Chapitre 14 : Un avion de papier

Salut à tous ! 

Et oui, nous sommes lundi. Ce n'est pas un post en avance, mais un changement. J'ai commencé mon stage et il se trouve que mon jour de libre n'est plus le mercredi, mais le lundi. Ca sera donc plus simple pour moi de poster ce jour là. Désormais, on se retrouve donc un lundi sur deux pour bien commencer la semaine haha ! 

Sinon, merci à tous pour vos commentaires ! Votre enthousiasme pour cette histoire me touche chaque jour un peu plus. 

Pour le chapitre de cette semaine, il est un peu technique et un peu plus court que d'habitude, j'en suis désolée mais il fallait en passer par là. Les deux prochains chapitres seront par contre les plus longs de la fanfic à ce jour, donc ça rattrapera haha ! 

Bonne lecture ! 

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« Then I realized my paper plane

Wasn't really up there with me

We all make mistakes, forgive me

Would you like to ride my paper plane ? »

- Status Quo-  


// 31 octobre 1979 //

Avant que Julian n'ait vraiment compris comment c'était arrivé, il avait passé presque deux mois à Ilvermorny. Le temps était une chose imprévisible et étonnante quand il y pensait. Il avait été persuadé de se languir de l'Angleterre chaque jour, de trouver le temps long... La vérité, c'était que ce n'était arrivé à aucun moment. Pris par le tourbillon de son arrivée au Etats-Unis puis au château, il n'avait littéralement pas eu le temps de le ressentir. En définitif, tout était allé très vite, comme si sa vie avait été mise en mode accéléré depuis l'enterrement de sa mère. Seul le vol en avion lui avait peut-être paru long à bien y penser.

Le reste des jours avait défilé sans que Julian s'en rend compte, rythmé par les cours, les repas, les moments passés avec ses amis et ses camarades de dortoir. Il y passait pratiquement toutes ses soirées pour rattraper son retard sur le programme et réviser ses cours pendant que Liam et Aileen étaient au Foyer. La plupart du temps, Enjolras et Wilde Wilkinson sortaient aussi pour le laisser travailler au calme. Ou du moins ils s'étaient mis à le faire après son troisième regard noir dans leur direction dès qu'ils faisaient craquer le parquet sous leur poids. Seul Noah semblait insensible et restait obstinément sur son lit à dessiner ou à lire. Julian le laissait faire. Ce n'était pas comme s'il le dérangeait vraiment. Parfois, quand il s'ennuyait juste, il lui envoyait un avion en papier qui lévitait au-dessus de sa tête magiquement pendant quelques secondes et Julian l'attrapait, renversé en arrière. Le dessin à l'intérieur était toujours une surprise selon les humeurs de Noah : une caricature de lui-même enfoui sous une pile de livres, Liam transformé en troll, un de leur professeur les cheveux hérissés et les lunettes de travers... L'imagination de Noah se renouvelait souvent et, même si Julian essayait de garder une expression neutre, un sourire finissait toujours par trahir son amusement.

Aujourd'hui, c'était Halloween. La veille, Noah avait fait voler jusqu'à lui un avion coloré pour la première fois. Les ailes avaient été coloriées en noir et orange et lorsque Julian l'avait déplié, une citrouille en fumée avait surgi du papier. La magie était belle, ce qui ne l'avait quand même pas empêché de sursauter, surpris. Il serait tombé de sa chaise s'il ne s'était pas rattrapé au bureau et l'éclat de rire de Noah dans son dos n'avait rien arrangé.

En y repensant, Julian sentit un sourire impossible à réprimer lui monter aux lèvres et il joua une seconde avec l'avion en papier qu'il avait gardé dans sa poche. Le bout pointu s'enfonça dans son doigt.

- Ca me donne mal à la tête, grommela soudain Liam, une main enfouie dans les cheveux.

- Ce n'est pas le plus évident, reconnut Aileen. Mais regarde là, tu vois la courbe de la lettre ? Ça se traduit comme ça...

Elle lui indiqua la ligne correspondante sur le parchemin. Assis en face d'eux à même le sol, Julian ressortit sa main de sa poche et appuya ses paumes contre ses yeux clos pour essayer de réduire la pression qui pesait contre eux. Après l'incident de l'avion-citrouille, il avait travaillé sur la traduction de runes jusqu'à tard dans la nuit et son manque de sommeil se faisait ressentir. Aileen lui adressa un sourire contrit.

- Tu ne veux vraiment pas du café ?

- Non, dit-il, buté.

Il porta sa tasse de thé à ses lèvres. Le goût âcre et sucré se répandit sur sa langue.

- Je suis sûr que si on te faisait une prise de sang, ça serait du thé dans tes veines, se moqua Liam.

- Très drôle... J'ai passé une nuit blanche pour ça.

- Oui, je vois ça. Ton écriture part en vrille vers 3 ou 4h du matin je pense.

Julian le fusilla du regard, puis fit mine de l'ignorer pour se tourner vers son amie.

- Aileen, tu peux dire à Liam que je ne lui parle plus.

- Liam, je crois que Julian veut te dire que tu n'as pas intérêt à critiquer son écriture, dit-elle en souriant. Pas alors qu'il n'a pas eu ses huit heures de sommeil.

- Exactement.

Liam fit le choix de ne rien répondre à part un sourire reconnaissant avant de se replonger dans le déchiffrage de son écriture et Julian savait que derrière ses blagues, son ami était vraiment reconnaissant.

Pour s'occuper, il porta son regard autour de lui. Apparemment, Ilvermorny comptait autant de salles vides que Poudlard et ils s'étaient refugiés ici pour échapper à la ferveur de la bibliothèque. Il n'y avait pratiquement pas de meubles à part un bureau branlant et deux tables sans chaise poussées contre le mur. Julian ne savait même pas s'ils avaient vraiment le droit d'être là, mais Liam les avait entraînés ici sans sourciller avec une nonchalance qui trahissait la force de l'habitude. A bien y repenser, il ne savait pas si c'était véritablement un bon signe. Pour éviter d'y penser, il regarda par la fenêtre. Le stade était visible d'ici, mais les hauts gradins empêchaient de voir à l'intérieur. Aileen suivit son regard.

- Je... je ne t'ai pas demandé depuis, mais ça va mieux avec ta sœur ? Je sais que vous vous êtes disputés après le match de Quodpot et je n'ai pas osé...

- Oh...

Le match remontait à un mois maintenant. Depuis ce jour, Julian essayait de faire des efforts avec Lottie, comme elle lui avait demandé. Il s'interdisait d'aller voir ses entraînements pour s'éviter une crise cardiaque et ils ne mangeaient même plus tous les jours ensemble maintenant qu'elle s'était fait des amies.

- Oui, oui, finit-il par répondre. Ça va mieux. Je crois que j'ai compris qu'il fallait que j'arrête de...

Il chercha ses mots et Liam releva la tête.

- La surprotéger ? L'étouffer ? Suggéra-t-il, malicieux.

- Eh !

- Quoi ? Tu lui tenais presque la main pour descendre les escaliers comme si elle allait louper une marche.

Julian grimaça. Il ne s'était pas rendu compte que les autres avaient perçu sa tendance à couver sa sœur. Pourtant, en repensant aux mots qu'elle lui avait jeté à la figure ce fameux jour, il se dit qu'elle n'avait peut-être pas tort. Il avait peut-être projeter sur elle la mort de leur mère. Il avait été incapable de faire quoique ce soit pour la sauver, mais qu'il soit damné s'il ne protégeait pas Lottie. Sauf que protéger ne voulait pas dire empêcher de vivre, souffla une voix dans sa tête. Il allait devoir veiller à s'en souvenir.

Pour se donner une contenance, il termina sa tasse de thé, puis se pencha à nouveau vers les deux autres.

- Bon du coup, vous validez la traduction ?

- Complètement, dit Aileen. Entre la tienne et celui que le corbeau nous a donné, je pense qu'on peut parvenir à comprendre comment briser ce rituel. Mais je n'ai jamais entendu parler d'un truc pareil. Le nombre d'étapes, c'est affolant...

- Je sais... J'étais un peu désespéré à mesure que je traduisais, mais je pense qu'on ne peut pas faire l'impasse sur quelque chose. Les couches du rituel fonctionnent un peu comme un tout.

- Mais ça va nous prendre des mois, non ? Demanda Liam.

Contre son genoux, sa main se crispait et Julian se doutait qu'il aurait tout donné pour avoir une cigarette. Il aurait aimé le rassurer et lui dire que le rituel ne prendrait pas si longtemps, mais ça aurait été mentir.

- Minimum trois ou quatre, oui... Je suis désolé.

- Les Aurors auront peut-être retrouvé Emilia d'ici là, tenta de le rassurer Aileen. Je ne pense pas qu'on devra aller jusqu'au bout.

Liam hocha la tête sans la regarder. Après le fiasco des serres à minuit le mois dernier, il ne paraissait plus avoir grand espoir de revoir sa sœur s'il n'accomplissait pas ce que le corbeau lui demandait. Julian n'osait pas le dire à voix haute, mais il partageait son sentiment. Si les Aurors n'avaient fait aucun progrès depuis juillet, c'était que le kidnappeur était organisé et méthodique.

- Au cas où, si on doit quand même le faire, on peut revoir le rituel ensemble pour s'organiser ?

- On a le temps ? Vérifia Julian, un œil sur la montre d'Aileen.

Elle leva son poignet pour regarder l'heure.

- Il nous reste trente minutes avant la sortie. T'inquiète pas, ça ira. (Elle étala à nouveau les parchemins devant eux). Tu vois toujours ton parrain ?

- Normalement, oui... Il m'a dit qu'il me rejoindrait au Deux Souafles.

- Au Deux Souafles... Ah, lâcha Liam.

Julian fronça les sourcils. Il ne connaissait absolument pas le café, Leonidas s'était contenté de lui indiquer le lieu et l'heure, mais le nom était visiblement familier pour ses amis.

- Quoi « ah » ?

- Rien...

- Liam... commença-t-il.

Aileen les interrompit.

- On peut revenir au rituel avant que le temps soit écoulé et que Julian panique parce qu'il sera en retard ?

- Eh ! Protesta-t-il.

- Mec, tu paniquerais totalement, fit Liam.

- Donne-moi ça, répliqua-t-il en arrachant presque le premier parchemin de ses mains. Que j'explique à ton pauvre petit cerveau.

- Eh !

Dans ce cri de protestation, Julian entendit malgré tout la surprise et l'admiration de Liam, même s'il tentait de le cacher, et il ressentit une certaine fierté à avoir réussi à surprendre le blagueur en chef de leur groupe.

- Bon, regarde le premier paragraphe, indiqua-t-il. (Il suivit avec son doigt en même temps). Le rituel a l'air d'être constitué de couches différentes qui mettent en jeu plusieurs types de magie. C'est assez courant pour des protections magiques complexes, ça les rend plus puissantes et surtout plus difficile à percer.

- Donc le rituel sert à désamorcer des protections magiques ?

- Quelque chose comme ça, oui.

- Mais des protections comme celles du château par exemple ? Morgane, ne me dis pas qu'on doit faire tomber les protections du château !

Il avait l'air sincèrement paniqué par l'idée et Julian s'empressa de le détromper :

- Non, pas celles du château. Elles sont bien plus vastes et complexes que ce qui est décrit là et on aurait eu aucune chance, soyons honnêtes. Non, le rituel décris ici correspond à une protection plus mince et d'une nature un peu différente... Comment je pourrais t'expliquer ? Hum...

Il fronça les sourcils et tenta de trouver une comparaison ou une métaphore assez parlante. Il jeta un coup d'œil à Aileen, comme pour lui demander de l'aide, mais elle haussa les épaules. Visiblement, elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire et il ressentit la frustration familière qui germait en lui dès qu'il essayait d'expliquer la façon dont il percevait les sortilèges aux autres.

- Ok, reprit-il, déterminé. Si tu devais visualiser les protections d'Ilvermorny, tu les verrais comment ?

- Je ne sais pas, avoua Aileen. Une sorte de grand mur invisible qui ferait le tour du château ?

- Exactement ! Ce sont surtout des sortilèges tissés ensemble dans un maillage magique serré pour protéger des forces extérieurs. Il doit aussi y avoir des sorts repousses-moldu dans l'ensemble.

- Mol quoi ?

- Non-Maj', désolé. Bref, ce que je veux dire c'est que ces sortilèges sont très forts et très étendus. Celui-ci est un peu différent. Déjà, ce n'est pas un sortilège à proprement parlé, ni une barrière magique. C'est plutôt... un rituel. Je ne sais pas exactement encore à quel il sert, mais généralement ce genre de rituel permet de faire varier des états.

Liam et Aileen échangèrent un regard chargé d'incompréhension.

- J'ai du mal à suivre, Julian... Varier des états, c'est-à-dire ?

- Par exemple ça permet de garder un coffre fermé si un rituel précis n'est pas effectué. Peu importe si tu as la bonne clé pour la serrure, il ne s'ouvrira que si tu déposes trois gouttes de sang de licornes et que tu enchaînes une séquence précise de contre-maléfices pour que le coffre s'ouvre. Si tu ne fais pas ça, le rituel peut avoir un système de protection et faire fondre ta clé. Je raconte n'importe quoi, c'est vraiment un exemple et je ne sais pas si ce rituel précisément serait possible, mais ça serait le principe. Un sorcier peut avoir recours à ce genre de magie pour protéger quelque chose, généralement quand un simple sort d'alerte ou repoussoir ne lui paraît pas suffisant. Vous voyez ?

Lentement, ses amis hochèrent la tête, l'air concentré. D'un geste vif, il se pencha pour attraper les parchemins et les maintint devant lui pour leur montrer. Toutes les informations qu'il avait recueillies depuis plus d'un mois se concrétisaient maintenant et il espérait vraiment qu'il ne s'était pas trompé dans ses traductions, mais à priori elles ressemblaient à celles que le corbeau leur avait envoyé.

- Donc c'est ça qu'il faut qu'on fasse ? Demanda Liam. Un rituel magique pour changer un état ? Genre une serrure ouverte, une serrure fermée ?

- Laisse tomber la serrure, c'était un exemple et même pas un bon. Et non, on ne va pas devoir faire un rituel. On avait raison, il va bien falloir le briser. Le corbeau veut qu'on arrive à réunir les éléments qui permettront de désactiver la protection que le rituel procure. Le problème, c'est que ce n'est pas un rituel très simple. Il en existe des milliers avec des combinaisons magiques multiples, mais la plupart des sorciers s'en tiennent à des choses assez simples. Celui-ci est un peu plus corsé que la moyenne.

- Un peu plus ?

Julian grimaça.

- Beaucoup plus, admit-il. Déjà, il met en jeu plusieurs domaines : un philtre, une potion, un contre maléfice et un sortilège à trois couches. Ou quatre, je ne suis pas encore sûr.

Il se détestait pour ça, mais il voyait bien que le visage de Liam se décomposait à mesure qu'il parlait. Aileen, elle, tirait nerveusement sur une mèche de ses cheveux roux et ses yeux bougeaient le long des parchemins comme si elle pouvait en changer le contenu simplement par la force de sa volonté.

- Tout ça ? S'étrangla Liam. Mais... combien de temps ça va prendre ?

- Je ne peux pas le dire avec précision...

- Combien ? Insista-t-il d'une voix sourde.

Julian sentit son ventre se tordre et il déglutit.

- Au moins trois ou quatre mois...

- Quoi ? Non !

- La potion demande énormément de temps pour être réalisée et le philtre doit être exposé à trois pleines lunes... Et je ne parle pas de la maîtrise du sortilège. Ça va demander énormément d'entraînement.

- Mais on n'a pas trois mois ! S'écria Liam. Emilia ne peut pas attendre trois mois !

- Je sais, mais...

- Trouve un moyen d'accélérer le truc !

Déstabilisé, Julian envoya un regard d'appel à l'aide à Aileen. Elle aussi avait l'air tourmenté, mais elle se redressa, volontaire, et se tourna vers Liam. Il la remercia intérieurement. Exposer des faits et des découvertes ? Il en était capable. Gérer la détresse d'un frère qui voulait retrouver sa sœur ? Il devait avouer qu'il se sentait de plus en plus dépassé. Depuis des semaines, il assistait aux changements d'humeur de Liam qui pouvait passer des blagues à l'agacement et il savait qu'il ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Compte tenu de la situation, il tenait même plutôt bien le coup et arrivait à présenter une façade bravade aux autres. Leurs camarades semblaient même oublier parfois la détresse que devait vivre Liam et les chuchotements qui le suivaient dans les couloirs en début d'année s'étaient peu à peu estompés.

Pourtant, pour le voir tous les jours, Julian savait que Liam était loin d'aller complètement bien. Il essayait vraiment d'être là pour lui en passant ses débuts de nuit à travailler les runes pour vérifier chaque information et parvenir à la traduction la plus fiable et précise qui leur faciliterait la tâche. Il essayait aussi d'être là émotionnellement en laissant Liam se défouler sur lui et même ses jeux de mots ou ses surnoms idiots ne le dérangeaient plus. Il était résolu à ne pas être comme son père qui oubliait comment fonctionnait le monde en dehors des grimoires dans lequel il se plongeait. Mais sa bonne volonté avait des limites et il ne pouvait simplement pas « accélérer le truc » parce que Liam le lui demandait.

- Liam, tenta Aileen d'un ton apaisant. Tu sais bien que Julian fait tout ce qu'il peut...

- Ce n'est pas suffisant ! Emilia est toujours disparue et elle a besoin de moi. On a déjà passé une éternité sur ces foutues runes, on ne peut pas...

- Une éternité qui va nous permettre de ne pas perdre du temps plus tard, coupa Julian d'un ton ferme. Ecoute, la traduction que le corbeau nous avait donné était bonne, mais vraiment en surface. Là, on a tout. On a même plus que ce qu'il voulait qu'on ait je pense. Je suis capable de te dire exactement quels ingrédients sont nécessaires pour la potion, quelles étapes on va devoir suivre pour le philtre, quelles capacités magiques on va devoir mettre en œuvre pour décrypter les couches du sortilège... Tout ! On ne va pas avancer à l'aveugle !

Il avait dû être plutôt convaincant car la colère de Liam parut quitter son corps comme de l'air qui s'échappait d'un ballon de baudruche.

- Mais ce rituel... Tu sais ce que c'est ? A quoi il sert ?

- Ah...

Il se passa une main dans les cheveux et se râcla la gorge.

- C'est un peu l'angle mort de ma traduction, avoua-t-il. Je pense qu'il manque une ligne. Les runes formaient une sorte d'incantation et clairement il manque un vers. Je pense que le corbeau l'a enlevé sciemment.

- Donc on va aider une personne potentiellement dangereuse à briser un rituel lui aussi potentiellement dangereux pour quelque chose qu'on ne connaît pas ? S'inquiéta Aileen.

- A peu près, oui, acquiesça-t-il. Les rituels sont pratiquement toujours là pour garder une chose en sécurité : Ilvermorny, Poudlard, un coffre comme je disais... Mais là je ne peux pas dire ce dont il s'agit...

- Ca ne me plaît pas...

- Aileen, arrête ! S'agaça Liam. On s'en fiche de ce que veut récupérer le corbeau. Du moment qu'il libère Emilia...

- Et si le rituel retient enfermé une créature maléfique, hum ? Un dragon enragé ou un basilic ?

Liam roula des yeux.

- Quoi ? Tu penses qu'on va libérer un basilic caché dans les entrailles du château ? C'est ridicule !

- Je ne pensais pas à quelque chose d'aussi extrême qu'une pièce scellée pour garder un basilic, intervint Julian.

- Mais c'est nécessairement un truc à ouvrir ?

- Non, c'est le plus courant, mais non. Ça peut être un minéral ou un végétal qui est soumis au rituel si l'objet à protéger est enterré par exemple. Certains ont même essayé de le soumettre à un humain ou à un animal, mais je crois que les expériences se sont très mal passées.

Liam et Aileen hochèrent la tête de concert. Ils avaient l'air passablement assommés d'informations et Julian les comprenait. Il s'était donné des maux de tête pendant des semaines à travailler sur ça. Il indiqua le mur derrière lui.

- Je peux accrocher les parchemins ici, proposa-t-il. Comme ça, on pourra y jeter un œil dès qu'on en aura besoin ? Si on travaille ici je veux dire...

- Tu vas nous aider à faire la potion, le philtre et tout le reste ? S'exclama Liam, presque incrédule.

Julian le dévisagea.

- Je ne me suis pas amusé à traduire les runes pour arrêter maintenant, dit-il sur le ton de l'évidence. Par contre, je te préviens. Je ne brille pas en potions.

- Pas de problème ! Dit Aileen, souriant pour la première fois depuis un moment. Liam est un chaudron de compétition en potions !

- Un chaudron de compétition ?

- C'est une expression canadienne, laisse tomber, elle m'embrouille encore avec.

- Quoi ? Vous aussi vous ne dites pas ça en Angleterre ?

Amusé, Julian secoua la tête.

- Non, désolé...

- Pas grave, dit-elle avec un geste las sans se départir de son sourire. J'ai l'habitude.

- En tout cas, on va avoir du boulot, maugréa Liam. Ce philtre va être une plaie à faire et la potion... Morgane, où est-ce qu'on va trouver les ingrédients ? Si on doit les acheter... Je ne suis même pas sûr que l'apothicaire du Village fournisse tout ça.

- Peut-être à Salem ? Suggéra Aileen.

- Peut-être... On y va aujourd'hui ?

- Si tu veux !

- Je ne peux pas... Leoni... je veux dire mon parrain m'attend au Village aujourd'hui.

Aileen parut désolée et elle se frappa le front du plat de la main.

- Oh j'avais oublié que c'était ta première sortie... C'est vrai que tu vas découvrir. Ça m'embête de te laisser tout seul...

- Non ! Non, t'inquiète pas. Je me baladerai après un peu, mais vous me montrerez la prochaine fois. Vous pourrez même m'emmener à Salem.

Il ne savait plus si quelqu'un – un professeur ou Aileen – l'avait mentionné quand il était arrivé, mais Julian avait eu la surprise de découvrir que les sorties du week-end qui commençaient aujourd'hui pouvaient se faire soit au Village à quelques kilomètres du château, soit à Salem. Le côté sorcier de la ville accueillait en effet les élèves à chaque sortie et il suffisait d'emprunter une cheminée reliée spécialement ce jour là entre Ilvermorny et l'Institut de Salem. Les élèves aimaient bien varier et Julian devait avouer qu'il mourait de curiosité de découvrir le célèbre village où s'était tenu le procès de sorcellerie le plus connu de l'histoire américaine. Il regrettait presque que Leonidas ne lui ait pas donné rendez-vous là-bas.

- Je te promets qu'au prochain week-end de sortie, on se transforme en guide touristique !

- Et je te prendrai même en photo gratuitement devant les potences, lança Liam.

- Glauque...

- Je te jure que c'est l'attraction principale !

Julian tenta de ne pas se l'imaginer, mais la vision d'une potence et d'une horde de touristes devant fusa quand même dans son esprit.

- Mais il y a d'autres choses à voir, le rassura Aileen en avisant sa tête.

- Hâte de voir ça...

Il regarda sa montre et se rendit compte que ses explications avaient duré plus longtemps que prévu.

- Bon je dois y aller, dit-il. On se retrouve ce soir ?

- Pas de problème. Ça va aller pour te rendre au village ?

- Je vais suivre les autres ?

- Bon plan, approuva Liam.

Il sembla hésiter une seconde puis ajouta, toute trace de sourire moqueur envolée :

- Et Julian ? Merci... Pour les runes, pour ton aide...

- Oh... Euh, c'est normal...

- Il raison, ajouta Aileen, merci pour les explications. Tu ferais un super prof !

- Peut-être pas quand même, lança Liam.

Julian éclata de rire. Il se contenta de secouer la tête sans rien rétorquer et attrapa son sac avant de leur adresser un vague signe de la main. La porte se referma sur les cheveux roux d'Aileen. Maintenant seul, il hésita à retourner dans son dortoir pour voir s'il ne pourrait pas suivre Wilde ou Enjolras jusqu'au Village, mais il abandonna l'idée en songeant à la volée de marches à gravir. Au lieu de ça, il se dirigea vers le hall.

Pour une fois, comme il n'était pas accompagné, il décida de faire le grand tour par l'aile ouest et promena son regard sur les décorations d'Halloween qui étaient apparues une nuit en début de semaine. Un peu partout, des citrouilles éventrées parsemaient les couloirs et leur sourire, tantôt sinistre, tantôt amusant, semblaient presque se moquer de lui alors qu'il passait devant elles. Au plafond, des bébés chauve-souris battaient des ailes et passaient même parfois au ras de ses cheveux. Le premier jour, Aileen avait poussé un cri de frayeur qui avait fait s'écrouler de rire Liam. Des toiles d'araignées avaient aussi fleuri un peu partout, ce qui avait passablement énervée Lottie. Le peu que Julian avait vu sa sœur cette semaine, elle avait eu l'air terrorisé et il savait que sa peur des araignées vivait mal l'apparition de ces décorations qui n'avaient rien de fictives.

Quand il atteignit le hall, Julian manqua de s'arrêter. Presque vidé des élèves qui le traversaient à chaque moment libre de la journée, il pouvait enfin le contempler véritablement et il en resta bouche-bée. La vaste coupole en verre au-dessus de lui s'était assombrie et le balcon circulaire qui courait tout le long de la pièce avait été orné de délicates toiles argentées. Au sol, au pied de chaque statue représentant les symboles des maisons, se trouvaient des dizaines de petites citrouilles. Même le carrelage du nœud gordien au milieu du hall avaient changé de couleur : au lieu des traditionnels bleu et rouge, il était orange et noir. Les bougies placées dans la bouche des citrouilles jetaient des reflets dorés partout et la lumière qui atteignait les fenêtres rencontrait les rayons du soleil qui eux-mêmes venaient se fractionner en éclat contre le verre. Les tâches de couleurs ondulant sur le sol auraient pu fasciner Julian toute la journée s'il ne s'était pas rappelé de l'heure qui tournait.

Dès qu'il passa les lourdes portes en bois, le vent froid de la fin d'automne l'agressa de plein fouet et il resserra son écharpe autour de son cou. C'était le week-end et les élèves n'avaient pas l'obligation de porter leur uniforme, alors il avait opté pour sa vieille écharpe de Serdaigle. La sortir de sa valise lui avait presque monter les larmes aux yeux. C'était une sensation presque étrange de retrouver les couleurs bronze et bleu après tout ce temps, mais la familiarité qu'il ressentait en cet instant le confortait dans son idée, peu importe les regards curieux qui se retournaient sur lui.

Julian remonta le chemin qui traversait le parc. A sa gauche, il voyait les écuries et les serres. Les silhouettes de verre et de fer lui rappelèrent douloureusement leur fameuse escapade à minuit en septembre quand Liam s'était blessé à la main. La détresse de ses cris le hantait encore. A sa droite, le stade se dressait fièrement et le ruisseau qui serpentait dans le parc continuait sa course jusqu'au gros rocher creux avant de s'enforcer sous terre dans une espèce de grotte. Il se demanda un instant s'il était possible de s'engouffrer à l'intérieur, mais passa son chemin. Il aurait le temps d'explorer le parc plus tard.

A la sortie du domaine, une petite foule d'élèves s'étaient formée pour montrer les autorisations à la directrice Hicks en personne et Otis Clavis, son visage rubicond éclairé par le soleil d'octobre. Il adressait un sourire bienveillant à tout le monde et son expression s'éclaira un peu plus en l'apercevant :

- Ah Julian Shelton, pas vrai ? On ne s'est pas revu depuis Grand Central !

- Bonjour Otis... Vous allez bien ?

- Parfaitement ! Alors, comment est-ce que tu trouves Ilvermorny ?

Julian sourit et haussa les épaules.

- Grand, répondit-il laconiquement.

- Ma foi, c'est bien vrai ! Tu vas au Village ?

- Oui.

- Oh tu vas voir, c'est très sympathique. J'adorais y aller quand j'étais étudiant. (Son regard se perdit dans le vague une seconde, comme s'il repensait à sa jeunesse). Mais enfin je ne veux pas t'embêter avec mes histoires anciennes, tu as mieux à faire ! Je dois juste vérifier ton autorisation.

- Tenez...

Presque incertain, Julian lui tendit. Il l'avait reçu par hibou en début de semaine et la signature en bas de page ne lui avait pas échappé. Ce n'était pas celle de son père. C'était celle élégante d'Isadora et le cachet de la poste venait de Boston, ce qui signifiait que Leonidas lui-même l'avait envoyé. Parler de son père était une des premières choses qu'il prévoyait de faire en revoyant son parrain. Les lettres des deux avaient été assez évasives pendant deux mois et Julian avait hâte de pouvoir le confronter.

- Tout est en ordre, approuva Otis. Tu peux y aller. Bonne journée !

- Merci, Otis.

Avec un geste de la main, il reprit son chemin. Devant lui, plusieurs personnes se dirigeaient dans la même direction en longeant le mur d'enceinte pour emprunter un sentier à flanc de falaise. Julian souffla presque de soulagement en constatant qu'il n'y avait pas besoin de prendre les montgolfières pour descendre.

Autour de lui, la Sylve d'Argent – c'était le nom que les habitants de la région donnaient à la forêt du mont Greylock – embaumait l'air d'une odeur de pin. Les mains enfoncées dans les poches, il aurait voulu mieux observer le paysage, mais il faisait attention à ne pas se tordre une cheville sur une roche. Il mit même plusieurs minutes à remarquer qu'à quelques mètres Enjolras et Clémence Laveau marchaient devant lui et encore un peu plus loin se trouvaient Noah et Othilia, main dans la main. Les cheveux blonds au carré d'Othilia se balançaient au grès de ses pas. Ils parlaient, penchés l'un vers l'autre, et Julian les regarda, pris au dépourvu. Jusqu'à présent, même s'il les avait vu tous les deux, il ne les avait pas vu... ensemble. Se tenir la main, oui, mais Noah avait souvent l'air détaché dans ces moments-là. A cet instant, il souriait presque à quelque chose qu'elle disait en faisant des gestes agacés et elle le repoussa en remarquant qu'il se moquait d'elle. Il secoua ses boucles noires, les bras presque enroulés autour de ses épaules avant de l'attirer contre lui.

Julian manqua de trébucher sur une aspérité du chemin et il détourna le regard. Dans sa poche, l'avion en papier orange et noir que Noah lui avait envoyé la veille pesait lourdement. 

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Et voilà ! 

J'ai conscience que ce chapitre est surtout explicatif. J'ai essayé de le rendre le plus clair possible parce que je suis partie sur quelque chose d'un peu compliqué pour le rituel. Dites-moi si vous avez eu du mal ou si au contraire c'est assez clair pour vous ^^ 

Elements tirés du canon/Pottermore:

- Il existe bien un Institut de Salem qu'on voit dans le tome 4 à la Coupe du Monde. J'ai décidé de le reprendre et d'en faire un institut supérieur de magie qui a un partenariat avec Ilvermorny pour les sorties scolaire. 

Du coup on se retrouve dans deux semaines ! 

Prochain post : Chapitre 15 - Lundi 15 mars 


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