Chapitre 4 : Home sweet home

Hello ! Je reviens de Liverpool et c'était tellement biiiien ! Les Beatles étaient partout à mon plus grand bonheur et j'ai été voir une expo sur Doctor Who en plus : bref mon rêve. J'ai découvert le club où ont commencé les Beatles et j'ai chanté avec des gens que je ne connaissais pas tous les classiques de la chanson anglaise, c'était une ambiance incroyable, même pour moi qui d'habitude n'aime vraiment pas les bar/club ! Et alors, tout mon séjour j'ai été appelé "love", "lovely", "darling" par les gens. Je craque haha ! Sachez une chose : si j'écrivais en anglais, Julian utiliserait ces mots. Maintenant, imaginez le les utiliser sur Noah. C'est bon, on sourit tous comme des débiles ? Parfait haha !

Ensuite, résultat du jeu de la semaine pour Théa ! Les résultats instagram :

- Gryffondor : 32%

- Serpentard: 53%

- Serdaigle : 14%

- Poufsouffle : 1%

Bref, selon vous Théa n'a pas la vibe des jaune et noir haha ! Sur Wattpad, les résultats mettent largement Théa en tête, même si c'est Serdaigle qui arrive en deuxième avant Gryffondor. Même pas une mention pour Poufsouffle haha ! Je vous dirais que je suis d'accord avec vous, vous avez raison ^^ Théa aurait été à Serpentard à mon sens parce qu'elle est débrouillarde et sait mobiliser ses ressources pour s'affirmer. Cette maison n'aurait pas été un mauvais choix pour elle dans le sens où elle déteste trop la magie noire pour mal y tourner, au contraire, ça l'aurait révélé. Et c'est bien couplé avec sa maison américaine, les Womatou, qui incarnent le coeur et les guerriers. Il y a donc un côté Gryffondor là-dedans, mais ce n'est pas le courage qui anime Théa, c'est son esprit battant: elle ne lâche rien, ni pour elle-même ni pour les autres !

Pour dans deux semaines, votre mission de choixpeau se portera sur... Aileen ! Let's go -->

Ah et dernière info, je le dis dès maintenant si ça vous tente, comme ça vous avez le temps de vous organiser : Perri et moi on sera au Salon du livre jeunesse de Montreuil à Paris le dimanche 4 décembre. On l'avait déjà fait l'année dernière, on avait rencontré quelques lectrices et c'était juste génial de pouvoir se rencontrer en vrai donc si ça vous tente hésitez pas à m'envoyez un MP ou un message sur insta !

Bonne lecture :)

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Chapitre 4 : Home sweet home

« You don't know what it's like to be like me

To be hurt, to feel lost

To be left out in the dark

[...]

To be on the edge of breaking down »

- Simple Plan, Welcome in my life -

// 23 mai 1980 //

Le ciel de New York était étonnement couvert pour un mois de mai, surtout après le temps printanier d'Ilvermorny. L'air de la montage avait dû chasser les nuages, ce que ne faisait pas encore les gratte-ciel et le tumulte de la grosse pomme. Julian ne s'y attarda de toute façon pas. Il n'était toujours pas à l'aise dans le fiacre volant des Grims et ses soubresauts à plusieurs mètres d'altitude, contrairement à Lottie qui gardait le nez collé à la vitre depuis qu'ils avaient décollé. Ils étaient partis ce matin, à l'aube, dès que Fischer avait donné son feu vert et que Hicks leur avait signé une autorisation de sortie exceptionnelle.

Une semaine. C'était ce que la directrice leur avait accordé et ce à quoi une mère revenue d'entre les morts donnait visiblement le droit. Cette dernière était assise en face de lui sur la banquette, juste à côté de son père. Et si Julian se sentait nerveux, il voyait bien qu'elle aussi. Il essaya d'imaginer ce qu'elle devait ressentir à être à nouveau dans ce fiacre, en route pour le manoir de son enfance où l'attendaient Cordelia et grand-mère Isadora. Au-delà de l'année écoulée où tout le monde l'avait cru morte, elle n'avait pas parlé à propre mère depuis plus de vingt ans. La tension était à son comble et le silence qui régnait entre eux n'aidait pas. Julian savait qu'il en était en parti responsable, mais il n'arrivait pas à prendre sur lui... pas cette fois-ci. Ce n'était pas faute d'avoir essayé de la part de sa mère pourtant.

Le voyage en train jusqu'à Grand Central avait été tendu. Déjà, il était arrivé pile pour le départ, ce qui lui avait permis de retarder l'inévitable de quelques minutes, mais ça n'avait pas pu durer éternellement : enfermés tous les quatre dans un compartiment, il avait bien dû faire enfin face à sa mère. Le souvenir le mit mal à l'aise, même deux heures après.

***

// 2h plus tôt //

- Ça va nous faire du bien de rentrer à New York, commenta son père d'une voix faussement joviale, histoire de faire la conversation.

- Et en plus on loupe les cours !

- Ce n'est pas l'important, ça, Charly voyons.

Mais sa sœur continua de sourire, juste heureuse d'être entre ses parents, loin d'Ilvermorny et des devoirs à faire. Leur disposition frappa Julian à mesure que le train prenait de la vitesse et sillonnait les paysages du Massachussetts : seul face à eux sur sa banquette, comme si un mur invisible les séparait. Au premier tunnel, sa mère se décida à rompre le silence et lui adressa ses premiers mots directement depuis son retour à l'infirmerie.

- Ils ont changé l'uniforme depuis mon époque, nota-t-elle en se penchant en avant pour mieux voir ce qu'il portait. (Elle effleura l'écusson sur le devant de sa robe de sorcier). Serpent Cornu, hum ? Tu sais que c'était ma maison ?

Elle souriait. Elle voulait partagé ça avec lui, une sorte de branche d'olivier tendue, et il se retrouva à court de mots. Le jour de la répartition, il s'était demandé ce que sa mère aurait dit en le voyant rejoindre la même maison qu'elle. Il aurait même tout donné pour le savoir et aujourd'hui sa réaction lui semblait superflue.

Devant l'absence de réponse, son sourire vacilla, mais elle ne s'avoua pas vaincue.

- Je me suis toujours dit qu'elle t'irait bien. Elle représente l'Esprit, ça se rapprochait un peu de Serdaigle.

Encore une fois, il se mura dans le silence. Il n'aimait pas essayer de raccorder les maisons d'Ilvermorny avec celles de Poudlard, elles étaient différentes et complémentaires à la fois, et surtout il avait l'impression de trahir sa première école. Cette pensée le laissa songeur. Est-ce que ce n'était pas un peu pareil avec sa mère ? Lui parler comme si rien ne s'était passé lui paraissait être une trahison envers toute la douleur qu'il avait ressentie et tenter de maîtriser pendant des mois... Comme s'il avait fait ça pour rien, comme s'il avait souffert pour rien. Agité, il se mordit l'intérieur de la joue et se concentra sur sa respiration. En face de lui, il sentait bien les regards peu discrets de son père et Charlotte. Sa mère soupira.

- Ju', murmura-t-elle. Parle-moi, s'il te plait... Je me doute que c'est difficile et on a une semaine pour être ensemble, toi et moi, mais j'ai besoin que tu me parles...

« Et moi j'avais besoin que tu sois là ». Les mots sortirent presque, mais il les retint au dernier moment. Lui aussi pouvait être buté quand il le voulait.

- Ta mère a raison, intervint son père, bienveillant. Ça va demander un temps d'ajustement, bien sûr, mais l'important c'est qu'elle soit avec nous, tu ne crois pas ?

Pour son père, sans doute, oui. Julian n'en doutait pas. Elle était son socle depuis des années, son ancrage avec le monde réel. Depuis qu'il l'avait retrouvé, même pas vingt-quatre plus tôt, il semblait déjà être un autre homme. Le problème, c'est qu'il n'était pas son père et ne l'avait jamais été. Il ne vivait pas dans son monde, il avait les deux pieds sur terre et un esprit pratique pour tout sauf dès qu'il s'agissait du dessin. Et le retour de sa mère venait bouleversé toute sa réalité.

Face à son mutisme entêté, Lottie s'agaça soudain.

- Julian, arrête de faire la tronche ! Sérieux, qu'est-ce qui cloche chez toi ? Maman est revenue par Merlin !

- Charlotte ! s'indigna son père.

- Ne parle pas comme ça !

Julian rentra la tête dans les épaules. Ses parents s'étaient tournés vers sa sœur, désapprobateurs, mais ça ne suffit pas à l'apaiser. « Qu'est-ce qui cloche chez toi » ? Il s'était posé cette question des dizaines de fois au cours de l'année, mais à chaque fois elle avait été en rapport à Noah. Que Lottie lui envoie ça à la figure maintenant le déstabilisa. Et si quelque chose clochait vraiment chez lui ? Et si ça allait au-delà de ses sentiments envers Noah ? Peut-être qu'il était vraiment détraqué... Sa sœur avait raison, tout le monde voyait le retour de sa mère comme un miracle, une prière exaucée, et il l'avait souhaité lui le premier.

Mais les mots restèrent enfouis dans sa gorge. Le mur était entre eux était toujours là. L'air de comprendre, sa mère se recula pour lui laisser de l'espace et lui fit un sourire triste.

- On a le temps, Ju', ça va aller, rassura-t-elle. Je te le promets.

Peut-être qu'il était aussi le problème... Il n'était plus sûr de croire en ses promesses.

***

Le souvenir toujours prégnant en lui, Julian ferma les yeux et posa sa tête contre la vitre. Les choses étaient étranges entre eux de toute manière depuis deux jours. Il avait tout fait pour l'éviter : il avait mis des heures à faire sa valise alors qu'il ne partait qu'une semaine, il était passé au club de journalisme avec Aileen même si elle ne lui avait pas demandé, et il était même aller voir l'entraînement de Quodpot des Serpents Cornus. Le dernier point avait fait dire à Noah « ah ouais, Jules, à ce point... ». Oui, à ce point. Mentalement, il s'était fixé son retour à New-York pour parler à sa mère en présence de Leonidas. Il n'était pas prêt à le faire avant, même si Lottie et son père avaient une tout autre attitude envers elle. Pour eux, le miracle de son retour surpassait la colère ou l'incompréhension qu'ils pouvaient ressentir et la menace de Ronan Graves suffisait à expliquer son comportement. Quand Lottie avait parlé de lui, elle avait eu l'air terrifié et avait serré leur mère dans ses bras, comme pour la protéger. Julian, lui, était resté de marbre. Il se sentait égoïste. Après tout, il savait mieux que personne à quel point le père de Théa était dangereux et il savait qu'il était dur avec sa mère. Le problème, c'est que dès qu'il songeait à lui parler, il se souvenait de sa panique le soir où elle était revenue, comme une douleur fantôme. La sensation d'étouffer avait été si forte... Sans Noah, il avait l'impression qu'il n'aurait jamais pu réussir à respirer à nouveau.

Rien que d'y penser, il se mit à pianoter du bout des doigts avec nervosité sur sa jambe. Il faillit manquer la descente du fiacre et ne s'aperçut qu'ils allaient atterrir qu'en voyant le bord du toit du « Sarana » par la vitre. L'imposant manoir des Grims se découpa alors sur le ciel plombé et, dans un ultime soubresaut, ils s'immobilisèrent enfin.

- Merlin, merci... grommela-t-il en ouvrant la portière.

Il se laissa glisser dehors, les pieds enfin sur la terre ferme. Dans son dos, sa mère rit doucement. Elle avait toujours été amusée par son vertige et aimait se moquer de lui avec Matthew comme seule une mère et un meilleur ami pouvaient le faire. Si ça ne l'avait jamais dérangé - contrairement à ce que croyait Théa, il pouvait faire preuve d'autodérision, merci bien - il s'en sentit soudain agacé. Tout le mettait sur les nerfs depuis deux jours. De toute façon, le sourire de sa mère s'évanouit dès qu'elle se retrouva face au manoir. Plantée dans l'allée centrale, elle se tint immobile à le regarder d'un air étrange, ses cheveux blonds agités par le vent, et elle inspira profondément.

- Tout va bien se passer, ma chérie, la rassura son père en arrivant derrière elle. Ils savent que tu arrives et ils t'attendent avec impatience.

- Bien ce qui me fait peur, Ethan...

Sa voix avait légèrement tremblé. Devant eux, Lottie ne paraissait pas avoir entendu car elle s'avança vers la maison d'un pas bondissant.

- Grand-mère ! cria-t-elle à peine arrivée sur le perron. On est là !

- Charly, attend-nous ! Ce n'est pas poli de...

La phrase de son père n'eut aucun impact, Lottie avait déjà ouvert la porte en grand et venait de rentrer dans le hall comme si elle était chez elle. Ce qui était un peu le cas, réalisa Julian. Il n'aurait su dire quand est-ce qu'ils avaient commencé à considérer la demeure des Grims comme la leur également. Peut-être aux alentours de noël. Impatient de rentrer lui aussi, il contourna ses parents et ne put s'empêcher de commenter à voix basse :

- Si elle avait eu une mère cette année, elle aurait peut-être été plus polie...

- Julian ! s'insurgea son père.

Ah, pas assez basse donc... Tête baissée, il allongea sa foulée pour arriver lui aussi au manoir, laissant ses parents derrière lui. Dans le hall, il fut accueilli par les nombreux tableaux accrochés au mur, dont le portait à la perruque poudrée de la grand-tante Sarana.

- Tous les gamins sont de retour ? s'exclama-t-elle. Et miss Théodora ?

- Plus tard, répondit-il distraitement.

- Parfait. Elle me met toujours du produit nettoyant dans les yeux, cette petite peste...

Bien, au moins elle était toujours de bonne humeur. Il allait passer dans le petit salon à côté où il entendait les voix de sa grand-mère et de sa sœur quand Sarana poussa soudain un grand cri de panique.

- Miss Aurelia ! Mille gargouilles galopantes ! Magie noire dans la maison, magie noire ! Un Inferi ! s'égosilla-t-elle.

- Oh toujours aussi dramatique, fit une nouvelle voix. La seule morte vivante ici, c'est toi.

Julian se retourna. Derrière ses parents, une silhouette en costume trois pièces venait d'entrer à leur suite et il sourit d'instinct.

- Leo !

- Bonjour les Shelton ! Je vois qu'on arrive en même temps.

Leonidas, l'air affable, enleva sa cape de voyage et la donna à un elfe qui venait de se glisser devant lui. Julian revint sur ses pas pour l'accueillir.

- Je ne pensais pas te voir avant ce soir, avoua sa mère, visiblement rassurée de le voir.

- J'ai pu partir plus tôt de l'Ambassade. Depuis que les frontières avec l'Angleterre sont fermées, on a moins de travail.

- Une idée de quand est-ce qu'elles pourront rouvrir ? demanda son père.

- Malheureusement, aucune idée. Celestina Rappaport a l'air décidé à maintenir sa mesure en place et elle fait pression avec toute l'opposition sur Belva Laker et le MACUSA. Et comme votre Ministère semble ne pas arriver à grand-chose... disons que ce n'est pas près d'évoluer.

Il conclut son analyse d'un geste fataliste et Julian tenta d'endiguer sa déception. Maintenant plus que jamais, il aurait aimé que Matthew soit là pour pouvoir parler avec lui de tout ce qui se passait. Il n'était pas sûr de réussir à tout résumer en une lettre.

Les mains enfoncées dans les poches, il suivit ainsi ses parents et son parrain, le cœur lourd, puis s'arrêta sur le seuil. Comme tout le monde, son regard tomba naturellement sur grand-mère Isadora, postée près du canapé. Elle portait une de ses robes longues à col en dentelle d'une couleur rose pâle et s'appuyait sur sa canne au pommeau en forme de corbeau, symbole des Grims. Elle était visiblement en train de parler avec Lottie, mais se coupa dès qu'elle vit sa benjamine entrer dans la pièce. Julian ne la connaissait pas depuis longtemps, pourtant ce fut la première fois qu'il vit autant d'émotions jouer sur son visage marqué par le temps. Même lorsqu'ils s'étaient tous rencontrés, elle n'avait pas été aussi émue.

- Oh Aurélia...

Ses jambes fatiguées semblèrent la lâcher sous le coup de la surprise et elle s'assit sur le canapé. Il ne doutait pas qu'elle avait dû essayer de se préparer au choc de revoir sa fille depuis que Cordelia l'avait prévenu la veille, mais il était bien placé pour savoir que l'esprit avait du mal à s'habituer à ce que les yeux lui montraient. Une main sur la poitrine, comme si elle essayait de retenir son cœur frénétique, grand-mère Isadora se mit alors à pleurer des larmes silencieuses. La vision était perturbante et déchirante à la fois. Elle ne sanglota pas, ni ne laissa échapper des mots dépourvus de sens comme son père ou Lottie avait pu le faire. Elle ne chercha pas non plus à fuir. Elle resta emprisonnée dans une léthargie et une émotion palpable et soudain Julian se sentit de trop. Les autres durent ressentir la même chose car Cordelia fit signe à Lottie de s'écarter et sa sœur obtempéra. Puis, avec lenteur, sa mère s'avança, prudente. Ses mains en tremblaient presque le long de son corps. Quand elle atteignit enfin grand-mère Isadora, elle se laissa tomber à côté d'elle sur le canapé et un souffle haché fit trembler sa voix :

- Maman... je suis là... maman...

- Oh mon enfant... Je pensais... Même dans mes rêves les plus fous... Oh ton père serait si heureux.

L'émotion lui étreignait la gorge à elle aussi. Elle leva alors sa main gantée et caressa le visage de sa fille avec tendresse.

- Bienvenue à la maison, Aurélia, murmura-t-elle.

***

Les retrouvailles entre grand-mère Isadora et sa mère durèrent encore de presque une heure, mais tout le monde se retira à l'exception de tante Cordelia pour les laisser se retrouver. Julian devait avouer qu'il était presque soulagé de s'échapper et il avait aussitôt grimpé les escaliers deux par deux pour aller se réfugier dans sa chambre. Il était content de revenir ici, loin du brouhaha du château et du Foyer. Il n'aurait sûrement pas eu la force de maintenir une façade normale face à Enjolras et Wilde dans le dortoir. Sans cérémonie, il déposa son sac au pied de son lit, puis se hissa dessus d'un bond, le corps étendu. Il ferma les yeux et souhaita être avalé par le matelas. Tout allait trop vite, trop fort. Il avait l'impression d'être pris par un tourbillon mais sans s'envoler, insensible à la force extérieure qui ravageait tout autour de lui. La réaction de grand-mère Isadora à l'instant le prouvait : même si elle était peut-être en train d'incendier sa mère de reproches un étage plus bas, sa réponse initiale à la vue miraculeuse de sa fille avait été l'émotion brute, tout comme Cordelia, Leonidas, Charlotte et son père. Lui ? Ca avait été tout l'opposé. Un rejet net, clair et précis dont il n'arrivait pas à se défaire. S'il y pensait trop, il sentait même encore la sensation de panique lui serrer la poitrine, et il voulait à tout prix l'éviter. Noah n'était plus là pour le sortir de sa torpeur.

Comme un effet miracle, penser à Noah fit dévier ses pensées, comme toujours. Parce que s'il y avait bien une constance dans sa vie depuis un an mis à part le poids de la mort de sa mère, c'était bien Noah Douzebranches. Il ne lui avait même pas dit au revoir en partant. Après son réveil et sa discussion avec Leonidas, Hicks était venue le chercher pour lui dire qu'il rentrer à New York dès le lendemain matin avec sa famille, mais qu'il pouvait rester se reposer à l'infirmerie s'il le souhaitait. Noah n'était jamais repassé avec son thé promis... Peut-être parce qu'il y avait vraiment mis du lait ? Peu probable. Il avait juste dû être intercepté par Hicks, Fischer ou Hilda au sujet du Rituel d'Ancrage, voire les trois à la fois. Oui, définitivement, Julian appréciait d'être rentré au calme. Il n'aurait pas voulu subir ça et il espéra que Noah n'aurait pas trop de problème... Une autre hypothèse était probable, bien sûr. Après tout, quand il s'était réveillé, il avait trouvé Noah à son chevet. Impossible de savoir depuis combien de temps il avait été là, mais peut-être qu'il s'était simplement rendu au dortoir après le déjeuner et s'y était endormi. Julian préférait cette solution, mais surtout il tenta d'ignorer la boule de chaleur dans son ventre en songeant à Noah en train de le veiller après tout ce qui s'était passé hier soir. Pas une trace de colère à son réveil, juste son humour caustique pour lui changer les idées, ou plutôt ce que Matthew aurait certainement appelé « du flirt en bonne et due forme, tu me la fait pas à moi, Ju' ». Et bon... Julian devait admettre que la voix de Matthew dans sa tête avait raison et il ne savait pas quoi faire de cette réalisation. Ce n'était pas parce qu'il avait lui-même mis fin à ce qui se passait entre Noah et lui qu'il ne ressentait plus rien, ni qu'il était devenu insensible. Malgré tout, il avait du mal à saisir les motivations de Noah, connu pour passer du chaud au froid sans prévenir. De toute façon, est-ce que ça importait vraiment ? Il y avait toujours Othilia dans le tableau et il se refusait à revenir sur cette condition. Lui aussi pouvait jouer au « tout ou rien » comme l'avait fait remarquer Aileen au sujet de Noah.

Avec un soupir, il se redressa, la tête prête à exploser de pensées contradictoires. Il lorgna son sac une seconde, avant de se baisser pour attraper sa boite à crayons et son carnet. Une chose à faire dans ces cas-là : dessiner. Et il en avait besoin plus que jamais, ne serait-ce pour oublier que c'était sur ce lit même que Noah et lui s'étaient embrassés aux dernières vacances de noël. Rien qu'en songeant à ce souvenir, il sentit son cou chauffer et se mit à faire courir son bout de fusain sur la page blanche. Concentration, Ju' !

Malheureusement, dessiner lui rappela autre chose... Le fameux avion en papier avec le dessin que Noah avait fait de lui. A croire que c'était impossible de lui échapper. Alors que sa main bougeait par automatisme, esquissant des formes sans sens, il tenta de réfréner l'envie d'y jeter un nouveau coup d'œil à l'abris de sa chambre. A l'infirmerie, il avait eu trop conscience de Noah qui jugeait toutes ses réactions et il ne s'y était pas attardé aussi longtemps que voulu. Son envie était comme une démangeaison entêtante. Agacé contre lui-même, il finit par lâcher son carnet et se pencha à nouveau pour attraper la feuille pliée au fond de son sac. Il ne l'ouvrit même pas avant de la mettre dans le premier tiroir de sa table de chevet et de la refermer d'un claquement sec. Il se remit à dessiner.

Il ne vit pas le temps passer et noircit plusieurs pages de tout ce qui lui passait par la tête. Le visage de Ronan Graves, l'arbre sous lequel était enterré la baguette de Serpentard, un bout de la bibliothèque de Hicks... Concentré, il manqua de sursauter lorsque la vieille horloge du rez-de-chaussée sonna les coups de quinze heures. Il était resté plonger dans ses pensées plus longtemps qu'il ne l'avait cru. Engourdi, il s'étira, puis sortit de sa chambre. Le silence régnait dans la maison. Il se pencha par-dessus la rambarde de l'escalier, juste pour voir s'il entendait quelque chose, mais personne ne se trouvait dans le hall non plus. Peut-être que sa mère était toujours en train de parler avec grand-mère Isadora et Cordelia ? Il hésita une seconde à rejoindre sa sœur et Théa, mais il renonça. Ce n'était pas elles qu'il voulait voir pour l'instant. Où pouvait bien être Leonidas ? Faute d'une hypothèse précise, il se décida à errer un peu au hasard dans la maison, comme il le faisait les premiers jours. Il passa par le salon, jeta un œil dans la véranda, et même dans la salle à manger. La porte du bureau était fermée, mais il voyait mal son parrain s'y enfermer alors qu'il ne l'y avait jamais vu. Il continua alors jusqu'à la bibliothèque. Après tout, c'est là qu'il avait eu sa première conversation avec Leonidas autour des archives généalogiques de la famille. Il se rappela brusquement un détail au sujet de ce jour-là : il avait parcouru le lourd livre des Chroniques des Grimsditch dont les pages recensaient les noms de la famille depuis des générations et il avait remarqué que sa mère n'avait pas eu de date de mort d'indiquée. Un simple retard d'actualisation du sortilèges, c'est ce que Leonidas avait dit. Aujourd'hui, Julian ne manquait pas l'ironie. La preuve avait été sous ses yeux depuis le début et il avait été le mieux placer pour le savoir : la magie ne mentait pas.

Arrivé devant la porte, il entendit soudain des éclats de voix. Il reconnut son parrain et sa mère avant de comprendre un seul mot, mais ses pieds ralentirent d'instinct et il se retrouva devant l'interstice laissée par le battant mal fermé.

- ... tu sais que je ne pouvais rien te dire, Leo, arrête de m'en vouloir de t'avoir tenu à l'écart ! s'énervait sa mère. Il avait menacé ma famille, il n'aurait reculé devant rien. Je devais lui faire croire que je n'étais plus là !

- Oui, ça a fonctionné magnifiquement ! Au lieu de te chercher toi, il s'en est pris à une bande de gamins innocents. Grande amélioration !

- Et comment voulais-tu que je le saches par Morgane ?

Julian comprit d'un coup sur quoi il était tombé. Une dispute... Le cœur battant, il se plaqua un peu plus contre le mur et vit la silhouette de Leonidas se découper en contre-jour. Il venait de tirer une bouffée de sa cigarette.

- Oh je t'en prie, on le connait tous les deux, rétorqua-t-il. Il ne se serait jamais arrêté là !

- Mais il savait que j'étais la seule à savoir pour l'élément manquant du Rituel, je ne pensais pas... ça n'avait pas de sens de continuer. Je ne savais pas qu'il avait trouvé la descendante d'Isolt !

Il n'arrivait pas réellement à la distinguer, elle, mais il crut voir sa mère se couvrir le visage de ses mains dans un geste frustré et fatigué. La conversation devait durer depuis plusieurs minutes avant qu'il arrive.

- Très bien, peut-être, admettons que tu ne savais pas, concéda Leonidas. Mettons même Ronan de côté une seconde... Est-ce que tu as pensé à ce que ça ferait à Ethan et aux enfants de te perdre ? Sérieusement ?

L'accusation fit tressaillir sa mère et elle fusilla son cousin d'un regard noir.

- C'est horrible de me dire ça... cingla-t-elle. Tu crois que je n'y ai pas pensé ? Tu crois que tous les jours après l'Attentat je ne voulais tout envoyer balader et revenir avec eux ?

- C'était bien d'y penser, Aurélia, mais je t'assure que tu aurais dû... (Leonidas secoua la tête). Ethan... Mille gargouilles, il s'est juste effondré sans toi, tu le sais ? Et ce n'était que la face visible de l'iceberg, je ne te parle même pas de Julian.

Toujours dissimulé dans l'ombre, Julian sursauta. Il ne s'attendait à entendre son prénom être jeté comme ça dans la conversation et son cœur s'accéléra. Face à l'apathie de son père pendant un an, il estimait s'en être mieux sorti. C'était injuste de la part de son parrain de le remettre en cause ainsi alors même qu'il avait tout fait pour porter Lottie et son père à bout de bras.

- Il valait mieux qu'ils me croient morte plutôt que de voir un jour Ronan s'en prendre à eux ou à moi sans prévenir, se défendit sa mère. Mais... je suis désolée, Leo, d'accord ? Je ne voulais pas tout ça, ni pour Ethan ni pour les enfants. Il y a juste des choses que tu ignores...

- Justement. Ces choses que j'ignore, tu ne crois pas qu'il serait temps de me les raconter maintenant ? Ou tu vas continuer à me mentir comme tu la fais face à Hicks et à cet Auror ? Comme tu le fais depuis vingt ans ?

- Leo...

- Ne me prends pas pour un imbécile. Tu n'as pas pu réaliser ce contre-rituel seule à quinze ans, je t'aidais littéralement à faire tes devoirs de sortilèges Aurélia ! Et tu n'as pas passé son année seule et isolée, c'est faux, tu étais tout le temps avec ta bande d'amis. Je n'arrivais pas à te voir seul à seule une minute !

La voix de Leonidas s'était faite aussi dure que du granite sous le coup de la colère et un lourd silence s'étira alors. Julian n'arrivait plus à voir sa mère, mais il l'entendit se détourner grâce au craquement du parquet. Elle n'avait visiblement plus de réponse toute prête à apporter. Les murs qu'elle avait construits depuis des années étaient en train de s'effondrer, elle devait forcément le sentir... Il resongea à la façon dont il s'était senti quand il avait compris le conte : démuni, perdu, assailli par le doute et les questions. Il aurait tout donné pour pouvoir interroger sa mère à ce moment-là et l'opportunité lui était enfin offerte. Sans réfléchir, il poussa la porte de la bibliothèque.

Son parrain et sa mère se figèrent, surpris, puis se détendirent en le reconnaissant. Il s'avança dans la pièce.

- Eh... marmonna-t-il. Je vous ai entendu parler...

- Ce n'est rien, Ju', tenta d'esquiver sa mère avec un sourire qui tenait plus d'une grimace. On discutait juste de ce qui allait se passer avec l'enquête des Aurors, ce n'est pas la peine de t'inquiéter.

Aussitôt, Leonidas lâcha un rire sans joie, incrédule, et souffla sa fumée vers le plafond.

- Oh pitié... Est-ce que tu sais même encore dire la vérité après tout ça ? C'est ton fils devant toi, bon sang !

Elle tourna vivement la tête vers lui, tendue.

- Leonidas, je te jure que...

- Il sait, d'accord ? coupa-t-il. Bien plus que moi si j'ai tout compris. Et si tu juges que je ne suis pas digne de confiance, revois peut-être ton jugement pour lui.

Julian déglutit. Même s'il avait convenu avec son parrain qu'ils confronteraient sa mère ensemble, il ne s'attendait pas à une telle colère de sa part. Leonidas s'était après tout toujours montré compréhensif avec lui, mais il supposait que se retrouver enfin face à sa mère faisait exploser toute la rancœur accumulé. Il l'avait perçu dans chacune de leurs conversations : elle avait été importante pour lui, bien plus que Robert et Cordelia, et la chute n'en était que plus violente. De son côté, sa mère n'en menait pas large non plus. Elle tourna ses yeux verts vers lui et il y lu une véritable inquiétude. Il décida de ne pas tourner autour du chaudron :

- Leo a raison, abonda-t-il nerveusement. On a trouvé des choses pendant nos recherches... Des choses sur ce qui s'était passé en 1950...

- Quel genre... ? Quel genre de choses ? murmura-t-elle.

Elle semblait déjà connaître sa réponse et ne détourna pas le regard quand il cita les noms découverts dans la liste des emprunts du livre sur les Rituels d'Ancrage de la bibliothèque d'Ilvermorny :

- Que tu n'étais pas toute seule avec Ronan à chercher la baguette cette année-là... Il y avait aussi Barenne Perrot, Heather Douzebranches, Diego Calderon et tante Cordelia, pas vrai ?

Ça ne servait à rien de chercher à dissimuler la vérité. Plus les évènements s'enchaînaient, plus il était persuadé d'avoir raison. Sa mère se laissa tomber sur la banquette en bord de fenêtre, défaite.

- Oui... reconnut-elle. Mais ça n'a plus d'importance aujourd'hui, je ne voulais pas les impliquer avec les Aurors pour une histoire vieille de vingt ans...

- Parce que ce qui est arrivé à Diego n'a pas d'importance ?

Une stupeur glaçante les enveloppa soudain. Blême, sa mère le fixa, comme tétanisée, tandis que le regard de Leonidas faisait la navette entre eux. Pour tout dire, Julian s'étonna lui-même : il n'avait pas prévu d'évoquer le sort de Diego aussi vite, mais c'est ce qui lui pesait le plus depuis des semaines. La fin du conte résonnait dans sa tête, inlassablement. Il avait vu l'explosion magique que pouvait provoquer l'arbre après tout, il avait vu sa puissance... Emilia était toujours dans un état critique et il avait réussi à l'éloigner du cœur de la vague magique avant qu'elle ne la frappe. Si Diego s'était trouvé plus près...

- Comment... ? souffla sa mère, toujours figée. Oh... (Elle ferma soudain les yeux en une réalisation lente et douloureuse). Tu as deviné avec l'histoire, n'est-ce pas ? Celle sur les animaux ?

Il hocha la tête.

- Il m'a fallu un peu de temps, mais oui... J'ai fini par faire le lien avec les emblèmes des maisons. Je n'ai pas encore pu vérifier, mais celui des Calderon c'était un puma, non ?

- C'est ça... C'est une des plus vieilles familles du Mexique et ils considéraient le puma comme un symbole de force... ça faisait partie de leur culture.

Elle lui apprenait ce fait comme si elle récitait une leçon d'histoire apprise par cœur. Il en eut l'estomac qui se contracta. Toute la discussion lui paraissait emprunte d'étrangeté comme si quelqu'un d'autre la menait à sa place et que ce n'était pas tout à fait sa mère en face de lui non plus. Adossé à la bibliothèque en bois sur le côté, Leonidas semblait partagé entre leur laisser de l'espace et ses propres questions. Il finit par craquer.

- Excuse-moi d'avoir encore un portoloin de retard, mais... Quelle histoire ? Et pourquoi ce qui est arrivé à Diego avec le Dissimuleur est important ?

C'est vrai que la version officielle voulait que Diego Calderon se soit aventuré dans les bois aux alentours d'Ilvermorny par soif d'exploration, mais avait été attaqué par un Dissimuleur, une créature nocturne qui pouvait se rendre invisible en se dissimulant derrière n'importe quel objet et dont les humains étaient les proies préférées. Julian coula un regard à sa mère. Il estimait que ce n'était pas à lui d'expliquer. Elle dû comprendre le message car elle se redressa, les traits tirés.

- Tu veux la vérité, Leo, vraiment ? Parce que je te mets en garde une dernière fois : ne crois pas que j'ai fait tout ça sans raison... Si tu veux vraiment savoir, tu en auras aussi le poids sur la conscience. Moins que moi évidemment mais...

- Mais laisse-moi deviner, je pourrais avoir des problèmes avec les Aurors ?

Julian n'avait même pas pensé à ça. Est-ce que ce qu'il savait pouvait être considéré comme de la dissimulation d'informations au sujet de la mort de Diego ? Oui, probablement... Il hésita soudain. Leonidas lui avait certes promis d'être là avec lui pour poser toutes ses questions à sa mère, mais ça ne signifiait pas qu'il voulait le mettre dans une position impossible. Lui-même était déjà trop plongé dans toutes cette histoire à cause de Ronan et du Rituel, ce qui n'était pas le cas de son parrain. Sa mère, malgré tous ses torts, avait réussi à le maintenir en périphérie de tout ça.

- Qu'on soit clair, déclara Leonidas en voyant leur inquiétude manifeste, je suis un adulte parfaitement conscient de ce que je fais. Je l'étais déjà quand je t'ai donné un visa et un permis de transport en moins d'une heure en toute illégalité il y a des années, Aurélia, et je le suis encore plus aujourd'hui. Surtout, je ne suis pas un idiot. Quelque chose cloche dans toute cette histoire que tu as raconté au sujet de Ronan, alors allez.

A nouveau, il tira sur sa cigarette dans le plus grand des calmes. Julian lui enviait sa décontraction, il aurait aimé ressentir la même chose, mais ça le rassura au moins sur l'état d'esprit de son parrain. Contrairement à lui, Leonidas avait eu des années pour penser à tout ça et il était clair qu'il ne reculerait plus. Sa mère dû le percevoir aussi car elle finit par soupirer.

- Très bien... murmura-t-elle. Mais si vous voulez vraiment comprendre... Attendez ici, je reviens. Il faut que j'aille prendre quelque chose dans le bureau de maman.

***

Il fallut dix minutes à sa mère pour revenir. Pendant ce temps-là, Julian fit un rapide résumer du conte des animaux à son parrain et observa son visage se décomposer à mesure qu'il comprenait son véritable sens. Quand il eut terminé, Leonidas regarda le vide un long moment, puis ralluma une énième cigarette sans attendre.

- Par tous les mages... marmonna-t-il plus pour lui-même qu'autre chose. Tu crois vraiment qu'ils... ? Non... non...

C'était ce qui perturbait Julian aussi. Jusqu'où sa mère avait-elle été fidèle à la réalité en inventant ce conte ? Petite, Lottie adorait les histoires qui faisaient peur et lui les animaux. Il avait toujours cru que sa mère avait créé ce conte pour ne pas avoir à lire deux histoires différentes au moment du coucher que celle-ci était juste restée plus que les autres. Après tout, elle leur racontait aussi l'histoire des souris qui vivaient dans leur appartement et du Strangulot qui ne savait pas nager. Tout n'avait pas à être vrai. Mais même cette pensée n'arrivait pas à le rassurer ; il avait vu l'expression de sa mère à la mention de Diego...

Son esprit était en train de s'emballer quand elle revint enfin dans la pièce, les bras chargés d'un lourd objet carré. Leonidas s'empressa d'aller l'aider.

- Qu'est-ce que... ? La Pensine d'Eugénie ?

Julian s'avança pour mieux voir. L'objet en question était en fait un espèce de bassin sur un socle en pierre. Ce dernier était gravé de runes anciennes, mais il n'arriva pas à assez les distinguer pour les traduire, à part celle centrale, plus détachée que les autres : memoria. La rune du souvenir enfoui. Fasciné, il observa la surface chatoyante qui s'animait en drôles de vagues dans le bassin. C'était comme s'il était rempli d'une eau argentée et irisée.

Sa mère repoussa une mèche de ses cheveux blonds, essoufflée, et stabilisa l'objet sur le bureau en face de la bibliothèque.

- Oui, la Pensine, confirma-t-elle. Je me suis dit que c'était le moyen le plus efficace... (Elle se tourna vers lui). Ça sert à revisionner des souvenirs et à les stocker ensemble, ajouta-t-elle en guise d'explications. Généralement, c'est très dur de s'en procurer une, il doit y en avoir moins d'une dizaine dans le monde si j'en crois mes recherches. Leur fabrication nécessite une magie complexe.

Ça, Julian le ressentait. Avec fascination, il fit courir ses doigts le long de la surface inégale du socle et ressentit les pulsations propres aux sortilèges complexes qui devaient être à l'œuvre autour de la Pensine. Sa mère le laissa faire avec un petit sourire avant de reprendre :

- Celle-ci appartenait à notre grand-mère à Leo et moi, Eugénie Perrot. Elle l'avait ramené d'Europe. Maintenant, c'est devenu celle de la famille.

- Mais on utilise assez peu, fit Leonidas. Personne n'a envie de garder de mauvais souvenirs et disons que ça n'a pas été facile ces dernières années ici. Tante Isadora avait interdit qu'on y touche.

Sa mère haussa les épaules et Julian comprit le message : elle n'était plus à ça près. Il était assez d'accord. De toute façon, c'était un crime d'avoir un objet aussi exceptionnel chez soi et de le laisser dans un placard. Plus il en apprenait sur cette fameuse Eugénie Perrot, plus elle lui paraissait être une femme intéressante.

- J'ai toujours bien aimé les Pensines, moi aussi, lui dit-elle sur le ton de la confidence en voyant qu'il admirait toujours l'objet.

- Déformation d'historienne ?

- Je suppose... C'est le rêve ultime pour nous, non ? Pouvoir explorer ce qui n'existe plus, le revivre et y chercher des indices ? Oui, oui, t'as raison, je pense que c'est pour ça que la Pensine m'a toujours fasciné. (Elle pencha la tête sur le côté, songeuse, puis ajouta tout bas). Jusqu'à ce que je veuille échapper au passé en tout cas...

Il ne trouva rien à répondre à ça. Avec attention, il regarda donc sa mère sortir une fiole de sa poche. Un filet argenté s'agitait à l'intérieur, comme une créature vivante, et elle fit sauter le bouchon pour pouvoir le verser dans la Pensine. La surface en argent ondula, puis elle s'éclaircit jusqu'à devenir pareille à une plaque de verre à travers de laquelle il distingua des silhouettes qui commençaient à se former. C'était presque comme regarder un écran de télévision moldu, une aura magique en plus.

- Vous êtes sûrs de vous ? s'assura sa mère avec nervosité. Je sais que c'est juste un souvenir mais... Ce n'était pas... facile à vivre.

Leonidas éteignit sa cigarette. Son regard bleu se fit soudain intense.

- Alors il est peut-être temps que tu n'en portes plus le poids toute seule, jugea-t-il, pragmatique. Allons-y. Julian, il suffit de se pencher. Ne t'inquiète pas, ça ne fait pas mal, tu as juste l'impression de tomber quelques secondes, d'accord ?

- Hum...

Génial, il adorait tomber, c'était sa passion avec le vertige... Il ne protesta pourtant pas de peur que sa mère change d'avis. Il la laissa même lui prendre la main avec force. Ensemble, ils basculèrent alors dans les souvenirs de la génération 1950.

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Verdict ?

Oui, je vous laisse avec un cliffhanger. Oui, je suis cruelle mouahaha ! Mais promis, vous aurez la suite directe au prochain chapitre ^^ Je sais que celui-ci était court, désolée, il ne devait former qu'un avec le suivant mais ça aurait été long à ce moment-là... En attendant je vous laisse avec les memes de Lina !

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