Chapitre 24 : 21 ans plus tôt - 4
Après William, ce fut au tour de Thierry de faire des avances à Isabel. Ce vieux vicieux avait plus de classe que l'autre, mais il la dégoûtait tout autant. Il aurait pu être son père et pourtant, il ne cessait de l'inviter à dîner. Invitation qu'elle déclinait à chaque fois. Jamais il n'avait eu un geste déplacé envers elle, ou une parole offensante. Pourtant, il lui faisait encore plus peur ainsi. Comme si c'était une bête qui se retenait de bondir sur sa proie. Mais combien de temps tiendrait-il ? Et que lui ferait-il s'il en venait à perdre le contrôle de lui-même ?
Par une belle après-midi de septembre, quoi que légèrement pluvieuse par moments, Isabel avait eu pour mission de nettoyer de fond en comble la salle à manger de la famille du Moulins. Ils prévoyaient une grande réception le soir-même avec de nombreux amis et il fallait que tout soit parfait.
Alors qu'Isabel s'acharnait à rendre à un bibelot sa brillance d'antan, quelqu'un frappa à la porte. Avec l'autorisation préalable d'Agnès, la jeune femme alla ouvrir. Elle se figea de stupeur lorsqu'elle découvrit Thierry, un bouquet aux couleurs automnales à la main.
« —Bonjour Isabel, fit ce dernier avec un sourire qui dévoilait des dents parfaitement droites et blanches.
—Bonjour, lui répondit froidement la jeune espagnole. Señor y señora ne sont pas là pour le moment.
—Quel dommage, répondit Thierry sur un air faussement agacé. J'étais passé prendre le café avec ma sœur en lui apportant ces fleurs. Sais-tu si elle rentre bientôt ?
—D'une minute à l'autre, s'empressa de répondre Isabel. »
En réalité, elle savait qu'Agnès était partie pour un temps bien plus long. Elle s'était rendue à la ville afin d'acheter tout ce qu'il lui faudrait pour préparer le dîner du soir, ainsi que chez le fleuriste pour la décoration de sa demeure. Elle avait menti pour se protéger de Thierry.
« —Alors je vais l'attendre ici, fit l'homme en forçant le passage pour pénétrer dans la maison. Et je t'offre ces fleurs, ça me fait plaisir. »
Thierry tendit le bouquet à Isabel qu'elle attrapa du bout des doigts avant d'aller le poser dans un vase sur la table de la cuisine, après avoir refermé la porte avec dégoût. Isabel pria intérieurement qu'Agnès rentrerait rapidement malgré tout ce qu'elle devait faire en ville. L'idée de rester enfermée ici avec ce prédateur était insoutenable pour elle.
« —Tu m'offres le thé s'il te plaît ? ordonna Thierry en se dirigeant nonchalamment vers la salle à manger en cours de nettoyage. »
Isabel s'exécuta avec mauvaise grâce. Elle apporta le thé bouillant à l'indésirable, espérant qu'il se brûlerait avec. Que Dieu me pardonne ma médisance, pria-t-elle intérieurement. Elle ne se reconnaissait plus. Elle qui était d'ordinaire si douce, si gentille, si bienveillante. Voilà qu'elle souhaitait maintenant du malheur à un autre enfant de Dieu. Depuis leur arrivée en France, elle était rudement mise à l'épreuve.
La jeune espagnole se remit dans son ménage pendant que Thierry buvait lentement son thé. Dos à lui, elle pouvait sentir son regard lubrique sur son corps. Et cela lui donnait des haut-le-cœur qu'elle réprimait difficilement.
Alors qu'elle astiquait le buffet en chêne massif, elle entendit Thierry se lever de sa chaise. Les battements de son cœur s'accélérèrent quand elle se rendit compte qu'il se rapprochait d'elle. Elle fit mine de rien, faisant semblant d'être tellement concentrée sur sa tâche qu'elle n'avait aucune attention à lui porter.
À présent, il était si proche d'elle qu'il l'effleurait presque. Il se pencha et elle pouvait sentir son souffle sur sa nuque. Isabel se figea et retint automatiquement sa respiration.
« —Tu es une femme magnifique, lui chuchota-t-il. »
Isabel ne réagit pas. Elle était toujours penchée sur le buffet, n'osant pas faire face à cet homme qui avait pénétré son espace personnel.
C'est lorsque Thierry posa sa main entre les reins de la jeune femme, dans le creux de son dos, qu'elle bougea enfin. Elle se redressa d'un bond, dans un geste très félin, et lui fit face.
« —Ne me touchez pas, lâcha-t-elle les dents serrées par la haine.
—Tu as tort. Je ferai de toi ma reine. Tu auras tout ce dont tu désires. Tu seras comblée.
—Un homme m'a déjà fait cette promesse quelque part en Espagne. Et je le crois, lui. »
Le visage de Thierry se referma. Ses yeux enjôleurs la seconde d'avant étaient devenus sombres et menaçants. Il se rapprocha d'Isabel qui fit instinctivement un pas en arrière. Thierry leva son bras qui tenait sa tasse au-dessus du buffet, et il en renversa le contenu sur ce dernier qui venait d'être entièrement nettoyé par la jeune femme.
« —Tu le regretteras, Isabel. »
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