Chapitre 42 : Ecran de fumée
Hello ! Petit craquage de milieu de semaine, tout simplement parce que je peux me le permettre. Celles.eux qui me suivent sur insta le savent mais du coup l'écriture de ce tome 2 est enfin achevée, deux ans pile après son début ! Je suis vraiment super contente d'être arrivée au bout parce que damn il était long, mais on a parcouru un sacré chemin ensemble et avec tous les personnages ^^ Et si vous vous demandez, il y a donc 47 chapitres de prévu.
Donc pour fêter ça, voici la suite du procès ! J'avais oublié de le préciser au chapitre précédent mais au cas où c'était pas évident, je n'ai aucune notion juridique, encore moins américaine donc vraiment j'ai fait à ma sauce et avec mon imaginaire. Si certain.es font du droit, pardonnez-moi, je m'excuse auprès de toute la profession haha ! Mais ça suffira pour une fanfic ^^
Allez, bonne lecture ! La piscine m'attend !
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Chapitre 42 : Ecran de fumée
« L'enfer, c'est les autres, monsieur le philosophe, mais c'est aussi les mots »
– Arnaud Cathrine –
// 24 mai 1981 //
Ce fut le chaos.
Pétrifié sur son banc, Julian avait eu l'impression d'être plongé momentanément sous l'eau. Les cris autour de lui étaient devenus des voix étouffées et il avait senti tout son corps s'engourdir, incapable de bouger. Théa avait dû lui parler – un chuchotement paniqué près de son oreille – mais il l'avait à peine entendu. Tout ce qui résonnait était la voix de Celestina Rappaport, portée par son sourire triomphal : Le témoignage est considéré comme invalide si le témoin s'avère être concerné par la liste fournie par le Conseil des Guérimages. J'ai bien peur que « maladie mentale » et « atteinte aux bonnes mœurs » en fassent partie. N'est-ce pas, monsieur Douzebranches ?
Encore trente minutes plus tard, assis à l'extérieur de la salle d'audience, la seule chose qui lui occupait l'esprit était une question qui le dévorait de l'intérieur. Comment ? Comment a sénatrice du MACUSA pouvait être au courant ? Où était-elle aller chercher l'accusation ? Il avait envie de vomir.
La juge avait suspendu la séance presque immédiatement tant les esprits s'étaient immédiatement échauffés : Hilda avait bondi sur ses pieds, le visage déformé par la rage et l'indignation, en criant à la calomnie. L'avocat d'Emilia avait tenté de parler plus fort qu'elle, affirmant qu'il fallait une expertise de guérimage en bonne et due forme pour porter pareil outrage à un témoin ou au moins une enquête.
Même dans son état second, les mots « expertise » et « enquête » lui avaient ouvert la poitrine en deux sous le coup de la panique.
- Cela suffit ! avait proclamé la juge Harkaway, à bout de patience. L'audience est suspendue, je vais m'entretenir avec l'accusation et la défense. Monsieur Douzebranches, vous venez avec nous. Je ne veux plus rien entendre !
Et alors que tout le monde se levait et criait malgré tout son avis à tort et à travers, Théa avait dû le tirer sur ses pieds. Il s'était en tout cas retrouvé traîner hors de la salle, le cœur au bord des lèvres, et seule la pointe de lucidité qui lui restait l'avait poussé à vouloir se dégager. Noah. Il fallait qu'il trouve Noah, il fallait au moins qu'il lui dise que...
- Ne le regarde pas, avait sifflé Théa tout contre lui, le bras si fermement agrippé au sien qu'il sentait à peine le sang circuler. Ju', je t'en supplie, le regarde pas. Elle n'a rien dit sur toi, pas encore... Viens, allez...
Il aurait voulu en rire, tellement c'était absurde. Celestina Rappaport n'avait « encore » rien dit sur lui ? Sans doute, oui. Mais est-ce que ça changeait vraiment quelque chose ? Si Noah avait été découvert, quelles étaient les chances pour qu'il ne le soit pas aussi ? Ils avaient manqué de prudence dernièrement : leur secret avait été exposé dans leur dortoir, ils s'étaient rendus à Salem ensemble, à New York aussi... Si Celestina Rappaport préparait ce procès depuis des mois, peut-être qu'elle avait voulu trouver des failles chez les témoins et ils lui en avaient offert sur un plateau d'argent.
Les jambes tremblantes, il avait toutefois fini dans le couloir, hors de la salle d'audience dont les lourdes portes en bois s'étaient refermées avec fatalisme. Et tandis que les voix continuaient à vociférer autour de lui, il avait senti Théa l'écarter un peu plus, bloquant la vue en se positionnant face à lui, presque dressée sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur :
- Julian, on a seulement quelques secondes, regarde-moi ! lui avait-elle murmuré si bas qu'il avait presque eu du mal à entendre par-dessus le bourdonnement qui lui emplissait les oreilles. Faut que tu m'écoutes !
- Une honte ! s'écriait Hilda derrière eux. Une honte, je demande à voir mon neveu ! Agent Fischer !
- Cette pauvre conne, elle a pas le droit de faire ça !
- Liam, voyons ! Surveille ton langage !
- Julian, tu m'écoutes ?
- Quoi ?
Sa propre voix lui avait semblé atone.
- Faut que tu m'écoutes, avait répété Théa en détachant bien chaque syllabe. Ta mère est juste là, elle va arriver dans une seconde. Faut que tu sauves les apparences. Rappaport n'a rien contre vous, j'en suis sûre, elle voulait juste perturber l'audience parce qu'elle perdait du terrain. (Elle avait enfoncé ses ongles dans son avant-bras). Eh ! Tu m'entends ? Tu n'avoues rien, tu ne sais rien, tu n'as rien fait. Et Noah va s'en sortir. C'est clair ?
- Ouais, ouais...
Peu convaincu, il avait tout de même hocher la tête et déglutit avant de retrouver la maîtrise de son visage. Pile à cet instant, sa mère était arrivée sur eux, écartant Théa. Il avait joué le jeu pour la rassurer, fébrile, mais le ventre tordu par l'inquiétude. Oui, il allait bien. Non, il ne comprenait pas plus que les autres ce que Rappaport avait voulu dire ou faire. Des paroles fausses, banales et creuses mais qui étaient sorties de sa bouche avec conviction sous l'œil inquiet de sa mère et celui alerte de sa cousine, prête à intervenir au moindre faux pas.
Sa dette envers Théa était immense sur ce coup-là.
Désormais, il était assis dans le couloir, en silence. Comme tout le monde. Hilda avait cessé de vociférer une fois qu'Hercules Fischer était parti avec Emilia pour la conduire à l'écart. Visiblement, elle n'avait pas le droit de rester avec eux. Ses parents et Liam fixaient le bout du couloir comme si elle allait réapparaitre par la seule force de leur volonté.
Lui-même restait prostré, le cœur toujours un peu trop affolé. Il n'arrivait pas à comprendre ce qui s'était passé. Le procès était sur Emilia. Sur Ronan à la limite. Comment l'œil du cyclope avait pu se retrouver sur Noah et lui d'un coup ?
- Oh Morgane soit louée !
L'exclamation d'Hilda le tira de ses pensées. Il redressa la tête si vite sur sa nuque craqua, mais il ignora la pointe de douleur en voyant Noah arriver vers eux d'un pas pressé et le visage fermé. Il sauta sur ses pieds en même temps que les autres.
- Je jure que s'il faut, je porterai plainte contre cette Rappaport de malheur ! clama Hilda en fonçant sur Noah, courroucée. Tu vas bien ? Qu'est-ce qu'ils ont dit ?
- Dis-moi que tu lui as balancé un sort, supplia Liam, quelques pas derrière.
- Pitié, ne lui donne pas d'idée, grommela Théa à son tour. Et tais-toi, laisse-le parler. Alors ?
Noah leur fit face, tendu.
- Ca va, Rappaport n'a rien. Un de ses collaborateurs qui l'a aidé à préparer le procès m'a juste vu à ton café, dit-il en regardant sa tante exclusivement. J'étais avec... un gars d'Ilvermorny. Zack Ledwell, ajouta-t-il pour eux.
- Ledwell ? répéta Liam, sidéré. Mais il est même plus à l'école !
- Oui bah il était de passage ce jour-là, j'ai discuté dix minutes avec lui autour d'un verre. Le collaborateur de Rappaport nous a vu, il m'a reconnu et il savait que je faisais partie des témoins pour Emilia.
Julian aurait voulu hurler. Il se souvenait de cette anecdote : Noah lui avait avoué qu'il avait vu Zack, juste avant le Bal des Fantômes en début d'année... La rencontre l'avait bouleversé à cause de ce que Zack avait eu à subir et le fait que la menace plane d'un coup au-dessus d'eux renforça son angoisse.
Evidemment. Celestina Rappaport avait beau avoir une dent contre Emilia et ce qu'elle représentait – la née-moldu qui pouvait compromettre le secret magique – elle était bien trop haut placé au MACUSA pour avoir travailler le dossier toute l'année. Des dizaines de personnes avaient dû l'aider à se préparer. Des personnes qui se rendaient dans les lieux sorciers américains comme toute le monde, dont le café d'Hilda.
- Mais Noah ! s'écria Liam en jetant ses mains au ciel. Pourquoi t'as fait ça ? Un verre avec Ledwell ? Alors que tu sais qu'il est...
Il s'interrompit lui-même, l'air de se rappeler à qui il parlait. Noah le fusilla du regard.
Il y eut un moment de flottement, juste l'espace de quelques secondes où Julian fut certain que Théa et Othilia devaient se retenir de le fixer ; puis, visiblement frustré, Liam eut un grognement rageur. Il fit alors volte-face pour s'éloigner et se calmer. Ses parents lui coururent après.
- Je ne suis pas sûre de comprendre... releva Hilda, soudain perplexe. Qu'est-ce que ça veut dire, tout ça ?
- Rien, absolument rien, assura Noah en vitesse. Rappaport savait que ce n'était pas assez solide, elle voulait juste gagner du temps et avoir un témoin en moins. Elle est en train de se noyer dans ses explications, elle parle de Dorcus, du perroquet et de la malédiction des Douzebranches pour justifier la « maladie mentale ». La juge ne va pas retenir ça comme motif, ne t'inquiète pas, mais je dois y retourner encore une minute...
- La malédiction comme maladie mentale... Oh mille gargouille, elle ne recule vraiment devant rien ! s'indigna sa tante. Très bien, parfait. Laisse-la parler, elle se discrédite toute seule. Surtout ne t'énerve pas, Noah, c'est compris ? Ca fait partie de sa stratégie !
- Je sais, je sais...
Théa haussa un sourcil.
- Attends, attends. Tu dois y retourner ? Pourquoi ils t'ont fait sortir alors ? Ils n'ont pas le droit de parler sans que tu sois là pour te défendre.
Elle soulevait un bon point. Expectatif, il tenta de croiser le regard de Noah en essayant de maintenir sa façade plus ou moins sereine en place, mais réalisa soudain que Noah évitait soigneusement de regarder dans sa direction. Ça ne fit que tendre un peu plus ses nerfs.
- Hum... La juge dit que les accusations de Rappaport ne sont pas recevables, mais pour clore définitivement le sujet, elle veut...
- Oui ? pressa Hilda. Qu'est-ce qu'elle veut ? Donne-lui ce qu'elle demande, Noah, ne fais pas ta forte tête, je te préviens !
- Non, non c'est bon. Elle veut simplement un témoignage en plus pour clore le sujet. (Il se râcla la gorge, mal à l'aise). Elle veut... enfin je veux dire... Oh et puis merde, Othilia, tu peux venir ? Juste pour dire un mot ?
S'il n'avait pas eu la gorge aussi serrée, Julian était sûr qu'un « pardon ? » outré aurait passé ses lèvres. En l'occurrence, il ne réussit à rien articuler et se tourna plutôt d'un bloc vers une Othilia pétrifiée, comme tous les autres.
Soudain devenue le centre de l'attention, elle écarquilla les yeux et dévisagea Noah.
- Moi ? s'exclama-t-elle en se pointant du doigt où brillait sa bague en or. Mais...
- T'es un peu ma seule copine donc oui, toi. Tu dois jouer la « garante », je crois.
Le cynisme de Noah n'arriva pas à masquer son malaise pendant une fraction de seconde. Julian, lui, tenta d'ignorer le coup dans sa poitrine. Sa « seule copine ». Dans un sens ironique, c'était vrai : Noah savait très bien jouer avec la réalité.
Le professeur Fontaine, posté derrière sa fille, intervint enfin :
- Il ne manquait plus que ça... maugréa-t-il, l'air de trouver décidément Noah agaçant sur toute la ligne. Bien, Othilia, nous n'allons pas contrarier la juge. Il faut montrer que nous collaborons sans poser de problème. Tu vas y aller juste pour une minute et répondre à ses questions, d'accord ?
Sans enthousiasme, Othilia acquiesça, même si elle paraissait plutôt vouloir s'enfuir du MACUSA que de devoir témoigner pour sauver la réputation de Noah. Les traits déformés par une grimace, elle fit signe à Noah et ils repartirent vers le bout du couloir. Ils les suivirent tous des yeux.
Noah ne l'avait toujours pas regardé une seule fois.
- Par Morgane, rien ne nous sera épargné, commenta finalement tante Cordelia d'un ton plat. Mais ça me rassure. Si Rappaport s'appuie sur la soi-disant malédiction des Douzebranches pour faire invalider les témoignages des enfants, ça veut dire qu'elle sait que ça peut faire basculer le procès en faveur d'Emilia.
- C'est vrai, elle ne doit pas avoir grand-chose de solide, approuva sa mère. Hilda, je suis toutefois désolée que ça vous retombe dessus...
- Rah, ne vous en faites pas. J'en ai vu d'autre. C'est pour mon garçon que je...
Il s'écarta discrètement des adultes, peu désireux d'en entendre davantage. Du coin de l'œil, il crut voir la main de sa mère tressaillir, comme pour le retenir, mais elle laissa retomber son bras alors qu'Algibert Fontaine s'adressait à elle. Théa, en revanche, le suivit de près.
- Ju'...
- Non, coupa-t-il court d'une voix cassante. J'ai vraiment pas envie d'entendre ce que tu vas dire, là tout de suite.
- Je sais. Je sais que c'est dur et ça me plait pas plus qu'à toi. Othilia n'avait pas besoin qu'on lui balance la carte de « témoignage de l'ex » en prime, mais c'est comme ça. On ne peut rien y faire.
Tout le pragmatisme de Théa glissa sur lui comme sur du verre. Très égoïstement, il avait envie de répondre « au diable Othilia ! », mais il savait aussi qu'il ne pouvait pas se le permettre face à sa meilleure amie. Faute de pouvoir faire éclater la bulle de colère dans son ventre, il continua donc à s'éloigner et finit par planter Théa devant la porte des toilettes pour homme.
- Non, attends, Julian !
Le battant se referma sur son nez retroussé par l'indignation.
Le souffle court, il s'agrippa au lavabo le plus proche. La pièce aux carrelages en damier blanc cassé et vert sapin était déserte heureusement et il en profita pour se passer de l'eau sur le visage, juste pour s'éclaircir les idées. Sa dette envers Théa devrait attendre : il avait besoin d'être seul une seconde sans regard scruteur sur lui ou il allait exploser.
Personne ne se doute de rien, se répéta-t-il en boucle. Rappaport misait seulement sur l'histoire familiale des Douzebranches. Aucun médicomage ne va emmener Noah.
L'angoisse oppressante contenue en lui depuis ce matin se relâcha d'un coup. Si ses mains n'avaient pas été si fermement serrées autour du bord en émail du lavabo, peut-être que ses genoux auraient flanché... Evidemment, son cerveau ne lui laissa pas de répit très longtemps.
Il s'imagina ce qu'Othilia devait être en train de raconter pour sauver la face... Retracer sa relation avec Noah ? Affirmer que les accusations de Rappaport étaient ridicules et sans fondement ? Que Noah l'avait embrassé pendant plus de deux ans ? Qu'il avait aimé couché avec elle ? L'idée agita quelque chose au fond de son ventre et il se força à expirer puis inspirer profondément. Il n'avait pas le droit de penser comme ça, ce n'était pas de la faute d'Othilia et encore moins celle de Noah...
Dans le miroir face à lui, il finit par relever les yeux pour observer son reflet. Il fut rassuré de voir que ses émotions ne transparaissait pas trop sur ses traits et il tenta de gommer les dernières traces d'inquiétude. Un jeu d'acteur. C'est ce qu'il fallait qu'il mette en place, Théa lui avait dit : sauver les apparences. Ne pas montrer qu'il en avait le ventre retourné, ne pas montrer que tout cela le concernait. Ne pas montrer qui il était vraiment.
Concentré, il sursauta brusquement lorsque la porte principale s'ouvrit. Noah surgit dans son dos sur le reflet et se figea en le découvrant là.
- Oh je vous jure, tous les deux ! pestait la voix de Théa derrière le battant à moitié en train de se refermer. Je vous laisse trois minutes, pas plus ! Et ne me faites pas entrer là-dedans pour vous traîner dehors !
La porte se referma à nouveau sur elle, les laissant seuls dans le silence. Et Julian n'avait pas besoin de miroir cette fois-ci pour savoir que son expression si savamment remise en place devait venir de s'effondrer comme un château de carte.
- Jules...
Mais au moins, celle de Noah n'était pas mieux. D'un coup, son masque de nonchalance s'évapora et pris le même accent de détresse que sa voix. Il ne perdit plus une seconde. Sans un mot, il ouvrit la première cabine sur sa droite et attrapa Noah pour l'y pousser avant d'entrer à sa suite.
Immédiatement, ils entrèrent en collision.
Noah s'agrippa à lui, tremblant... Tremblant et conscient qu'ils venaient d'être frôlés par la catastrophe, poussés si près du vide qu'il n'aurait fallu qu'un souffle pour les faire basculer. Du bout des doigts, Julian se mit à faire courir ses doigts : il dessina le contour de sa mâchoire, remonta vers ses temps, puis se perdit dans ses boucles en un geste d'excuse. Il ne savait pas trop de quoi il s'excusait. D'avoir été pétrifié ? D'avoir eu peur ? D'avoir encore peur ? Entre ses bras, Noah semblait lutter contre les mêmes émotions. Il les cacha en glissant son visage dans son cou.
- Me lâche pas, Jules... sérieux, me lâche pas, j'ai juste besoin une minute...
Il sentit quelque chose craqueler à l'intérieur de lui en entendant Noah être aussi vulnérable. En deux ans, jamais il ne l'avait entendu comme ça et il prit sa décision en un battement de cœur : il ne le lâcherait plus. C'était hors de question. Et étrangement, ce fut la voix de Matthew qui lui revint à ce moment-là.
Eh, Ju' ! On emmerde leur loi des Bonnes Mœurs.
Il lui y avait fallu un an et demi, mais il y croyait enfin à cette phrase.
**
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- Alors ? murmura Théa. Comment... ça va, je veux dire ?
L'audience allait reprendre et ils étaient tous les deux à l'arrière du groupe, un peu en retrait.
- Ouais, ça va... La juge a juste demandé à Othilia de confirmer la version de Noah, elle l'a fait sans rien laisser filtrer. (A elle aussi, il lui devait une dette immense, même si ça lui faisait mal de l'admettre). Ils sont ressortis en quelques minutes...
- Oui, je sais, je les ai croisés quand je t'attendais dans le couloir. Noah est entré avant que j'ai pu le prévenir, je crois qu'il avait besoin d'une pause.
Il émit un simple « hum » en accord. Noah avait effectivement eu besoin d'une pause, ce que personne ne pouvait lui reprocher. Heureusement, la reprise du procès avait été annoncée au moment où ils étaient ressortis des toilettes et les adultes n'avaient pas eu le temps de leur tomber dessus.
- Ca va aller, je crois... ça aurait pu être pire.
Le poids de ses mots se répercuta jusque dans ses os. Oui, ça aurait pu être pire. Parce que le pire aurait pu prendre la forme d'un appel aux médicomages et aux psychomages. Il aurait pu voir Noah disparaître, il aurait pu les voir se tourner ensuite vers lui et disparaître à son tour. Parfois, juste continuer d'exister représentait une victoire.
- Honnêtement, oui, approuva Théa. Tout ça pour une conversation avec Zack Ledwell, je te jure...
- Julian, Théa, dépêchez-vous un peu, les pressa tante Cordelia.
Ils allongèrent le pas aussitôt, confus, et s'engagèrent entre les rangées de banc. De là où il était, il pouvait voir qu'Hilda avait déjà repris sa place, le dos droit, et le regard orageux. Noah lui fit un faible signe de tête en passant avant que Théa ne le tire de leur côté de l'allée. Ils étaient à peine assis que la plume à papote s'éleva à nouveau dans les airs au-dessus de l'estrade et que la juge imposait le silence en élevant la voix :
- Nous allons pouvoir reprendre la séance, s'il vous plait. Après étude de la demande d'invalidité d'un témoin par madame la sénatrice Rappaport, j'annonce que cette demande est rejetée. Pour maintenir la bon déroulé de ce procès, nous reviendrons toutefois sur le témoignages des étudiants présents à Ilvermorny demain.
La décision ne parut pas ravir l'avocat d'Emilia, mais au moins Celestina Rappaport affichait également une mine contrariée qu'il trouva réconfortante.
- Bien, maintenant reprenons le fil de cette affaire. La défense a la parole.
- Merci, votre Honneur, remercia Beckerman Je viens à rappeler, suite à cette délibération, que tous nos témoins ont accepté de prendre la parole dans le but de démêler au mieux les faits et sont animés des meilleures intentions. Madame Rappaport ferait mieux de garder cela à l'esprit si l'idée lui prenait d'à nouveau accuser sans fondement nos témoins...
- Il y avaient des fondements, rétorqua l'intéressée d'un ton sec. La... disgrâce de la famille est bien connue du MACUSA.
- Des histoires de familles vieilles de plusieurs siècles qui ne sont absolument pas le propos du jour. Mais vous m'offrez la transition parfaite, madame la sénatrice, car justement si nous voulons parler de filiation, allons-y. Cependant, il n'y en a qu'une seule qui nous intéresse aujourd'hui.
Julian se redressa. Il s'était demandé quand est-ce que cette partie de l'histoire allait émerger et il vit clairement Liam se tendre lui aussi, coudes sur les genoux pour écouter avec attention.
- La filiation ? De qui ? Cette jeune fille ? rebondit Rappaport, une touche de condescendance à la surface. Nous la connaissons, elle est née Non-Maj' et a été adoptée à neuf ans par une famille qui connaissait le monde magique grâce à leur fils.
- Si je puis me permettre, vous n'avez pas lu le dossier assez attentivement si c'est ce que vous retenez... ou que vous choisissiez de retenir.
Rappaport se fendit d'un faux sourire, irritée.
- Vos craintes pour ma conscience professionnelle me touchent, Maître Beckerman, mais je vous assure que j'ai bien pris connaissance du dossier, détrompa-t-elle. Ce qui est marqué – au-delà de ce que je viens d'énoncer sur la filiation de Miss Cooper – me semble de toute évidence être une fable inventée par une jeune fille en manque de reconnaissance. (Elle laissa échapper un faux rire, puis se tourna vers l'assemblée comme pour la prendre à partie). Enfin, soyons sérieux. Descendante de Morgane et Salazar Serpentard ? Rien que ça ? Je suis étonnée de ne pas avoir vu le nom de Merlin cité tant qu'on y est !
Avec un mouvement de tête incrédule, elle remit ses lunettes pour toiser Emilia. Celle-ci s'empourpra, humiliée, et ouvrit la bouche avec crispation, mais son avocat leva une main pour l'interrompre. Un anneau d'or, brillant sur sa peau sombre, capta un éclat de lumière.
- Les recherches historiques ont montré depuis longtemps que Morgane et Serpentard avaient des liens familiaux, l'un ne va pas sans l'autre, tout simplement. Et une branche de la famille, celle issue de la fille Cracmol de Isolt Sayre, s'est perdue au fil du temps.
- Précisément. Perdue, voire disparue, asséna Rappaport. Vous me permettrez de douter de l'allégation qui voudrait que Miss Cooper soit comme par hasard une descendante d'une des plus vieilles familles de notre communauté.
Le « notre » glissa de ses lèvres avec une telle évidence – une telle volonté d'exclusion – que même les parents d'Emilia et Liam semblèrent en comprendre la teneur et échangèrent un long regard inquiet. La juge, elle, tiqua mais ne fit aucun commentaire.
- Le hasard n'a rien à voir là-dedans, objecta Beckerman. Comme nous le disions, Ronan Graves n'agit jamais sans conséquence et a visé miss Cooper précisément pour son ascendance. Il en avait besoin. Je vous invite à tous relire le témoignage d'Eulalie Hicks versé au dossier. En tant que directrice d'Ilvermorny, elle y confirme que le sang d'Isolt Sayre était nécessaire pour briser le Rituel d'Ancrage.
- Peut-être bien, j'en convins. Mais ça ne prouve toujours pas que miss Cooper est bien l'héritière des Sayre. Enfin, permettez-moi de douter : il y a deux minutes, Ronan Graves était un homme manipulateur et le diable en personne ; mais désormais il détient la vérité absolue et prouve à lui seul la filiation de cette jeune fille !
- C'est tout le paradoxe de Graves, madame la sénatrice, et...
- Et en plus, dois-je vous rappeler que le Rituel d'Ancrage n'a pas été brisé ? coupa-t-elle. Le sang de miss Cooper n'a donc pas si bien fonctionné, n'est-ce pas ?
Elle afficha à nouveau une expression satisfaite et Julian retint une vague d'agacement face au rappel. Si le contre-rituel avait échoué, ça n'avait rien eu à voir avec le sang. Il aurait dû le comprendre plus tôt, mais maintenant qu'il le savait, il ne pouvait toujours pas s'empêcher de prendre leur échec un peu personnellement... La lune de Lilith, la lune noire... Ca avait été écrit noir sur blanc dans les carnets de Martha !
- Ecoutez, ce qui se passe ici me semble très simple, patronisa Celestina Rappaport avec froideur. Nous avons devant nous une jeune fille naïve qui s'est nourrie d'un fantasme. Une petite fille qui a voulu croire à une belle histoire, qui a cru pouvoir trouver ses racines dans une des plus nobles familles sorcières, mais qui en réalité s'aperçoit aujourd'hui que tout cela n'était qu'un mensonge. La chute fait mal, je veux bien l'entendre. Mais miss Cooper, vous n'êtes plus une enfant et il vous faut prendre vos responsabilités.
Emilia secoua la tête. Ses joues empourprées étaient désormais livides.
- Non, non, c'est faux... commença-t-elle à protester.
- Si, bien sûr que si. Peut-être que cela vous a même flattée de voir toute la société magique se tourner vers vous. « La petite disparue de l'Amérique » faisait tous les titres des journaux ! Pour une enfant en mal de reconnaissance, cela devait combler un grand vide, je veux bien le croire.
Julian ne savait pas ce qui était le pire chez cette femme : la fausse compassion ou la fausse incrédulité qu'elle maîtrisait tour à tour à la perfection. S'il n'avait pas eu autant d'intérêt personnel dans ce procès, il se demanda si son jeu serait parvenu à le convaincre. Il chercha à lire l'avis de la juge Harkaway, mais elle restait étonnement stoïque, elle aussi parfaitement dans son rôle.
- Il n'y avait pas de vide à combler, réfuta Emilia d'une voix étranglée. Je m'en fichais des journaux... Si j'avais pu éviter de disparaître et de faire du mal à ma famille, je l'aurais fait, mais...
- Mais quoi, miss Cooper ? Qu'est-ce qui méritait de faire subir cela à une famille qui vous a ouvert les portes de chez elle ?
D'un geste, elle pointa Russel et Barbara Cooper, accrochés l'un à l'autre. Emilia se mit soudain à pleurer. Des larmes silencieuses, à peine visibles sur sa peau tirée qui prouvait un manque de sommeil flagrant. Liam paraissait se battre avec lui-même pour ne pas se lever et faire avaler la plume à papote à Rappaport.
Heureusement, Beckerman, leur avocat, reprit les choses en main.
- Miss Cooper était majeure au moment des faits et disparaître n'est pas un crime, madame la sénatrice. Le reste ne concerne que ma cliente et ses parents et n'est nullement l'objet de cette audience.
- Oh vraiment, Maître ? Pourtant, cette disparition – même si elle n'est effectivement pas répréhensible – a mobilisé le Bureau des Aurors pendant des mois. Le MACUSA y a investie du temps, de l'argent, des agents. Je pense que c'est assez pour le mentionner.
- L'argument peut en effet être pris en compte, mais ne saurait être décisif, consentit la juge Rosalind Harkaway, une main distraite sur l'attache en or de sa cape. Poursuivez, je vous prie.
Rappaport leva les mains dans un signe de reddition.
- Très bien. Dans ce cas, concentrons-nous sur une autre motivation. La baguette donc. Si vous connaissez cette expression, miss Cooper, j'ai envie de dire inutile de tourner autour du chaudron. Bien que cela soit censé être un secret gardé par l'école d'Ilvermorny, il s'agit de celle de Salazar Serpentard. Une relique inestimable.
- C'est cela, oui, confirma Beckerman avec méfiance. Encore une preuve de l'ascendance de la cliente. Ce n'était pas une lubie de pouvoir quelconque, mais bien la traduction d'un véritable lien affectif, voire d'un droit légitime même. C'est ce que Ronan Graves a mis en avant pour la convaincre de rejoindre sa cause.
- S'il vous plaît, laissez-moi rire. Encore Ronan Graves ? Il est votre éternel écran de fumée, miss Cooper !
Julian serra les dents. La simple idée de témoigner lui avait retourné l'estomac d'affolement plus tôt dans la journée, mais d'un coup il espérait presque que la juge change d'avis et en appelle un d'entre eux pour retémoigner une bonne fois pour toutes de la présence et de l'attitude de Ronan ce soir-là.
- Et excusez-moi, reprit Rappaport sans laisser le temps à son opposant de répondre, mais j'utilise ce terme à dessein. N'est-ce pas ce que les pseudos magiciens Non-Maj' utilisent pour leurs tours de passe-passe ? Car je crois, miss Cooper, comprendre le fond de cette affaire : vous avez voulu vous approprier la culture sorcière.
- Quoi ? Non, je...
- Oh si. Vous avez voulu vous imaginer en grande sorcière, mais pour cela il vous fallait deux choses : une famille prestigieuse que vous vous êtes inventée et une baguette à la hauteur du mythe. Et quoi de plus grand que la baguette d'un fondateur ? Peut-être même que Ronan Graves a été dupé par vous. Et oui, renversons un peu les rôles après tout !
- Enfin, c'est absurde ! rejeta Beckerman, pris de court.
- C'est des conneries, oui !
La voix de Liam, pas aussi forte que la première fois mais tout de même bien audible, raisonna à travers la salle. La juge vrilla ses yeux noirs sur lui en un signe d'avertissement et, à la rangée juste derrière lui, Noah tenta de se pencher à nouveau pour le calmer. Liam se déroba comme une anguille.
- Oh arrête ! siffla-t-il. Tu ferais dix fois pire si c'était ta famille qu'on accusait, comme d'habitude !
Noah cilla.
- Ouais ? Bah elle a été assez accusée, même aujourd'hui, t'inquiète pas.
- S'il vous plait, un peu de silence dans la salle, rappela à l'ordre Rosalind Harkaway.
- C'est elle qui devrait se taire, elle...
- Oh Cooper, par tous les mages ! s'exaspéra Théa.
D'un bond, Julian la vit passer devant lui dans une envolée de jupe. Elle traversa l'allée pour rejoindre Liam sous l'œil effaré de tout le monde – à commencer par celui de tante Cordelia. Aussitôt, elle s'assit à côté de lui et s'inclina pour lui parler si bas qu'il n'entendait plus rien. Presque tête contre tête, ils avaient l'air d'échanger furieusement, mais le calme était au moins revenu et la juge frappa son coin d'estrade pour faire signe à Beckerman et Rappaport de reprendre.
- Les interruptions sont décidément insupportables, s'agaça cette dernière, pincée. Bien, où en étais-je ?
- Vous étiez en train de lâchement accusé ma cliente de, je cite, « voler la culture sorcière ». Ce que je refuse d'entendre, ce n'est absolument pas recevable et vous devriez en avoir honte.
- Objection retenue, approuva la juge.
Rappaport parut avoir mordu dans un agrume amer. L'avocat, lui, lui renvoya un sourire à la limite de la jubilation.
- Parfait. Merci, votre Honneur. Maintenant, peut-ton passer au vrai procès, à savoir juger Emilia Cooper pour les faits qui lui sont reprochés, ou voulez-vous continuer votre spectacle de propagande contre les nés Non-Maj' ? Car ce n'est pas un rassemblement politique ici, sénatrice. C'est un tribunal judiciaire.
- Maître Beckerman, merci de ne pas vous étendre, l'objection a déjà été prise en compte. Veuillez poursuivre.
- Bien sûr... pardonnez-moi. Je disais avant toutes ces interruptions que, même si cela peut ne pas plaire à une partie de la population, miss Cooper a un droit de regard sur l'héritage de Salazar Serpentard puisqu'il est de facto le sien.
- Ce ne sont toujours que des suppositions ! claqua Rappaport, exaspérée. Dans quelle langue doit-on vous le dire ? La généalogie d'Isolt Sayre se perd à travers les siècles.
Maintenant que Théa n'était plus entre eux, Julian se retrouvait à côté de sa mère. Et si elle était restée assez impassible ces dernières minutes, il la vit soudain réagir aux paroles de la sénatrice. Perplexe, il se concentra sur elle – laissant les voix des deux opposants en bruit de fond dans son esprit – et étudia littéralement les idées qui valsaient sur ses traits avec intensité.
- Maman ? murmura-t-il.
- Attends... je viens de penser... Les textes disaient... oh...
- Quoi ? Les textes disaient quoi ?
Mais elle ne l'écoutait pas. Perdue dans ses pensées, il était à peu près sûr qu'elle faisait défiler des parchemins et des notes à l'encre vieillie et séchée dans son esprit. D'un coup, elle se dressa sur ses pieds, coupant Emilia dans une réponse qu'elle était en train d'apporter à la juge. Son cœur loupa un battement en la voyant se figer sous le coup de l'attention.
- Mrs Shelton ? Un problème ? s'enquit Rosalind Harkaway.
- Je... Excusez-moi, je viens de me souvenir de quelque chose. (Elle porta la main à sa gorge, geste qu'il l'avait vu faire des dizaines de fois, puis parut se rappeler que son collier au pendentif horloge appartenait maintenant à sa sœur car elle l'a laissa retomber le long de son corps). Quelque chose qui pourrait prouver la filiation d'Emilia Cooper.
Un éclat intéressé étincela immédiatement dans l'œil de la juge.
- Je vous écoute ?
- La baguette a été imprégnée par la magie de Serpentard. C'est ce que les textes des historiens anglais que j'ai pu consulter disent. Elle est faite pour se réveiller au contact des héritiers de la famille...
- Voyez-vous cela, se moqua Rappaport. Et par quelle magie ?
Sa mère tourna la tête vers elle.
- Une magie bien spécifique. Vous l'avez dit vous-même, madame la sénatrice : dans quelle langue faut-il le dire ? J'ai votre réponse. (Elle eut un vague sourire). En Fourchelang. Apportez la baguette à Emilia et elle vous montrera !
Julian braqua aussitôt son attention sur Emilia. Toujours pâle, elle ne paraissait pas convaincue de cette soudaine théorie, mais au moins l'assurance de Rappaport se décomposa. Pendant de longues secondes, un moment de flottement plana sur la salle d'audience. La bannière à l'aigle étoilé les surplombai tous, l'air lui aussi d'attendre le verdict, et même Théa et Liam avaient redressé la tête pour soudain écouter ce qui se passait.
La juge garda le silence. Puis, lentement, elle tendit un bras gracieux pour s'emparer de sa plume à papote et à la ramener vers elle :
- Entendu. La séance est levée, nous reprendrons demain. Faites amener la baguette, agent Fischer. (Elle se leva, dominante en haut de son estrade, puis lança en se détournant). Que nous percions cet écran de fumée une bonne fois pour toute.
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Verdict ? ^^
Pas de meme de Lina aujourd'hui parce que la pauvre je ne lui ai pas laissé le temps, mais ca revient samedi normalement !
Petit rappel, mais je prépare une FAQ en story insta donc si vous avez des questions, n'hésitez pas ^^
Love you <3 !
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