Chapitre 34 : Ce que l'avenir nous réserve

Hello ! I'm alive... *sourire gêné* 

Bon j'espère qu'il en reste encore quelques uns parmi vous pour cette reprise haha ! Je suis vraiment désolée pour cette pause interminable, je pensais vraiment qu'elle durerait que quelques semaines... et en fait, non, ça a été beaucoup plus. Pour vous expliquer un peu, je vis une période assez compliquée depuis le mois de mars au travail (je vous passe les détails, mais disons que d'avoir deux personnes qui vous adressent presque plus la parole du jour au lendemain sans explication, ça met un coup... et puis j'ai perdu mon chat au même moment, ma Bella bouille d'amour, et ça aussi ça a été dur). Donc j'ai été vraiment mal pendant plusieurs mois - et même encore un peu maintenant - et quand je suis mal bah... j'arrive pas à écrire. Alors, je me suis forcée, j'ai quand même écrit et en vrai ça m'a fait énormément de bien. L'écriture, c'est vraiment la seule chose qui me me permet de m'évader et qui me donne un but, une vraie motivation ! 

Cette fameuse motivation m'a poussée à écrire neuf chapitres. Alléluia, j'ai donc retrouvé un peu d'avance ! Normalement, il me reste encore 4 ou 5 chapitres max à écrire pour conclure ce tome, ce qui nous emmène à 46 chapitres environ. Et donc avec ces prévisions en tête et pour votre plus grand plaisir... 

...nous allons passer à un post par semaine ! Vous avez tellement attendu pour cette fin que ça me parait la moindre des choses. On commence par un post par semaine et dès que je termine l'écriture, ce n'est pas impossible qu'on ait des craquages pour accélérer un peu haha ! Pour le moment, le jour de post reste le samedi :) 

Sinon, mis à part cela, peut-être qu'un petit recap de l'intrigue s'impose pour rafraichir les mémoires. Let's go ! 

-----------------------------

RECAP DE L'INTRIGUE :    

--> Du côté de Noah et Julian 

Nous avions quitté les personnages en janvier 1981, durant les vacances de noël un peu allongée car c'est la norme en année senior à Ilvermorny. Noah et Julian s'habituent doucement à être en couple maintenant que toutes les conditions de Julian imposées en début d'année sont réunies : Noah et Othilia ont rompu, ils s'avouent leurs sentiments et ne prétendent plus vivre une expérience, et ils communiquent mieux ensemble.

Ils sont soutenus par Matthew, Théa et Aileen, désormais tous au courant. Leonidas a également appris leur secret dans la désormais fameuse "scène de l'hôtel". Ils refusent toutefois encore d'en parler à Liam et à leur famille (Hilda, Charlotte, Aurelia et Ethan etc). 

D'un point de vue plus personnel, Julian se bat toujours contre son anxiété de manière générale et même s'il sait qu'il aime Noah, il n'a pas encore réussit à véritablement le verbaliser. Noah quant à lui ne sait pas vraiment quel sera son avenir au-delà de l'idée d'une école d'art. Il travaille tout au long de l'année sur son projet de fresque pour Ilvermorny, dont le motif est maintenu secret. 

--> Le procès d'Emilia Cooper

Le procès est prévu pour le mois de mai. Tout le monde est appelé pour y témoigner et Ronan Graves est toujours dans la nature. Aurelia, plus particulièrement, est toujours extrêmement inquiète à cause de cela et même si sa relation avec Julian s'en retrouve ébranlée parfois, ils ont plutôt réussi à se réconcilier pendant ces vacances. 

--> Du côté de Matthew et Charity 

En Angleterre, l'histoire de Matthew et Charity suit son cours. Désormais en couple, ils apprennent de plus en plus à se découvrir, même si Matthew sent parfois une sorte de résistance de la part de Charity. Contrairement à lui, elle a du mal à s'ouvrir et leur relation peut parfois apparaître comme déséquilibrée, mais ils vivent dans leur bulle d'amour et continuent d'explorer leur relation aussi bien émotionnellement que physiquement (wink wink). 

Sans oublier qu'autour d'eux, la guerre bat son plein, ce qui pèse notamment sur Matthew dont les parents - Edgar et Cassiopée - sont assez absents à cause de leur engagement au Ministère (et une certaine organisation au nom d'oiseau ahem). 

--> Les autres personnages 

Au milieu de tout cela, nous avons Liam, inquiet pour sa soeur mais toujours le mot pour rire ; Théa qui doit désormais supporté Julian et Noah amoureux et soutenir en même temps Othilia dans un équilibre fragile ; Othilia elle-même qui se remet difficilement de sa rupture; et Aileen, notre Empathe préférée, qui supporte les émotions de tout ce beau monde ! 

----------------

Voilà, je crois que j'ai fait le tour. Si jamais un fait ou un personnage vous semble un peu flou, n'hésitez pas à me le dire en commentaire et je vous éclairerai avec plaisir ! 

Et maintenant, assez d'intro parce que ça fait déjà 3km ce bazar. Je vous laisse avec ce nouveau chapitre où les vacances sont terminées donc retour à Ilvermorny et on se retrouve en bas pour un nouveau racontage de vie (je vous ai pas encore parlé de la reprise de Doctor Who et de mon nouveau crush sur Charles Leclerc). 

Ah si, juste petite question : comment vous trouvez les nouvelles couvertures ? ^^ 

************************************************

Chapitre 34 : Ce que l'avenir nous réserve

« L'avenir tu n'as pas à le prévoir, tu as à le permettre »
- Antoine de Saint-Exupéry -

// 10 février 1981 //

- Désolée, désolée, je suis en retard ! Là, c'est bon, on peut commencer.

Julian releva la tête de son livre juste à temps pour voir un tourbillon roux se poser sur la chaise en face de lui et découvrir Aileen, essoufflée, son sac de cours encore sur l'épaule. Autour d'eux, la bibliothèque était si silencieuse que son arrivée n'était pas passée inaperçue. Quelques têtes pivotèrent dans leur direction : Enjolras et Clémence Laveau notamment, à quelques tables de là et surtout celle de William le puckwoodgenie concierge de l'école, toujours l'œil acéré pour repérer le grabuge avant qu'il ne survienne. Gênée, Aileen baissa le nez et son teint pâle se colora.

- Respire, rigola-t-il à voix basse. On a le temps, t'inquiète pas, je viens juste d'arriver. Ça s'est bien passé ?

- Ouais, très bien. Attends, je vais te raconter.

Une main sur la poitrine le temps de calmer son cœur frénétique, son amie sortit ses rouleaux de parchemin et sa plume et s'installa plus confortablement. Il repoussa son livre, attentif.

- Il y avait deux profs, entonna Aileen une fois installée. Perrot, comme c'est mon directeur de maison évidemment, et puis le professeur Fontaine. Bon, c'était à peu près ce que j'attendais d'un entretien d'orientation en vérité : on est revenu sur mon dossier scolaire, mes notes cette année, comment je me préparais pour le reste de l'année surtout dans ma matière majeure, tout ça quoi...

- Je vois... Et alors ? Ils t'ont dit quoi ?

- Honnêtement ? Que j'avais un dossier exemplaire.

Rayonnante, Aileen eut un grand sourire et il lui rendit en retour, peu étonné mais heureux pour elle.

- Représentante ? Présidente du journal de l'école ? Bonne élève ? récapitula-t-il en comptant sur ses doigts. Oui, ça aurait été bizarre qu'ils te disent le contraire.

- Peut-être, mais ça fait toujours plaisir à entendre. En plus, je sentais qu'ils étaient... vraiment sincères ? Et fiers de moi ? Je sais pas, c'était cool.

Les joues rouge, elle fit un vague haussement d'épaule et il sourit un peu plus. Depuis leur retour de vacances, il avait remarqué qu'Aileen était plus à l'aise pour parler de son don d'Empathe. Parfois, une phrase lui échappait sur ses ressentis, sur ce qu'elle captait de leurs camarades ou de lui et même s'ils ne s'y attardaient jamais, il était soulagé qu'elle se sente assez à l'aise pour cela.

- C'est génial, approuva-t-il. Et pour l'année prochaine alors ? T'as eu des idées ?

- Quelques une, oui. On a beaucoup parlé de journalisme, je pense vraiment que c'est ce que j'ai envie de tenter ; plus que la psychomagie. C'est bête, mais ça a toujours été un peu la voie... toute désignée pour moi tu vois ? (Elle joua avec sa plume, songeuse). Mais j'aime vraiment ce que je fais ici avec le journal d'Ilvermorny. Perrot m'a parlé d'apprentissage à la Revue du Nouveau Monde ou au Fantôme de New York si je voulais un journal plus local.

- Ca serait pas mal, non ?

- Ça serait même incroyable. Le problème, c'est que je ne sais toujours pas ce que je veux... Rentrer au Canada après Ilvermorny ou rester aux Etats-Unis ? s'interrogea Aileen, les traits crispés. J'ai déjà presque à peine vu mes parents pendant sept ans... Mes amis de Montréal aussi.

Il émit un bruit de gorge compatissant. Il savait à quel point c'était compliqué d'être séparer de son ancienne vie par des kilomètres et des frontières, mais il n'avait pas eu le choix. S'il l'avait, il se rendait compte que celui-ci ne serait peut-être plus aussi simple désormais. Il y a un an et demi ? Il aurait tout donné pour retourner en Angleterre, sans hésitation. Aujourd'hui ? Aujourd'hui, une telle décision revenait à laisser grand-mère Isadora, tante Cordelia et même Théa derrière lui. La famille dont il ne connaissait pas l'existence, mais qu'il n'imaginait pas abandonner maintenant. Retourner en Angleterre reviendrait aussi à laisser ses amis et surtout Noah... Rien que l'idée lui faisait mal à l'estomac.

En face de lui, Aileen perçut percevoir ses sentiments qui répondaient aux siens en écho et il lui adressa un sourire triste.

- Ouais, je me doutais que tu comprendrais... dit-elle avant de retrouver son enthousiasme. Mais enfin, j'ai encore un peu de temps pour décider ! De toute façon, ce n'est pas ça la grande la nouvelle !

- Parce que y'a une grande nouvelle ?

- Oh oui ! Prêt ?

Il acquiesça, amusé en voyant Aileen presque sautiller sur chaise, les mains croisées devant son visage.

- Fontaine a fait jouer des contacts. Il a dit que j'avais un des projets professionnels les mieux définis et qu'il avait eu une idée avec la directrice Hicks et Fleming. Bon, je te mets la confidence, la nouvelle n'a pas encore été annoncée, même pas au club d'échecs mais... Ils vont organiser un grand tournoi d'échecs dans quelques mois. Pour les élèves, ceux du club et même ceux qui y participent. Chaque année, ils aiment bien lancer un projet avec les élèves Senior, et ça sera celui-là cette année. Il y a toujours un tournoi de fin d'année, mais là l'ampleur sera un peu plus grande. 

- Théa et Liam vont être un guerre, s'exclama-t-il d'instinct.

- Surement. Mais c'est pas le plus important. Un reporter de la Revue va venir en faire un petit article ! Et surtout, il va finir encadrer le numéro mensuel du journal de l'école par la même occasion parce que devine quoi ? Un exemplaire sera distribué en bonus avec tous ceux de la Revue ! Dans tout le pays !

- Quoi ?

Sa voix partit un peu trop dans les aigues sous le coup de la surprise et de l'enthousiasme, mais il s'en ficha. Clémence Laveau lui décocha simplement une œillade d'avertissement, mais il la vit à peine, trop concentré sur Aileen dont les yeux pétillaient.

- Je sais, je sais ! fit-elle, excitée. C'est vraiment l'occasion de montrer ce que je sais faire et ça va être lu partout. Bon, je me fais pas d'illusion, les trois quart des lecteurs de la Revue jetteront notre numéro à la poubelle sans l'ouvrir, mais je pense que les parents d'élèves le liront, ça sera amusant pour eux. Et surtout, les patrons de rédactions s'y intéresseront !

- Ca sera vraiment parfait pour ton dossier, ça.

- Exactement. Ça va être génial.

Dans un éclat de rire, il présenta sa main à Aileen et elle frappa dedans sans hésiter. Il espéra qu'elle avait ressenti sa joie pour elle dans le simple contact.

- Et ce tournoi d'échecs ? Il sera quand ? s'enquit-il.

- Je sais pas encore précisément. Au mois de mars sans doute. Je pense que Hicks va en parler au club et aux élèves ce week-end. (Elle balaya l'air d'un mouvement de poignet, puis reprit d'une voix plus neutre). Mais allez, c'est bon, assez parlé de moi. Et toi ? Ton entretien d'orientation est à quelle heure ?

- Dans une heure et demi. J'ai encore un peu de temps pour toi.

- Parfait. Parce que les vacances m'ont fait oublier tous mes principes d'enchantements, j'ai besoin de mon prof particulier !

- Si tu me reconfonds le sort d'attraction et celui de répulsion, je quitte la bibliothèque, menaça-t-il.

Aileen rit sous cape et entreprit d'attacher ses cheveux en un chignon lâche, puis rapprocha sa chaise de la sienne. Aussitôt, elle retrouva son sérieux et ils se mirent à réviser les sortilèges pendant près de quarante cinq minutes avec intensité. Sur tous les plans, Aileen était une élève modèle. Depuis qu'il avait accepté de lui donner des pseudos cours de soutien en échange d'être libéré du club du journal, elle s'était toujours montrée intéressée et ses notes s'étaient stabilisées. Il révisait lui-même par la même occasion pour sa matière forte, ce qui était un avantage non négligeable.

Elle était en train de lire un paragraphe compliqué, sourcils froncés, sa tête appuyée contre son poing, lorsqu'elle releva les yeux.

- Bon, ça y est j'en ai marre. On peut faire une pause ? demanda-t-elle, plaintive. J'ai l'impression qu'on s'est pas parlé juste tous les deux depuis une éternité. Depuis le retour des vacances, même. Raconte-moi.

- Mes vacances ?

- Hum. Ça a été avec... Théa ?

Elle prononça le nom de sa cousine avec prudence, une pointe d'inquiétude dans le fond de ses prunelles, et ajouta avant qu'il puisse répondre :

- Je sais que vous vous reparlez, je vous ai vu entre les cours surtout, et je sens qu'elle est moins en colère, mais... je voulais être sûre.

- C'est gentil, dit-il, sincère. Et oui, on a discuté pendant les vacances. J'irai pas jusqu'à dire qu'elle m'a tout pardonné, mais ça va mieux. J'essaye de plus lui parler aussi.

- C'est bien, approuva Aileen. T'as besoin de ça, parler. Je le sais, tu gardes tout à l'intérieur.

D'un geste, elle se pencha par-dessus la table pour tapoter son torse comme preuve, comme si elle pouvait y sentir la boule d'émotions réprimées à l'intérieur de lui. En vérité, elle le pouvait certainement et il se contenta d'hocher la tête. Distraitement, il griffonna dans le coin de son parchemin, le temps de rassembler ses pensées, puis lança :

- Aileen ?

- Oui ?

- Je peux t'avouer quelque chose ?

C'était une question purement rhétorique, toute personne qui l'avait déjà posé le savait bien. Il avait juste besoin d'un peu d'encouragement pour son aveu et Aileen posa ses mains à plat sur la table entre eux, attentive.

- Evidemment, répondit-elle avec un sourire doux. C'est au sujet de Noah ?

Elle avait baissé la voix sur son prénom, même si personne ne les écoutait, mais il ressentit malgré tout une pointe d'anxiété familière le traverser.

- Je suis si prévisible ? fit-il, embarrassé.

- Non, disons seulement que j'ai fini par associer certaines de tes émotions à Noah, c'est tout. C'est plus facile à « lire » maintenant.

- Ah...

Il avait dû mal à s'imaginer ce qu'elle percevait exactement tant son don lui paraissait toujours aussi abstrait, mais il mit sa frustration de ne pas comprendre de côté pour se concentrer.

- On s'est vus pendant les vacances avec Noah, raconta-t-il sans vraiment la regarder en face. On a parlé aussi. Et... il m'a dit qu'il m'aimait.

- C'est vrai ?

Il releva les yeux en entendant le ravissement dans la voix d'Aileen, beaucoup trop investie dans leur histoire, et un sourire vint étirer ses lèvres instinctivement en la voyant se retenir de battre des mains.

- Désolée, désolée, je suis juste heureuse pour vous... Morgane, tu ne sais pas à quel point tu l'as aidé. Noah, je veux dire. Il y a quelques mois, jamais j'aurais cru qu'il puisse te dire ça. C'est génial !

- Tu trouves ?

- Honnêtement ? Oui, affirma-t-il avec solennité. Pour avoir vu Noah évoluer... je t'assure que t'as débloqué quelque chose chez lui. Je pense que tu lui as prouvé qu'il pouvait compter sur toi, vraiment, sans jugement. J'ai honte de l'admettre mais... contrairement à nous, tu ne l'as pas lâché. (Ce fut à son tour de baisser les yeux et de contempler plutôt les dessins à moitié griffonnés dans le coin de son parchemin). Sa mère est partie, il était en conflit avec sa tante, Othilia lui reprochait toujours de ne pas être assez, Liam et moi on l'a délaissé petit à petit après l'incident de l'enlèvement en première année... On avait tous un peu baissé les bras parce que « c'est Noah », c'est comme ça. Pas toi. Et je pense que c'était la chose dont il avait besoin pour une fois. D'être compris, d'avoir quelqu'un comme lui, qui aimait les mêmes choses... A force de crier, il a enfin eu quelqu'un qui l'a entendu et qui ne s'est pas simplement dit qu'il faisait du bruit pour contrarier tout le monde, tu vois ?

Il acquiesça lentement, une boule dans la gorge. Connaître le don d'Empathe d'Aileen et le voir en action étaient deux choses différentes, il s'en rendait compte à présent. A croire que rien ne lui échappait. Pendant une seconde, il comprit soudain pourquoi elle n'avait jamais voulu parler de sa particularité aux autres car il eut presque peur de sa clairvoyance. Comme si elle pouvait le mettre à genoux si elle le voulait. Pourtant, sa bonté naturelle l'empêchait de faire une telle chose et il força ses muscles à se détendre pour ne la vexer.

- Peut-être, ouais... convint-il avec un temps de retard, incertain. Mais je ne lui ai pas dit, moi... Quand il m'a dit qu'il m'aimait, je veux dire, j'ai rien répondu. Je crois que j'ai encore des efforts à faire pour ne pas « tout garder à l'intérieur » ...

Il ponctua sa remarque d'un petit rire sans joie pour lui donner un peu de légèreté qu'il était loin de ressentir. Aileen ne parut pas dupe une seconde.

- Et tu penses que t'aurais dû ? demanda-t-elle avec patience. Lui dire que tu l'aimais ?

Il haussa une épaule.

- Je sais pas... Je pense qu'il le voulait en tout cas.

- Peut-être qu'il le voulait, mais peut-être qu'il le savait déjà aussi, non ?

Elle lui renvoya un regard équivoque, l'air de sous-entendre que c'était plutôt évident, et il fit une grimace en guise d'accord. Il n'avait qu'à voir comment il agissait en présence de Noah pour le savoir et il n'y avait aucune possibilité pour que Noah l'ignore.

- Je croyais que savoir et dire, c'était pas la même chose ? protesta-t-il malgré tout. C'est un peu ce que tu me disais, pas vrai ? Que je devais dire les choses, pas juste m'attendre à ce que les autres sachent ?

- Certes mais...

Elle soupira, sourcils froncés, puis sembla avoir une idée.

- Ok, je vais t'aider à comprendre un truc. Tu vois ton vertige ?

- Quoi ?

- Ton vertige. J'essaye de faire une métaphore, là, sois indulgent.

Amusé et perplexe à la fois, il hocha la tête et lui fit signe de continuer.

- Pardon, oui je vois. Mon vertige donc ?

- Et bien, il faut se demander de quoi tu as vraiment peur. Le vertige, pour toi, c'est la peur de quoi ?

- Hum... Du vide ? répondit-il avec évidence.

Il eut soudain l'impression de passer un genre de test pour lequel il n'avait pas révisé et Aileen renforça la sensation en secouant la tête, un fin sourire aux lèvres, l'air de détenir un secret au bord de ses lèvres qu'elle était seule à connaître.

- Non, Ju'. Les gens qui ont le vertige n'ont pas peur du vide, ni de la hauteur. Ils ont peur de tomber, nuança-t-elle d'une voix douce et docte. Ils n'ont d'ailleurs pas plus peur du vide qu'ils ont peur de dire « je t'aime » ... Ils ont juste peur de la réponse. Ce n'est jamais nos actions qu'on craint, c'est les conséquences.

Aileen termina son explication en un souffle, solennelle, et il se figea, tendu sur sa chaise, percuté par ses mots. Il n'en avait d'autre pour traduire ce qu'il ressentait. Comme si une prise de conscience violente l'avait effectivement percuté en pleine poitrine et qu'il devait prendre le temps de l'intégrer. Evidemment, sa protestation fusa avant qu'il ne se laisse ce fameux temps :

- Comment est-ce que je pourrais avoir peur de la réponse de Noah ? Il me l'a dit en premier. Je sais ce qu'il ressent.

- C'est vrai, convint Aileen. Mais ça n'enlève pas la peur. Et je dirais même que vu ce que vous risquez et l'ampleur des conséquences qui peut vous retomber dessus, c'est normal de ressentir ça. Et puis...

Elle s'interrompit elle-même, sur la réserve.

- Et puis ? la poussa-t-il.

- Je ne sais pas, ce n'est pas à moi de juger... J'ai beau savoir ce que tu ressens en surface, je ne suis pas dans ta tête, qu'on soit clair là-dessus. Mais si je devais émettre une hypothèse...

- Oui ?

- Je sais pas, répéta-t-elle en se mordant la lèvre, mais est-ce que ce qui te fait peur, c'est pas le souvenir de l'année dernière ? Et tout ce qui s'est passé ? Que Noah change d'avis et revienne sur sa décision, qu'il se cache encore derrière ses excuses ? Parce que c'est le paradoxe de Noah, non ? Il peut vouloir envoyer le monde se faire voir une seconde et avoir peur de ne pas être accepté la suivante...

Enoncer avec tant de clarté, l'explication semblait si évidente qu'il s'étonna de ne pas y avoir pensé lui-même et il se retrouva cette fois à court de mot, incapable de répondre. En écho, il repensa à Leonidas à l'hôtel. Son parrain lui avait dit qu'il devait pardonner sa mère, lui pardonner vraiment, et ne plus faire semblant pour que les choses s'améliorent... Il avait eu raison, bien sûr, comme souvent. Parce que dans le fond et avec le recul, il avait été terrifié de voir sa mère disparaître à nouveau s'il s'autorisait à lui pardonner, s'il laissait leur relation revenir à la normal. Maintenant qu'Aileen le pointait, peut-être que les choses n'étaient pas si différentes pour Noah...

Lui dire qu'il l'aimait, ça revenait à lui pardonner. Complètement. A mettre de côté tous les doutes et toutes les nuits blanches qu'il avait passé, un nœud dans l'estomac, à se demander ce que signifiait vraiment leur « expérience ». Lui pardonner, ça revenait à lui redonner le pouvoir de lui faire mal, même sans le vouloir, si les choses tournaient mal.

Plus que jamais, il comprit la phrase d'avertissement qu'Othilia lui avait jeté au visage dans le couloir lors de son coming-out à Théa : « J'espère que tu sais dans quoi tu t'engages. Vraiment. Parce que Noah Douzebranches est le genre de personne qui peut te mettre à terre sans que tu comprennes que t'étais en train de tomber ». Le lien d'Aileen avec le vertige lui sembla soudain encore plus pertinent qu'il y a quelques secondes.

Pas étonnant que sa baguette ne fonctionne toujours pas correctement : il avait encore du chemin à faire regagner sa conscience de soi et pour être honnête avec lui-même.

- Julian ? appela Aileen, l'air inquiet. Ça va ?

- Hum ?

- Désolée, j'aurais pas dû...

Il secoua la tête en commençant à ressembler ses affaires.

- Non, non, t'as eu raison. C'est moi qui suis désolé, je dois y aller. J'ai mon rendez-vous d'orientation qui va commencer.

- Oh... oui, oui, vas-y. On se voit avant le dîner au Foyer ?

- Ouais, je te rejoins là-bas.

- Ok... merci pour le cours, remercia-t-elle en pointant ses notes et son manuel d'enchantements.

Déjà debout, il se força à lui sourire et avisa son expression contrite. Il se pencha pour déposer un baiser sur sa joue sur un coup de tête.

- Toujours là pour t'aider, promit-il. Et merci aussi, Aileen. Vraiment...

Il y avait tellement plus derrière ses mots que ce qu'il voulait bien laisser paraître, mais comme d'habitude Aileen sembla comprendre. Elle inclina la tête, soudain plus souriante, et il réaffermit sa prise sur son sac avant de s'éloigner. Quelques minutes plus tard, en train de monter les escaliers vers le bureau de Fleming, il se rendit compte à quel point ça faisait du bien d'avoir une amie comme Aileen à qui il pouvait enfin parler de tout ça... Que laisser sortir et s'exprimer ce qui lui pesait pouvait effectivement le rendre plus léger. En tout cas, c'était l'impression qui l'habitait. Et même si son analyse sur Noah l'avait angoissé une seconde, il était quand même satisfait d'avoir pu poser des mots sur ses inquiétudes. Comprendre, c'était son truc. Ça l'aidait à s'ancrer au moment présent et il devait reconnaître qu'Aileen avait pointé une vérité non négligeable.

Si Noah était capable d'aimer Othilia et de ne plus l'aimer en seulement quelques mois, est-ce qu'il était condamné au même sort tôt ou tard ? Est-ce qu'il ne se mettait pas dans une position où il allait forcément souffrir à terme ?

L'espace d'un instant, il aurait aimé qu'Aileen ait un don de voyance et pas d'empathie pour pouvoir lui donner la réponse... Mais il n'avait aucun moyen de savoir et c'était peut-être ce qui rendait toute leur histoire si spéciale. Il faisait confiance à Noah. Il lui donnait tout ce qu'il avait, tout qu'il était... Et l'inverse était vraie aussi. Il ne fallait pas qu'il l'oubli. Pour Noah qui avait été abandonné toute sa vie ou à qui on avait dit qu'il n'était jamais assez, se montrer aussi vulnérable qu'à l'hôtel avait dû être comme se jeter dans le vide. Encore une fois, Aileen avait eu raison : l'amour et le vertige faisaient une très bonne comparaison.

L'esprit encombré de toutes ces préoccupations, il arriva finalement devant la porte du bureau de Fleming et inspira un grand coup. Ce n'était plus le moment de penser à tout ça, il devait se concentrer un minimum. A l'autre bout du couloir, il distingua la silhouette de Manfred Sullitzer qui commençait à approcher, sûrement en avance pour son propre entretien d'orientation puisqu'ils étaient l'un après l'autre dans l'ordre alphabétique. Autant dire qu'il n'avait aucune envie de le croiser et il s'empressa de toquer deux coups secs. A peine un « entrez » étouffé lui parvint qu'il s'engouffra dans la pièce.

Depuis son arrivée à Ilvermorny, il n'était jamais entré dans le bureau de sa directrice de maison. Il ne savait donc pas à quoi s'attendre et fut frappé par la décoration chargée qui lui agressa la rétine. Des lourdes étagères prenaient tous les pans de murs disponibles et croulaient sous les livres, les parchemins, les plumes. Au centre de la pièce, un peu en décalé, le bureau de Fleming paraissait presque sobre et bien rangé à côté et il distingua quelques cadres photos et un diplôme encadré derrière. En touche de couleur, une grande plante verte – du même type qu'il avait déjà vu dans les serres de l'école – prenait le soleil paresseusement près de la fenêtre.

- Bonjour Julian, l'accueillit Fleming. Entre, entre.

Il tourna son regard vers elle. Habillée d'une robe de sorcière bleue et élégante, elle se tenait derrière son bureau, accompagnée par le professeur Perrot. Il sentit son ventre se contracter. De tous les professeurs qui aurait pu co-diriger son entretien, il fallait que ça soit lui...

Il n'avait jamais reparlé avec son professeur d'Histoire de son rôle dans les évènements entourant la mort de Diego Calderon. Il avait déjà du mal à en parler avec sa mère, ce n'était pas pour le faire avec un quasi inconnu, son professeur de surcroît. Mais il commençait à en avoir marre que tout le ramène à cette affaire et, tendu, il resta sur le seuil de la porte, presque méfiant. Fleming pinça les lèvres.

- Julian... entonna-t-elle, mal à l'aise. J'ai conscience que...

- Je ne peux pas passer l'entretien avec d'autres professeurs ? coupa-t-il, se surprenant lui-même. Le professeur Fontaine ?

Perrot se crispa et Fleming resserra visiblement sa prise autour de sa plume.

- Le professeur Fontaine s'occupe des élèves Womatou et co-dirige les entretiens des Oiseaux Tonnerre, répondit-elle d'un ton neutre. J'ai peur que ça ne soit pas possible. Viens t'assoir, s'il te plait.

D'un geste, elle désigna la chaise devant eux : il sut qu'il n'avait pas le choix. Insister serait perçu comme de l'impertinence et il savait qu'elle laissait glisser sa remarque uniquement à cause de leur relation compliquée. Frustré, il obtempéra donc. Sa seule consolation fut d'imaginer Noah face à Algilbert Fontaine pour son propre entretien, ce qui promettait un moment de tension certain.

- Bien, nous allons pouvoir commencer, reprit Fleming après s'être éclairci la gorge. Je sais que la situation n'est pas idéale, mais nous sommes là pour parler de ton orientation, Julian. Pas d'autre chose, d'accord ?

- Hum...

- Et il faut que tout le monde y mette de la bonne volonté. Nous sommes tous en accord là-dessus aussi, n'est-ce pas ?

Avec un regard entendu, elle se tourna vers son collègue et Perrot se redressa dans son fauteuil, acquiesçant avec gravité. Julian soupira. Elle avait raison ; ils ne régleraient rien aujourd'hui et il n'était pas sûr d'avoir quoique ce soit à leur dire. Ce n'était pas son histoire. Il s'était expliqué avec sa mère, ça lui suffisait. Fleming parut s'estimer à peu près satisfaite de leur réponse, puis attrapa un dossier à sa droite.

- Alors, voyons voir... Poudlard nous a transmis ton dossier académique et j'ai pu échanger par lettres avec ton directeur de maison pour qu'il m'envoie le compte-rendu de ton entretien de cinquième année.

Elle sortit un parchemin pour l'examiner et il se pencha, surpris.

- Flitwick vous a écrit ?

- Oui. Et il n'est pas avare de compliments sur tes capacités. Apparemment, il y a deux ans, vous aviez évoqué ensemble plusieurs pistes pour la fin de tes études. Tu peux nous en parler ?

- Oh... hum, oui. C'étaient seulement des idées, rien de vraiment concret... Le Ministère, surtout, mais peut-être aussi un apprentissage en sortilèges quelque part. L'IRIS avait été évoqué pour plus tard, c'est compliqué d'y entrer... Mais enfin, toutes les pistes concernaient l'Angleterre alors...

Alors il ne savait pas quoi en penser aujourd'hui, maintenant qu'elles n'étaient plus envisageables. Comme si le peu de choses de prévues pour son futur lui avait été retirées violemment et qu'il n'en prenait conscience qu'à cet instant. Perrot prit un air optimiste.

- Il te reste plusieurs mois. L'Angleterre n'est peut-être pas une porte à fermer complètement non plus.

- Je ne sais pas... je ne pense pas qu'on y retournera, professeur.

Et Merlin ce que cette phrase lui arrachait le cœur malgré la vie qu'il s'était construit ici. Fleming dut voir son trouble et embraya avec empressement :

- Ce n'est pas grave, nous allons tout reprendre depuis le début. Alors, voyons. (Elle déroula le parchemin à plat sur la surface de son bureau). Julian Shelton, élève appliqué, rigoureux, excellentes notes en enchantements et en histoire, quelques difficultés dans les matières plus « manuelles » si je peux les appeler comme ça, comme l'art des potions et l'herbologie. Option de droit magique américain et a fait partie du club de journalisme et pratique encore celui de club de duel. Ça nous dessine un profil assez précis, vous ne trouvez pas ?

- Je ne ferai pas carrière dans le Quidditch en tout cas, fit-il avec une pointe d'humour en songeant à sa sœur.

- Non, c'est sûr, convint Fleming. Mais je rejoins le professeur Flitwick sur les sortilèges. Tu as du talent dans ce domaine, Julian. Ça sera un crime de ne pas l'exploiter et les possibilités sont assez larges. Il existe plein de branches qui utilisent les sortilèges à un niveau intensif.

- Briseur de sort, proposa Perrot. Ou chercheur. Les Etats-Unis n'ont pas d'équivalent de ce que vous appelez le Département des Mystères, je crois, mais je me suis renseigné. Il y a des centres dans plusieurs Etats qui travaillent sur l'analyse de la magie. L'un des plus prestigieux est en Californie.

Julian émit un simple « hum » songeur. A ses yeux, il avait soudain l'impression que la Californie était à l'autre bout de la planète, encore plus loin que l'Angleterre, ce qui était stupide... Mais elle était à l'opposée de New York en tout cas. A l'opposée de Théa, de ses parents, de sa sœur, de Noah... Se projeter là-bas revenait presque à s'exiler une deuxième fois et une boule se logea dans sa gorge rien qu'à l'idée. Face à lui, Fleming parut se méprendre sur son silence et tenta d'argumenter :

- J'ai conscience que sur le papier, ça ne vaut pas l'IRIS. Mais le Centre d'Analyse Magique de Californie est reconnu dans toute l'Amérique du Nord. Des sorciers du Canada viennent même y travailler ou y étudier. Si tu veux, je pourrais te retrouver leur brochure ?

- Euh... oui, pourquoi pas...

- Le dossier n'est pas long à monter en plus, si ma mémoire est bonne. C'est une de leur politique : ils prennent les étudiants en regard de leurs résultats en année Senior et les tiens pourraient tout à fait correspondre. Si on ajoute une lettre de recommandation, je suis sûre que ta candidature aurait de sérieuses chances d'être acceptée.

A nouveau, il se contenta d'hocher la tête. Il voyait bien que Fleming et Perrot étaient enthousiastes pour lui, il ne voulait pas les décevoir. Pourtant, le nœud dans sa gorge le poussa à demander :

- Et il n'y a rien... plus près ? Vers la côte Est, je veux dire ?

Perrot joua avec ses lunettes à monture en fer.

- Si, quelques centres également, mais de moindre envergure dirons-nous. Il y en a un pas loin d'ici dans le Massachussetts, l'Institut de Salem pour être exact.

- C'était même le premier à être créer, je crois, abonda Fleming. Ça permettait de centraliser les grands lieux sorciers dans un même Etat avec Ilvermorny, le Village, la ville de Salem et leur Institut. Tu y es déjà allé ?

- A Salem ? Non, j'ai fait toutes mes sorties au Village...

Ça n'avait pas été l'envie qui lui avait manqué pourtant, mais l'occasion s'était jamais présenté à cause du rythme effréné de l'année dernière : à partir d'Halloween, tous les moments de libres avaient été consacrés au Rituel ou à rendre visite à Leonidas au Village.

- Tu pourrais essayer de t'y rendre à la prochaine, conseilla Fleming. L'Institut est plus ou moins en libre accès, même pour ceux qui n'étudient pas là-bas. Ça te donnerait une idée. Peut-être même que tu pourrais discuter avec des étudiants sur place.

- Oui, oui... ça me plairait.

Il était sincère. L'Institut de Salem lui parlait déjà plus que le Centre en Californie et il se redressa sur sa chaise, intéressé. Heureuse d'avoir réussi à capter son attention, sa directrice de maison sourit.

- C'est l'option la plus locale et la plus poussée pour ce que tu recherches, je pense, approuva-t-elle. Ça serait dommage de t'enfermer dans une branche trop précise tout de suite, ta maîtrise des sortilèges demande un cadre plus large. Après, l'étranger n'est pas à exclure non plus. L'Angleterre est certes compliquée, mais le reste de l'Europe ou même le Canada ont de belles propositions. Ça peut même être très enrichissant d'étudier la spécificité du monde de la recherche par d'autres cultures magiques.

Au ton de sa voix, il sut qu'elle parlait d'expérience et se rappela brusquement qu'elle était elle-même partit à Londres dans ce but précis. C'était même comme cela qu'elle avait rencontré ses parents, Leonidas et Lysandra. Pourtant, une fois encore, l'idée le rebuta à peine évoquée et il secoua la tête, incapable de se retenir.

- Non, professeur, refusa-t-il d'une voix rauque. Je ne pense vraiment pas que... ça me conviendrait. Si ce n'est pas l'Angleterre, alors ça ne sera rien. Je...

Il se tut sans arriver à vraiment se justifier, l'esprit confus. Une seconde, il craignit que son refus ne passe pour un caprice, mais Perrot fit un geste apaisant et gratta sa barbe brune, songeur.

- C'est normal, nous comprenons. Seulement, ça serait bien qu'on te trouve une autre piste, juste au cas où. D'expérience, on sait que ce n'est jamais prudent de n'avoir qu'un seul plan d'orientation pour nos étudiants.

- Il a raison, approuva Fleming. Je t'aiderai pour la candidature à Salem, nous avons des liens étroits avec eux grâce à notre proximité géographique et institutionnelle, on va dire. Mais est-ce qu'il y aurait autre chose qui pourrait t'intéresser ? Ou te plaire ?

- L'Histoire, par exemple ? suggéra Perrot.

Julian haussa un sourcil. Rationnellement, il savait que Perrot était comme un gobelin qui prêchait pour sa banque, mais il ne put s'empêcher d'y voir une allusion à sa mère et à sa carrière.

- J'aime l'Histoire, mais pas au point d'en faire mon métier, répondit-il après quelques secondes, sans doute trop sèchement. Je pense que parfois, vaut mieux laisser le passé là où il est.

La pique – tout sauf subtile – jeta un froid sur le bureau. Il vit la gêne et l'irritation se battre sur l'expression de Perrot avant que sa directrice de maison ne reprenne les rênes de la conversation.

- Très bien, on élimine cette option dans ce cas, affirma-t-elle. Autre chose ?

Elle le regarda avec insistance, comme pour l'enjoindre à se reconcentrer et il prit le temps de chercher une idée convenable.

- Le dessin, l'art en général... évalua-t-il finalement. Ça m'intéresserait, oui.

- Je vois. Il se trouve que j'ai étudié la question avec Eulalie Hicks pour un autre étudiant et nous sommes arrivées au même constat : c'est une branche limitée, du moins dans notre société sorcière.

Elle écarta les mains, contrite. D'instinct, il sut que l'élève dont elle parlait était Noah. Il lui avait raconté qu'il avait évoqué son envie d'entrer dans une école d'art à la directrice d'Ilvermorny lors de son retour de fugue en septembre dernier et il ressentit un élan de gratitude envers Hicks d'avoir pris le temps de se renseigner pour lui.

- Ce n'est pas faux, renchérit Perrot. Pour ce genre d'étude, il faut se tourner vers les Non-Maj' et je vais être franc, Julian... ça serait dommage dans ton cas. Un potentiel pareil en enchantements et sortilèges ne peut pas être sacrifié pour du dessin. Ça peut rester une activité à côté en revanche.

- Hum...

Il n'était pas étonné par la réponse, ni par l'assentiment que Fleming marqua en hochant la tête avec vigueur. Il n'avait beau pas aimer la hiérarchie que ses professeurs faisaient entre la pratique magique et la pratique artistique, ça aurait été mentir de dire qu'il ne la faisait pas lui-même au fond de lui.

- Après, ça peut rester une voie à explorer plus tard, proposa Fleming, soucieuse d'arrondir les angles et de ne pas le braquer une fois de plus. Pour une année de césure après l'Institut de Salem par exemple. Mais il faudrait tout de même une seconde option plus... solide, si j'ose dire. Et un Centre d'Analyse Magique me semble bien plus indiqué. Si ce n'est pas celui de Californie, au moins celui de Washington ? Qu'est-ce que tu en penses ?

- Oui, oui... ça m'irait celui-ci.

Washington était encore plus près que Salem et il ne ressentit aucune angoisse à l'idée d'envisager faire quelques années d'étude là-bas. Perrot sourit, l'air satisfait.

- C'est bien, nous avons réussi à réduire le champ des possibles. N'hésite pas à demander à votre père s'il a des contacts, ça ne serait pas étonnant et ça pourrait aussi aider à monter ton dossier de candidature.

Julian se crispa. Il n'y avait pas réfléchi, mais la comparaison le frappa soudain avec un portoloin de retard : s'il avait refusé de suivre la voie historique de sa mère, il était en tout cas en train d'emprunter celle de chercheur de son père à pleine vitesse et il ne sut pas quoi faire de cette observation. A ses yeux, il avait une différence majeure avec son père : c'était sa capacité à garder les pieds sur terre là où Ethan Shelton pouvait être un peu trop hors sol ou absorbé par ses recherches. Ses doutes durent transparaître sur son visage car Fleming fronça les sourcils.

- Un problème ?

- Euh, non, non... pas vraiment. C'est juste que...

Instinctivement, il se revit presque deux ans plus tôt – soit une éternité – dans la chambre de Matthew avant son départ. Matthew et sa fureur de se battre, ce feu si Gryffondor dans les yeux, habité par la conviction qu'il fallait qu'il fasse quelque chose. Il lui avait rétorqué qu'il s'en sentait incapable. Pas face aux personnes qui avaient fait exploser un bâtiment sur sa mère. Mais maintenant, sa mère allait bien... Et si Matthew avait raison ? S'il devait à son pays d'au moins tenter de faire quelque chose lui aussi ? Que c'était vain de vouloir que la guerre s'arrête s'il laissait d'autres enfants perdre leur mère sans lever sa baguette ?

- Je me demande juste si la recherche en sortilèges est vraiment... utile, lâcha-t-il soudain, submergé par ses questions. Avec tout ce qui se passe. Si je ne pourrais pas aider en faisant autre chose. Vous l'avez dit, j'ai des capacités et...

Et ça serait sûrement les gâcher que de les confiner à une salle de classe à Salem, à Washington ou en Californie, n'osa-t-il pas terminer. Il ne voulait pas finir comme son père, déconnecté de la réalité. De l'autre côté du bureau, Fleming et Perrot échangèrent un long regard, visiblement pris au dépourvu. Ce fut sa professeur de sortilèges qui se reprit en première.

- J'entends bien ce que tu dis, Julian, assura-t-elle. Mais tu as dix-huit ans. Est-ce que tu crois que c'est vraiment à toi de prendre ce poids sur tes épaules ?

- Je crois que si tout le monde se dit ça, alors personne ne fera rien...

La réponse avait fusé de ses lèvres, instinctive, et il eut peur un instant que Fleming ne le prenne mal, mais elle ne tressaillit même pas. A croire que Matthew et Noah avaient un peu trop déteints sur lui pendant les vacances.

- Surement, intervint Perrot. Mais il y a plusieurs façons d'être utile, tu sais. Et je pense que faire avancer la recherche en sortilèges en est une, souvent minimiser. A ton avis, que crois-tu que font les mages noirs comme Grindelwald ou Voldemort avec la magie noire ? Ils en cherchent les limites, ils cherchent à la repousser...

- Et si on ne fait pas pareil de notre côté, alors la lutte devient vite inégale, jugea Fleming à son tour.

Il serra ses doigts sur le bord de sa chaise en entendant le titre de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, peu habitué. Contrairement à l'Angleterre, ce n'était simplement pas tabou ici et Perrot ne parut même pas réalisé qu'il venait de faire quelque chose d'extraordinaire. Il ne devait toutefois pas semblé assez convaincu car Fleming soupira.

- Julian, nous sommes sérieux. Si tu empruntes cette voie, tu seras utile, insista-t-elle. Elle pourra prendre des virages diverses, comme la création de sortilèges ou encore l'enseignement.

- Oui, mais... est-ce que ça aidera ? Aider vraiment, je veux dire ?

Bon sang, il avait l'impression de parler comme Matthew. Perrot reposa ses lunettes dans un geste lent, puis prit le temps de ressembler ses idées avant de lui répondre :

- Tu sais pourquoi j'ai entamé cette carrière ? demanda-t-il. Parce que je suis persuadé que c'est en forgeant l'esprit de la jeunesse, en lui donnant les bonnes armes, que ce qui arrive en Angleterre peut trouver un rempart digne de ce nom. Ne sous-estime pas tes capacités ni les cartes que tu as en main, Julian, vraiment.

- Il a raison. Et j'ajouterai même autre chose, poursuivit Fleming. Pense à toi. Fais-toi passer en premier.

Il cilla, pris au dépourvu.

- Quoi ? fit-il.

- Oui, je sais, ça peut paraître paradoxal avec ce qu'on vient de te dire. Mais de là où je me tiens, je dirais que la guerre t'a déjà pris beaucoup. Alors ne la laisse pas t'enlever ton avenir en plus, ne lui donne pas ça. Tu comprends ?

Elle plaidait presque et il se retrouva à court de mot, percuté par son argument. Est-ce que ce n'était pas ce qu'il avait ressenti toute l'année et ce dont il s'était même plaint à sa mère, allant jusqu'à lui reprocher en criant, épuisé ? Il avait fait passer tout son entourage en premier – Lottie, son père, Théa, Liam, même Noah – sans jamais broncher, il les avait portés à bout de bras ; il avait accepté de laisser ses amis et Poudlard derrière lui ; il avait sacrifié son sommeil et son temps libre pour le Rituel... Mais au moment de choisir son avenir et le chemin sur lequel il allait avancer, il se rendit compte qu'il ne pourrait pas contenter les intérêts de tout le monde.

Peut-être que Fleming avait raison. Peut-être que, finalement, l'avenir n'était interdit à personne. Et surtout pas à lui. 

**************************************

Et voilà ! Verdict ? ^^ 

C'était un chapitre de reprise assez calme, j'en ai conscience; mais c'est une étape essentielle pour préparer notamment le tome 3 car nous sortirons du cocon d'Ilvermorny pour nous lancer dans le vrai monde (angoisse et désespoir haha). Et puis surtout, ça me permettait de faire un petit portrait de Julian en creux, ce qui ne fait jamais de mal ! Mais je vous prévois pleins de choses pour les prochains chapitres mouahah ! 

Sinon, vite fait, racontage de vie. Déjà, vous ? Comment ça va ? Qu'est-ce qui vous ait arrivé depuis le début de cette année ? Racontez-moi tout ! 

De mon côté en vrac : 

J'AI EU MON PERMIS ! Premier coup ! J'avais rien dit à personne presque et j'ai pu faire la surprise à mes parents, ils étaient trop contents. J'avoue, j'en suis assez soulagée parce que même si en bonne parisienne ça va pas me servir à grand chose, bah c'est un peu une étape symbolique donc mine de rien ça me fait plaisir. 

Toujours dans le thème des voitures, j'ai un nouveau crush sur Charles Leclerc, le pilote de F1. Improbable, mais me voilà donc à taper la discute les dimanches avec Perri sur les Grands Prix et j'étais trop heureuse de le voir gagner à Monaco ! 

Et enfin, pour conclure ce racontage de vie, je ne peux pas ne pas évoquer Doctor Who. La nouvelle saison est vraiment pas mal, je suis trop contente de retrouver ma série favorite et je vous encourage tous.tes à aller la découvrir !! 

Allez, stop j'arrête haha !

Pour finir, je vous laisse comme d'habitude avec le meme de Lina ! A samedi prochain <3 (et merci encore pour votre immense patience) 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top