Chapitre 1 : Un curieux malentendu

En ce vendredi soir de février, Victoire était dans sa chambre. Elle venait de terminer pour la journée ses révisions pour le partiel de la semaine prochaine à l'université. À sa grande surprise, elle n'était pas en retard dans son travail personnel. Mais cela en valait la peine : en effet, elle allait devoir travailler à la faculté de 10h à 18h samedi et dimanche à son grand désespoir. Dans son emploi du temps, cela se produisait un week-end sur quatre dans le semestre. Mais elle se consola en se disant qu'elle aurait cours de « Pratique théâtrale », une de ses matières favorites, et elle n'aurait pas à prendre des notes pendant un cours magistral dans un amphithéâtre. « À chaque inconvénient, son avantage », se disait-elle pour se motiver. Par conséquent, elle ne pourrait donc pas avancer dans ses révisions du week-end ; il fallait donc anticiper. Toutefois, elle resta réaliste en se faisant la réflexion que cet après-midi, les révisions n'étaient pas les plus denses qu'elle avait eut depuis la rentrée en octobre et se rappela avec effroi la terrible semaine de partiels de fin de semestre.

Elle décida d'écouter de la musique ; cela lui permettait de penser à autre chose, de se détendre comme de se défouler. En hiver, ce qu'elle appréciait le plus était ce début de soirée, lorsque les radiateurs de sa maison daignaient enfin à se mettre en marche. Il fallait dire que chaque année, la maison, et plus particulièrement sa chambre, restaient froides toute la saison. Mais sa mère avait refusé de les déclencher plus tôt pour des raisons d'économie. « Le portefeuille et la planète te disent merci ! », qu'elle disait et répétait. « À chaque inconvénient, son avantage... » répétait la fille sarcastiquement.

Elle redescendit sur terre lorsqu'elle reçut l'alerte de la notification d'un nouveau message sur son téléphone : c'était son vieil ami Tanguy, du lycée. Voici ce que ce dernier lui avait écrit : « J'ai de l'avance » ainsi que « Coucoy ». Victoire ne comprit pas directement. Elle choisit d'abord de lui répondre une plaisanterie, de manière à lui faire une salutation en bonne et due forme, s'usant de sa faute de frappe accidentelle : « Coucoy ! ». Elle trouva comme explication qu'il devait faire référence à leurs derniers messages envoyés.

En effet, Victoire avait organisé une soirée raclette avec ses amis pour le lendemain soir ; et Tanguy faisait partie des convives. Plus tôt dans la journée, suite à la question de ce dernier quant à la quelconque présence de nourriture que ses hôtes devaient apporter, elle lui avait demander d'apporter des mets salés, de préférence, ou bien des breuvages de toute sorte (jus de fruits, boissons gazeuses, etc.), pour l'apéritif. Mais ce n'était pas tout : elle savait pertinemment qu'elle s'adressait à un musicien. Un musicien qui, naturellement, ne se présentait jamais volontairement chez un compère sans sa fidèle guitare acoustique. Elle avait donc fait la demande à son confident, sur un ton jovial, d'apporter son instrument de musique, pour l'animation de ce souper tant attendu. Demande que le concerné avait accepté avec plaisir.

Elle lui envoya « Ça roule alors ». Mais l'hypothèse d'Anna ne fut pas la bonne. Car la réponse de son interlocuteur ne tenait aucun propos de ce à quoi elle s'attendait : « Non mais », suivi d'un « Je suis vraiment en avance en fait ». Victoire lui répondit alors l'abréviation « Cad ». Soudain, une illumination dans la mémoire de la jeune fille. Elle crut comprendre : se pourrait-il que Tanguy soit devant chez elle au moment même où elle conversait avec lui par SMS? Elle préféra informer de sa fort probable incompréhension de cette forte étrange mise en situation à son ami : « Oh putain ». Alors, ce dernier répondit, comme il se devait, afin de garder une certaine courtoisie et quelque formule de politesse à cette atmosphère, automatisme que Victoire semblait avoir oubliées en cet instant : « Bonsoir ». La situation était très embarrassante ; Victoire ne savait plus quoi dire, quoi faire. Elle remonta de son écran tactile leur conversation dans les jours passés. Lorsqu'elle en eut la preuve matérielle (du moins, virtuelle), Victoire comprit qu'une fois de plus, son inconscient avait frappé. Sur un de ses messages, envoyé la veille, était écrit : « Tu es le seul qui n'a pas répondu à l'appel pour ma pitite soirée raclette demain soir. Voudrais-tu être de la partie (smiley qui sourit) ? » Cette fois-ci la réflexion de Victoire se vérifiait : elle avait mal communiqué la date du banquet à son vieil ami. Un profond sentiment de malaise s'empara d'elle. Elle opta alors pour balancer tout son ressenti dans chacun de ses messages : « Tanguy », « Pardon », « C'est demain soir je suis désolée (quatre smileys sans sourire) », « J'ai fait une faute de frappe sans m'en apercevoir parce que j'avais plein de trucs à régler », « Oh là là, la conne !!!! », « Je suis vraiment désolée (deux smileys dans la galère) ». Elle s'attendait à un pêtage de câble de la part de son invité, bien que cela ne ressemblait en rien à ce dernier, mais à sa grande surprise, il répondit d'un agacement de tout ce qu'il y avait de purement intellectuel : « Suus ». Victoire tenta de se rattraper ; à son goût, trop de malentendus et d'incompréhension étaient survenus et enchaîna les messages de plus belle : « Attends je t'ouvre », « Pour dire bonsoir quand même ». Alors, elle lui posa une question qui demeurait dans son esprit depuis déjà quelques minutes et elle souhaitait en avoir le coeur net : « Mais tu es devant là? ». Tanguy poursuivit, selon la destinataire, sous une connotation de second degré, le jugeant de sa personne : « Mais t'as pas honte ». « Pardon (trois smileys dans la galère) » répondit la jeune fille. Mais l'énumération de smiley ne semblait pas calmer le courroux (de second degré) du musicien : « J'en fais quoi d'ma guitare ??! ». Comprenant que ce petit incident ne semblait pas avoir heurté plus que ça la personne de son destinataire, elle choisit de reprendre le titre d'une chanson célèbre et d'en changer un mot, pour en changer le sens « Je mérite tout le malheur du monde ». Son ami lui envoya un smiley qui, fut un temps, était bien récurrent, au sein de leurs bande de copains du lycée : il s'agissait du smiley de la statue de Pâques, suivit de deux derniers messages pour clôturer cette conversation. Il avait choisit de continuer la plaisanterie de la jeune jouvencelle : « Et quelqu'un te tende la main (suivit d'un nouveau smiley statue de Pâques) », et « Dans la figure* ». Cela amusa la jeune fille malgré ce malentendu.

Elle n'en perdit pas moins ses convenances : elle déboula les escaliers de sa demeure, traversa la véranda et se dirigea vers la cuisine. Elle était dans la même salle que le salon ; en pénétrant dans la pièce, elle trouva sa mère, qui travaillait sur son ordinateur tandis que son frère était assis dans le canapé, lisant un livre. Elle alla au fond de la pièce, du côté de la cuisine, vers les fenêtres qui donnait sur l'avenue où elle habitait.

Elle regarda dehors ; son vélo à proximité, sa guitare sur son dos, Tanguy avait le né dans son téléphone, et il était devant chez elle.

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