Chapitre 18 : L'amour va en guerre

Hello everybody ! It's the coronation day ! Oh la la, vous m'auriez vu au boulot avec ma collègue, on laissait un ordinateur allumé sur le direct du couronnement et on regardait non-stop en commentant comme des idiotes. La perle lui revient quand elle a déclaré que Charles avec son habit doré ressemblait à un Ferrero haha ! 

Sinon, merci pour les retours sur le dernier chapitre, j'étais trop contente de vous donner la scène du Hey Jules parce que j'en glousse encore haha ! Par contre ça m'a fait bizarre de rien poster la semaine dernière, j'avais plus l'habitude comme j'alternais avec ATDM puis les bonus... D'ailleurs pour ceux.lles qui auraient pas vu, la partie 6 du bonus Cendres et Lumières est postée ! 

En ce qui concerne le chapitre d'aujourd'hui, attention WARNING !!! A LIRE !! --> la première scène qui ouvre le chapitre est à caractère sexuel. Je pense que vous avez un peu pu voir mon style sur ce sujet avec Matt et Charity la dernière fois, on reste sur le même dosage, ce n'est pas trop explicite mais le sujet est quand même présent. Ca sera la dernière scène de ce genre avant un moment ^^ 

Bonne lecture ! 

PS : Je suiiiis en vacances je tenais à le dire ! 

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Chapitre 18 : L'amour va en guerre

« L'amour ne commence ni ne finit comme nous le croyons. L'amour est une bataille, l'amour est une guerre, l'amour grandit. »
- James Baldwin -

// 30 octobre 1980 //

Encore ensommeillé, Julian ouvrit un œil le matin du 30 octobre sur un dortoir vide. Il mit quelques secondes à comprendre pourquoi, le temps que les brumes de sommeil ne se dissipent autour de lui, puis il se souvint brusquement qu'aujourd'hui était marquait le début du week-end d'Halloween. Et qui disait Halloween disait sortie au Village en ce samedi ensoleillé et Bal des Fantômes demain en fin de soirée. Un week-end de fête en perspective.

Tous ses camarades de dortoir étaient certainement déjà partis profiter de la journée : après le cours des baguettes, tout le monde avait proposé de passer ce jour de fête ensemble et Wilde, Noah, Liam et Enjolras devaient donc être en chemin pour le bas de la vallée à l'heure qu'il était. Lui-même avait refusé de se joindre au groupe pour la simple et bonne raison qu'il avait déjà rendez-vous : Leonidas, comme l'année passée, lui avait proposé qu'ils se retrouvent pour prendre un thé et discuter ensemble. Et comme ça faisait une éternité qu'il n'avait pas pu voir son parrain, il avait accepté. Il pourrait bien revoir les autres ce soir et demain au Bal des Fantômes, en espérant que ce dernier serait plus calme que l'année dernière... Au moins, cette fois, il n'aurait pas l'espoir brisé de revoir sa mère. Il avait d'ailleurs demandé à Leonidas si elle devait venir aussi, mais il était resté vague dans sa réponse par lettre et donc il n'était pas certain que sa mère soit au Village aujourd'hui.

De toute manière, Leonidas était largement suffisant. Il lui avait donné rendez-vous à un salon de thé en haut de la rue principale pour changer un peu du café d'Hilda et Julian avouait s'en trouver soulagé : il avait moins de risque de croiser les autres et il préférait retrouver son parrain en tête à tête pour une fois, loin de l'agitation du groupe.

Peut-être que ce moment loin d'eux réussirait à faire taire son cerveau, prisonnier d'une boucle infernale depuis le début du mois... depuis son baiser avec Noah. Il n'y en avait pas eu d'autres, ils y avaient veillé.

La dernière fois n'avait été qu'un craquage – une parenthèse – mais une parenthèse particulièrement tenace. Ça avait été un baiser intense qui le hantait presque pendant ses rêves, porté par la mélodie lointaine d'un « hey Jules » dont le souvenir ne manquait jamais de lui provoquer un soubresaut à l'estomac. Il n'en était pas fier, mais ce baiser jouait et rejouait dans son esprit quasiment chaque soir... Et même ce matin encore. Il remercia Merlin d'être seul dans le dortoir actuellement alors qu'il portait sa main vers ses lèvres. Il avait l'impression de ressentir encore une sorte de picotement là où les lèvres de Noah avait dévoré les siennes et il rejoua la scène pour la millième fois derrière ses paupières à moitié closes : la sensation du mur contre son dos, de Noah au-dessus de lui qui tentait de résister et ne voulait pas briser les règles qu'il avait lui-même instauré, de sa bouche qui jouait avec la sienne, se mouvait contre elle... Il repensa aux sensations qui l'avaient assailli : elles étaient en train de renaître en lui comme des braises ravivées dont la flamme se remettait à crépiter.

Au début, ce ne fut qu'une pensée à l'arrière de son esprit, mais très vite la pensée se mua en tiraillement bien physique, une sensation plus familière de son corps qui s'éveillait dans tous les sens du terme. Ce tiraillement n'avait rien de nouveau, c'est juste que ça faisait un moment qu'il n'y avait pas cédé.

Céder, ce n'était pas dans son caractère en réalité, même face à lui-même et ses envies. Il y avait juste quelque chose d'effrayant à l'idée de perdre le contrôle, de s'abandonner et donc de céder, tout simplement parce que ses désirs et ses sentiments incarnaient une lutte permanente : il ne devait rien leur concéder, pas même quelques centimètres de terrain. Peu importe ce qui l'imposait, que ça soit les lois ou la morale... Il n'en avait pas le droit. C'est pour cela qu'il avait toujours eu un rapport ambivalent au désir qui pouvait se manifester en lui, même plus jeune : il entendait les autres garçons dans son dortoir en parler, Matthew n'était pas avare de détails non plus, mais il s'était toujours senti à part. Parce que dans les autres parlaient de filles, lui contemplait un vide immense. Très vite, ce n'étaient pas des filles qui s'étaient insinuées dans ses pensées, bien au contraire, et à chaque fois il n'avait pas assez de contrôle sur le moment pour lutter. Il avait compris que ce fameux contrôle qu'il s'imposait ne pouvait pas être maintenu tout le temps, à chaque seconde, et surtout pendant cet acte demandant autant de lâcher-prise. Ce matin en était la représentation évidente.

Le tiraillement se renforça soudain alors que le souvenir des mains de Noah sur son corps lui revenait. Il aurait dû se lever et aller prendre sa douche pour se préparer – et couper net l'envie qui s'installait en lui – mais son contrôle commençait justement à vaciller. Le fameux tiraillement se fit palpitant dans son bas ventre, habité par une chaleur qui réclamait d'être apaisée. Les images dans son esprit devenaient de plus en plus confuses au fur et à mesure que les sensations de son corps prenaient de l'ampleur mais Noah était toujours au cœur de chacune d'elles.

- Merlin...

Il vrilla ses yeux sur le plafond, tendu. Il avait presque passé le point de non-retour, il le savait... C'était d'autant plus dur de lutter lorsque l'envie qui l'assaillait voulait tout le contraire. Brusquement, il se demanda si Noah s'était déjà retrouvé dans cette situation, s'il y avait déjà succombé... Généralement, Noah n'était pas le genre de personne à aller à l'encontre de ses désirs, mais là il s'agissait d'un désir bien particulier. Malheureusement, la simple association de pensées entre Noah et ce genre de situation - ce genre d'acte - le fit dérailler un peu plus. Il étouffa un bruit venu du creux de sa gorge et roula sur le ventre pour enfouir son visage brûlant dans son oreiller. Il réalisa son erreur inconsciente immédiatement : le tiraillement entre ses jambes évolua cette fois en pression à cause du matelas qui s'enfonçait désormais contre son corps et il sut que ça ne servait plus à rien de vouloir prétendre qu'il maîtrisait les choses. Le souffle court, sa main descendit - plus bas, toujours plus bas - jusqu'à passer la barrière de son pantalon de pyjama.

Et les braises s'embrasèrent définitivement en faisant rougeoyer le visage de Noah au cœur de chacun des spectres de ses fantasmes.

Le terrain qu'il avait tant tenté de protéger et de ne pas concéder fut aussitôt envahi. A la charge, son désir balayait tout sur son passage et dans l'assaut il pouvait presque entendre le murmure d'un énième « hey Jules » par-dessus son sang qui lui battait les tempes. S'il était en conflit contre lui-même, alors il perdait, purement et simplement... Dans un éclair de lucidité, il se dit qu'il le regretterait certainement, mais il était incapable de s'arrêter désormais. Surtout, ce n'était pas une simple bataille qu'il menait, il le réalisait de plus en plus. C'était une guerre. La nuance avait son importance : une bataille, ce n'était qu'une seule occurrence. Une anecdote historique, un moment vécu, ça avait un gagnant et un perdant à son issu. Alors qu'une guerre... ? Une guerre était différente. Bien plus complexe et bien plus longue, elle pouvait s'étendre des années et convoquer de nombreux sujets. Il prenait tout juste conscience, au bout d'un an à évoluer dans un labyrinthe à l'aveugle auprès de Noah, qu'ils étaient sans doute en guerre contre beaucoup de choses. Contre eux-mêmes pour commencer, contre les autres bien évidemment, contre des croyances ancrées et vieilles comme le monde.

Et Julian détestait cette sensation, même si elle se mêlait à des vagues de plaisir à cet instant. Il étouffa un nouveau gémissement et tenta de la repousser, mais elle s'insinua en lui. Toute sa vie, il avait essayé de se conformer aux attentes de tout le monde : ses parents, sa famille, ses professeurs, ses amis... Ca faisait partie du contrôle qu'il s'imposait pour ne pas devoir regarder la vérité en pleine face ni croiser son regard dans le miroir qui contenait son secret. S'il s'exposait à l'ampleur de la guerre dans laquelle il se battait, il savait qu'il s'effondrerait.

Plus que cela, il chuterait. Or, ce n'était pas pour rien qu'il craignait le vide ; et, les yeux clos, il revit comme dans un flash le dessin de Noah, celui où il était représenté au bord d'un gouffre sur le point de basculer et sa signification changea brutalement de nature. A l'image de son avatar de papier, son dos se arqua alors que ses mouvements se faisaient plus saccadés et le nom de Noah tomba de ses lèvres dans un souffle interdit. Il chutait, oui... mais la chute n'avait rien de désagréable, bien au contraire.

Après tout, ce n'était jamais la chute qui était fatale. C'était la seconde où on s'écrasait au sol.

Et cette seconde n'était plus loin pour lui, il le sentait à la pression dans ses reins et à sa respiration laborieuse. Une nouvelle pensée interdite se glissa entre ses défenses sur le champ de bataille et il s'imagea que Noah était avec lui, là tout de suite.... Cette simple image, couplée au souvenir du baiser partagé il y a quelques semaines, suffit à le faire basculer définitivement : le plaisir le crispa tout entier et jaillit en une libération silencieuse.

- Merlin...

Il resta immobile plusieurs secondes, le temps de reprendre ses esprits... Déjà, les brumes enivrantes se dissipaient et lui permettaient de penser plus clairement. Il était sûr d'avoir le visage plus brûlant que tout à l'heure et remercia tous les mages de la terre pour son dortoir vide en se jurant qu'il emporterait ce secret dans la tombe, sinon Noah ne cesserait jamais de se payer sa tête.

- Bon sang, allez...

Dans un frisson, il finit par se lever. Il avait vraiment besoin d'une douche... S'il traînait trop, il allait finir par être en retard. En quinze minutes, il se prépara donc et veilla à nettoyer les draps avant de claquer la porte du dortoir sans se retourner, les joues rouges. Avec ce qi venait de passer, c'était de moins en moins probable qu'il arrive à oublier son baiser avec Noah mais ça prouvait bien qu'il n'arriverait plus à s'en détacher. Il n'avait plus non plus à avoir de doutes sur ce qu'il ressentait... sur ce qu'il était aussi sûrement. Jamais il n'avait éprouvé ce désir envers Hanna malgré les baisers et les mots échangés. Ou alors à peine un frémissement, une étincelle qui n'avait jamais tout à fait trouvée de prise pour s'enflammer. A côté, Noah Douzebranches avait été un incendie et il ne pouvait plus le nier.

Cette constatation le cueillit aux creux de l'estomac alors qu'il descendait vers le Village. C'était une des premières fois qu'il faisait le trajet à pied et il se perdit dans la contemplation de la Sylve d'Argent, la vaste forêt de pins qui couvraient les versants du Mont Greylock. Une émotion forte lui était montée en lui, d'un coup, et il chassa ses larmes d'un battement de cil rageur. Il en avait marre d'être dans l'œil du cyclone qu'était devenu ses états d'âmes, surtout qu'il n'avait aucune raison précise aujourd'hui.

Résolu, il entra dans le Village en tentant de toutes ses forces de reprendre le contrôle. Il en était capable s'il y mettait un peu e volonté et il accéléra l'allure pour se concentrer davantage sur le chemin devant lui plutôt que ses pensées. Le spectacle autour de lui offrit même une très bonne distraction et pour cause !

L'esprit d'Halloween avait envahi le Village en bonne et due forme. Partout où il posait le regard, il distinguait des détails bien trouvés dans les décorations de chaque commerçant : la librairie avait mis en vitrine tous ses ouvrages sur les créatures les plus effrayantes et une de ses vitrines avait même du faux sang qui dégoulinait au-dessus d'une encyclopédie intitulée Tout sur le vampire : des mythes et des faits sanglants ; la confiserie avait accroché au-dessus de sa porte des nuages de barba-papa façon toile d'araignées ; et même le café d'Hilda s'était mis aux couleurs du jour en proposant sa carte en orange et noire sur la devanture. Le nez enfoui dans son écharpe pour échapper au froid, il dépassa pourtant l'établissement de la tante de Noah en se refusant d'y jeter un coup d'œil prolongé pour voir si ce dernier s'y trouvait et continua sa route.

- Trente secondes sans penser à lui, t'en es capable, non, bon sang ! se fustigea-t-il à voix basse.

A croire qu'il était trahi par son esprit à la moindre faiblesse... Or, s'il ne pouvait plus lui faire confiance, il avait le sentiment de perdre une partie de lui. C'était comme sa baguette qui continuait à faire des siennes ! Il avait dû jeter deux fois son accio pour faire voler son écharpe vers lui avant de partir du dortoir, chose qui ne lui était jamais arrivé.

- Et bien, tu as l'air de vouloir de frapper quelqu'un, commenta une voix près de lui. J'espère que ce n'est pas moi ?

Pris au dépourvu, il pila net avant de faire volte-face. De l'autre côté de la rue se tenait Leonidas, cigarette aux lèvres, et il lui fit un geste de la main avec humour. Julian traversa pour le rejoindre.

- Eh... marmonna-t-il, gêné. Désolé, je trouvais pas le lieu de rendez-vous...

- C'est un peu plus haut dans la rue. Mais on peut aller chez Hilda si tu préfères ?

- Non, non, c'est bon. Ça me va.

Pour éviter que son parrain ne change d'avis, il se remit à marcher dans la direction indiquée et Leonidas allongea sa foulée pour être à sa hauteur sans commenter cette envie soudaine d'avancer.

- Maman n'est pas venue alors ? demanda-t-il face à son absence manifeste.

- Elle savait que je devais te voir et a estimé que c'était bien qu'on se retrouve tous les deux, même si je lui ai proposé de venir deux fois. Mais elle m'a dit que les choses allaient mieux entre vous ?

Prudent, Leonidas lui coula un regard inquisiteur et il hocha la tête.

- C'est vrai... Depuis qu'on a pas mal parlé, ça va mieux. Je crois que je lui en veux toujours un peu, mais moins que cet été.

- Ce qui est compréhensible. Heureux de l'entendre en tout cas. J'espère que tout ira bien pour elle aujourd'hui en tout cas...

- Aujourd'hui ? Pourquoi ?

Perplexe, il fronça les sourcils alors que Leonidas prenait les devants et l'entraînait vers un café à l'apparence plus chic que celui d'Hilda. Le fameux salon de thé sûrement, même si ce dernier n'avait rien à voir avec celui de Mme Pieddodu à Pré-au-Lard. Même de là où il se tenait, il pouvait voir qu'il était juste... moins rose.

- Elle avait rendez-vous, expliqua son parrain en lui ouvrant la porte de l'établissement. Avec Miranda, Cordelia et Barenne Perrot. Ça sera la première fois qu'il la revoit depuis son... retour. Les explications risquent d'être longues.

- Perrot... mon prof d'histoire ?

Il posa la question à voix haute tout en connaissant la réponse. Il n'y avait pas dix Barenne Perrot dans le coin, encore moins qui aurait participé aux évènements tragiques de la Génération 1950. Pourtant, ça lui faisait presque étrange d'imaginer son professeur autour d'un verre avec sa mère et sa tante. Et Fleming. Ce n'était donc pas un, mais deux de ses professeurs qui étaient impliqués. L'univers avait un drôle d'humour. Si Fleming l'évitait plus ou moins depuis la rentrée, il en était de même pour Perrot, même s'il le faisait avec moins de subtilité. En septembre dernier, il avait passé toute leur première heure de cours à lui jeter des regards peu discrets jusqu'à ce que Liam et Théa se mettent à en faire de même en retour. Perrot avait dû alors prendre conscience du malaise ambiant et n'avait plus laisser paraître quoique ce soit. N'empêche qu'il était concerné lui aussi, peut-être de façon plus lointaine, mais tout de même...

- Je pense que c'est bien qu'ils se retrouvent entre eux pour refermer de vieilles blessures, jugea Leonidas avec aplomb. Et pour se mettre d'accord sur le discours à tenir si Fischer remonte jusqu'à eux.

- Tu crois que ça serait possible ?

Le cœur battant, il jeta un regard anxieux à son parrain. Ils étaient entrés dans le salon désormais et Leonidas lui indiqua une fenêtre près des baies vitrées qui donnaient vers la rue. Il se glissa derrière la table par automatisme avant d'étudier le lieu autour de lui. Définitivement, pas de papier peint rose ni d'angelot. Seulement une ambiance feutrée et pastelle où quelques clients parlaient à voix basse autour de gâteaux et de tasses fumantes. Julian s'y sentit immédiatement à l'aise.

- Ce n'est à exclure, répondit Leonidas en prenant place en face de lui. (Il tira sur sa cigarette et en laissa tomber les cendres dans un cendrier posé sur le coin de la table). La première audience du procès d'Emilia Cooper s'est tenue à huis-clos et des échos ont filtré. Visiblement, ils n'en sont encore qu'au début de la reconstitution des faits et ils ne s'intéressent qu'à elle, mais l'histoire de Ronan va forcément surgir à un moment. Et à ce moment-là, il vaut mieux qu'Aurélia et tous les autres se tiennent prêts...

- Oh...

Il ne savait pas quoi répondre à cette évidence qu'il aurait pourtant dû anticiper. Il ne savait pas s'il arriverait à gérer cette nouvelle angoisse, surtout que sa perspective était incertaine. Il avait assez de problèmes en ce moment sans y ajouter ceux de sa mère et maintenant qu'il connaissait la vérité sur ce qui s'était passé le soir de la mort de Diego Calderon, il réalisait qu'il ne ressentait plus le besoin de suivre chaque rebondissement de cette affaire. Il se demanda si cela faisait de lui quelqu'un d'égoïste...

Leonidas posa sur lui un regard préoccupé teinté de curiosité.

- Mais on pourra voir ça plus tard, lui dit-il d'un ton rassurant. Le reste du procès se tiendra en session publique une fois que les aspects liés à l'enfance d'Emilia seront passés, j'aurais plus d'informations à t'apporter. Comment tu vas ? Tout se passe bien depuis la rentrée ?

- On n'a reçu aucune lettre de menace et j'essaye plus de briser un rituel interdit, promis. Donc je dirais que ça va mieux que l'année dernière du coup.

Sa réponse, ironique, arracha un sourire à son parrain.

- Tout est toujours une question de perspective, convint-il avant de rallumer une cigarette. Mais sérieusement, Julian, est-ce que tout va bien ?

La sincérité évidente dans sa voix répandit une chaleur réconfortante en lui. C'est ce qu'il aimait chez Leonidas : son air avenant et son charisme n'étaient pas une façade, il se souciait réellement des personnes en face de lui. Il l'avait vu lorsqu'il s'adressait à Théa, à Elizabeth Yaxley, et même à sa mère. Leonidas prenait le temps d'écouter, chose peut-être un peu trop rare chez la plupart des personnes. A la limite, il ne retrouvait ce trait que chez Aileen, même si quelque chose le dérangeait chez son amie canadienne, sans qu'il sache trop nommé ce que c'était. Peut-être qu'Aileen avait l'air de trop comprendre, justement ; là où Leonidas apportait simplement sa vision des choses.

L'espace d'un battement de cœur affolé, il envisagea de lui parler de Noah... D'exposer devant lui toutes ses peurs, toutes ses frustrations et incompréhensions. De lui avouer qu'il n'arrêtait pas de penser à un autre garçon alors même qu'il n'aurait pas dû et qu'à chaque fois qu'il le voyait avec Othilia, il ressentait un véritable coup au ventre. Qu'il avait l'impression de ne pas être assez et que la société et les lois dresseraient toujours une barrière entre lui et Noah. Seulement, les mots formèrent une boule douloureuse dans son ventre et même si cette boule parvint à migrer vers sa gorge, elle y resta coincée, incapable de franchir ses lèvres.

Le silence s'étira et commença même à porter un certain malaise quand soudain une serveuse au rouge à lèvre éclatant surgit près de leur table. Ils levèrent les yeux vers elle d'un même ensemble.

- Bonjour, puis-je prendre votre commande ? s'enquit-elle avec un accent américain à couper au couteau que Julian n'arriva pas à placer.

Le sud peut-être ? Texas ?

- Ca sera café pour moi, commanda Leonidas. Avec un sucre et sans lait.

- Très bien. Et pour vous, jeune homme ?

Il avait désespérément besoin de familiarité, là tout de suite, et sa réponse fusa avec habitude :

- Du thé. Hum, vert si vous avez.

- Tout de suite !

Elle donna un petit coup de plume sur son bloc note et pivota pour aller chercher leur commande. Leonidas retourna son attention vers lui.

- Pardon, tu disais... ?

- Leo, est-ce que je peux te poser une question personnelle ?

La phrase était sortie sans qu'il cherche à la retenir et il eut l'impression de se tenir au bord d'un précipice, le cœur battant. Il ne pouvait pas raconter ce qui lui arrivait à son parrain, mais lui pouvait parler... Le compromis était peut-être là. Ce dernier acquiesça sans réfléchir.

- Je me donne un droit de réserve, mais bien sûr, vas-y, je t'écoute.

Julian inspira un souffle tremblant.

- Est-ce que ça t'est déjà arrivé d'aimer quelqu'un... que tu n'aurais pas dû aimer ? lâcha-t-il à voix basse, comme si parler plus fort revenait à se trahir.

De toute évidence, Leonidas ne s'attendait pas à cette question. Son sourcil gauche se haussa et il ne répondit pas tout de suite. Il prit le temps d'étudier l'idée, pensif. Julian se demanda ce qu'il était en train d'imaginer à son sujet. Qu'il aimait une fille qui ne l'aimait pas en retour ? Qu'il sortait avec une fille qui avait déjà un copain ? Il supposa entre ironie et amertume que ça ne serait pas loin de la vérité.

- Je suppose que si tu me demandes mon point de vue, c'est pour savoir ce que j'en penses de manière...disons absolu ? fit son parrain prudemment.

Il hocha la tête, les traits crispés. Il remercia silencieusement Leonidas de comprendre à demi-mot sa réticence et de ne pas se lancer dans un interrogatoire. Songeur, il prit tout de même le temps de réfléchir à la question, puis se râcla finalement la gorge.

- Pour tout dire, il se trouve que oui... avoua-t-il en jouant avec sa cigarette d'un faux air nonchalant. Je suppose que je peux te raconter.

- Seulement si tu veux... Je ne veux pas... Enfin, c'est une question stupide je pense...

- Moi, je ne le penses pas. C'est même très intéressant.

Autour d'eux, la volute de fumée de cigarette s'enroula, comme pour renforcer la solennité de l'instant et Leonidas se pencha un peu, les coudes posés sur la table.

- Oui, j'ai aimé quelqu'un que je n'aurais pas dû, du moins à un certain moment, admit-il. Et cette personne se trouve être Lysandra.

- Quoi ?

Son exclamation surprise résonna un peu trop fort pour l'atmosphère feutrée du lieu, mais heureusement la serveuse revint à ce moment-là avec leur commande. Perplexe, il la remercia du bout des lèvres en ramenant son thé vers lui et enroula ses doigts autour de la surface chaude et réconfortante. Le nom de Lysandra avait bien été le dernier qu'il s'attendait à entendre.

- Eh oui, Lysa, confirma Leonidas alors que le coin de sa bouche se relevait avec amusement.

- Mais...

Mais vous avez l'air si heureux, n'eut-il pas le courage de dire. Il les revoyait à noël dernier en train de danser ensemble. Son parrain avait fait tournoyer sa femme entre les meubles du salon sur une musique jazz pendant que Théa, Lottie et lui décoraient le sapin. Lysandra lui avait paru si élégante avec ses longs cheveux noirs et sa robe mouvante, mais c'était le regard de Leonidas qui l'avait marqué. Il la regardait comme si elle était la femme la plus incroyable sur terre.

- Mais vous êtes ensemble, finit-il par objecter sur le ton de l'évidence.

- Fort vrai. Simplement, ça n'a pas toujours été le cas. Disons que notre histoire... s'est construite sur la durée. Et je pense que tu vas vite comprendre ce qui rendait les choses compliquée...

- Comment ça ?

Leonidas prit le temps de boire une gorgée de café, le regard un peu dans le vague, comme s'il se remémorait. Quand il reposa sur lui, il soupira.

- Ne me juge pas trop sévèrement, Julian, mais il se trouve que lorsque j'ai connu Lysandra, elle avait tout juste dix-sept ans.

- Elle avait... quoi ?

- Dix-sept ans, répéta son parrain avec fatalité. Ton âge, donc.

- Mais... toi, t'en avais combien ?

Il tenta de se souvenir des dates qu'il avait dû apercevoir dans l'épais ouvrage des Chroniques des Grims, le livre enchanté qui recensait les membres de la famille et où il avait appris pour la première fois le nom de jeune fille de Lysandra, à savoir Croupton. Encore aujourd'hui, il avait du mal à voir le lien entre elle et le sévère directeur de la Justice Magique, celui qui lui avait serré la main à la cérémonie en hommage des victimes de l'attentat des Archives Magiques.

- J'en avais vingt-sept, répondit honnêtement Leonidas. Nous avions donc tout juste dix ans d'écart, elle et moi.

Julian en resta sans voix. Il dévisagea son parrain, cherchant une trace d'âge qui le rendrait soudain plus vieux, mais le temps glissait sur Leonidas Grims avec une insolence désarmante. Ce n'est pas qu'il faisait plus jeune que son âge, mais il ne lui était jamais apparu comme un adulte vieillissant à l'image d'Hilda Douzebranches ou de tante Cordelia, usée par la vie. Lysandra, quant à elle, avait une beauté qui la faisait presque paraître sans âge ; une sorte de classe qui la faisait échapper à toute tentative de deviner son nombre d'années. Et même s'il n'avait certes pas demandé son certificat de naissance jusque-là, il n'était pas imaginé que le couple avait dix ans d'écart.

Or, si aujourd'hui la différence lui paraissait finalement peu importante, elle semblait immense quand il s'imagina une Lysandra de dix-sept ans tout juste sortie de Poudlard. Dix-sept ans, c'était son âge... Il ne se sentait pas adulte et surtout il trouvait presque que vingt-sept ans était presque... vieux, faute d'un autre terme. Il ne le dit évidemment pas à voix haute pour ne pas froisser son parrain, mais ce dernier parut deviner ce qu'il pensait.

- Avant que tu t'imagines toute sorte de scénario sordide, je t'arrête tout de suite, déclara-t-il avec gravité, il ne s'est rien passé à cette époque. Je le jure. Seulement, tu m'as demandé si j'ai déjà aimé quelqu'un que je n'aurais pas dû et la réponse est donc oui... Je peux te raconter l'histoire, si elle t'intéresse ?

Curiosité piquée, il acquiesça sans réfléchir. Si son parrain était prêt à raconter, il ne voulait pas le couper dans son élan et il porta son thé à ses lèvres, concentré. En face de lui, Leonidas parut ressembler ses souvenirs avant d'entonner :

- J'ai connu Lysandra en 1962 à Londres. Je m'y étais installé depuis deux ans après avoir obtenu une promotion à l'Ambassade. Ils m'avaient proposé un poste à l'étranger et j'avais choisi l'Angleterre pour me rapprocher d'Aurélia... Elle n'avait pas encore coupé les ponts à l'époque, j'étais un des seuls membres de la famille avec qui elle acceptait de parler comme je l'avais aidé à obtenir son visa. Et puis, Londres dans les années 60 semblait être le cœur du monde. Vraiment, c'était impressionnant, ça détrônait New York où j'avais pourtant vécu mon enfance, c'était bien mieux que Boston où je m'étais installé ensuite. Tout vibrait à Londres, la musique et la mode étaient partout, même en tant que sorcier je le voyais. Et je dis ça, mais les Beatles et les Rolling Stones n'avaient même pas encore percé complètement, donc imagine après...

La mention des Beatles le prit par surprise et il sentit le sang affluer tout de suite à son visage. Il tenta de se cacher derrière sa tasse de thé, une certaine mélodie en tête, mais Leonidas ne remarqua rien.

- Bref, désolé... Lysa dit que je me perds trop dans les détails, bon sang elle a raison. Donc toujours est-il que j'étais à Londres et je sortais souvent avec ta mère et Ethan, mais aussi une de leur amie, Miranda.

- Fleming...

- Elle-même. Elle était américaine aussi et s'était liée avec ta mère assez vite à leur travail. Elles travaillaient dans un cabinet de recherche toutes les deux, même si Miranda faisait plus ça pour vivre une année à découvrir un nouveau pays, elle cherchait sa voie... Elle pensait déjà à l'enseignement, même à cette époque. (Leonidas s'interrompit à nouveau pour reprendre une gorgée de son café, sa cigarette en train de se consumer paresseusement sur le coin du cendrier). C'est là que Lysa est entrée dans le tableau. Au début de l'année, pendant les vacances scolaires, elle s'est mis à travailler dans ce même cabinet. C'était une sorte de d'apprentissage.

- Ah... ?

Il n'osa pas s'étonner plus amplement à voix haute, mais il avait toujours cru que la mère de Matthew venait d'une famille prestigieuse et donc argentée et ça lui semblait étrange que Lysandra ait eu besoin de travailler, surtout en étant toujours étudiante à Poudlard. Leonidas sourit avec indulgence.

- Je sais, ça peut surprendre, devina-t-il. Surtout au vu de la famille sang-pur à laquelle elle appartenait. Il faut juste que tu comprennes que les Croupton ne sont peut-être pas ce qu'ils paraissent être... En vérité, c'est une famille qui a surtout son nom et son prestige pour elle, mais les coffres-forts... Disons que quelques pertes avaient eu lieu. Et puis même sans cela, Lysandra était une personnalité indépendante. Elle l'est toujours d'ailleurs, mais c'était particulièrement criant à cette époque. Elle voulait réussir par-même, elle était débrouillarde. Tout ça l'avait amené à ce travail et à fréquenter ta mère et Miranda, souvent pour un simple verre après le boulot, puis petit à petit à nos soirées entre amis.

Julian cilla. Il avait du mal à concevoir ce qu'une adolescente – même aussi entreprenante que Lysandra – avait pu trouver à cette bande de jeunes adultes, comment le décalage ne leur avait pas paru trop grand à tous. Dans le même temps pourtant, il se rappela la photo que Leonidas lui avait montré l'hiver dernier : celle d'un nouvel an où sa mère était enceinte jusqu'aux yeux et où Leonidas s'était illustré avec un costume à franges. Surtout, il se rappelait de Lysandra avec de grandes lunettes de soleil et un foulard dans les cheveux. Tellement adulte, tellement femme. Jamais il n'aurait pu deviner qu'elle n'avait eu que dix-sept ans au moment du cliché.

- Je sais que cela peut paraître surprenant, concéda son parrain, mais Lysa n'avait jamais trop aimé fréquenter les gens de son âge. Elle aspirait juste à plus et le trouvait avec nous. On la traitait comme la petite sœur du groupe, même si elle pouvait parfois se montrer plus mature que nous. Miranda disait qu'elle l'angoissait à avoir autant de certitude sur la vie. (Il sourit avec tendresse). Enfin bref, je te passe les détails sur cette année-là, mais une fois sortie de Poudlard Lysandra a commencé à travailler à plein temps au cabinet, on la voyait de plus en plus souvent. Et les choses ont un peu basculé le soir du nouvel an. Tu sais, celui de la photo que je t'avais montré ?

- Je m'en souviens, oui. Le costume !

Leonidas plissa les yeux.

- Je te refuse le droit de commenter. Où est-ce que j'en étais ? Ah oui, la soirée touchait à sa fin, Aurélia fatiguait vite ; elle était à deux semaines du terme. Elle disait que tu lui pompais toute son énergie.

Eh bien, les choses se sont inversées, pensa-t-il avec ironie. Mais il ne voulait pas transformer la conversation en un énième débat sur sa mère et ravala sa répartie.

- J'ai donc raccompagné Lysandra vers chez elle, continua Leonidas. Nous aurions pu transplaner, mais le champagne commençait à nous monter à la tête et nous ne voulions pas finir dans la Tamise. Seulement, il était hors de question que je la laisse retraverser Londres une nuit de 31 décembre.

- Bien sûr...

- Ne me sers pas cet air sceptique, c'est la vérité. Je ne ressentais rien de vraiment concret pour elle à ce moment-là. Comme tout le monde, je la trouvais jolie à la limite, mais ça s'arrêtait là. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas le voir de toute manière, ça lui attirait parfois des ennuis dans les bars, même si j'ai fini par comprendre qu'elle en jouait.

- Pour toi ?

- En partie sûrement, oui. En tout cas, elle a tenté de m'embrasser ce soir-là alors qu'on s'était arrêtés pour regarder un feu d'artifice. Je l'ai repoussé...

Julian grimaça. Il y a cinq minutes, il avait trouvé l'idée d'une relation entre son parrain et sa femme étrange à cette époque, mais le rejet de Lysandra réveilla en lui l'écho du coup au cœur qu'il ressentait à chaque fois que Noah refusait de quitter Othilia. Une ombre tomba d'ailleurs sur le visage de Leonidas, signe que cet acte avait dû être difficile et le lui confirma une seconde plus tard :

- Elle ne l'a pas bien pris, évidemment. Elle a tenté de plaider sa cause, de jouer de son charme... Devant mes refus, elle est partie. Lysandra est une femme fière, elle n'allait pas se mettre à genoux et je venais certainement d'être la première désillusion de sa jeune vie amoureuse. Je m'en suis voulu, naturellement...

- Mais tu ne l'aimais pas...

- Peut-être pas comme elle pensait m'aimer, mais je tenais à elle. Et puis, elle avait ouvert une boîte de Pandore pour ainsi dire, mais nos années d'écart et son jeune âge me ramenaient toujours à la raison. De toute façon, notre groupe s'est vite disloqué après ta naissance pour les raisons que tu sais : Aurélia et Ethan ont coupé les ponts, Miranda est retournée aux Etats-Unis, et moi je faisais la navette entre Londres et Boston, même si la majeure partie de ma vie se faisait plus là-bas. Ma parenthèse anglaise semblait avoir pris fin.

Désabusé, Leonidas secoua la tête, comme s'il ne revenait pas lui-même de tout ce qu'il avait vécu entre temps. Pris par le récit, Julian repoussa sa tasse désormais vide – il s'était à peine aperçu l'avoir bu aussi vite – et se pencha, attentif.

- Et ensuite ? pressa-t-il.

- Ensuite, j'ai longtemps pensé à elle. Lysandra Croupton n'était pas le genre de femme qu'on oublie, mais j'avais ma vie à vivre. Heureusement, le destin emprunte parfois des chemins détournés et c'est ceux-là que nous avons pris. Notre route s'est recroisée en 1968 à un sommet à la Confédération Magique Internationale. Autant dire qu'elle ne m'a laissé aucune chance cette fois-ci... (Il laissa échapper un rire, fataliste). Elle tenait à me faire comprendre qu'elle n'était plus une « gamine de dix-sept ans impressionnable par mes yeux bleu » selon ses propres termes et notre histoire a vraiment démarré. J'étais encore incertain, tout allait très vite, et je savais que notre couple serait sûrement mal vu par sa famille et la mienne. Les Grims et les Croupton ont beau être semblables, il y avait des points de tension. Elle avait des Black dans son arbre généalogique, or tu sais à quel point Cordelia honnit la magie noire ; et moi j'étais un américain débarqué de nulle part, dix ans plus vieux. Mais ça avait peu d'importance...

- Vraiment ?

Sans même hésiter, Leonidas hocha la tête. Il s'était mis à jouer avec l'alliance à son doigt, un simple anneau en argent, et même s'il le faisait sans en avoir conscience, Julian trouva que la symbolique parlait d'elle-même.

- Peut-être que je n'aurais pas dû l'aimer... commenta Leonidas, le regard perdu à nouveau dans le vague avant de se refocaliser sur lui. Mais la réalité était impossible à ignorer : je l'aimais. Alors que pouvais-je faire face à cette certitude ? Deux choix s'imposait à moi en vérité : partir sans me retourner et espérer que les regrets ne me rongent pas avant que la douleur le fasse, ou bien me battre pour la femme qui me donnait envie de remuer ciel et terre pour elle ? (Il eut un sourire tordu, presque contrit). Vraiment, le choix n'en a pas été un.

Merlin, ça semblait si simple. Sonné, Julian contempla la conclusion à ce récit si édifiant : le choix n'en avait pas été. N'était-ce pas pour cela qu'il continuait à perdre les batailles contre lui-même, inlassablement ? Cette guerre qui se jouait en lui avait déjà un gagnant, même s'il se refusait à le voir. Et le gagnant était Noah Douzebranches, il ne voyait pas d'autres issus possibles. Son parrain avait raison : parois, le choix n'en était pas un, il s'imposait avec l'ombre de la fatalité et là il s'en trouvait enveloppé tout entier.

En silence, il laissa cette prise de conscience peser sur lui, s'ancrer dans son esprit... Elle était aussi éclairante que douloureuse, elle était effrayante telle une perte de contrôle immense et en même temps elle était aussi un soulagement. Lutter était fatiguant. Lutter contre Noah l'était du moins, parce que lutter pour lui revêtait un sens entièrement différent et la transformation de ce dernier depuis cet été le prouvait. Il l'avait observé ces dernières semaines : il était plus apaisé et souriait plus – du moins à l'échelle de Noah et ses démons – et c'était parce que sa lutte à lui aussi avait pris un tournant.

- Julian... appela Leonidas doucement.

Il cilla, comme détaché de son corps, mais tourna le regard vers son parrain. Celui-ci l'observait avec une sorte de résignation.

- Pourquoi cette question ? Qu'est-ce qui se passe ?

Evidemment, c'était légitime qu'il veuille savoir après s'être livré ainsi à cœur ouvert. Julian se réfugia dans le fond de sa chaise, une chappe de plomb dans la poitrine. Comme ce matin, le nom de Noah était au bord de ses lèvres, mais pour des raisons différentes... Il se refusa simplement à le laisser tomber cette fois, pas alors qu'il avait retrouvé le contrôle de son esprit et de son corps.

- Rien, mentit-il sans réussir à inventer une raison plausible, c'était juste pour savoir...

- Pour savoir, hum ?

- Ouais, c'est un truc de Serdaigle.

Il tenta de se cacher derrière l'humour, mais Leonidas ne se laissa pas duper. Ses yeux bleus le sondèrent un peu plus et il se remit à jouer avec la anse de sa tasse vide, nerveux. Finalement, son parrain soupira.

- Tu sais, si tu as besoin de parler, je peux toujours aller chercher ta mère. Elle sera sans doute de meilleurs conseils que moi et je comprendrai que tu...

- Non ! coupa-t-il avec urgence.

Merlin, ça serait pire que tout. Il n'avait jamais bien su mentir et à sa mère en particulier. La preuve, elle avait ressenti chaque vague de colère envers elle quand ils étaient en froid, même s'il avait voulu d'abord lui cacher. Surtout, c'était plus simple de se confier à Leonidas. Il était proche et en même temps assez détaché, il avait un côté rassurant. Sa relation avec sa mère était bien trop absolue pour qu'il arrive à sortir le moindre mot.

- D'accord, d'accord... rassura son parrain avec un signe apaisant. Mais tu es sûr que tout va bien ?

- A peu près...

Il valait mieux admettre une demi-vérité pour être crédible et Leonidas ne le lâcha pas du regard, jaugeant de sa sincérité. Son cœur se mit à battre avec nervosité.

- Julian, je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête... regretta-t-il. Mais l'année dernière, tu n'as pas pu me parler de tout ce qui t'arrivais. Je veux que tu saches que tu le peux cette année, si tu le souhaites. Vraiment.

- Je sais... Merci, Leo...

Il avait bien entendu l'accent qu'il avait mis sur le mot, seulement il ne pouvait pas, littéralement. Ça ne voulait pas dire que l'intention ne touchait pas et il réussit à grimacer un sourire reconnaissant. Son parrain poursuivit :

- C'est normal. Et n'oublies pas que peu importe ce qui t'arrives, c'est moins grave que ça ne l'est sûrement. Crois-moi, rien n'est grave quand on a dix-sept ans, on s'en rend juste compte plus tard.

Oh Merlin, il aurait tant aimé que ça soit vrai. Tout lui paraissait pourtant si insurmontable... Insurmontable, mais peut-être plus aussi funeste, nuança-t-il lui-même. Car ce n'était plus une bataille qui se jouait et le cor de guerre venait de toute façon d'en sonner la fin : la révolution pouvait commencer. 

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Verdict ? ^^ 

Chapitre un peu plus court que d'habitude mais je voulais en garder l'unité ! Ca faisait aussi longtemps qu'on n'avait pas vu Leonidas, surtout dans son rôle de parrain auprès de Julian donc ça m'a fait du bien à écrire. Surtout, j'avais en tête son histoire avec Lysandra depuis très longtemps, à tel point qu'un jour je pense l'écrire entièrement dans un bonus ! 

En ce qui concerne la scène du début, j'espère qu'elle ne vous a pas trop perturbé du coup. Vous aviez plutôt eu des retours positifs pour celle de Matt et Charity (Maritty ?) donc je voulais continuer à explorer cette thématique de la découverte de la sexualité. Or, la sexualité ne se vit pas seulement à deux : elle se vit même souvent d'abord avec soi-même. Donc voilà, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ça me permettra d'ajuster le dosage dans le futur (plus explicite, moins explicite, est-ce que vous aimeriez que des thématiques précises soient abordées etc...). 

Sur ces bonnes paroles, je vous laisse avec les mêmes de Lina ! 

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