Chapitre 23 : Une visite inattendue

Ewen et Maggie étaient assis dans leur voiture de fonction sur le parking de la morgue. Il était midi passé, mais ils n'avaient pas faim. On ressortait rarement de l'institut médico-légal avec un gros appétit. Ils ne savaient pas quelle direction faire prendre à leur enquête. Qui interroger maintenant ?

C'est Patron qui leur apporta la réponse à cette question :

« —Allô ? fit Maggie en décrochant son téléphone qui s'était mis à sonner.

Quelqu'un vous attend aux bureaux. D'ici combien de temps pensez-vous être là ?

—On est à l'IML, on arrive tout de suite. »

Maggie raccrocha et prévînt son collègue que Patron les attendait aux bureaux. Il ne perdit pas de temps et démarra aussitôt. Ils étaient sur place en un temps record, même Patron en fut surpris :

« —Je vous rappelle que, même en cas d'enquête, vous êtes soumis au code de la route.

—Ça roulait bien, tenta de se justifier Ewen qui n'avait que très peu respecté les limitations de vitesse lors de ce trajet.

—Ça m'embêterait beaucoup que vous vous tuiez aussi bêtement. Et ça m'embêterait encore plus que vous me rameniez des ennuis avec nos amis policiers. »

Quel sens des priorités, songea Maggie en prenant sur elle pour réprimer un soupir.

« —Notre visiteur surprise vous attend dans la salle de réunion, poursuivit Patron sur un ton toujours aussi neutre. Je vous laisse le rejoindre. »

Sur ces mots, Patron tourna les talons et alla s'enfermer dans son bureau. Quant à eux, les détectives se redirent dans la salle de réunion où les attendait la personne mystère. Qui pouvait-elle bien être pour que Patron tienne à garder le suspense sur son anonymat jusqu'au bout ?

Dans la salle de réunion, ils ne reconnurent pas l'homme qui les attendait, assis derrière la table géante. Un grand et beau brun au teint hâlé, avec le visage marqué par toute une vie de souffrance, patientait dans la pièce. À la vue des détectives, il se leva respectueusement et leur tendit la main.

« —Bonjour Monsieur, commença Ewen en serrant la main de l'inconnu aussitôt imité par sa collègue. Vous êtes ?

—Bonjour, commença l'homme dans un français très approximatif avec un fort accent chantant. Je être Felipe Llorente. J'ai été prévenu de la mort de mi ancienne compañera, Isabel Rodriguez. Je suis aussitôt venu ici pour comprendre. »

C'était inespéré. Ils avaient devant eux une personne qui avait connu Isabel avant sa venue en France.

« —Enchanté, lui répondit Ewen tandis que les trois individus s'asseyaient autour de la table de réunion. Nous sommes Maggie Annisterre et Ewen Mercier, deux des quatre détectives privés chargés de l'enquête.

—Qui vous a recruté ?

—La famille Pullin, sous les conseils du Lieutenant en charge de l'enquête. Sans ça, il se serait sûrement agi d'une enquête classée sans suite au regard de l'âge du cadavre et de son manque d'attaches en France. »

Felipe leva les yeux au ciel.

« —Comment avez-vous appris la nouvelle ? poursuivit Ewen.

—Señor y señorita Rodriguez m'ont prévenu de la nouvelle. Ils être trop âgés pour venir ici alors je n'avoir pas hésité.

—Qui étiez-vous pour elle ?

—Je pas comprendre la question.

—Quelle était la relation que vous entreteniez avec Isabel ?

—Ah ! Avant son départ pour la France, j'étais son petit ami. J'ai longtemps attendu et espéré son retour.

—Comment avez-vous été informé de sa disparition ?

—Quand ses parents sont revenus seuls. J'ai compris qu'il s'être passer quelque chose de grave. Pendant des années on a espéré qu'elle retourne au pays. Deux ans j'ai attendu. Puis j'ai refaire ma vie. »

Ewen et Maggie jetèrent un bref regard sur la main gauche de l'espagnol. Il portait une alliance. Perdu dans ses souvenirs, il n'avait pas remarqué cette discrète vérification.

« —C'était mi primera amour, continua-t-il. Elle être si adorable. Je ne pas comprendre pourquoi vouloir la tuer. »

Il marqua une pause et une larme roula sur sa joue. Lorsque la perle d'eau salée eut atteint le sol, il leva vers les détectives des yeux porteurs d'une infinie tristesse accompagnée de son lot de regrets.

« —Je changer d'avis, dit-il. Je penser que je pouvoir savoir qu'elle être en danger. On se parler avec courrier. Elle me raconter sa vie en France. Mais je savoir qu'elle dire pas tout la verdad.

—Expliquez-nous, lui souffla doucement Maggie. »

Felipe prit une grande inspiration avant de se lancer :

« —Les hommes être méchants avec elle. Toujours vouloir qu'elle avoir des relations sexuelles avec eux. Parce que elle être una jolie femme.

—Elle vous parlait de certains hommes en particulier ? demanda Ewen très intéressé par les révélations de Felipe.

—Mmmh... Attendez, laissez-moi réfléchir un momento... William, oui, je pienso que c'être bien ce nom. Ensuite il y a... Tobby ? No... Timmy ?

—Thierry ? hasarda Ewen.

—Sí ! Thierry. Le vieux perverso. Il avoir l'obsession envers Isabel. Elle ne savoir pas cómo se débarrasser de lui. Elle avoir peur je pienso.

—Avez-vous toujours ces lettres avec vous ?

—Jamais je ne pouvoir jeter ces lettres. Elles être dans un carton dans le grenier de ma maison. »

Les détectives eurent une bouffée de déception. Ils avaient espéré que Felipe aurait eu la présence d'esprit d'emmener ces lettres avec lui. Mais non, elles étaient inutilement entreposées dans un grenier quelque part en Espagne.

« —Combien de temps pensez-vous rester ici ? demanda Ewen qui s'imagina alors que l'homme pourrait les leur envoyer rapidement prochainement.

—Je pouvoir pas plus que une semana. »

Nouvelle petite déception. C'était trop de temps perdu pour eux. Tant pis, ils allaient devoir continuer à avancer sans ses précieuses lettres et en faisant confiance aux souvenirs de Felipe.

« —Je espérer que vous réussir avant mon retour en España, poursuivit-il.

—Nous l'espérons aussi, lui répondit Ewen en ne réussissant pas à réprimer un soupir de découragement.

—Je aider autant que je pouvoir.

—Merci Monsieur Llorente. »

Après un court moment silencieux, Maggie posa une question avec un air faussement détaché qu'elle maîtrisait à la perfection :

« —Isabel vous parlait-elle aussi de femmes qui auraient pu commettre ce meurtre selon vous et avec le recul des années ? »

Felipe se mit à réfléchir longuement. Ses yeux sombres faisaient des allers et retours dans le vide, à la recherche de ses souvenirs rangés profondément dans ses lobes pariétal et temporal. Pourvu que son hippocampe ait correctement fait son travail.

« —Je croire que sí, finit-il par dire. Elle me parler de une grosse dame sans éducation. Je ne me rappelle pas de son prénom.

—Parlez-nous d'elle, l'encouragea Maggie qui songea immédiatement à Gwenn, nous la retrouverons peut-être pour vous.

—Son mari draguait ma tendre Isabel. Et elle n'avoir pas aimé cela. Je la comprendre parce que je vivre la même chose avec ma Isabel. Mais Isabel avoir peur de la grosse dame. Le mari avoir un prénom anglais. Peut-être William ?

—Je pense en effet qu'il s'agit de William et Gwenn, l'encouragea Maggie.

—Sí ! William y Gwenn ! Isabel me dire que c'être des pauvres gens tristes et sans éducation. Et que Gwenn être effrayante parce que criait beaucoup. »

Autre moment de silence. Felipe dévisageait les détectives, attendant la prochaine question qui fut encore posée par Maggie :

« —Quelqu'un d'autre ?

—La famille où Isabel travaillait lui faire peur. Et je croire qu'Isabel ne me dire pas tout. »

Si Anne et son père faisaient effectivement preuve de racisme envers Isabel, elle avait de quoi se méfier d'eux, songea tristement Maggie. Son séjour en France n'avait visiblement pas été des plus joyeux. À entendre Felipe, Isabel avait été plongée dans un monde persécutant et effrayant.

Avant de prendre congés de l'ex petit ami d'Isabel, Maggie posa une dernière question directe, en le fixant intensément :

« —Avez-vous déjà mis les pieds en France avant aujourd'hui Monsieur Llorente ?

—Je... En vacances avec ma famille il y avoir sept ans en arrière. Le festival de Cannes. Je ne pas comprendre pourquoi vous poser la question.

—Et pendant qu'Isabel vivait encore ici ? Êtes-vous déjà venu la voir en secret ? »

Felipe ne répondit pas immédiatement, mais Maggie ne réussit pas à saisir l'émotion qu'il tentait de dissimuler. De l'agacement ? De la surprise ? De la peur ?

« —Je ne voir pas pourquoi vous dire ça.

—C'était juste une question comme ça, lui répondit Maggie avec son air faussement détaché. »

Suite à cela, les détectives saluèrent Felipe et le laissèrent seul avec ses pensées dans la grande salle de réunion vide.

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