Chapitre 20 : Le passé en première page



Allez je poste ce soir avec un peu d'avance parce que demain j'ai plein de choses à faire (aka une terrasse avec des amies ahhhhhh) et pour aouifrereee qui l'espérait donc j'avais envie de lui faire plaisir ! 

Avant de commencer ce chapitre, petite recommandation lecture : Perripuce a posté une nouvelle histoire intitulée La dernière page ! Inutile de dire que je vous la recommande sans hésitation. Pour en avoir eu des extraits en avant première et pour en avoir discuté avec elle, c'est encore une pépite au niveau écriture, personnages et intrigues. Vraiment je ne peux plus dire à quel point je suis amoureuse de son style et cette nouvelle histoire - qui rentre dans notre univers étendu - ne fais pas exception ! 

Alors bonne lecture :) 

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« Les événements eux-mêmes sont demandés comme une nourriture. S'il n'y a point ce matin quelque grand malheur dans le monde, nous sentons un certain vide. "Ils n'y a rien aujourd'hui dans les journaux", disent-ils. »

- Paul Valéry - 

// 5 novembre 1979 //

La bibliothèque d'Ilvermorny n'avait rien à envier à celle de Poudlard. Dans un style plus industriel, elle était faite d'acier et de bois et des dizaines de rayonnages s'alignaient dans l'aile gauche du château. Comme dans le hall circulaire, un balcon courrait sur tout le deuxième étage et donnait accès à encore plus de livres. Assis à une table près d'un escalier en colimaçon en fer forgé, Julian ne pouvait s'empêcher de relever la tête toutes les deux minutes comme à chacune de ses visites. Othilia finit par le remarquer et sourit.

- Impressionnant, hum ? Commenta-t-elle. Ils l'ont entièrement refait en 1855 après un incendie. William, le concierge, en a gardé un léger traumatisme.

Discrètement, elle désigna le puckwoodgenie qui faisait ses rondes entre les tables tout en scrutant d'un œil acéré les élèves. Julian se rappela que Liam avait mentionné qu'il avait manqué de mettre le feu à la bibliothèque un jour. Pas étonnant que William ne leur fasse plus confiance. Pour éviter de croiser son regard, Julian se mit à sortir ses livres. Quand Othilia en fit de même, ils avaient entre eux une pile d'au moins six livres et se voyaient à peine. Si Liam avait été là, il les aurait traités d'intello. C'était agréable pour une fois de ne pas avoir à s'en préoccuper.

- Tu veux travailler quoi ? Demanda-t-elle en étalant un parchemin devant elle.

- Histoire de la magie je pense... J'ai toujours l'exposé à faire sur Isolt Sayre que Perrot m'a donné.

- Oh ça sera pas bien compliqué alors. Tu dois avoir une dizaine de livres dans la rangée là-bas qui retrace son histoire.

Il se retourna vers l'endroit qu'elle indiquait et hocha la tête. C'était bon à savoir.

- Merci, ça va m'aider. (Il désigna son espace de travail d'un geste). Et toi ? Tu veux avancer sur quoi ?

- Potions. J'ai un essai à rendre pour la fin de la semaine.

Elle tenta de le cacher, mais il aperçut la grimace qui lui tordit la bouche. Il se rappela brusquement que Algibert Fontaine, le professeur de Potions, était aussi son père. Il avait assez peu interagi avec lui depuis son arrivée. Généralement, il se mettait dans le fond de la classe sans faire de vagues et Fontaine se contentait de quelques commentaires lorsqu'il passait entre les rangs sans chercher à tisser plus de liens, comme s'il voulait maintenir une distance professionnel avec ses élèves. Julian devait avouer qu'il le trouvait plutôt impressionnant : il avait une haute stature, de larges épaules et une crinière blonde légèrement dégarni dont sa fille avait hérité même si son carré blond impeccable était d'une nature plus fine.

- Ce n'est pas étrange ? Osa-t-il demander après quelques secondes. Que ton père soit prof à Ilvermorny ?

Othilia le regarda un moment, sa plume suspendue dans l'air, puis elle dû juger qu'elle pouvait lui répondre avec sincérité car elle soupira.

- Un peu... Mais j'ai toujours su que ça serait le cas. (Elle commença à écrire son nom en haut du parchemin, penchée en avant). Comme il aime me le rappeler, il était professeur dans cette école avant que je n'en sois élève. Peu importe que ça soit étrange, je dois faire avec.

Elle ponctua sa phrase d'un coup de plume sec à la fin de son nom.

- Quand même, marmonna-t-il. Rien que pour les notes, ça ne doit pas être évident.

- Oh ne t'inquiète pas, il n'y a aucun favoritisme. Il est presque plus dur avec moi. La dernière fois, mon philtre de paix était un peu opaque alors qu'il aurait dû être transparent. J'ai perdu plusieurs points juste pour ça...

- Il veut sans doute que tu réussisse, suggéra-t-il en tentant de voir le positif.

- Sûrement... En quatrième année, les Potions devenaient même assez dures pour moi et il m'a laissé utiliser son bureau et sa réserve pour m'entraîner. C'est peut-être le seul passe-droit qu'il m'a accordé.

Immédiatement, Julian se redressa. Il n'y avait pas songé plus tôt comme il ne parlait pas souvent avec Othilia, voire jamais, mais elle devait effectivement avoir accès à la réserve de son père de manière privilégiée. Il se demanda un instant s'il pourrait trouver des chaudrons neufs dedans – plus neuf qu'Albert leur chaudron rouillé en tout cas – et possiblement de la poudre de corne de licorne, leur ingrédient manquant. Il fut vraiment tenté pendant quelques secondes de poser la question à Othilia, mais aucune justification pour une telle demande ne lui vint à l'esprit. Le silence devait commencer à devenir embrassant, car ce fut elle qui le brisa en tordant sa plume entre ses longs doigts fins.

- En fait, Julian, je voulais te dire quelque chose... dit-elle, l'air nerveuse mais déterminée.

L'espace d'un instant, une image de Noah s'imposa à lui. Peut-être qu'elle en avait marre qu'ils s'enferment tous les deux pour dessiner et parler plusieurs matinées par semaine.

- Non, en vérité je voulais plus m'excuser, se corrigea-t-elle avant qu'il ait eu le temps de paniquer. En mon nom mais aussi celui des autres.

- T'excuser ? Répéta-t-il, surpris. Mais... pour quoi ?

- Pour le soir d'Halloween. Le bal des fantômes. (Elle remit une de ses mèches blondes derrière son oreille et sa bague en or accrocha un rayon de soleil). J'y ai pas mal repensé depuis et... ce n'était pas correct ce qu'on a fait. Tu n'allais pas bien à cause de ta mère et tout le monde criait dans tous les sens. Liam et Aileen voulaient des réponses... Disons que ce n'était pas très délicat. Donc désolée. Je ne pense pas que Liam ou Noah soit du genre à s'excuser alors je voulais qu'au moins quelqu'un le fasse.

Cette fois, elle le regarda dans les yeux. Il remarqua pour la première fois qu'elle les avait très clairs, entre le bleu et le vert. Et surtout, son attention le toucha. La soirée du bal des fantômes remontait à cinq jours maintenant et il était passé à autre chose, même s'il ressentait toujours en écho le souvenir de sa respiration bloquée qui lui pesait sur la poitrine. Elle avait raison : personne ne s'était excusé, pas même Aileen. Il ne s'y était de toute façon pas attendu jusqu'à ce qu'Othilia le fasse à l'instant. C'était même étonnant de sa part : parmi leur groupe, elle avait été celle qui était restée le plus en retrait pendant sa crise de panique pour lui laisser de l'air. Il se demanda si elle savait que Noah l'avait rejoint ensuite et qu'ils étaient restés tous les deux plus de deux heures sur le toit d'Ilvermorny avec le ciel au-dessus de leur tête comme seul témoin. Pour une raison qui lui échappait, il sentit une pointe de contrariété le traverser à l'idée que Noah lui en ait parlé. Puis, il se fustigea. Noah avait le droit de raconter sa vie à sa petite amie. Ce n'était pas parce que lui-même avait l'impression de ne plus parler de choses importantes à Hanna que ça devait être vrai pour les autres.

Gêné, il se râcla la gorge et répondit après quelques secondes :

- Merci, articula-t-il avec honnêteté. Je ne m'attendais pas... Mais merci.

- C'est normal. Et... Je ne sais pas si ça se fait après plusieurs mois, mais toutes mes condoléances pour ta mère.

- Merci, répéta-t-il plus difficilement.

- Je... je ne prétends pas comprendre. Ma mère est morte quand j'avais à peine un an, je n'ai aucun souvenir et ma belle-mère m'a élevée comme si j'étais sa fille. Mais... je ne peux qu'imaginer ce que ça doit être.

Julian réussit à lui faire un sourire qui devait ressembler à une grimace. Il savait que sa remarque venait d'une bonne intention : elle lui avait prouvé sa compassion deux fois en quelques minutes en s'excusant pour le bal des fantômes et en lui présentant ses condoléances. Pourtant, elle ne pouvait pas savoir ce qu'il ressentait. Elle ne pouvait pas non plus l'imaginer. Il l'avait compris en le vivant, un deuil était personnel et personne ne pouvait comprendre ce qu'il impliquait avant d'avoir perdu quelqu'un. Surtout sa mère.

- Désolé, je ne savais pas non plus pour la tienne, avoua-t-il finalement. Ton père s'est remarié ?

- Oui... Un an après. Leur mariage allait déjà mal, je crois, et ils m'ont eu pour tenter de le sauver. Ils n'avaient pas prévu qu'elle attraperait une maladie. La dragoncelle. C'est souvent fatal chez les adultes. (Elle tripota à nouveau sa plume et quelques tâches d'encre tombèrent sur le bois de leur table). Ça a marqué mon père, mais il a rencontré Colleen assez vite. Elle est née Non-Maj', elle voulait retourner chez elle dans le Tennessee et reprendre sa vie. Elle me gardait juste un été pendant que mon père gérait des choses pour obtenir le poste de professeur de Potions à l'époque. Et voilà ! Elle n'est jamais repartie.

- C'est une belle histoire je trouve... Mais du coup elle doit se sentir seule pendant l'année, non ?

Othilia secoua la tête.

- Elle a pris un appartement au Village. Mon père va la rejoindre tous les soirs. C'est un des seuls qui a refusé un logement de fonction.

- Et toi ? Tu rentres aussi le soir... ?

- Non, la direction ne peut pas faire d'exception comme ça. Ilvermorny est un internat, je dois rester. C'est pareil pour Noah et Raphaël. Techniquement, ils pourraient retourner chez leur tante mais il restent ici.

Ce n'était pas surprenant. Après tout, Noah lui avait bien dit qu'il devait aller jusqu'à Grand Central pour partir de New York avec les autres élèves et revenir ici. Une question d'équité sûrement, ou juste l'application de règles archaïques qui défiaient le bon sens. De toute façon, il voyait mal Noah avoir envie de rentrer chez soi tous les soirs si sa tante était aussi revêche que tout le monde le disait. En repensant au regard bleu perçant d'Hilda Douzebranches, il frissonna.

- Tu l'as rencontré, c'est ça ? Hilda ? Se rappela Othilia en interceptant sa réaction. Tu as été dans son café à la sortie au Village.

- Je ne savais pas que c'était le sien, se justifia-t-il. Mais oui.

- Drôle de dame, hum ?

Il acquiesça d'un hochement de tête. Il ne savait pas ce dont il pouvait vraiment parler avec Othilia, mais elle reprit elle-même :

- Elle ne m'aime pas beaucoup, avoua-t-elle d'un ton contrit. Je crois qu'elle trouve que je ne suis pas assez bien pour Noah.

- Et je crois que d'après Théa, c'est Noah qui n'est pas assez bien pour toi.

La touche d'humour eut le mérite de faire rire Othilia avec sincérité. Son visage devint soudain plus expressif ; elle qui semblait toujours si contrôlée.

- Une question de point de vue donc, résuma-t-elle sans cesser de sourire.

- Sans doute... Mais ça doit pas être facile, non ? De supporter Noah et Théa en même temps ?

- Oh, ça vient avec l'habitude. Je suis sûre qu'au fond ils s'apprécient, mais ils ont juste besoin que quelqu'un tienne à eux de manière presque... exclusive ?

- Comment ça ?

Plus détendue, elle se redressa et se pencha en avant, les coudes sur la table. William le concierge passa près d'eux à cet instant et leur jeta un coup suspicieux alors que Julian poussait stratégiquement sa pile de livre pour cacher les tâches d'encre d'Othilia. Elle lui adressa un regard reconnaissant avant de répondre :

- Théa et Noah sont un peu pareils si on y regarde bien, expliqua-t-elle. C'est peut-être pour ça que je m'entends bien avec les deux, tu me diras. Mais penses-y : la relation entre Théa et sa mère et celle entre Noah et sa tante ont une chose en commun. Ils ont tous les deux manqués d'affection et de reconnaissance à cause d'un frère qui prenait toute la place. Alors bien sûr c'est pour des raisons différentes. Raphaël était juste plus calme et plus studieux, là où Théophilius... (elle buta sur ses mots et sa voix se réduisit à un murmure). Enfin... tu sais.

Un léger silence pesa à l'évocation de l'enfant décédé et Julian revit avec précision les deux dates inscrites sous son portrait dans l'arbre généalogique des Grims. Il n'arriverait sans doute jamais à oublier le sourire édenté du petit garçon.

- Peu importe, reprit Othilia en se râclant la gorge, gênée. Tout ça pour dire que Théa et Noah recherchent ce qu'ils n'ont pas eu dans leur famille : quelqu'un qui soit là pour eux sans condition. Et j'essaye de faire au mieux pour leur prouver que c'est possible. C'est juste pas évident de gérer les deux en même temps parfois.

Julian hocha la tête. D'une certaine façon, il comprenait ce qu'elle tentait de lui dépeindre comme situation. Il l'avait en partie vécu en tentant de tenir sa famille à bout de bras ou d'être toujours présent pour Hanna et Matthew. Sous ses airs de fille un peu lointaine issue d'une famille cultivée, Othilia avait bon cœur. Elle n'avait pas la personnalité douce et compréhensive d'Aileen, mais ça ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas des points communs sous un certain angle.

Et alors qu'il la découvrait, il ne pouvait pas s'empêcher de l'apprécier. Othilia et lui avaient aussi des points communs. Le problème, c'est qu'il ne savait pas quoi faire de cette découverte. Il supposait qu'il avait décidé, sans doute inconsciemment au fond de son esprit, de ne pas apprendre à connaître Othilia pour justement ne pas l'aimer. Après tout, elle avait tout ce qu'il n'avait pas : une amitié profonde avec Théa alors même qu'elle était sa cousine à lui ; de bonnes notes en cours puisqu'elle n'avait pas à appréhender tout un nouveau système scolaire ; une relation avec Noah même si elle n'y connaissait rien en art...

Perturbé, il baissa la tête et joua avec le coin de son parchemin. Il se rendit compte qu'il ne voulait plus parler de Noah avec elle. Au lieu de ça, il décida d'orienter la conversation sur Théa.

- T'es amie avec Théa depuis la première année ?

- A peu près, oui. On était dans le même dortoir, les mêmes cours... Cette année-là, les Womatou et les Serpent Cornu étaient ensemble, c'est pour ça.

- Et... je peux te poser une question sur elle ?

Othilia haussa un sourcil et elle carra les épaules, défensive, mais hocha la tête.

- Je t'écoute

- Ce n'est pas vraiment sur elle en fait, nuança-t-il immédiatement pour ne pas la braquer. C'est juste que... depuis que je suis arrivé, j'ai l'impression que tout le monde sait des choses comme si c'était évident, mais personne ne m'explique rien. (Frustré, il se renversa un peu plus contre le dossier de sa chaise). Et justement... Quand j'étais au Village pour voir mon parrain, Théa a mentionné... son père.

A la décharge d'Othilia, elle savait maitriser ses expressions. S'il n'avait pas eu les yeux rivés sur elle, il n'aurait sans doute pas remarqué le tic nerveux qui agita ses traits une seconde, mais ce fut suffisant. C'était l'indice qu'il attendait.

- Tu sais ! S'exclama-t-il avant de baisser précisément la voix lorsque plusieurs têtes se tournèrent vers eux. Tu sais ce qui s'est passé avec son père ?

- Oui, je sais... Tout le monde sait. C'était dans les journaux.

- Quoi ?

Elle soupira.

- Attends ici.

Avant qu'il n'ait pu la retenir, elle se leva souplement et disparu entre deux rayons. Il se retourna pour tenter de la suivre du regard, mais elle devait être partit trop loin. Démuni, il ouvrit le premier livre devant lui pour se donner contenance avant de le refermer en se rendant compte qu'il venait de lire le sommaire deux fois sans rien retenir. Heureusement, Othilia revint après quelques minutes, deux journaux dans les mains.

- Tiens, déclara-t-elle en les posant devant lui. Les grandes lignes de l'histoire sont là-dedans. Avec Théa, on avait essayé de les cacher au fond des casiers à journaux pour éviter que d'autres personnes ne tombent dessus.

Surpris, Julian contempla les feuilles jaunies par le temps. Il attendit encore un peu, persuadé qu'Othilia allait lui demander s'il voulait vraiment savoir, mais elle se contenta de le toiser en croisant les bras. Elle le laissait prendre sa décision. Il l'apprécia encore davantage. Avec précaution, il ouvrit le premier journal daté du 2 avril 1969. Un simple encadré en première page indiquait :

Flash Info - Exclusivité

La nouvelle est tombée cette nuit. Ronan Graves, sorcier respectable de notre communauté et responsable d'équipe au Gouvernement des Finances et des Dragots, a été arrêté par les Aurors français et autrichiens à la prison de Nurmengard. Il tentait visiblement de faire évader Gellert Grindelwald qui y purge sa peine depuis son enfermement en 1945.

Cette tentative est aussi ratée qu'inattendue pour la prison tristement célèbre située dans les Alpes d'Autriche en Europe. Ronan Graves ne s'était pourtant jamais manifesté comme soutien de Grindelwald alors même que les sorciers croyant en son idéologie sont toujours présents dans notre pays plus de vingt ans après sa défaite contre Albus Dumbledore. A l'époque, le jeune Ronan Graves venait de sortir de l'école et n'avait sans doute pas eu le temps de se joindre au mouvement.

Au moment où nous bouclons ses pages, la raison de cet acte demeure inconnue. La femme de Ronan Graves, Cordelia Graves née Grims, n'a pas souhaité nous répondre. Nous savons simplement qu'elle est actuellement dans une clinique magique privée puisqu'il semblerait qu'un des enfants du couple ait des soucis de santé.

L'extradition de Ronan Graves requise immédiatement par le MACUSA devrait avoir lieu dès le début de la semaine prochaine en accord avec les autorités autrichiennes.

La brève se terminait ainsi. Julian releva la tête, l'esprit encombré de questions, mais Othilia fit glisser l'autre journal au-dessus du premier. Le nom de Ronan Graves lui disait vaguement quelque chose.

- Lis, ordonna-t-elle. Tu vas voir.

Cette fois, la date qui s'étalait en haut de la une était celle du 10 avril 1969 quelques jours plus tard. Son estomac se contracta lorsqu'il reconnut ce qu'elle signifiait : c'était le jour de la mort de Théophilius.

Le double drame de la famille Graves-Grims

Notre journal vous l'apprenait la semaine passée : Ronan Graves était arrêté à la prison de Nurmengard en Autrice après avoir tenté de libérer le criminel de guerre Gellert Grindelwald. Rapatrié aux Etats-Unis mardi dernier, il est en attente de jugement sous haute surveillance au Bureau des Aurors.

Malheureusement, ce n'est pas la seule tragédie qui touche la famille Graves-Grims en ce jour. Cordelia Graves, l'épouse de monsieur Graves, a été vu à la sortie de la clinique privée dans laquelle elle est retranchée depuis le début de l'affaire. Soutenue par ses parents, Gerbert et Isadora Grims, elle tenait à peine sur ses jambes. Nos journalistes ont ainsi pu recueillir l'information : l'enfant du couple, âgé de cinq ans, est décédé en début de matinée d'une maladie infantile qui le rongeait depuis plusieurs mois.

D'après les premiers résultats d'enquête, Ronan Graves, partisan en sommeil de Grindelwald, était persuadé que seul « le plus grand sorcier du siècle » selon ses termes pourrait guérir son fils. Il voulait le libérer pour que celui-ci lui apporte son aide. Geste désespéré d'un père ? Il semblerait donc. La justice se montrera peut-être clémente à la lumière de ses nouveaux éléments.

Interrogé par nos services, l'Auror en charge de l'affaire a reconnu le caractère exceptionnel des faits, même si rien ne pouvait être confirmé à ce jour. Le scandale est d'autant plus embarrassant qu'il éclabousse deux des familles les plus influentes de notre communauté. Les Grims et les Graves. Descendants de deux des douze premiers Aurors de notre pays, Gondulphus Graves et Robert Grimsditch, les deux familles se sont illustrées au cours des années. Les Grimsditch, dont le nom a été raccourci après la seconde guerre mondiale moldu en raison d'un sentiment antiallemand fort, a ainsi fondé sa fortune en investissant dans la finance. Les Graves, quant à eux, ont longtemps été affiliés au Bureau des Aurors. Triste revers du sort lorsqu'on voit aujourd'hui le destin de Ronan Graves.

Ce qui est sûr, c'est que l'enquête n'est pas prête d'être bouclée. Les Aurors vont devoir interroger toute la famille pour s'assurer que l'acte de monsieur Graves n'est qu'un acte isolé et non la face cachée d'une résurgence du mouvement de Grindelwald.

Nous adressons toutefois toutes nos condoléances et nos pensées pour la perte du petit Théophilius. Puisse son esprit et son corps retourner à la magie créatrice.

Une fois sa lecture terminée, Julian resta prostré de longues secondes. Il essaya d'intégrer toutes les informations qu'il venait d'apprendre, mais seul la tâche d'encre qui recouvrait le nom du mari de tante Cordelia sur l'arbre généalogique dansait devant ses yeux. Pas étonnant qu'il ait été effacé. Son emprisonnement et son affiliation à la magie noire devaient littéralement être une tâche sur la grandeur du nom de la famille : ils n'avaient fait que la retranscrire littéralement. Pourtant, il ne savait pas quoi penser de cet homme. De son oncle, en vérité. Oncle par mariage peut-être, mais oncle malgré tout. Était-il un père désespéré ou un criminel dangereux ? Même l'article semblait avoir du mal à trancher.

Othilia dut penser qu'elle lui avait laissé assez de temps car elle reprit le journal et le plia en deux pour cacher la photo en une représentant Cordelia, à moitié effondrée à la sortie de la fameuse clinique où était mort Théophilius.

- Voilà, c'était le père de Théa, énonça-t-elle d'une voix atone. Deux mois après la mort de Théo, il a été condamné à dix ans d'emprisonnement. Cordelia a demandé le divorce le jour même, mais ça a fait scandale. Des gens de leur milieu ne divorcent pas. Elle a retiré sa demande quelques jours plus tard, mais a repris son nom de jeune fille. Théa a fait pareil.

Il réalisa à cet instant que Théa s'appelait effectivement Grims et non Graves. Il ne pouvait pas vraiment l'en blâmer.

- Mais... s'il a été condamné à dix ans de prison en juin 1969, dit-il en calculant en même temps. Ça veut dire... ?

- Qu'il a été libéré en début d'été, oui. Il était sous surveillance, mais il y a des rumeurs qui disent qu'il a échappé aux Aurors et ne s'est pas présenté aux contrôles. En tout cas, il n'a pas tenté de reprendre contact avec sa famille... Ou alors Théa ne m'a rien dit. (Othilia se mordit la lèvre et marqua une pause, puis secoua la tête comme si elle trouvait l'idée absurde). Non, elle me l'aurait dit, assura-t-elle. Elle le déteste vraiment. Elle déteste tout ce qui touche à la magie noire de manière générale.

A nouveau, un souvenir sembla revenir des tréfonds de son esprit. Il revit sa tante Cordelia, le journal déplié devant elle pendant leur voyage en calèche volante jusqu'à Grand Central, qui le froissait ensuite de colère. Il avait juste eu le temps de lire les deux titres qui faisaient la une de l'actualité : l'affaire Emilia Cooper, avec sa photo de Joconde blonde mystérieuse, et Ronan Graves en cavale. Il comprenait mieux sa colère.

- Mais... Ce n'est pas dangereux ? Et s'il s'en prenait aux Grims ? A Cordelia ou à Théa ?

- Je ne crois pas que ça soit très probable. Il n'a jamais été violent d'après ce que je sais. Il avait juste des idées un peu...extrémistes. Les Aurors qui ont interrogé Théa lui ont apparemment dit que son père tenterait probablement de quitter le pays. Ils surveillent surtout les frontières.

- Il a bien choisi son timing alors, commenta-t-il avec ironie. Je veux dire, les frontières ferment...

- C'est l'inconvénient d'être en prison, t'as du mal à tenir au courant de la situation politique à l'étranger.

Le ton pince sans rire d'Othilia lui arracha un sourire. Sans rien ajouter, elle se leva à nouveau et remporta les journaux. Il se contenta de fixer sa place vite. En seulement une heure à ses côtés, il avait eu l'impression de la découvrir davantage qu'en deux mois. Son esprit oscillait entre cette nouvelle constatation et l'histoire de Ronan Graves. Il songea à la crispation de Théa lorsque son père avait été abordé lors de la visite de Leonidas. Il regroupa ce qu'il venait d'apprendre avec ce que son parrain lui avait révélé : Ronan avait rencontré Cordelia alors qu'elle était encore à Ilvermorny et lui plus âgé. Ils avaient été un couple fusionnel et venaient de se fiancer quand sa mère était partie après une dispute avec eux. Elle ne leur avait plus jamais parlé, même à l'annonce de la mort de Théophilius. Ce dernier élément l'intriguait plus qu'autre chose : il connaissait sa mère. Même si elle avait coupé les ponts avec sa famille, ça ne lui ressemblait pas de ne pas sortir du silence et de renouer les liens à l'occasion d'un évènement si tragique, surtout si Ronan n'était plus dans le tableau à ce moment-là. Il manquait visiblement une pièce du puzzle, une pièce qui s'était perdu dans les trames du temps.

Il ne put y penser davantage puisque Othilia revint et se rassit à côté de lui. Sur une impulsion, il prit alors une décision :

- Eh Othilia... Je peux te demander un service ?

- Oui ?

- Tu crois que tu pourrais me prêter un chaudron en état correct et m'aider à trouver un ingrédient rare pour une potion ?

**

*

- T'as fait quoi ? S'écria Liam dans un étranglement indigné. Mais... Pourquoi t'as fais ça ? Mais ça va pas !

- Parce qu'on avait besoin d'un chaudron et de vrais ingrédients, on allait droit dans le mur sinon !

- Mais non ! Albert tenait le coup !

Comme pour ponctuer la verve de Liam, une bulle gonfla à la surface du chaudron et explosa. L'étain se craquela un peu plus et Aileen s'empressa de jeter un énième sort de renforcement pour éviter qu'une fissure apparaisse.

- Liam, traduire les runes était une chose, briser un rituel de cette ampleur en est une autre ! On ne peut pas faire ça seulement à trois, rien que les philtres et les potions vont nous prendre des années si on a que Albert et des ingrédients bon marché au compte-goutte !

- Mais qu'est-ce que tu comprenais pas dans la lettre du corbeau ? Hurla Liam en retour. Il avait spécifié que personne ne devait être au courant sinon Emilia... elle... Rah !

De rage, il donna un coup pied dans le vide, frôlant leur chaudron de quelques centimètres. Il avait dû vouloir le viser avant de sûrement se rendre compte que le renverser serait contreproductif. Aileen se crispa.

- C'est fait maintenant, observa-t-elle d'un ton calme même si sa mâchoire crispée trahissait sa tension. Othilia pourrait effectivement nous aider... Qu'est-ce qu'elle t'a répondu ?

- Qu'elle pourrait nous fournir des chaudrons de rechange que son père garde dans une salle dans les sous-sols. Et pour la réserve, elle peut s'y introduire de temps en temps, mais elle ne peut prendre que les ingrédients dont l'absence ne se remarquera pas... Il va falloir s'organiser.

- Et elle demande quoi en échange ? Fit Liam, toujours sceptique.

Julian grimaça. Il devait reconnaître qu'Othilia avait été une négociatrice hors pair et n'avait pas accepté un simple « je ne peux rien te dire, fais-moi confiance » comme réponse. A sa décharge, ils ne se connaissaient pas si bien et lui aussi aurait voulu des explications à des demandes si étranges.

- Elle veut... être au courant, dit-il prudemment.

- Être au courant ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Il n'eut pas le temps de répondre. Comme si Othilia avait entendu la question de Liam, elle ouvrit la porte de leur salle de classe et Julian se contenta de la désigner, résigné. Elle entra tête haute, toujours aussi impassible que d'habitude. Juste derrière elle, Théa fit alors son apparition, l'air beaucoup moins calme et Julian écarquilla les yeux.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ? S'exclama-t-il avant même que Liam ait pu s'insurger.

- Quel accueil, ça fait plaisir...

Il se retint de lui dire de justesse que question accueil, elle n'avait sans doute pas de conseil à donner.

- En plus, c'est toi qui embarques ma meilleure amie dans des trucs pas nets, lui lança-t-elle en croisant les bras. C'est plutôt moi qui devrait te demander ce que tu fiches ici. Et surtout de quel droit tu poses des questions sur moi dans mon dos !

- Quoi ? Je n'ai pas...

Il s'interrompit. Il n'avait techniquement pas posé de questions sur elle. Sn père en revanche...

- J'étais le seul à ne pas savoir, se défendit-il. L'affaire était dans les journaux, ce n'était pas un secret. (Il la pointa du doigt, nerveux devant son regard noir). C'est toi qui m'a dit que je devais trouver les réponses que je cherchais si je voulais !

- Je parlais des réponses au sujet de ta mère ! Pas mon père !

- Après ce que Leonidas nous a dit, tu crois pas que les deux sont liés ? Sérieusement ?

Théa ne trouva rien à objecter. Elle se contenta de serrer les dents en le fusillant du regard et Liam dut sentir que la crise entre eux venait d'être avortée et il prit le relais.

- Au risque de nous répéter : qu'est-ce que foutez là ? Rugit-il. Personne ne devait être au courant !

- On est là parce qu'apparemment, vous avez besoin d'aide, contra Othilia sans tressaillir. (Ses yeux tombèrent sur Albert et elle le jugea littéralement : si Julian avait été un chaudron, il aurait voulu disparaître sous terre). C'est ça que vous utilisez ? S'indigna-t-elle.

- Le « ça » s'appelle Albert, se vexa Liam. Il est utile et vaillant et je lui fais confiance... Pas comme à certains, ajouta-t-il avec un regard équivoque.

- Eh !

- Il a eu raison de me demander de l'aide, le défendit Othilia. Votre chaudron tiendra encore une journée maximum et encore. Donc va falloir me dire exactement la chose sur laquelle on travaille si vous voulez arriver à quelque chose.

Othilia avait beau être ferme, Julian voyait bien que Liam avait du mal à décolérer même s'il semblait prendre conscience qu'ils avaient raison. Il se tourna d'ailleurs à demi vers Aileen, comme pour lui demander son avis, et elle lui adressa un mouvement de tête imperceptible pour l'encourager.

- D'accord, céda-t-il. Admettons que tu peux nous aider... Pourquoi elle est là, elle ?

Théa parut sur le point de lui balancer une réplique cinglante, mais Othilia lui coupa le feu sous le chaudron. Littéralement : elle s'avança pour passer devant Théa et éteignit d'un coup de baguette les braises sous le ventre de Albert.

- Elle est là pour plusieurs choses : premièrement, elle m'a suivi parce qu'on ne peut pas dire à Théa Grims de ne pas se mêler de quelque chose si elle en a envie. Deuxièmement, vu ce que vous essayez de faire – et je ne sais pas encore exactement ce que c'est – vous allez avoir besoin de ses connaissances en Défense contre les Arts Obscurs. Et troisièmement, elle est là pour s'assurer que vous ne m'embarquez pas dans n'importe quoi juste pour récupérer des chaudrons et des ingrédients de Potions.

A chaque argument de sa meilleure amie, Théa hochait la tête avec un sourire satisfait. Vu son expression, elle savait très bien ce qu'elle faisait : elle narguait Liam. Julian se demanda s'il allait se remettre à crier, mais comme les dernières fois il sembla se rendre compte que ça ne servait plus à rien et ses épaules s'affaissèrent.

- Très bien, concéda-t-il. Au point où j'en suis... Vous pouvez rester.

- Magnifique ! Approuva Théa. Alors ? C'est quoi l'histoire ? On participe illégalement à un concours de potions ?

Julian échangea un regard avec Liam et Aileen. L'indécision était palpable : à qui revenait la le rôle d'expliquer la tâche dans laquelle ils s'étaient lancés ? Liam qui avait reçu la lettre du corbeau ? Aileen, leur supervisatrice implicite ? Ou lui-même qui avait déchiffré les runes et découvert ce qu'il fallait faire ? En constatant que les deux autres ne prenaient pas la parole, Julian décida de répondre à sa cousine.

- Non, c'est un peu plus complexe. Je vous dirais bien de vous assoir, mais on n'a pas de chaises...

- Mes oreilles fonctionnent même quand je suis debout, pas de problème.

- Ok... (Il inspira profondément et se jeta à l'eau). Alors, toute l'histoire commence par un corbeau début septembre et... 

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Et voilà ! Quelques révélations dans ce chapitre, j'essaye de faire avancer au mieux l'intrigue ! J'espère que vous avez aimé ;) 

Elements tirés du canon/Pottermore  : 

Rien je crois ! 

Prochain post : chapitre 21 - lundi 7 juin 

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