Chapitre 22 : Forcer la porte
Bonjour à tout le monde ! J'espère que tout va bien, surtout pour les personnes qui passent le bac en ce moment. Force à vous et bon courage ! N'hésitez pas à me tenir au courant ;)
Sinon, je vous remercie infiniment pour vos réactions au dernier chapitre, je ne m'attendais pas à autant de retours sur Albert le chaudron haha! Promis, sa popularité ne sera pas oublié !
Bonne lecture !
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Chapitre 22 : Forcer la porte
« Le culot force les portes pour arriver à ses fins. Le talent passe par celle de derrière. »
- Damien Berrard -
// 25 novembre 1979 //
- Eh Julian, tu peux venir voir deux minutes ? appela Théa. J'arrive pas à comprendre un truc dans ce chapitre.
- Je termine de ficher mon cours de Droit Magique, j'arrive.
Pour seule réponse, Théa agita la main et Julian se replongea dans sa lecture. Il avait l'impression qu'il était assis sur le sol dur et froid de leur salle de cours vide, baptisée Alberta en l'honneur de leur vieux chaudron tombé au combat, depuis des heures. Sans doute parce que c'était le cas. Entre le déchiffrage des couches de sortilèges qui composaient le contre-rituel avec Théa, il prenait des pauses révision qui faisaient lever les yeux au ciel à Liam à chaque fois. « Qui prend une pause pour travailler ? » disait-il à voix haute, l'air incrédule. La plupart du temps, Othilia réussissait à le faire taire en lui donnant des ingrédients de potion à couper. Pour ne pas risquer de perdre un doigt, il devait se concentrer un minimum et Julian était tranquille.
Le Droit Magique, l'option qu'il avait pris en début d'année, était peut-être la matière la moins familière pour lui depuis son arrivée à Ilvermorny. Il ne l'avait jamais étudié à Poudlard. Grâce aux Bones, historiquement une famille de juristes, il avait acquis les bases du système juridique britannique : comme tous les éléments composant le monde sorcier, la Justice et son système étaient regroupé dans un même département au sein du Ministère, le Département de la Justice Magique. Dans ce dernier évoluaient conjointement plusieurs Bureaux et Services, comme le Magenmagot – le tribunal sorcier – les Aurors, la Brigade de Police Magique, ou encore le Service des Usages Abusifs de la magie. Chacun avait un Directeur ou un Président à sa tête et le Département lui-même était dirigé par un Haut Directeur pour s'assurer du bon fonctionnement de l'ensemble. Il savait que la tante de Matthew, Amelia Bones, était actuellement en poste au service administratif du Magenmagot mais que son ascension était déjà discutée dans les cercles concernés. Ce n'était sûrement qu'une question de temps... Le père de Matthew, Edgar, était lui-même Haut Juge au Magenmagot et sa mère, Cassiopée, était Auror sous l'autorité d'Alastor Maugery en personne. Pour compléter le tableau, son oncle, Bartemius Croupton Sr était Directeur du Département. En repensant à cet homme distant et protocolaire qui lui avait serré la main le jour de la cérémonie organisée en l'honneur des disparus de l'attentat des Archives, il frissonna. La seule autre personne qu'il connaissait à la justice était évidemment Dumbledore lui-même puisqu'il était, en plus de sa fonction de directeur de Poudlard, Président-Sorcier du Mangenmagot. L'organisation du tribunal, plus haute instance juridique du monde sorcier, laissait cependant à désirer comparée à celui américain. Ça lui faisait mal de le reconnaître et pourtant il en avant la preuve sous les yeux.
Le Magenmagot était composé d'une cinquantaine de membres, choisis parmi les plus vénérables des sorciers et leur moyenne d'âge était de 87 ans. Autant dire que ce n'était pas encourageant. Leur élection était également loin d'être transparente : certains étaient choisis par le Ministre en personne, d'autres par le Président-Sorcier qui présidait le tribunal, et d'autres encore par cercle d'influence. Julian trouvait même étrange que Dumbledore puisse cumuler sa fonction de directeur de Poudlard et celle de Président du Magenmagot. En presque trois mois d'étude, il en avait assez pris pour comprendre que la justice du Magenmagot était une justice aristocratique, ce qui créait quelques problèmes, comme le fait que les conflits politiques et extérieurs pouvaient se retrouver traiter au sein du tribunal sans neutralité juridique. Le dernier exemple en liste – il l'avait lu dans un exemplaire de la Gazette qu'il avait reçu – avait été la libération Lucius Malefoy, accusé de soutien à la magie noire. Il était ressorti du tribunal au bras de sa jeune femme, triomphant, et Julian se souvenait encore de la tête patibulaire d'Alastor Maugrey en arrière-fond. Il n'avait ensuite plus suivi l'affaire, mais même si les journalistes ne disaient rien, il n'était pas difficile de comprendre que l'influence de Malefoy avait suffi à le faire innocenter. Contrairement aux Etats-Unis, aucune présence d'avocat professionnel n'était requise non plus et Julian n'arrivait pas à comprendre comment le système juridique sorcier avait pu continuer à évoluer sans intégrer cette fonction primordiale. Pourtant, un accusé avait le droit de faire assurer sa défense par n'importe qui avec des connaissances en droit. Lucius Malefoy ne s'en était pas privé en prenant à ses côtés Caesar Yaxley, redoutable homme d'affaires qui connaissait les subtilités juridiques comme personne.
Chez les Américains, tout était différent. Ils avaient bien plusieurs Départements au sein du MACUSA et chacun avait à sa tête un Gouverneur, mais ce dernier était indépendant du pouvoir exécutif. Le Président du MACUSA ne pourrait ainsi jamais siégé à une audience du Tribunal Suprême, tout comme ses secrétaires d'Etat. Les Gouverneurs de Département n'avaient pas non plus le droit de cumuler les mandats et devaient se retrouver lors de trois sessions par an, appelées le Conseil des Gouverneurs, pour mettre en commun les retours, les idées, et les problèmes de leur Département respectif. Et même si leur système n'était pas parfait ni aussi élaboré que celui des moldus, il était déjà plus égalitaire.
Annotant un passage dans la marge d'une écriture serrée, Julian sauta le chapitre suivant sur les différences mineures entre les Etats Américains et parcourut le récapitulatif des plus grandes lois en vigueur. La loi Rappaport, même si elle n'était plus appliquée, avait le droit à un chapitre entier et il se fit une note mentale pour y revenir plus tard. En attendant, il tenta de retenir la liste sous ses yeux.
1689 : Instauration du Code International du Secret Magique dans le monde.
1693 : Création du MACUSA et du Département de la Justice suite à l'affaire des sorcières de Salem.
1694 : Grand Procès des Ratisseurs durant lequel cent trente huit Ratisseurs furent condamnés collectivement par le Tribunal Suprême et son jury populaire.
1701 : Entrée en vigueur de la primauté du Code de Lois National sur les législations instaurées dans les Etats fédéraux.
1710 : Ouverture du droit de vote à tous les sorciers non issus des Douze Familles Fondatrices.
1722 : Premier Accord avec le Ministère de la Magie du Royaume-Uni assurant la nationalité américaine immédiate aux immigrants.
1735 : Création du Bureau des Aurors sous sa forme connue actuelle.
1742 : Deuxième Accord avec le Ministère de la Magie du Royaume-Uni assurant la libre disposition des terres sorcières aux Etats-Unis.
1750 : Reconnaissance officielle de la peine de mort en tant que sentence juridique par le Tribunal Suprême.
1783 : Déclaration d'Indépendance du MACUSA par rapport au Royaume-Uni et au pouvoir du Ministère de la Magie.
1784 : Nomination du premier Président du MACUSA dont l'autorité plénière est reconnue sans ingérence de la part du Ministère de la Magie britannique.
1790 : Loi Rappaport [cf. chapitre III].
1801 : Loi des Bonnes Mœurs interdisant le divorce, les pratiques sexuelles déviantes, les publications ou représentations à caractère pornographique.
1863 : Traité de neutralité voté par le Tribunal Suprême pendant la guerre de Sécession.
1875 : Reconnaissance du Dragot comme monnaie unique américaine.
1901 : Loi Wilkinson en faveur de l'accueil des immigrés irlandais.
1908 : Droit de vote accordé aux sorcières.
1914 : Traité anglo-américain de non-intervention dans la Grande Guerre Non-Maj'.
1917 : Rupture du Traité et envoie d'aides en Europe dans le respect du Secret Magique.
1921 : Ouverture d'Ilvermorny aux pays frontaliers des Etats-Unis ayant ratifié la Convention de New York.
1929 : Krach boursier et chute du Dragot entraînant un plan de relance économique sur dix ans.
1932 : Autorisation du divorce.
1942 : Fermeture des frontières américaines en raison des diverses menaces – Non-Maj' et sorcières – en Europe.
1943 : Signature du Traité de Washington pour établir une coopération entre le MACUSA et le Ministère britannique dans la lutte contre le nazisme et le mage noir Grindelwald.
1950 : Dépénalisation des pratiques sexuelles déviantes, aussi connues sous le terme Loi des Mauvaises Mœurs. L'homosexualité est désormais considérée comme un trouble mental par le Conseil National des Guérimages.
1965 : Abrogation de la Loi Rappaport.
1971 : Abolition de la peine de mort pour les délits par le Tribunal Suprême. L'emprisonnement à perpétuité est désormais requis en tant que peine la plus lourde. Elle demeure en vigueur pour les crimes les plus importants.
De la pointe de sa plume, Julian suivit les différentes lignes pour essayer de mieux les mémoriser. Presque inconsciemment, il ralentit son geste au niveau de la date de 1950. Le loi des Mauvaises Mœurs... Elle faisait directement écho à celle des Bonnes Mœurs qui avait interdit sous peine judiciaire le divorce ou les relations homosexuelles – personne ne s'y était trompé, c'était bien ce qu'avait désigné le terme « pratiques déviantes ». Elle aurait dû être considérée comme une amélioration. Julian ne savait pas vraiment quoi en penser. Sous des termes différents, la même pratique judiciaire était en vigueur en Angleterre, même s'il s'agissait davantage d'une culture commune que d'un véritable texte légal. Pourtant, à mesure que ses yeux s'attardaient sur la ligne, il sentit un sentiment de malaise et d'angoisse monter en lui.
Préférant mettre son cours de Droit Magique de côté, il se leva pour aller rejoindre Théa.
- Désolé, c'est bon, dit-il d'une voix au timbre étrange en se penchant par-dessus son épaule. (Il s'éclaircit la gorge). T'avais besoin de moi ?
- Non, j'ai résolu le problème. Je m'étais trompée dans un déchiffrage de runes, c'est tout. Par contre, je crois qu'eux ont besoin d'un coup de main.
Elle désigna Othilia et Liam de la pointe de sa baguette. Ils étaient tous les deux penchés au-dessus de leur chaudron, sourcils froncés, Othilia tournait frénétiquement les pages de son carnet. Aileen dû sentir l'agitation depuis son côté de la pièce :
- Qu'est-ce qui se passe ? fit-elle en relevant la tête. Un problème ?
- Non.
- Oui.
Les réponses de Liam et Othilia se télescopèrent et ils échangèrent un regard.
- Possiblement, nuança-t-elle après quelques secondes.
- Mais encore ? pressa Théa, bras croisés.
- Il se pourrait qu'on ait sous-estimé la capacité d'absorption de l'algue péruvienne... La potion a du mal à réduire. Ça devrait aller plus vite normalement.
- Et alors ? Qu'est-ce que ça fait si ça ne va pas assez vite ?
- Les ingrédients ne se mélangent pas complètement et perdent de leurs effets, expliqua Liam, l'air soucieux. Si ça loupe, on devra la recommencer. Encore.
Dans ce simple mot, Julian entendit toute sa frustration et il ressentit un élan de pitié pour lui.
- Et vous ne pouvez pas ajouter plus d'algues péruvienne ? suggéra-t-il. Pour renforcer l'absorption ?
- On aimerait bien, acquiesça Othilia. Mais c'était notre dernière plantation.
- Quoi ? Plus personne n'en a dans son nécessaire à Potion ?
Liam et Othilia secouèrent la tête de concert. Pendant un instant, le silence flotta entre eux, rempli d'incertitudes. Julian contempla le chaudron qui bouillonnait sur le feu. S'ils échouaient à nouveau à réaliser cette potion, leur retard commencerait vraiment à devenir préoccupant. Il ne savait pas combien de temps il pouvait convaincre Liam de rester calme et d'accepter leur aide avant qu'il ne soit reprit de cette colère sourdre qui l'habitait et il ne pouvait pas le lui reprocher. Incertain, il s'adressa à Othilia.
- Et... la réserve de ton père ? dit-il avec espoir. Tu crois qu'on pourrait... ?
- Non, on ne peut pas juste aller voler des ingrédients. J'ai déjà pris dans ce qu'il m'avait donné pour réviser. On ne peut pas piocher dans sa réserve.
- Pourquoi ? protesta Liam.
Othilia lui jeta un regard incrédule.
- Parce qu'il s'en rendrait compte ? dit-elle sur le ton de l'évidence.
- Il se rendrait compte du manque de deux ou trois algues péruviennes ? intervint Théa avec scepticisme.
- Je ne sais pas... mais sûrement.
- Sûrement ce n'est pas certain !
- Liam...
- Il n'a pas tort, soutint Aileen. Ça peut être notre seul moyen. Ou notre seul moyen rapide du moins. On ne peut pas attendre la prochaine sortie au Village.
Pendant une seconde, Julian considéra de leur parler du passage secret dans le mur d'enceinte, mais il ravala ses mots avant même d'y avoir vraiment songer. Il ne voulait pas avoir à expliquer comment il connaissait ce passage alors même qu'il venait d'arriver à Ilvermorny, ni que Noah lui avait montré quand ils avaient passé Thanksgiving ensemble. Ce qu'il n'avait raconté à aucun de ses amis... Heureusement, personne ne parut remarqué son moment d'hésitation et l'attention resta focalisée sur Othilia.
- Je n'ai pas les clés de la réserve, soupira-t-elle. On ne pourrait même pas y entrer.
- Ton père est en cours à cette heure-ci, non ? Il les a peut-être laissés dans son bureau ?
- Peut-être ce n'est pas certain, répliqua-t-elle en renvoyant sans compassion ses propres mots à la figure de Liam.
Julian ne put que l'admirer. Par soutien pour Liam, il garda pourtant une expression neutre en le voyant grimacer.
- Mais ça vaudrait le coup d'essayer, soutint Aileen. Qui ne tente rien n'a rien, non ?
- Forcer la réserve du prof de Potions qui se trouve être le père d'Othilia pour réaliser une potion potentiellement illégale sur les instructions d'un mystérieux corbeau ? résuma Théa. Vous allez faire voler en éclat mon image de fille de bonne famille en deux minutes ! (Un lent sourire se dessina sur ses lèvres). J'en suis !
Othilia soupira. Elle se passa une main sur le visage, sourcils froncés, et Julian pouvait presque voir les rouages de son esprit tourner à plein régime.
- Très bien, céda-t-elle finalement. Faisons ça. Théa et Julian, vous venez avec moi. On fait ça tous les trois.
- Quoi ? Non, je veux venir ! opposa Liam.
- Certainement pas. Tu es incapable de subtilité, Cooper. Je prends Julian avec moi, il sait réfléchir lui au moins. T'es trop investi émotionnellement dans toute cette histoire.
La pique était presque méchante, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'être d'accord avec elle à ceci près qu'il aurait placé Aileen dans cette mission de vol de réserve. Son seul fait d'arme en matière de transgression de règlement avait été de dépasser le couvre-feu une ou deux fois avec Hanna pour observer les étoiles ou d'utiliser le terrain de Quidditch réservé aux joueurs d'équipe pour aider Matthew. Vu comment le dernier cas s'était soldé par une chute de quinze mètres, il n'appelait pas ça une réussite.
- Et Théa ? Elle sait être subtile peut-être ? protesta Liam en la désignant d'un doigt accusateur.
- Oh si tu savais, répondit-elle, énigmatique.
Il lui décocha un regard agacé.
- On ne va pas passer trente ans à tergiverser, intervint Aileen. Les cours se terminent dans vingt-cinq minutes, vous devriez y aller maintenant pour récupérer la clé. On reste pour là pour continuer. (Elle se mordit la lèvre, l'air inquiète). Faites attention quand même...
Julian hocha la tête et lui fit un sourire pour tenter de la rassurer. Il ne parut réussir qu'à moitié. Sans plus attendre, ils attrapèrent leur baguette et ressortirent dans le couloir. Par réflexe, il se plaça derrière les deux filles et les laissa prendre la tête puisqu'il ne connaissait pas le chemin. De dos, elles offraient un contraste étrange : l'une longiligne et blonde, l'autre petite et brune. Pourtant, elles marchaient presque au même rythme avec une proximité que seule une longue amitié pouvait apporter. Il remarqua qu'Othilia serrait et desserrait les poings nerveusement le long de son corps.
- Ca va aller ? demanda-t-il en se sentant soudain coupable de l'entraîner là-dedans.
- Hum ? Oh oui, oui... Juste pas rassurée, mais ça ira.
Elle détourna la tête pour regarder droit devant elle. Pris par la curiosité, il hésita seulement quelques secondes avant de poser la question qui le taraudait depuis deux semaines :
- Pourquoi vous avez accepté ? De nous aider, je veux dire. Je sais que vous ne vous entendez pas vraiment avec Liam et Aileen, vous ne connaissez pas vraiment...
Othilia et Théa échangèrent un regard devant lui. Elles eurent l'air de se comprendre sans rien dire, comme il pouvait le faire parfois avec Matthew. Il n'avait pas réalisé à quel point cette manie pouvait être dérangeante quand on en était l'observateur extérieur.
- Je ne sais pas exactement, avoua Othilia avec honnêteté. Tu es venu me voir pour me demander de l'aide alors qu'on ne se connaissait presque pas, mais je savais que Noah t'appréciait et que Théa commençait à t'apprécier. (Elle donna un coup de coude à sa cousine quand celle-ci fronça le nez, indignée d'être ainsi dénoncée). Tu m'as fait confiance et je voulais en être digne, je pense.
- Oh...
Etrangement touché, il se retrouva à court de mots. Sous ce ressenti, il distingua pourtant aussi une touche de malaise dont il ne savait pas quoi faire et il se tourna vers Théa pour éviter de s'y attarder.
- Et toi ? relança-t-il, avide de réponse.
- Liam fait ça parce qu'il a perdu sa sœur. J'ai beau ne pas vraiment le porter dans mon cœur, je connais le sentiment. L'aider à la récupérer est la moindre des choses si les Aurors continuent à être incompétents.
D'un air aussi altier que son surnom de « reine des glaces » le suggérait, elle releva le menton pour planter son regard dans le sien et il frissonna. Comme à chaque mention de Théo, il ressentit la sensation d'une pierre au fond de l'estomac. Là encore, il ne trouva rien à répondre et il ralentit pour se retrouver à nouveau derrière elles. Heureusement, il ne leur fallut que quelques minutes pour arriver devant le bureau du professeur Fontaine et Othilia se glissa à l'intérieur avec la clé que son père lui avait donné. Comme il était un des rares professeur à ne pas habiter dans le château même, puisqu'il partait retrouver sa femme au Village chaque soir, il avait transformé ses appartements en double bureau pour qu'Othilia puisse travailler au calme. Une clé pour ouvrir une porte, mais aussi une clé pour la réussite donc. A travers cette simple action, Julian visualisait assez bien quel genre de père pouvait être Fontaine : exigeant et entrepreneur. Exactement comme Othilia l'avait décrit à la bibliothèque le jour où ils avaient parlé. Dès qu'elle ressortit du bureau, elle afficha un sourire et brandit un trousseau de clés.
- Je l'ai, annonça-t-elle avec soulagement.
- Génial, on se dépêche ! Allez !
Au pas de courses, ils remontèrent le couloir. Le bruit de leurs pas contre les dalles de pierre en grès et le tintement des clés semblaient résonner contre les murs. Ils s'arrêtèrent au bout devant une porte en bois à la banalité affligeante. Si les filles n'avaient pas été avec lui, il n'aurait jamais deviné que la réserve de potion se trouvait ici.
- Bon, maintenant faut trouver la bonne...
Pendant qu'Othilia se battait avec le trousseau, Julian et Théa se postèrent de chaque côté pour voir si personne n'arrivait. Le déclic de la serrure se fit entendre.
- Dix minutes, décompta Théa.
Ils se précipitèrent à l'intérieur. La réserve n'était pas grande, une dizaine de mètre carré tout au plus, mais elle était rangée avec soin de telle sorte qu'aucun espace ne soit perdu. De larges étagères couvraient les murs et sur ces dernières s'alignaient diverses fioles, bocaux, boîtes et récipients soigneusement étiquetés.
- Les végétaux doivent être par-là, marmonna Othilia. Algue d'eau douce, algue rouge du Mexique, algue marine... Là ! Algue péruvienne !
Elle s'empara du bocal et souleva le couvercle pour piocher plusieurs morceaux d'algues qu'elle fourra dans ses poches sans cérémonie. Julian retint une grimace devant leur aspect visqueux.
- On peut y aller ? dit-il, nerveux et étonné de la rapidité de l'opération.
- Attends, le retint Théa, l'air d'avoir soudain eu une révélation. T'as bien dit hier qu'il manquait aussi de la poudre de licorne, non ?
Elle se mit à tourner sur elle-même sans attendre la réponse. Julian survola les étagères du regard en même temps. La poudre de corne de licorne était rare et peu utilisée dans les potions scolaires. La probabilité pour que le professeur Fontaine en possède...
- Là-haut !
Il fit volte-face. Comme indiquait Théa, une boîte en bois ouvragée, perchée sur la dernière étagère, se détachait nettement grâce à son illustration de licorne en nacre brillant. Une étiquette indiquait en-dessous « poudre de licorne ».
- On a besoin de combien de grammes ? s'inquiéta Othilia. S'il se rend compte qu'il lui en manque...
- A peine dix grammes, il ne verra rien ! assura Théa, confiante. Julian, vas-y, fais léviter la boîte jusqu'à nous.
Son ton était tellement directif qu'il ne chercha pas à protester. Il sortit sa baguette et se racla la gorge :
- Wingardium Leviosa.
Rien ne se passa. Ils restèrent figés quelques secondes, attendant que la boîte s'envole, mais elle n'eut même pas la décence de frémir. Il rougit en sentant les regards des deux filles se vriller sur lui.
- Alors ? T'es pas censé être un prodige en sortilèges ? accusa Théa, sourcil dressé. C'est du niveau junior !
- Je sais jeter un sort de lévitation, la rabroua-t-il sèchement. Wingardium Leviosa. !
Il accentua bien son mouvement de baguette pour faire bonne mesure, mais encore une fois rien ne se passa. Théa émit un claquement de langue plein de jugement et il s'empourpra un peu plus, piqué au vif, avant de soudain comprendre.
- Fontaine a dû jeter un sort de blocage, ragea-t-il, frustré. Certains sorts peuvent modifier ou endommager les ingrédients, mais de là à bannir un sort de lévitation...
- Comment on fait alors ?
- Si on ne peut pas faire descendre la boîte jusqu'à nous, on montera jusqu'à elle, décida Théa d'un ton docte.
- Quoi ?
- Porte l'une de nous !
Il écarquilla les yeux.
- Quoi ? répéta-t-il avec un manque d'éloquence certain.
- Oh allez, on ne pèse pas lourd, sois un homme Julian !
- Ça n'a rien à voir...
- Othilia doit être un peu plus grande que moi, elle arrivera à atteindre l'étagère. Allez !
Mal à l'aise, il se tourna vers Othilia et avisa son corps menu. Théa avait raison, elle ne devait pas peser bien lourd, mais elle était presque aussi grande que lui et il savait qu'il ne brillait pas par sa force physique ni par ses muscles. Il aurait peut-être dû accompagner Matthew à ses séances sportives plus souvent...
- Comment... je veux dire...
- Je pense que ça sera plus simple si je monte sur tes épaules, dit Othilia, l'air bien loin de sa zone de confort.
- Mes... Ah oui, oui...
Maladroitement, il se baissa pour être à hauteur et fixa le sol. Il tenta de ne pas se crisper alors qu'elle s'approchait et passait une jambe par-dessus son épaule gauche. Il sentit son déséquilibre et attrapa sa jambe instinctivement pour l'aider tandis que Théa tendait un bras vers elle. Othilia s'y accrocha puis passa sa deuxième jambe. Dès qu'il tenta de se redresser, il la sentit à nouveau partir en arrière et il raffermit sa prise en remontant ses mains : l'une sur son genou, l'autre sur sa cuisse. Il pria pour que le manque de luminosité couvre le rouge qu'il lui était monté au visage.
- Tu verrais ta tête, se moqua pourtant immédiatement Théa. Qu'est-ce t'as ? Jamais touché une fille d'aussi près ?
- Théa ! s'indigna Othilia.
- Si je peux plus me moquer de mon cousin.
Julian tenta de lui décocher une œillade assassine du mieux qu'il put, mais il ne devait pas être très convaincant en tanguant sur ses jambes. Il commençait à préférer l'époque où Théa ne lui parlait pas.
- Avance un peu, le guida Othilia. Encore. Voilà, ne bouge plus !
Elle se pencha en avant. A nouveau, son corps protesta contre l'effort et il serra les mâchoires. Théa posa ses mains sur la taille de sa meilleure amie pour l'empêcher de tomber. Il essaya de lever la tête légèrement pour voir si Othilia avait enfin réussit à saisir la boîte, mais le mouvement le déséquilibra. Il partit sur le côté, trébuchant, et Othilia poussa un cri en se rattrapant à la seule chose disponible : ses cheveux.
- Aïe ! protesta-t-il.
- Arrête de bouger !
- Fais un peu plus vite !
- Je pourrais si tu arrêtais de bouger !
- Mais qu'est-ce que vous faites par Morgane ?
Julian se figea. Une brève seconde, il ferma les yeux, le cœur affolé, puis il se tourna vers la porte. Appuyé contre l'embrasure, Noah se tenait devant eux, bras croisés et un rictus narquois aux lèvres. Le spectacle devait être étrange : sa copine perchée sur ses épaules avec Théa qui soutenait le tout. Son regard balaya leur petit groupe alors que personne ne répondait.
- Je dois m'inquiéter de quelque chose ? ajouta-t-il en les désignant, lui et Othilia.
Horriblement conscient de leur position – et de sa main sur sa cuisse – il s'empourpra à nouveau violemment.
- Si on te parle d'un corbeau et d'un chaudron qui s'appelle Albert, tu trouverais ça moins étrange ? lança Théa.
Julian manqua de s'étouffer. Il aurait voulu se jeter sur sa cousine pour la faire taire, mais il avait trop conscience du poids et des jambes entrouvertes d'Othilia au-dessus de sa tête pour la lâcher. Noah, lui, fronça les sourcils et se redressa du chambranle.
- Essayez toujours, défia-t-il.
**
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- Essaie encore !
- Je ne fais que ça d'essayer !
- Et bah essaie plus ! Je veux que ce souafle passe dans les buts adverses comme les sorciers à travers le murs du quai 9 ¾ ! Et ton rôle à toi, c'est d'attraper le vif d'or aussi vite que possible dès qu'on sera en position de gagner !
- Compris, capitaine !
Adrian Connelly ponctua sa remarque d'un tour de balai ferme et d'un salut moqueur. Matthew, lui, serra les mâchoires. Perché sur son balai sous un vent écossais particulièrement virulent, il pouvait sentir des courbatures commencer à se former partout dans son corps. Pourtant, ce fut le ton d'Adrian plus que la fatigue qui fit monter une vague d'agacement en lui. Il savait qu'il n'était pas vraiment en colère contre son attrapeur, mais plutôt tendu à cause du match contre Serdaigle qui approchait. La saison venait à peine de commencer, mais il voulait la commencer fort. Il avait encore en travers de la gorge leur défaite de l'année dernière à cause de Regulus Black et de son coup de génie qui avait réussi à attraper le vif d'or pour donner la victoire à Serpentard. Mary McDonald, alors capitaine après le départ de James Potter, en avait pleuré de rage et Matthew se revoyait encore la réconforter dans les vestiaires. D'un geste absent, il frôla du bout des doigts son brassard et soupira. L'insigne n'aurait même pas dû lui revenir. Adrian était le plus âgé de l'équipe, le plus expérimenté... Il aurait dû être capitaine si la pression des ASPICS ne lui avait pas fait renoncer au poste. Et Matthew, comme la tête brûlée qu'il était, avait accepté sans réfléchir à la responsabilité que ça impliquait. Aujourd'hui, à quelques jours du premier match de Gryffondor, il commençait à comprendre.
- Eh Bones ! appela Olympe Belby, leur poursuiveuse. Desserre les mâchoires, ça va bien se passer !
- Hum...
- Oh Merlin, il est pire que Potter, se moqua Adrian.
- Non, impossible. Potter nous aurait fait faire des tours de terrain pendant une heure !
- C'est pas faux ! Vous ne savez pas ce que c'était, vous les nouveaux ! ajouta-t-il en pointant les deux batteurs et deux poursuiveurs recrutés cette année.
Matthew se tourna vers eux. Il avait dû renouveler presque entièrement l'équipe à cause de départ de l'école ou de départ de l'équipe tout court et son choix avait été difficile. Aucun talent ne s'était spécialement distingué pendant les sélections. En batteurs, il avait pris deux garçons de cinquième année, Edward Leswell et Niall Epstein. Ils ne brillaient pas pour leur assurance en vol, mais ils avaient tous les deux des épaules larges et une bonne force de frappe, ce qui était un bon début pour repousser les cognards. Pour les postes de poursuiveurs aux côté d'Olympe, il avait décidé de prendre deux de ses camarades de dortoir, Haley et Cassandra, pour qu'elles soient plus à l'aise ensemble.
- Allez, un peu de sérieux, les rappela-t-il à l'ordre. Connelly, je te rappelle que tu vas affronter Artemisia Meadowes. Elle n'arrête pas de s'améliorer !
- Crois-moi, je ne risque pas de l'oublier... Elle hante mes nuits !
Devant la formulation à double sens, Matthew haussa un sourcil alors qu'Olympe prenait un air indigné.
- Non ! Pas dans ce sens-là ! protesta Adrian. Vous me prenez pour qui ?
- Pour un imbécile !
- Eh ! Reviens ici, Belby !
Dans un éclat de rire, Olympe fila sur son Feuopoudre dernier modèle, Adrian dans son sillage. Matthew secoua la tête. Il se souvenait encore d'Olympe à l'époque où elle était timide avec un accent français plus prononcé. Elle avait bien évolué sous l'aile protectrice de Mary McDonald.
- Bon allez, entraînement terminé, déclara-t-il, fatigué. Tout le monde au vestiaire !
Ses joueurs ne se le firent pas dire deux fois. Ils piquèrent tous vers le sol dans un même mouvement et Matthew suivit plus lentement. Il posa pied à terre sur le sol boueux du terrain.
- Eh, capitaine, lança Adrian en lui donnant un coup de coude. Tes admiratrices sont là !
Il leva les yeux. Assises dans les gradins, Hanna Faucett et Charity Burbage se serraient l'une contre l'autre pour échapper au vent. Il ressentit une sensation étrange en les voyant côte à côte. Jusqu'à récemment, elles ne parlaient presque jamais ensemble : elles appartenaient à deux cercles de sa vie différents. Hanna était l'amie d'enfance, celle qu'il connaissait même avant Poudlard et qui formait avec Julian leur trio infernal. Charity était sa camarade de classe, celle qui avait toujours gravité autour de lui. C'était une attraction comme pouvait le subir les planètes qu'aimait tant observer Hanna. Ils se tournaient autour sans jamais entrer en collision, chacun à un pôle distinct, avançant dans un sens opposé sans jamais non plus arrêter la rotation qui régissait leur vie. Pourtant, dernièrement, il avait l'impression que le départ de Julian avait laissé un vide, un véritable trou noir qui aspirait tout le cosmos autour de lui. Et là où Hanna dérivait toujours plus loin, Charity se rapprochait. Ça lui faisait mal de l'admettre. Il ne voulait pas perdre Hanna, mais il avait moins de temps pour la retrouver à cause de leur emploi du temps. La plupart de ses cours était en commun avec les Poufsouffle, pas les Serdaigle, et il ne pouvait évidemment pas la retrouver pour les repas. Leurs seuls moments ensemble se réduisaient aux heures d'études et à leurs balades dans le parc les week-end.
Décidant de saisir l'opportunité, il dévia sa trajectoire vers les gradins en donnant une tape amicale dans le dos d'Adrian.
- A plus tard, Connelly ! Et entraîne-toi contre Meadowes !
- Bien, capitaine !
Sur cette dernière recommandation, Matthew pressa le pas. Il arriva devant les gradins desquels les deux filles étaient descendues et il sourit en arrivant à leur hauteur.
- Mesdames ! salua-t-il en ouvrant grand les bras. Alors ? Ebahies par l'équipe ?
- Serdaigle va vous écraser, déclara Hanna avec assurance.
- Calomnies, Faucett !
- Allez, juste pour faire plaisir à Julian quand on lui enverra notre prochaine lettre !
- Comme si Julian s'intéressait au Quidditch. Laisse-le déjà comprendre le Quodpot qu'on rigole.
Hanna éclata de rire. D'une main, elle repoussa sa masse de boucles châtains emportés par le vent. Charity avait été plus prévoyante : elle avait attaché les siens, longs et blonds, avec un ruban. Ils lui tombaient presque jusqu'à la taille. Mécaniquement, Matthew tira une mèche et l'enroula autour de son doigt. Elle lui donna une tape réprobatrice.
- Laisse mes cheveux tranquille, Bones.
- Tu ne les attaches jamais d'habitude, remarqua-t-il, une question muette dans la voix.
- Tu ne me vois jamais quand je les attache, nuance, corrigea-t-elle. Si tu savais le nombre de fois où ils se sont pris dans des ronces quand je vais me balader en forêt... Au bout d'un moment, j'ai compris le message.
- La forêt ? répéta Hanna en fronçant les sourcils. Genre, la Forêt Interdite ?
- Fais pas ton indignée, se moqua Matthew. Y'a que les Serdaigle pour avoir peur de briser les règles comme ça. Vis un peu !
- Parce que t'y vas aussi ? Dans la Forêt Interdite ?
- Je parlais de la forêt près de chez moi à Canterburry vous savez, intervint Charity pour essayer de couper court au débat.
- Une ou deux fois, répondit Matthew en l'ignorant, tourné vers Hanna. J'ai arrêté après être tombé dans un nid de fées. Les petites pestes m'ont bourdonné dans les oreilles jusqu'à ce que je ressorte de là.
Rien qu'en racontant l'anecdote, il pouvait encore entendre en écho le bourdonnement au fond de ses oreilles et il secoua la tête.
- Bon allez, arrête un peu de raconter n'importe quoi, dit Charity, l'air blasé. Tu te douches ici ou au château ?
- Pourquoi ? Tu veux m'accompa... ?
- Pour savoir si on t'attend dans ce froid glacial ou pas, imbécile, coupa Hanna en lui donnant un coup dans le bras pour faire bonne mesure.
Il supposait qu'il l'avait mérité. Pourtant, il ne regretta pas sa blague en voyant les pommettes de Charity s'empourprer et il sourit, amusé. C'était devenu un jeu entre ses dernières semaines : faire plier l'autre par des remarques de ce genre. Il savait qu'il avait dû ressembler à une bannière de Gryffondor qui aurait attrapé un coup de soleil quand, après avoir confié à Charity qu'il s'était fait une entorse au poignet à cause d'un souafle mal réceptionné, elle lui avait suggéré d'arrêter de penser à elle le soir. Frottant son bras endolori, il finit par ramasser son balai et indiqua le vestiaire.
- Je vais me changer ici, ça sera plus pratique. Les préfets utilisent toujours la salle de bain privée à cette heure-ci. On se retrouve après ?
- On se retrouvera à l'intérieur alors ! s'exclama Hanna en commençant à s'éloigner. Je gèle !
- Comme si c'était pas dix fois pire en haut de la tour d'Astronomie ! Où, je le rappelle, tu adores aller !
Hanna lui sourit en marchant à reculons, rieuse.
- Tu crois vraiment que t'es aussi brillant à regarder qu'une étoile, Bones ? Fais dégonfler ta tête !
De manière très mature, il lui tira la langue. Hanna éclata de rire à nouveau et leur adressa un signe de la main avant de se retourner et de partir. Matthew coula un regard en direction de Charity.
- Et toi ? demanda-t-il en tentant d'avoir l'air le plus neutre possible.
- Aucune idée. Va te doucher et vois si je suis toujours là quand tu ressors !
- Très drôle, Burbage.
Pourtant, quand ils atteignirent les vestiaires, elle s'adossa au mur et fit mine de tapoter une montre imaginaire. Comprenant qu'elle était sérieuse, il roula de yeux et s'engouffra à l'intérieur au pas de course. Il n'était pas assez cruel pour la faire attendre longtemps dans le froid glacial de novembre. A l'intérieur, aucun de ses joueurs n'était présent. Ils avaient dû tous repartir au château et il en profita pour prendre la douche la plus grande, celle dont le jet d'eau avait le débit le plus fort. Il enleva sa tenue d'entraînement en quelques secondes, laissant les vêtements abandonnés à même le sol. Sa mère aurait hurlé. Contrairement à beaucoup de familles de sang-pur, ils ne possédaient pas d'elfe de maison et elle se battait contre lui à chaque vacances pour qu'il range correctement ses affaires. En repensant à l'état de sa chambre cet été, il ne put s'empêcher de se dire que ce n'était pas concluant. Heureusement, ses parents avaient des emplois prenants. Peut-être trop. Être Auror et Haut Juge au Mangenmagot demandait de l'investissement. Au moins, ils n'étaient pas toujours derrière son dos pour le reprendre sur ses pratiques de rangement, ni sur son langage fleuri appris en traînant avec les enfants de Terre-en-Landes, et encore moins sur ses activités.
Depuis l'arrivée de Spencer et surtout Simon, la vieille chouette Mrs. McDougal était mise à contribution pour les garder quand ses parents étaient au travail. Une façon pour eux de lui montrer qu'il voulait bien le laisser respirer un peu et ne pas lui imposer systématiquement le baby-sitting de ses benjamins. Techniquement, il devait rester avec elle et l'assister si besoin. Dans les faits, il s'était souvent échappé cet été pour battre les chemins de campagnes, respirer, se libérer... Il culpabilisait le plus souvent au bout d'une heure et rentrait en vitesse pour vérifier si Spencer ne s'était pas fait une entorse au cerveau à force de faire ses puzzle de mille pièces ou si Simon avait bien eu son biberon à l'heure. L'année dernière au moins, il pouvait inviter Julian. Ils faisaient du vélo ou allaient trainer au terrain de foot voir les enfants plus âgés jouer à ce sport moldu qu'il n'avait jamais bien compris. Cette année, il n'avait pourtant pas osé passer de coup de cheminée...
Il se rappelait encore ce soir de juin fatidique lorsque sa mère avait passé la porte, les traits tirés et le visage figé. Il était en train de descendre les escaliers quand il l'avait vu franchir la porte. Il connaissait sa mère : elle ne s'effondrait pas. Sa détresse se manifestait toujours subtilement dans des détails. C'était sa posture moins droite que d'habitude, le feu dans ses yeux un peu moins vif. Elle lui avait annoncé d'une voix professionnelle, quoique légèrement tremblante, qu'un attentat avait eu lieu à Londres aujourd'hui. Pendant une seconde, il s'était inquiété pour son père, pas encore rentré. Mais il savait que si ça avait concerné son père, même elle n'aurait pas maintenu aussi bien sa façade, toute femme inflexible qu'elle était. Et puis la nouvelle était enfin tombée : l'attentat avait été perpétué contre les Archives Magiques. Aurélia Shelton faisait partie des victimes.
Il en était resté sonné, incapable de vraiment comprendre la caractère inéluctable de sa disparition avant l'enterrement. Il s'était tenu un rang derrière Julian. Il avait fixé ses épaules tendues, sa tête baissée, son bras passé autour des épaules de sa petite sœur secouée de sanglot. Lui n'avait pas versé une larme. Matthew s'en était aperçu en rentrant, l'esprit embrumé pendant que ses parents discutaient derrière lui de l'intervention des Aurors lors de l'attentat. Maugrey, le supérieur de sa mère, avait apparemment fait sortir Bathilda Tourdesac lui-même du bâtiment. Il était arrivé avec des renforts que personne n'avait bien identifié dans le chaos mais Matthew savait qu'il devait s'agir du fameux Ordre du Phénix dont son père refusait de reconnaître l'existence mais dont la rumeur autour gonflait à mesure que les mois passaient. Aujourd'hui encore, il ne savait pas quoi en penser.
Immobile sous le jet d'eau brûlant, il laissa ses muscles se détendre doucement puis attrapa le savon et effaça les traces de l'entraînement qu'il venait de se faire subir. Quand il ressortit, il veilla à ne pas glisser sur ses vêtements et repassa dans le vestiaire général. Il se maudit d'avoir oublié d'allumer une boule de feu avant de prendre sa douche en sentant l'air frais l'entourer. Il s'empressa de passer son uniforme : son pantalon, ses chaussettes, et sa chemise. Il venait de fermer le premier bouton quand la porte principal s'ouvrit brusquement. Il se figea en plein mouvement.
- Tu prends toujours autant de temps pour te préparer ou t'es juste noyé sous la douche ? lança Charity en entrant.
- Quoi ? Mais... comment... ? J'avais fermé la porte !
- Ce bout de bois là ? Oh Matt, j'ai assez de ressources pour vaincre ça quand même.
Il fusilla la porte du regard comme si elle l'avait trahi personnellement. Quand il reposa les yeux sur Charity, il vit les siens s'attarder non pas sur son visage mais plus bas. Il prit soudain conscience qu'il se tenait toujours devant elle, chemise ouverte et torse découvert.
- Eh ! s'indigna-t-il en croisant les bras devant lui.
- C'est des abdos comme ça que tu caches sous ton uniforme tous les jours ? s'exclama-t-elle entre ravissement et amusement.
- Mais arrête de mater !
- Tu te serais gêné, toi ?
- Non ! Enfin, je veux dire oui... s'embrouilla-t-il. Non, je n'aurais pas fait ça, ma mère m'a élevé dans les respects de femmes je te ferais dire !
- Des filles ou des femmes ?
- Les deux ! C'est la même chose !
Charity se mordit la lèvre, un geste qu'elle faisait quand elle était nerveuse. Elle baissa le regard et il eut l'impression de voir sa jolie prestance envolée d'un coup.
- Et moi ? Tu me vois dans quelle catégorie ? murmura-t-elle avec retenue.
- Je... quelle catégorie ? Oh, je...
Incapable de former une phrase, il se tût par peur de se ridiculiser. Les pans de sa chemise pendait toujours de chaque côté de son corps, mais ses mais étaient trop engourdies pour qu'il songe à la refermer correctement. Il resta focalisé sur Charity alors qu'elle avançait lentement jusqu'à lui. Il remarqua qu'elle avait détaché ses longs cheveux blond clair qui se balançaient au niveau de ses hanches dessinées. Charity avait pris des rondeurs au début de l'adolescence, notamment au niveau de la poitrine et de la taille, mais il trouvait que ses formes lui allaient bien. Elles allaient avec son visage en forme de cœur, ses lèvres pleines et ses joues rebondies qui lui donnaient une image chaleureuse. Ses yeux bleus, eux, tranchaient avec cet aura bienveillante : ils reflétaient sa force, son envie d'aventures, sa curiosité et son esprit acéré. Tout ce qui l'attirait chez elle.
- Charity... souffla-t-il.
- Je veux juste... tenter quelque chose. Si tu veux bien...
Il déglutit.
- Maintenant ?
- Rien de tel que l'instant présent, non ? répliqua-t-elle, une étincelle dans les yeux.
- Miss Burbage, j'aime votre façon de penser.
Un sourire rieur se dessina sur ses lèvres quelques secondes avant qu'elle ne vienne les poser contre les siennes. Matthew sentit son souffle lui échapper sur le coup. La sensation était étrange et grisante. Il ne pouvait pas nier qu'il l'avait déjà imaginé, seulement la vivacité du touché – du vrai, pas celui conjuré par son esprit comme une pâle copie – rendait l'expérience différente. Parce que c'était de cela dont il s'agissait : une expérience. Une expérience physique qui faisait exploser des émotions dans sa poitrine impossible à décrire. L'adrénaline se diffusa dans ses veines et ses mains se mouvèrent par instinct pour venir envelopper la taille de Charity. Elle sursauta doucement, surprise, puis se laissa aller contre lui.
Leurs lèvres s'entrouvrirent, s'écrasant ensemble dans un mouvement désordonné qui n'avait de sens que par le plaisir qu'il procurait. Grisé, Matthew l'attira plus près et elle remonta sa main le long de son torse, lui arrachant un frisson involontaire, avant qu'elle ne referme son poing sur le col de sa chemise. Il pouvait sentir sa poitrine pressée contre lui et la sensation lui provoqua un désir familier au niveau du bas ventre. Il laissa échapper un souffle haché, avalé par la bouche de Charity qui fit glisser sa langue timidement contre ses lèvres pour lui en demander l'accès. Il décida de reculer une seconde.
L'air perdu, Charity cligna des yeux. Il remarqua pour la première fois qu'elle avait une petite tâche brune en périphérie de sa prunelle. A cet instant, cette dernière était dilatée, tout comme sa jumelle, et il se doutait qu'il devait être dans le même état.
- Alors ? dit-il d'une voix rauque. Cette expérience ?
- Concluante... murmura-t-elle, la main toujours crispée à son col, les yeux accrochés au sol.
Elle était plus petite que lui et, proches comme ils l'étaient, il pouvait sentir son souffle contre sa clavicule.
- Et pour toi... ? osa-t-elle demander après un court silence en renversant sa tête légèrement en arrière pour le regarder.
- Oh concluante aussi, miss Burbage.
Et il sourit en l'embrassant à nouveau, animé par le désir de retrouver à nouveau cette nouvelle sensation. Ils n'avaient pas besoin de poser des mots sur ce qu'ils étaient. Ils n'étaient même rien, juste une expérience. Une aventure dans le sens premier du terme et Merlin seul savait ce qu'il aimait l'esprit aventureux de Charity Burbage.
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Pas mal de choses dans ce chapitre ! Le grand retour de Matthew Bones déjà parce qu'il m'avait manqué (et Poudlard aussi). Je précise que son couple avec Charity Burbage a été imaginé par Perripuce à la base - elle en a fait un OS que vous découvrirez un jour - pendant que moi j'écris leur relation depuis le début jusqu'à la fin de Poudlard !
Ensuite, prenez moi pour une sociopathe, mais j'ai imaginé moi-même toute la liste des lois américaines sur deux siècles et demi haha ! Ca a été long mais j'ai adoré le faire en collant au mieux à l'Histoire des Etats-Unis ^^ N'hésitez pas à me dire ce que vous en penser !
Elements tirés de Pottermore/canon:
- La date de la loi Rappaport sur laquelle je reviendrais ne vous inquiétez pas.
On se retrouve dans deux semaines pour le dernier chapitre avant ma pause estivale de juillet-août ^^ Prochain post : chapitre 23 - 5 juillet
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