et James convint d'ailleurs Lily qu'il la demande en mariage avant tout par amour. Ce que je vulais, c'était montrer l'ambiance de la guerre qui altère un peu les choses, les rend précipitées, et surtout fait peser des doutes. Bref, j'avais tout un truc de prévu pour justifier cet ordre inhabituel qui me détacherait au passage de ce qu'à fait Cazolie. Sauf que je viens de me rendre compte d'une incohérence parce qu'apparemment le canon aurait déclaré que Lily et James se marient avant octobre, soit le moment où ils apprennent qu'Harry est en route. Evidemment, j'ai grimacé en l'apprenant parce que j'avais déjà fait dire à James qu'il préparait son mariage à Matthew il y a tout juste deux-trois chapitres... Bon évidemment cette scène peut être édité avec l'annonce du bébé à la place. Mais j'aimais bien mon idée de base quand même...
Alors je vous demande : est-ce que vous préférez que je respecte l'ordre mariage-bébé déclaré par Rowling ou est-ce que ça vous va si je fais avec ma première idée, à savoir bébé-mariage ? A vous de me dire !
Et sur ce débat, bonne lecture !
************************************
Chapitre 27 : L'espoir d'une nouvelle année
« Source encore glacée, miroirs gelés, Rois sortant tout raidis d'or des ténèbres de décembre, c'est janvier, en marche vers la Chandeleur, qui détient l'indiscernable futur »
- Colette-
// 1 janvier 1980 //
L'année 1980 débutait comme 1979 s'était achevée : avec tension.
- Liam, attends, tu es sûr que tu veux sortir ?
- Maman, sérieux, je t'ai déjà dit que oui !
- Mais il a neigé hier et...
- Et je suis parfaitement capable de résister à dix centimètres de neige, coupa-t-il, exaspéré. J'avais prévu d'aller à la brocante d'hiver comme chaque année.
Habité d'une énergie nerveuse, Liam regarda la porte d'entrée de leur maison devant laquelle se tenait sa mère. Elle lui barrait littéralement le passage de son corps et il jeta un regard d'appel à l'aide vers son père, assis à la table du salon en train d'écouter la radio en faisant ses mots croisés.
- Papa, dis-lui !
- Barbara, il a raison. C'est à dix minutes à pied. Laisse-le y aller, il revient pour le déjeuner.
- Mais j'ai encore le ménage à faire, je ne peux pas l'accompagner.
- J'ai seize ans, je peux y aller seul, maman.
Il tenta vraiment de mettre tout le bon sens dont il était capable dans sa voix et pas sa frustration, mais sa mère resta plantée devant la porte, nerveuse. Il retint un grognement d'impatience et il sentit soudain le besoin de sortir son paquet de cigarette caché dans la poche intérieure de son manteau.
- Et toi, Russel, tu ne peux pas aller avec lui ? demanda-t-elle en tordant l'ourlet de sa blouse entre ses doigts. Ça me rassurerait.
- Chérie, on est dimanche et il doit faire -10 degrés. Laisse-le aller à la brocante, ça lui fera du bien de sortir un peu. Il étouffe là.
- Etouffer ? Mais il a tout ce qu'il veut ici. On a racheté une télé le mois dernier !
- Je l'ai regardé au moins dix heures d'affilé hier, maman ! s'écria Liam. J'ai juste besoin de prendre l'air.
Le visage de sa mère se contracta.
- Oui et bien... dit-elle d'une voix sourde. Emilia aussi devait juste sortir une soirée. Et elle n'est pas rentrée.
Une chappe de plomb s'abattit sur eux tous. Son père suspendit même son crayon à papier au-dessus de sa grille noire et blanche, sa bouche déformée par une douleur inimaginable tandis que sa mère retenait un sanglot. Et il resta juste là, les bras ballants. Depuis qu'il était rentrée il y a une dizaine de jours, il avait à peine le droit de sortir de la maison. Ses amis d'enfance, qui savaient qu'il rentrait toujours pour les vacances, étaient venus toquer à leur porte avant de repartir devant le refus catégorique de Barbara Cooper. Il l'avait laissé faire. Il comprenait. Ne pas voir un enfant revenir à la maison était une terrible épreuve et elle était traumatisée à l'idée qu'on lui arrache le second.
Mais il ne pouvait pas continuer comme ça. Il allait devenir fou, enfermé dans sa chambre ou à tourner en rond dans leur petit jardin clôturé, comme un poisson dans son bocal. Sa seule distraction était de recevoir et d'écrire des lettres tous les jours. La chouette d'Aileen allait finir par perdre ses ailes si elle continuait à faire des allers-retours entre le Canada et l'Oregon. Heureusement, Julian et Théa pouvaient grouper leurs lettres puisqu'ils habitaient ensemble. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il recevait des lettres de la reine des glaces en personne. Bien sûr, les siennes restaient toujours brèves et sarcastiques, même si elle l'avait surpris dans sa dernière en glissant dans l'enveloppe des pages de stratégie d'échecs pour qu'il puisse s'entraîner pendant les vacances. Il avait aussi eu des nouvelles d'Othilia qui le tenait au courant des achats qu'elle faisait pour les potions qu'ils auraient à préparer en revenant à Ilvermorny. Sans surprise en revanche, il n'avait rien reçu de la part de Noah. Pas qu'il s'en plaignait.
Malheureusement, sa correspondance ne suffisait pas à l'occuper toute la journée. Il fallait qu'il sorte et la brocante d'hiver organisée par sa ville chaque année avant noël était une parfaite distraction. D'habitude, il s'y rendait avec Emilia. Elle adorait y déambuler pendant des heures, ses cheveux pâles et ses yeux bleus délavés assortis au paysage blanc. Il ressentit une pointe de douleur au ventre en songeant que ça serait la première fois depuis l'arrivée d'Emilia dans la famille qu'il irait à la brocante sans elle.
Le silence commençait véritablement à devenir pesant – à tel point qu'il envisageait de faire le mur en sortant par la fenêtre de sa chambre – lorsque des coups résonnèrent contre la porte devant laquelle se tenait toujours sa mère. Elle sursauta.
- On attendait quelqu'un ? demanda-t-elle, surprise.
- C'est peut-être le voisin... Ou un des amis de Liam ?
- Ouvre, maman !
- Oui, oui...
Se recomposant un visage de femme d'intérieur respectable, elle ouvrit le battant avec un sourire avenant. Liam se pencha pour découvrir la personne qui venait leur rendre visite.
- Oh agent Fischer, s'exclama sa mère. Quelle surprise de vous voir !
- Mrs Cooper, je vous prie d'excuser ma visite à l'improviste. J'étais dans les alentours pour une enquête et je me suis dit que j'allais passer.
- Bien sûr... Hum, entrez, entrez.
Elle s'effaça pour le laisser passer et Liam avisa alors Hercules Fischer, le chef des Bureau des Aurors. C'était un homme large d'épaules et de haute stature qui paraissait encore plus grand à côté de Barbara Cooper et sa petite taille. Vêtu d'un long manteau certainement supposé à le faire passer inaperçu au milieu des Non-Maj', il avait surtout l'air mal à l'aise sans son uniforme réglementaire. D'après ce que Liam avait pu récolter comme information, Fischer descendait d'une famille prestigieuse d'Aurors puisque son ancêtre, Wilhelm Fischer, avait fait partie des douze premiers Aurors du MACUSA à la fin du XVIIe siècle. Il avait donc été en quelque sorte prédestiné à ce métier et avait réussi son intégration avec brio avant de monter les échelons jusqu'à devenir le chef du Bureau en début d'été. Pile au moment de la disparition d'Emilia. Autant dire que l'opinion publique lui avait mis la pression et que son manque de résultat n'arrangeait rien.
- Mr Cooper, Liam, salua-t-il en entrant dans le salon.
Son père se leva.
- Agent Fischer, ravi de vous revoir. Vous avez de nouvelles informations ?
- Un nouveau témoin potentiel, oui. C'est pour ça que je viens vous voir.
- Dites-nous, s'empressa de dire sa mère en tirant une chaise vers lui. Nous vous écoutons.
Il la remercia d'un hochement de tête.
- Comme vous le savez, c'est assez difficile de retracer les évènements du 4 juillet dernier une fois que votre fille a quitté ses amis pour rentrer. Nous avons essayé de retrouver les personnes présentes aux fêtes en plein air organisées ce soir-là, mais il est certain qu'il nous manque des noms. Cependant une des amies d'Emilia que nous avons réinterrogées se souvient avoir vu plusieurs personnes au cours de la soirée. Des voisins pour la plupart ou des habitants de la ville.
- Et vous pensez qu'ils auraient pu voir quelque chose ? devina son père.
- C'est une possibilité. Il est difficile de savoir si la disparition d'Emilia est d'origine magique ou Non-Maj' donc nous aimerions quand même interroger ces personnes. J'ai apporté la liste. Si vous les connaissez, cela pourra nous faire gagner du temps.
- Bien sûr, nous pouvons vous aider.
Fischer parut reconnaissant et plongea la main dans sa veste pour en sortir un morceau de parchemin. Ses parents haussèrent un sourcil devant ce papier étrange auquel ils n'étaient pas habitués avant de se pencher pour lire ensemble. Liam se positionna derrière eux. Sur la liste, il repéra essentiellement des noms de gens du quartier qu'il connaissait plus ou moins de façon proche depuis l'enfance. Rien d'étonnant à ce qu'ils aient été présents à la fête du 4 juillet.
- Vous voudriez aller les interroger quand ? demanda-t-il brusquement.
- Le plus tôt possible.
- Si vous voulez, Mrs Callister tient un stand à la brocante d'hiver chaque année. J'allais y aller. Je peux vous emmener ?
- Liam...
- Quoi ? Si j'y vais avec le chef du Bureau des Aurors c'est pas encore assez pour toi ?
Sa mère lui jeta un regard de reproche, gênée, mais Fischer ne s'en formalisa pas.
- Ca rentabilisera ma matinée, avoua-t-il. Ça me va. En attendant, vous pourriez me noter les adresses ou les contacts des personnes que vous connaissez sur cette liste ?
- On vous fait ça tout de suite, assura son père. Aucun problème.
- Merci beaucoup. Je reviendrai la prendre avant de repartir.
Sur ces mots, Fischer se releva et Liam s'empressa d'enfiler ses baskets avant que sa mère ne change d'avis. De toute façon, elle était déjà plongée dans la liste, l'air concentré. Il ne put s'empêcher d'être soulagé : se rendre utile était la meilleure chose qui pouvait lui arriver et peut-être qu'elle irait un peu mieux après.
Accompagné de l'Auror, il sortit donc enfin de la maison et inspira une grande goulée d'air frais, presque brûlante tant elle était froide. Il pressa le pas presque immédiatement pour mettre le plus de distance possible entre lui et sa maison. Hercules Fischer le héla dans son dos :
- Eh gamin, ralentis ! Tu vas finir par glisser sur le verglas.
- Je ralentirai quand on sera à la brocante. Avant ça, ma mère peut toujours nous rattraper et m'enfermer dans ma chambre. Je ne prends pas le risque !
- Et bien fais-le quand même pour mes jambes de senior qui n'arrivent pas à suivre.
Liam jeta un regard par-dessus son épaule.
- Vous êtes pas censé être un agent surentraîné ?
- Tu as toujours réponse à tout ?
- La plupart du temps. Les gens ont tendance à me dire que c'est agaçant.
- Les gens ont raison, grommela Fischer en revenant à sa hauteur.
Il haussa les épaules. Ça faisait longtemps qu'il avait appris à ignorer ce genre de commentaires : trop bavard, trop extravagant, trop flamboyant. En junior, quand il était arrivé à Ilvermorny, Enjolras ne pouvait pas le voir et ça avait causé des tensions dans le dortoir. Ses professeurs le trouvaient dissipé et ses camarades oscillaient entre agacement et amusement à son égard. Il venait juste de se découvrir une passion pour la photo et avait peut-être tendance à mettre son objectif sous le nez de tout le monde. Wilde avait piqué une crise quand il l'avait pris en photo à la sortie de la douche sans faire exprès, même s'ils avaient fini par en rire. Le fait qu'il entre au club de journalisme et qu'il rencontre Aileen avaient de toute façon eu un effet apaisant, puis son amitié avec Noah, qui avait un an de plus que lui, s'était traduit par un certain respect de la part de ses camarades. Ça ne les empêchait pas de se moquer de lui pour son attitude un peu trop enthousiaste ni de le traiter de plusieurs noms. Certains avaient même commencé à dire qu'il était pédé et c'était à ce moment là que Liam avait décidé de changer ou plutôt de retourner les insultes en avantage. Il était hors de question que des rumeurs de ce genre commencent à circuler sur lui et il avait même manquer d'en venir aux mains avec Noah quand il avait osé aborder le sujet. A partir de là, il avait retourné la situation vis-à-vis des autres : ils ne subiraient plus les moqueries, ils s'en empareraient pour rebondir. Il avait fait de l'humour son arme, sa façade, son rapport aux autres. Et ça avait fonctionné. Petit à petit, ses camarades avaient vite oublié les rumeurs qui le disaient pédé – il grimaça rien qu'en y repensant par Morgane – et avaient commencé à le trouver simplement sympa et drôle. Le gars cool. Sa dispute avec Noah avait fait le tour d'Ilvermorny et d'un coup ils avaient été nommés ennemis, renforçant son aura de gars capable de tenir tête à quelqu'un comme Noah Douzebranches. La seule constance dans ce changement d'image à mesure qu'il grandissait avait été Aileen, infaillible à ses côtés. Elle semblait ne jamais être trompée par ses blagues ou ses remarques spirituelles. Aileen restait fidèle à elle-même.
Déjà tendu à cause de sa mère, il s'agita en repensant à cette époque et plongea sa main dans la poche de sa veste pour en sortir son paquet de cigarette. Fischer lui lança un regard réprobateur.
- Sérieusement gamin ?
- Quoi ?
- T'as quoi ? Seize ans ? C'est illégal chez les Non-Maj' je suis sûr.
- Allez dire ça au buraliste là-bas, répliqua-t-il en désignant le petit tabac de la ville qu'il avait toujours connu. Il me les vend sans problème.
Fischer secoua la tête, exaspéré.
- T'as conscience d'être avec un Auror, pas vrai ? dit-il avec une touche de menace.
- Et alors ? Vous êtes passé d'arrestation de mage noir à répréhension pour tabagisme chez les jeunes ? (Par pure provocation, il tira une bouffée avant de se tourner vers l'Auror). Vous avez vraiment rien de mieux à faire ? Genre, retrouver ma sœur ?
Le coup était facile, mais mordant. Il fit son effet. Mâchoire contractée, Fischer se passa une main sur le visage.
- Crois-moi, gamin, j'essaye depuis des mois...
- Et bah essayez mieux ! Elle doit bien être quelque part, on ne se volatilise pas comme ça un soir de 4 juillet alors que toute la putain de ville était dehors ! Les voisines sont pires que des caméra de surveillance ici !
Sa colère ne parut même pas atteindre Fisher qui devait avoir l'habitude de gérer des choses bien plus impressionnantes qu'un adolescent de seize ans et il se contenta de froncer les sourcils.
- Des caméras ? répéta-t-il, perplexe.
- Une invention Non-Maj', laissez tomber... Y'en a même pas ici, c'est juste à New York.
- Ah je vois.
En vérité, Fischer avait l'air de ne pas voir du tout, mais Liam n'insista pas. Il n'était pas d'humeur. Il reprit une bouffée de sa cigarette et rejeta la fumée devant lui. Elle se mêla à son souffle chaud dans l'air glacé.
- A vrai dire, reprit Fischer d'un ton faussement dégagé, je suis content de pouvoir reparler avec toi, Liam. On s'est vus que deux fois après la disparition d'Emilia, mais je me disais que peut-être tu avais appris des choses depuis ton retour à Ilvermorny ?
- Des choses ? Comme quoi ?
- Je ne sais pas, peut-être que certains élèves ont laissé échappé quelque chose ou seraient venus te parler.
- Vous avez déjà interrogé les amies d'Emilia.
- C'est pour cela que je parle des « gens » en général. Je me souviens assez d'Ilvermorny pour savoir que tout le monde connait tout le monde. Et Emilia avait peu d'amis à part les filles de son dortoir. Ma question est légitime, tu ne trouves pas ?
Fischer lui envoya un regard équivoque et Liam tenta de pas avoir l'air autant sur la défensif. Il n'arrivait pas à arrêter de penser à leur salle de classe vide dans laquelle mijotait une potion pour un contre-rituel d'une complexité rare. Et ce n'était que la première d'une longue série qui impliquait aussi des sortilèges et des sorts que seuls un génie en la matière, comme Julian Shelton, pouvait comprendre. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il ait réussi à embarquer – souvent malgré lui – autant de ses camarades dans toute cette histoire de maître-chanteur. Aileen, ce n'était pas surprenant. Elle était infaillible, il l'avait déjà dit. Julian, c'était déjà plus étonnant. Il ne connaissait ce gars que depuis quelques mois et pourtant il s'était intégré dans leur groupe avec une facilité et un naturel déconcertants. Julian et son accent anglais, son goût obsessionnel pour le thé, sa capacité à déchiffrer des sortilèges complexes, ses crayons qu'il laissait traîner partout dans le dortoir... Liam devait l'avouer, il en était venu à le considérer comme son ami et découvrir ce qui était arrivé à sa mère n'avait fait que renforcer ce sentiment. Pour le reste du groupe... Leur présence était vraiment surprenante à tous les égards. Il n'aurait jamais cru être impliqué dans quoique ce soit avec Noah Douzebranches à nouveau, ni faire équipe avec les deux autres membres de la Clique Royale, à savoir Othilia et Théa. C'était surréaliste. Et pourtant, là encore, ils s'étaient tous révélés d'une aide précieuse. Il avait surtout travaillé avec Othilia qui, grâce à son père, avait de solides connaissances en Potions. Liam l'admirait pour ça. Rien ne l'avait prédestiné à être doué en cette matière. Tout le monde s'était même attendu au contraire : il fallait être précis, minutieux, concentré et un peu enfermé dans son monde pour être doué en Potions. Liam n'avait clairement pas le profil, mais il avait trouvé dans cette discipline un ancrage, comme une manière de canaliser son énergie et de montrer qu'il était capable de bien faire. Les Potions, c'étaient ce qui ressemblaient le plus à de la science et de l'environnement Non-Maj' dans lequel il avait grandi. Il n'avait jamais brillé par sa puissance magique et les Potions lui offraient la possibilité de se démarquer grâce au sens de l'effort et à la débrouillardise. Cet instinct, Othilia l'avait aussi : elle travaillait intelligemment et c'est ce qui faisait d'eux une bonne équipe.
Avec un temps de retard, il réalisa soudain qu'il avait dû rester silencieux trop longtemps et Fischer se râcla la gorge pour le lui indiquer.
- Désolé, marmonna-t-il. Hum, non rien de nouveau. Les gens évitent de venir me parler d'Emilia si vous voulez tout savoir.
- Si tu es autant sur la défensive en même temps...
- Quoi ? Vous allez aussi me dicter comment réagir à la disparition de ma sœur ? C'est à vous de faire votre boulot !
- Et pour ça j'ai besoin de tous les témoins possibles. (Il releva les yeux vers les stands qui commençaient à apparaître). Bon, Mrs Callister ? Tu sais où elle est ?
Tendu, Liam donna un coup de pied dans le vent puis indiqua le grand hall en fer qui abritait d'ordinaire le marché du dimanche.
- Sûrement par là. Elle tient le même stand chaque année. Venez.
Le bruit de la neige crissant sous lui, il s'engouffra dans le hall ouvert où les gens de la ville déambulaient entre les tables installées de façon précaire, englouties sous des montagnes de choses aussi inutiles que pittoresques. Ça et là, il repéra un vieux téléphone – du genre celui que ses grands-parents avaient encore – et un peu plus loin son ancienne voisine, qui avait déménagé en périphérie de la ville, vendait tous les vêtements de bébé de sa fille. Il se rappelait vaguement d'elle parce qu'elle avait l'âge d'Emilia et étaient amies avant Ilvermorny. Pour le reste de la ville, les Cooper envoyaient leurs enfants dans un internat privé du Massachussetts, ce qui leur avait valu le surnom des « nobles » dans leur dos. C'était surtout d'une ironie criante puisqu'ils n'avaient en réalité pas beaucoup de moyens... Son père travaillait à l'usine d'une compagnie de chemin de fer pas très loin et sa mère avait arrêté de travailler lorsqu'il était né avant de prendre un poste de secrétaire quand il était lui aussi parti pour Ilvermorny.
Soudain, il repéra enfin le brushing et la teinture de Mrs Callister un peu plus loin. Elle se tenait derrière un énorme canapé à fleurs sur lequel elle venait de mettre une étiquette pour indiquer un prix de 30 dollars. Il fit signe à Fisher.
- Elle est juste là, dit-il. Vous... vous allez lui parler ?
- C'est le principe, oui. Reste derrière moi, ne te fais pas remarquer, d'accord ?
Cette fois, ce fut l'Auror qui passa devant. Avec sa large carrure et son long manteau, il détonnait dans la brocante d'hiver d'une petite ville de l'Oregon, mais les gens étaient trop occupés à faire des affaires pour s'en soucier vraiment.
- Mrs Callister ? appela-t-il.
- Oui ?
Surprise, elle se retourna et Fisher inclina la tête poliment.
- Bonjour, Hercules Fischer, se présenta-t-il d'une voix ferme. Je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous déranger en pleine brocante, mais je suis l'enquête en charge de l'affaire Emilia Cooper. J'aimerais vous poser quelques questions si ça ne vous dérange pas.
- Oh la petite Cooper ? Vous êtes de la police ?
- C'est cela.
Liam devait lui accorder : Fischer mentait bien. Mais après tout, Auror et policier n'étaient pas si éloignés. La nuance ne résidait que dans la frontière entre deux mondes.
- Bien sûr, je serais ravie de vous aider, accepta Mrs Callister en jetant un coup d'œil autour d'elle comme pour s'assurer que ses voisines la voyaient bien en train de prêter main forte dans une affaire si importante. Je vous écoute, inspecteur.
- Merci à vous, apprécia Fischer en sortant un calepin et un stylo. Tout d'abord, je peux vous demander où est-ce que vous étiez dans la nuit du 4 au 5 juillet ?
- Comme tout le monde ! J'étais dehors bien sûr. La ville organisait un banquet sur la place principale et puis il y avait les feux d'artifice. Je ne les manque jamais, c'est si beau ! Et je suis patriote vous savez, le 4 juillet c'est important.
Tout en faisant mine d'observer une collection de vieux vase sur la droite, Liam roula des yeux. Fischer, pour sa part, notait quelques mots mais il voyait bien qu'il n'avait pas l'habitude d'écrire sans plume et il retint l'impulsion de lui arracher des mains pour écrire lui-même.
- Et lors de cette soirée, vous avez vu Emilia Cooper ?
- Oh bien sûr ! Vous savez, on la voit si peu ici... Elle est toute l'année dans un internat quelque part, pauvre petite. Si j'étais sa mère, je n'arriverais pas à me séparer de mon enfant comme ça. Mais il faut croire que les Cooper ont l'argent pour le faire, ça change une famille je pense. (Elle plissa les yeux). Ils ont reçu une demande de rançon ?
A nouveau, Liam sentit l'agacement l'envahir. Il serra les poings le long de son corps.
- Je ne peux pas vous le dire, madame, répondit Fischer avec professionnalisme. Mais vous dites donc que vous avez aperçu Emilia ?
- Oui, c'est ça. Elle était avec des amies. Des filles d'ici. Comme je vous disais, elle n'est pas souvent là alors elles étaient contentes de se retrouver, je les entendais rire ! Et Emilia était très jolie ! Elle a toujours eu ses beaux cheveux blonds clairs, on ne voyait qu'elle. Je dois avouer que j'ai failli ne pas la reconnaître sans ça.
- Vraiment ? Pourquoi ?
- Oh et bien elle avait grandi, c'est certain. Mais elle avait aussi changé... de manière plus générale.
Devant cette observation, Liam redressa la tête en même temps que Fischer. Ce n'était pas la première fois qu'il avait entendu ce genre de choses. Les quelques témoignages des élèves de la promotion d'Emilia avaient ressortir la même observation. Winona Qaletaga, Zack Ledwell, Archer Grims... Ils avaient tous dit la même chose. Et ça agaçait Liam. Parce que lui n'avait rien vu. Emilia avait continué à être sa sœur, rien de plus. Alors certes ils se parlaient un peu moins mais il avait été occupé par le journal, ça ne voulait rien dire. Emilia n'avait de toute façon jamais été très proches de ses camarades faute de points communs. Et il ne savait pas s'il pouvait vraiment faire confiance aux jugements des autres. Winona était souvent lointaine, occupée à gérer les élèves de la réserve indienne dont elle venait elle-même ; Archer Grims se souciait plus de lui-même que de quiconque en bon sang-pur qu'il était ; et Zack Ledwell était trop occupé à penser Quidditch pour s'intéresser à autre chose en plus d'avoir des penchants bizarres pour d'autres gars. Il doutait qu'aucun d'eux ait vraiment connu sa sœur.
Pourtant, son changement de personnalité semblait revenir constamment dans les conversations. Si même Mrs Callister s'y mettait... Il ne savait pas quoi penser.
- Vous pourriez préciser ? pressa Fischer, l'air intéressé.
- Et bien je veux dire... Je le connais depuis qu'elle est petite. Depuis qu'elle est arrivée ici après que les Cooper l'aient adopté. Une enfant sage, réservée, polie. Elle avait de grands yeux clairs, c'était presque perturbant. (Mrs Callister secoua la tête). Enfin une jeune fille effacée en somme, même si des choses un peu bizarres lui arrivaient toujours à son frère et à elle. C'est l'institutrice qui me l'a raconté.
Liam grimaça. Les choses bizarres, ça, il voyait. Mais ça n'avait pas été de sa faute, ni celle d'Emilia, s'ils avaient eu du mal à contrôler leurs pouvoirs magiques plus jeunes. Il se souvenait encore de la fois où un de ses camarades avait fini dans la fontaine de la ville... comme par magie.
- Mais en dehors de ces... incidents... Vous avez dit qu'Emilia avait changé ?
- Oui, c'est cela. Ce soir-là, elle m'a paru différente, moins renfermée. Elle parlait aussi fort que ses amies et elle m'a même bousculé sans s'excuser pour avoir une place au premier rang du feu d'artifice !
- Je vois... Rien d'autre ?
- Non, je ne lui ai pas parlé. Mais elle est partie un peu plus tôt que ses amies, je crois.
- Oui, ses parents lui avaient demandé de rentrer chez elle à minuit.
Mrs Callister hocha la tête.
- Il devait être cette heure-là, oui... Elle est repartie à pied vers la mairie.
La main suspendue au-dessus d'une montre à gousset rouillée qu'il examinait distraitement, Liam se figea. Sans pouvoir s'en empêcher, il s'adressa directement à Mrs Callister.
- Vers la mairie ? répéta-t-il.
- Oh Liam ! sursauta-t-elle. Je n'avais pas vu que...
- On habite à l'opposé de la mairie. Pourquoi elle serait partie par-là ? Vous êtes sûre de vous ?
Elle jeta un regard nerveux vers Fischer qui lui fit signe de répondre, impatient.
- Et bien... oui, oui, je crois, balbutia-t-elle. Je croyais qu'elle était repartie avec toi parce que j'ai vu un homme l'attendre, mais j'ai dû me tromper, il ne devait pas...
- Un homme ? coupa Fischer. Quel homme ?
- Je ne sais pas. Je ne l'avais jamais vu et je n'ai pas pu bien le voir de toute façon. Il était grand et brun je crois, mais je ne pourrais pas vous en dire plus.
- Essayez de vous souvenir ! s'agaça Liam.
- Je suis désolée, je ne sais vraiment pas. Il est resté à l'écart. Quand Emilia l'a aperçu, elle est partie. Je vous dis, j'étais persuadé que c'était toi qui était venu chercher ta sœur pour la raccompagner. Maintenant que je te vois c'est idiot, tu ne lui ressembles pas mais comme je disais on vous voit si peu toi et ta sœur que j'avais oublié...
- Ce n'est pas grave, rassura Fischer. Vous nous avez beaucoup aidé, Mrs Callister. Je vous remercie.
Elle inclina la tête.
- Avec plaisir, dit-elle. Je vous l'ai dit, je suis patriote !
- Bien sûr.
- J'espère que vous la retrouverez, inspecteur.
- Moi aussi. Bonne journée, madame.
Liam aurait voulu rester là et interroger Mrs Callister pendant des heures, mais Fischer l'attrapa par l'épaule pour le forcer à s'éloigner. Il grogna.
- Attendez, vous ne voulez pas continuer à l'interroger... On peut...
- Non. Elle ne se souvient de rien de plus, on perdrait du temps. Par contre, je vais pouvoir interroger les autres témoins sur cet homme.
- Mais vous ne pourriez pas... Vous savez, voir dans sa mémoire...
Les épaules de Fischer se tendirent.
- Il me faudrait l'autorisation du MACUSA pour ça, murmura-t-il en veillant à ce que personne ne les écoute. Et c'est une pratique interdite sauf cas de force majeure. En fait, il faudrait qu'elle se souvienne plus précisément.
- Mais...
- Liam, c'est déjà une grande avancée. Ne t'inquiète pas, d'accord ? (Il soupira). Allez viens, je te ramène chez toi pour récupérer la liste de tes parents.
Liam serra les dents. Il aurait voulu protester davantage, mais il reconnaissait l'expression de l'Auror. C'était la même que sa mère ou ses professeurs quand ils avaient décidé de quelque chose. C'était l'expression des adultes qui disait clairement qu'ils savaient mieux que lui. Irrité, il jeta un dernier coup d'œil à Mrs Callister et il eut soudain une idée.
- Eh Fischer ? appela-t-il. Je laisse tomber si vous faites quelque chose pour moi.
- Quoi ?
- Vous voyez ce canapé à 30 dollars ? Si je l'achète, vous pouvez me le réduire par magie pour qu'il soit transportable ?
**
*
Assis sur les marches de sa maison, poing contre la joue, Matthew surveillait Spencer et Simon qui jouaient dans la neige à quelques mètres. Ou plutôt il surveillait l'avancée de Spencer à construire un bonhomme de neige avec application pendant que Simon restait assis sur sa couverture chauffante en essayant d'attraper les flocons qui tombaient autour de lui avec ses petites mains. Du haut de ses dix-huit mois, il avait déjà un air déterminé avec son petit nez froncé et Matthew sourit. Il n'avait pas eu l'occasion de beaucoup voir son petit frère depuis sa naissance et il devait avoué qu'il aimait l'observer pendant les vacances, toujours surpris par les changements qu'il constatait. Cet été encore, Simon ne marchait même pas.
Il s'apprêtait à héler Spencer pour lui suggérer d'aller chercher des boutons pour mettre des yeux à son bonhomme quand il repéra deux personnes qui remontaient l'allée. Il se leva d'un bond.
- Tante Lysa ! Tonton !
- Par Morgane, je repars tout de suite, menaça faussement Leonidas devant le surnom.
Matthew eut un rictus. Jusqu'au dernier moment, il n'avait pas été certain que sa tante pourrait venir les voir pour le nouvel an à cause de la fermeture des frontières côté américain, mais il fallait croire qu'être mariée à un ambassadeur avait ses avantages. Elle n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'il l'avait vu : même cheveux noirs de jais, héritage des Black, et même traits altiers qu'elle partageait avec sa mère. Leonidas, lui, était fidèle à lui-même dans son long manteau marine. Ses yeux bleu colbat se posèrent sur lui et Matthew dévala finalement les marches pour venir les accueillir.
- Bonne année, lui dit sa tante en passant un bras autour de ses épaules. Désolée pour le retard, on a été arrêtés plus longtemps que prévu à la frontière à cause de mon visa.
- Mais ça a été ? Vous pourrez repartir ?
- Normalement oui. Et puis si on reste coincé ici, on aura qu'à venir habiter avec vous, plaisanta Leonidas. Je suis sûr que tu seras ravi de nous laisser ta chambre, pas vrai ?
- Je serais ravi de vous laisser la remise avec un peu de chance, rétorqua-t-il.
Tante Lysandra lui donna une tape sur la tête.
- C'est comme ça que tes parents t'ont élevé ? réprimanda-t-elle avec un sourire. (Elle enleva son bras de ses épaules et ne lui laissa pas le temps de répondre). De toute façon, ce n'est pas toi que je venais voir. Où est mon neveu et filleul préféré ?
- Eh !
Mais elle ouvrait déjà les bras à Spencer qui se précipita vers elle. Elle déposa un baiser sur son front avant de l'observer en reculant d'un pas.
- T'as encore grandi, toi, observa-t-elle.
- C'est généralement ce que font les enfants, commenta Matthew derrière elle.
Elle soupira.
- Tu sais que tu n'es pas encore trop vieux pour te prendre un sort, hum ? Allez, va chercher Simon et rentrons. Le pauvre va finir par ressembler au bonhomme de neige.
- C'est moi qui l'ait fait ! annonça fièrement Spencer.
- On n'en doutait pas, dit Leonidas en prenant la main de sa femme. Matthew n'aurait jamais réussi un bonhomme de neige si parfait.
Matthew ne lui fit même pas le plaisir de répondre. Sûrement parce qu'il avait raison. Petit, il n'avait jamais eu la patience de construire ses bonhommes de neige et ses premières manifestations de magie avaient généralement été de faire voler la neige pour aller plus vite. Sa mère lui avait passé un savon, inquiète qu'un voisin ait pu l'apercevoir, mais personne n'était jamais venu se plaindre d'un gamin étrange qui faisait léviter la neige.
Se contentant de rouler des yeux, il attrapa Simon dans ses bras et emboîta le pas à sa tante et son oncle dans la maison. Son petit frère émit un son de protestation et tenta une ultime fois d'attraper les flocons, mais Matthew réajusta sa prise avant de rentrer au chaud.
- Allez mini botruc, dit-il, t'as passé assez de temps dehors. Ton nez ressemble à un glaçon rouge.
- Gaçon !
- Glaçon. Répète : glaçon.
- Gaçon !
Matthew secoua la tête en riant.
- Tu seras pas le plus intelligent de nous trois, écoute, c'est pas grave.
- Est-ce que t'es en train de te comparer à un bébé d'un an ? lui lança Leonidas, sourcil dressé alors qu'il enlevait son manteau pour révéler un costume gris anthracite parfaitement coupé.
Pour toute réponse, Matthew lui adressa un signe grossier de la main. Malheureusement pour lui, ses parents venaient juste d'entrer dans le hall en entendant le bruit et sa mère le fusilla immédiatement du regard.
- Matthew Leo Bones ! réprimanda-t-elle. Avec tes frères à côté !
- Désolé...
- Maman, ça veut dire quoi ? demanda Spencer en reproduisant le geste.
Horrifié, il se précipita vers son frère et lui attrapa la main pour le faire cesser pendant que Lysandra éclatait de rire. Sa mère soupira, exaspérée, et s'avança à leur hauteur.
- Lysa, je t'en prie, ne l'encourage pas.
- Quoi ? Ce sont tes fils, c'est toi qui les a élevé. Le blâme te revient.
- Ils ont un père aussi.
- Je me dédouane complètement.
- Papa ! Tu me renies ? lança Matthew, une main sur la poitrine.
Son père sourit. Il tenait sa pipe à la main et la pointa sur lui dans un geste familier.
- Tu ferais mieux de te faire oublier, toi. Et donne moi Simon, il a l'air frigorifié.
- Gaçon ! babilla-t-il joyeusement.
Avec plaisir, il se débarrassa de Simon et commença à enlever ses lourds vêtements d'hiver pendant que tout le monde passait au salon. Il allait suivre le mouvement lorsqu'il remarqua une lettre sur la commode de l'entrée avec son nom dessus. Intrigué, il l'attrapa et l'ouvrit en déchirant le papier sur sa longueur. Il reconnut l'écriture de Charity en une seconde. Un sourire certainement idiot aux lèvres, il se mit à lire.
Matt,
Tout d'abord, bonne année. J'espère que tu vas bien depuis la dernière fois qu'on s'est vus et que tes frères ont apprécié leurs cadeaux. En tout cas, j'ai bien reçu le tien et je voulais juste t'écrire pour te remercier. Je ne pensais pas que tu aurais retenu que j'aimais Queen et encore moins que tu arriverais à acheter leur dernier album sans te tromper. Tu m'impressionnes !
Ne crois pas que je t'ai oublié pour autant. Je pensais simplement te donner ton cadeau à la rentrée : ça te fera une raison d'attendre la fin des vacances pour une fois. Et il est possible que ton cadeau soit livré avec un baiser si je suis d'humeur généreuse.
A bientôt,
Charity.
La lettre était courte mais efficace dans le pur style de Charity et Matthew sourit un peu plus. D'après l'intensité du trait d'encre sur la dernière phrase, il voyait bien qu'elle avait hésité à l'écrire et il se l'imagina en train de se demander si leur joute verbale sur l'aspect plus...physique de leur relation passerait bien à l'écrit. En tout cas, elle avait réussi son coup : il avait effectivement hâte de la revoir, aussi bien pour le baiser que pour ce fameux cadeau surprise.
En vitesse, il monta dans sa chambre pour ranger la lettre. Il allait redescendre les escaliers quand il s'aperçut que plusieurs personnes étaient revenues dans le hall. Par instinct, il s'immobilisa près de la rambarde en reconnaissant ses parents et une femme blonde qui venait tout juste d'arriver.
- Edgar sérieusement... Maintenant ? était en train de dire sa mère, visiblement contrariée. C'est le nouvel an, Leonidas et Lysandra viennent d'arriver.
- Je sais, je sais. J'en ai pour une seconde, va avec eux et j'arrive.
- Ca ne peut pas attendre ?
- Je ferai vite, Mrs Bones, assura la femme blonde avec un ton d'excuse. Je suis désolée, c'est juste... urgent.
- Comme d'habitude.
- Cassie, s'il te plait.
Vaincue, sa mère leva les mains, non sans se départir de son air agacé. D'expérience, Matthew n'aurait pas aimé être à la place de son père et de la femme. Il veilla à se baisser derrière la rambarde alors que sa mère repartait dans le salon et se mit à écouter, poussé par la curiosité.
- Désolée, si ça avait pu attendre demain, je ne serai pas venue, s'excusa à nouveau la femme. Mais il fallait que je vous vois.
- Ce n'est rien, McKinnon, je comprends. Dis-moi tout.
Surpris, Matthew se décala pour jeter un œil dans le hall. Il n'avait pas bien vu avant, mais c'était pourtant évident. Avec stupeur, il reconnut soudain Marlène McKinnon, une ancienne camarade de Gryffondor qui avait été diplômée il y a quelques années. En même temps que James Potter s'il se souvenait bien... A sa décharge, McKinnon avait changé. Il se souvenait vaguement d'une fille timide à la frange blonde et au corps rond. L'entrée dans l'âge adulte l'avait transformé : même si ses cheveux avaient poussé, elle avait le visage dégagé et se tenait droite ; elle avait perdu du poids ; et surtout elle arborait aujourd'hui une impressionnante coupure sur le front.
- C'est au sujet d'hier soir... Maugrey m'a demandé de venir vous faire un rapport pour vous tenir au courant si jamais la Gazette, les Aurors ou le Ministère venaient vous demander d'étudier le dossier.
- Ils ne feront rien avant demain, tout le monde est en famille.
- C'est ce que je me disais, mais vous connaissez Maugrey.
Son père soupira.
- Je vois... Et pourquoi il t'envoie toi ? Où est passé Potter ?
McKinnon grimaça. D'un geste mécanique, elle toucha la coupure qui lui barrait le front et tressaillit. Matthew se colla un peu plus à la rambarde pour écouter.
- Il n'était pas en état de venir, avoua-t-elle finalement. Cheville cassée et plusieurs sorts au niveau du torse. Lily s'occupe de lui.
- Merlin... Et les autres ?
- Ca aurait pu être pire. Fabian est à Ste-Mangouste, Peter aussi... Alexia a fait une crise assez sérieuse, elle est en soin intensif mais elle devrait se remettre.
- Elle n'aurait jamais dû se retrouver là-dedans, grommela son père. Mais je suppose qu'elle n'a pas voulu rester en arrière ?
- Non. Et pour tout dire, elle a été utile. On n'était pas assez nombreux sans vous ni Emmeline ou Benjy. Même Caradoc n'était pas là.
- Ils savaient quand frapper... Tout le monde était occupé à fêter le nouvel an et ils en ont profité ! (D'un geste rageur, son père tira sur sa pipe). Et Cassidy ? C'est toi qui l'a ressorti des tunnels ?
McKinnon se raidit une seconde. Matthew, lui, se demanda bien de quels tunnels il pouvait bien parler. Toute cette conversation était étrange, mais une image se formait dans son esprit grâce aux éléments qu'il avait déjà recueilli depuis presque un an. Ils devaient parler d'un affrontement avec les mangemorts. Un affrontement entre les mangemorts et le fameux Ordre du Phénix dont personne ne pouvait vraiment parler, mais dont la rumeur commençait à prendre de l'ampleur. Et si Potter en faisait partie, ce n'était peut-être pas si étonnant que McKinnon en soi également.
- Oui, c'est moi qui l'ai sorti, répondit-elle d'une voix que Matthew jugea étrange. Sirius l'a fait transplaner à Ste-Mangouste une fois que Carrow ait rappelé les autres... Je pense qu'ils ont eu pas mal de dommages eux aussi. Les tunnels étaient tellement étroits, c'était le chaos complet là-dedans.
- C'est ce qu'ils voulaient. Ils ne vous ont pas attiré dans le métro pour rien. Ces idiots n'avaient juste pas prévu que ça se retournerait contre eux.
- Non, je crois qu'ils n'avaient plutôt pas prévu qu'on soit si nombreux. On fêtait le nouvel an ensemble, c'est pour ça. Ils pensaient sûrement qu'on serait au moins deux fois moins là-dessous.
Matthew écarquilla les yeux. Le métro ? Les tunnels ? Merlin, s'ils avaient dû se battre contre des mangemorts dans le labyrinthe des souterrains londonien, ce n'était pas étonnant que ça soit si grave.
- Sûrement, acquiesça son père, songeur. Bon à part ça, d'autres choses à signaler ?
- Pas grand-chose de plus, non. Tout est dans le rapport. Maugrey a bien dit de...
-... de le détruire après lecture, je sais. Merci McKinnon. Je passerai au QG demain pour évaluer les dégâts. En attendant, fais profil bas. Il ne faudrait pas que ça prenne trop d'ampleur, pas après le fiasco des Archives Magiques.
- Ca devrait aller. Le Ministère ne veut pas répandre la panique, je ne pense pas que la Gazette s'étende dessus. Et contrairement aux Archives, ils n'ont aucune preuve de notre implication cette fois. Ils ne pourront rien dire.
- Que Merlin t'entende. Allez, file. Tu as une famille à retrouver.
Matthew retint un rire incrédule. C'était riche venant de lui. Pourtant McKinnon obtempéra et il entendit la porte se refermer, puis les pas de son père qui s'éloignaient dans le salon. Il resta prostré quelques secondes, le temps d'assimiler tout ce qu'il venait d'entendre. S'il avait encore eu besoin d'une confirmation, il venait de l'avoir. Son père faisait bien partie de l'Ordre du Phénix et collaborait avec plusieurs personnes dont Alastor Maugrey, le patron de sa mère, James Potter et Marlène McKinnon. Il avait entendu d'autres noms à la volée, comme Alexia Cassidy, Sirius Black, Lily Evans, les frères Prewett... Il s'en était de toute façon douté. Apparemment, ils avaient dû se battre dans le métro de Londres contre des mangemorts, même si la Gazette n'en avait pas parlé. La bataille n'avait pas du sortir de terre. Matthew s'en rappelait mal – il n'avait pas beaucoup lu les journaux à ce moment, trop occupé à soutenir Julian – mais l'Ordre avait commencé à faire parler de lui publiquement avec l'attentat des Archives Magiques. Jusque-là, la communauté sorcière avait vaguement eu conscience qu'un groupe de résistance s'opposait à la montée des mangemorts, mais cet évènement avait été le premier où la presse avait détaillé leurs actions de manière frontale. Sa mère ne s'était pas étendue sur le sujet, mais il se souvenait qu'elle en avait parlé à demi-mot avec son père : des personnes avaient aidé les Aurors sur les lieux à sortir des victimes et des employés coincés sous les décombres. Il n'avait pas voulu écouter pour ne pas imaginer le corps d'Aurelia Shelton enseveli sous les gravats et l'incendie qui avait suivi.
Perturbé, il redescendit les escaliers avec lenteur. Il décida de garder les informations dans un coin de sa tête pour en parler à son père un autre jour. Ce n'était pas le moment. En entrant dans le salon, il découvrit ses parents assis sur le canapé en face de Lysandra qui fumait en discutant et Spencer en train de jouer avec Simon sur le tapis. Dès qu'il le vit, Leonidas s'approcha.
- Tiens Matthew, viens voir, dit-il en lui faisant signe. J'ai quelque chose pour toi.
- Pour moi ?
- Oui, je prends mon rôle de hibou très à cœur.
- Ton rôle de... Oh !
Il s'interrompit lui-même en avisant le paquet que Leonidas lui tendait et il le lui arracha presque des mains avec avidité.
- C'est de Julian ?
- Non, c'est d'Isadora, se moqua sa tante. Evidemment que c'est de Julian.
- Il a aimé le pull ?
- Le pull Gryffondor tu veux dire ? Espèce d'idiot.
Matthew éclata de rire.
- Oh j'aurais aimé voir sa tête ! Au moins, je suis sûr qu'il a apprécié le carnet à dessin.
- Oui, ça il a aimé. Ouvre ton cadeau, tu vas voir.
Impatient, il s'exécuta sans attendre. La première chose qu'il découvrit fut une masse de laine informe d'une couleur orange criarde et il la leva devant ses yeux pour mieux l'examiner avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'un bonnet. Un bonnet orange.
- Qu'est-ce que c'est que ce truc ?
Pour que tout le monde voit bien, il le présenta devant lui.
- Je pensais que Julian aurait meilleur goût, commenta sa mère après quelques secondes, comme si elle voulait éviter de le froisser.
- Oh non, comprit-il soudain. Il l'a fait exprès. C'est sa revanche pour le pull.
- Tu le mérites un peu, s'amusa Leonidas. Vas-y, essaye-le.
Sous l'œil amusé des adultes, Matthew accepta de bonne grâce. Il enfila l'affreux bonnet qui devait sûrement jurer avec ses cheveux et écarta les bras en tournant sur lui-même pour que tout le monde puisse à nouveau profiter du spectacle. Ses parents rirent et tante Lysandra applaudit même.
- Magnifique ! s'exclama Leonidas.
Au sol, Simon émit un petit rire, amusé par l'agitation et Matthew le saisit à bout de bras pour le hisser contre lui.
- Tu te moques de moi, mini botruc ? fit-il avec une voix idiote. Hum ?
- Ah !
Les yeux fixés sur le bonnet, Simon tendit la main pour attraper le pompon qui pendait au-dessus de sa tête et Matthew le maintint à bonne distance.
- Non, non, c'est le mien. C'est le cadeau de Julian. Tu te souviens de Ju' hum ? Tu sais, il te faisait des dessins ?
- Ju'... babilla Simon.
- Ouais, Julian le traître.
- Tu as ouvert les hostilités, lui rappela tante Lysandra. A la limite, tu aurais pu lui offrir un pull aux couleurs de Serpentard.
- Serpentard ? Jamais !
Sa mère pointa un doigt strict vers lui.
- Eh, pas de préjugés dans cette maison, ordonna-t-elle. Et enlève ce bonnet, tu as l'air ridicule.
- Quoi ? Tu te moques aussi de moi ? Toi, ma propre mère ?
Elle roula des yeux alors qu'il enlevait le bonnet. Pendant une seconde, il contempla la laine orange et décida qu'il tenterait de le porter pour la rentrée. Finalement, il n'était pas si mal. Son jugement devait sans doute être lié au fait qu'il venait de Julian, mais il fallait croire qu'il était sentimental. Alors qu'il reposait Simon près de lui, il remarqua une feuille pliée dans le paquet et il s'en empara, curieux. Apparemment, le bonnet n'était pas le seul cadeau de Julian. Avec précaution, il déplia le bout de papier – celui à grain du carnet qu'il lui avait lui-même offert – et découvrit un dessin au fusain représentant Poudlard en fond avec deux silhouettes devant. Son cerveau mit une seconde à comprendre que c'étaient eux. Julian les avait représentés, un brin plus jeunes, comme s'il s'était inspiré d'une photo. Matthew se rappela qu'ils en avaient effectivement pris une à la fin de la deuxième année et que Julian l'avait gardé.
Derrière lui, Leonidas se pencha par-dessus son épaule.
- Tu avais demandé un dessin à revendre pour quand il serait célèbre, non ? Le voilà.
- Oui, c'est vrai... Cet idiot est devenu encore plus doué qu'avant. Je sais à peine faire un bonhomme en bâton par Merlin et il arrive à faire ça !
- Je crois qu'il s'entraîne pas mal, effectivement. Il me le dit dans ses lettres.
Matthew hocha la tête, toujours obnubilé par son cadeau. Il se demanda si Julian se plongeait davantage dans le dessin pour faire face à la mort de sa mère et son ventre serra en songeant qu'il se trouvait à un océan d'écart, sans qu'il puisse être là pour lui.
- Il est génial... murmura-t-il finalement. Je vais l'encadrer je crois.
- Content que ça te plaise, dit Leonidas. Et bonne année, mon grand.
- Merci tonton.
L'effet fut instantané : Leonidas grogna et s'éloigna.
- Lysa, on repart ! lança-t-il.
Et Matthew se contenta d'éclater de rire, son bonnet dans une main et son dessin dans l'autre.
*******************
Chapitre sans Julian pour une fois donc, mais essentiel tout de même ! J'ai beaucoup aimé l'écrire !
Je pense que vous reconnaitrez une référence à O&P évidente... Well j'avais promis de vous briser le coeur non ? (Perri, on est des génies ^^)
A dans deux semaines !
Prochain post : chapitre 28 - 25 octobre
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top