Chapitre 1

 La fumée de mon joint s’élève vers le plafond, serpentant en une nuée sombre, comme des tentacules de poulpe se déployant dans l’air épais. Fasciné, je la suis du regard, sentant une envie absurde de me dissoudre avec elle, de me fondre dans ce nuage de poison.

Autour de moi, le monde pulse, frénétique, désespéré. Des gens dansent, secouant leurs corps trempés de sueur, leurs mouvements saccadés et frénétiques me donnant un  impression de vertige. Leurs rires rauques, leurs cris  tout cela me vrille les tympans. La boîte de nuit est un enfer bouillonnant de chaleur humaine, une fosse pleine de corps qui se heurtent sans même s’en rendre compte.

Les lumières flashent, violentes, dessinant des ombres grotesques sur leurs visages. La musique frappe comme un coup de poing, martelant ma poitrine jusqu’à me rendre presque sourd.

Plus je les observais, plus leurs imperfections me sautaient aux yeux. Leurs transpirations, leurs voix hurlantes cherchant à se faire entendre, leurs désirs, de vivre me répugnaient au plus haut point. Pourtant, je sentais en moi un calme olympique, complètement stoppé par la réalité.

Debout devant tout le monde, je faisais tache, mais qu'importe. Qui oserait me faire un reproche de toute manière ? Bien que je déteste cet endroit, je m'y sentais bien. Les basses qui étaient bien trop fortes, envoyant leurs musiques douteuses, faisait disparaître ce qui n'allait pas chez moi.

Mais alors que j'allais pour la énième fois absorber la fumée toxique de mon joint, celui-ci frôle le bras d'une fille qui se mit à hurler. Je la fixe, l’expression vide, aspirant la fumée sans même tenter de m’excuser ignorant son regard noir soutenu par ces copines à proximité. La foule se disperse, et un jeune homme m'attrapa durement par le col, le visage furieux. À travers la musique assourdissante, je ne compris que quelques mots : « Brûler » et « ma meuf ».

Perdu dans une brume douce qui m’isole de la réalité, je lui offre un sourire dédaigneux qui le rendit fou.

Son expression changea du tout au tout. Son poing se lève, prêt à s’abattre sur mon visage, puis… tout s’arrête.

Sa main, tendue et serrée, reste figée en l’air. La musique cesse brutalement, ne laissant qu’un silence dense et un bourdonnement étouffant. Les lumières s’éteignent une à une, plongeant la salle dans l’obscurité. Mon cœur ralentit d’un coup. La foule, pétrifiée, semble transformée en statues.

Est-ce mon joint qui faisait trop d'effet ?

Soudain, un halo lumineux m'aveugla, et je le vis.

Un frisson glacé se répand dans mes veines : l’homme de mes cauchemars est là, tourné de dos, portant toujours son même costume noir. Dans sa main, un couteau ensanglanté pend, goutte à goutte.

Devant lui se dressait une créature immonde. Ses yeux blancs me fixaient avec acharnement. Ses lèvres bleutées, déchirées, semblaient vouloir articuler, mais ne sortaient que des grognements horribles et humides. Ses doigts étaient repliés sur eux-mêmes dans une rigidité cadavérique avancée. Ses magnifiques cheveux blonds étaient sales et mal coiffés, révélant une énorme tache de sang au-dessus de son crâne. Mais alors qu'elle s'avançait vers moi, titubant, faisant craquer son corps déjà bien dévoré par la décomposition. J'entendis une voix :

"Cogne."

Sans réfléchir, ma tête s’élance, percutant le crâne du mec qui me tenait toujours. La musique reprend subitement, les gens se remettent à danser comme si rien ne s’était passé

L’impact pulvérise son nez, me couvrant de son sang chaud alors qu’il me lâche en hurlant, les mains sur le visage. La foule, autour, s’arrête de danser, choquée par la violence de la scène.

Je cherchai du regard la créature qui m'avait terrifié, mais elle avait disparu. Il ne restait que la foule, choquée par la scène.

Par la suite, un videur de plusieurs mètre m'attrapa fermement avant de me jeter dehors comme un mal propres , m'interdisant de revenir.

JJe titube dans les rues sombres, jetant des regards derrière moi sans vraiment savoir pourquoi. L’air est glacial, chargé de cette brume qui semble s’accrocher aux murs et aux trottoirs, étouffant toute lumière. Une ombre passe furtivement dans mon esprit, une réminiscence de ce que j’ai vu ce soir. Ce n'est pas la première fois que ces visions me hantent.

Au debut, ce n'était que des simples voies parasites puis c'est devenu beaucoup plus violent. Peu à peu, les ombres ont pris forme, se glissant dans les reflets des vitres, se fondant dans les coins de ma chambre.

Puis..

Il y a quatre ans, alors que je rentrais dans ma chambre délabrée, j'ai eu l'apparition d'un homme pendu à une corde. Ses doigts étaient violets et son corps pendait, se secouant de gauche à droite jusqu'à faire un demi-tour sur lui-même, se retrouvant face à moi. Son visage était des plus effrayants, car un long sourire horrible le défigurer. Ses yeux étaient retroussés, et malgré ça, j'avais la profonde certitude qu'il me voyait.

Un long frisson traversa ma colonne vertébrale, rien que d'y penser. Ce jour-là, j'avais hurlé et appelé à l'aide de toutes mes forces. Quand John, mon beau-père, m’a rejoint, la chose avait disparu. Son regard plein de mépris s’était alourdi davantage. À l’époque, je pensais que c’était à cause de mon mal-être, mais aujourd’hui, je sais que les drogues que j’ai laissées me ravager y sont pour beaucoup.

Depuis lors, ces visions terrifiantes ne cessent de me tourmenter.

Arrivé à la maison, J’essaie d’ouvrir doucement la porte, mes yeux se ferment un instant, réalisant qu’on m’a enfermé dehors. La fatigue m’écrase, et un soupir m’échappe.

Ma tête tourne, chaque pas vacille. Pourtant, je ne devais surtout pas me faire remarquer. Le cœur battant, je me glisse autour de la maison, je m’arrête un instant, pris d’un vertige fugace. Mes membres engourdis répondent à peine, chaque muscle semble alourdi par l’épuisement. Je me hisse tant bien que mal, la tête bourdonnante, et m’agrippe au sommet de la barrière. Tout mon corps proteste, mais il faut avancer.

Alors que je bascule de l’autre côté, j’atterris maladroitement dans les herbes hautes, me retrouvant à genoux, haletant. Je me relève avec difficulté, mes pieds s’enfonçant légèrement dans la boue, chaque pas est un effort de plus pour ne pas céder au haut de coeur qui menace de sortir de ma gorge.

Le souffle court, je me retrouvai de nouveau face à cette barrière rouillée.  Mes mains agrippaient le métal glacé, et chaque mouvement faisait grincer cette foutue structure, sonnant comme une alarme dans le silence nocturne. Mes membres tremblaient, ma vision se troublait. Tout mon corps hurlait d'épuisement, mais je n’avais pas d’autre choix que de me hisser à nouveau, d’ignorer la douleur lancinante et de grimper.

J'étais à peine en haut de la barrière que le démon de voisins ne se réveille en furieux. J’étais à peine en haut de la barrière que le démon des voisins se réveilla, furieux. Un énorme rottweiler surgit de l’ombre, les babines retroussées, les crocs luisant sous la pâle lumière des réverbères. Il fonça sur moi, aboyant avec une rage qui fit bondir mon cœur. Pris de panique, j’essayai de me hisser plus vite de l’autre côté, mais mes bras tremblaient, mon corps refusait de me suivre.

Il m’attrapa la jambe, me perforant de ses crocs. Je maintenais ma bouche d’une main, évitant de justesse un hurlement de douleur. Tout à coup, la lumière de la porte d’entrée des voisins s’alluma, signifiant mon arrêt de mort définitif. Pris de panique, je balançais des coups de pied dans le museau du chien, en espérant le faire lâcher prise. Je me promis de m’excuser plus tard. Après quelques instants, le chien me relâcha, mais je savais que ce n’était que temporaire. Il allait revenir à la charge.

Je profitais de cette courte pause pour me hisser au-dessus de la barrière, et ainsi me cacher des voisins. Alcoolisé et à moitié stone, la jambe en charpie, j'attendais, le cœur battant. Priant Dieu, de ne pas me faire prendre.

D'un coup un cri perça la nuit : « Tu vas fermer ta gueule ! Il n’y a rien dehors ! Quel chien de merde ! » La porte claqua violemment. Je laissai échapper un soupir de soulagement, mais immédiatement une vague de douleur envahit ma jambe ensanglantée. Je peinais à me redresser, boitant en direction de ma fenêtre.

Je me relevais en boitant vers ma fenêtre. Mais avant d’arriver, une silhouette apparut soudainement devant la porte de derrière. Elle portait un chignon éparse et une robe de chambre usée.

Lorsqu’elle me remarqua, ses yeux s’écarquillèrent avant que, sans un mot, elle claque la porte d’un geste sec. J’entendis l’écho du bruit résonner dans le silence de la nuit. Les yeux baissés, le cœur lourd, je me sentis submergé par un flot de honte. Quel con... Je l'avais réveillée.

Atteignant enfin ma fenêtre, je l’ouvris lentement, mes mouvements lents et maladroits. Je grimpai à l’intérieur, m'affalant lourdement sur le sol. Ma chambre n'était rien d'autre qu'un débarras, un espace réduit encombré de cartons, de vieux objets du reste de la famille et même d'un vélo d'appartement. Il n'y avait ni meuble, ni sommier. Pourtant, c'était l'endroit où je me sentais le plus moi-même. C’était ma place, une representation de mon integration dans cet famille. Car, oui, malgré tout, c’était ma famille.

J'aurais aimé pouvoir sombrer directement dans le sommeil, me laisser engloutir par les bras de Morphée. Mais la douleur lancinante dans ma jambe m’en empêchait. Prudemment, je retirai mon pantalon, un soupir lourd échappant de mes lèvres. Le sang s'écoulait en petites flaques sur le sol, teintant la pièce de rouge. Les plaies profondes laissées par les crocs du chien s'ouvraient, saignant encore abondamment, chaque mouvement me faisant souffrir un peu plus. Ma jambe, maintenant gonflée, me lança dans des vagues de douleur. J’essayais de stopper le saignement, de désinfecter au mieux les plaies, mais c’était loin d’être suffisant.

Je pris un vieux vêtement traînant au sol et, d'un geste tremblant, je le bandai autour de ma jambe, espérant que cela tiendrait jusqu'à ce que je puisse me rendre à l’hôpital.

Je devais lui en parler. Et ça me faisait chier. Je me laissai tomber sur le lit, fermant les yeux, priant pour que demain n'arrive jamais.

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