CHAPITRE 6
Je me revois sur cette route sombre, faiblement éclairée par un timide rayon de lune. Les ombres m'entourent à peine mais ce qui m'oppresse le plus, n'est autre que cette silhouette. Elle est grande, que dis-je ? Immense, imposante, du genre joueur de basket-ball mais anorexique. Elle est si noire que cette dernière, tel un gouffre, semble m'aspirer.
La panique gagne un peu plus chacun de mes membres. Impossible de bouger, je ne peux que me forcer à voir cette chose s'approcher de moi. Deux grandes jambes longilignes bougent lentement, au rythme grandissant des battements de mon cœur. Des membres crissant, aussi obscur que la nuit qui m'enveloppe.
Mes yeux ne pouvent se décrocher des siens : deux ridicules points lumineux, telles deux étoiles dans un ciel dégagé. Tandis qu'elle s'approche, une immense gueule béante s'ouvre. Une gueule rouge, qui laisse sortir une voix que je connaissais bien.
— Abelle !
Je me réveille en sursaut, manquant de peu d'assommer la personne qui me fait face. La pièce est plongée dans le noir, mais je vois qu'il y avait quelqu'un, avec moi, dans ma chambre. J'ai beaucoup de mal à la discerner. Les membres moites, je recule vers le mur contre lequel est posé mon lit. Je m'apprête à crier, lorsqu'une main froide se pose sur ma cuisse.
— Hé, doucement, c'est moi.
— Cidna ? bredouillé-je. Mais, qu'est-ce que... quelle heure est-il ?
Je me redresse, le cœur au bord des yeux. D'une main tremblante, je regarde les chiffres affichés sur le radio réveil. Minuit quarante-cinq.
— Ma mère m'a expliqué que tu étais rentrée seule, tu es vraiment dingue, déclare-t-elle dans un murmure.
— Pourquoi tu n'as pas allumé la lumière ?
— J'ai promis à maman d'aller me coucher, mais il fallait que je te parle avant.
Je lui fais une place pour qu'elle s'installe à côté de moi, ce qu'elle accepte sans se faire prier. Elle soupire, enlève ses talons un à un qu'elle garde dans ses mains.
— Abelle, tu as rencontré un garçon, ce soir. Je vous ai vu ensemble à la table des boissons.
— Oui, et ?
D'ailleurs, il était vraiment bizarre, cousine.
— Il s'est bagarré, à cause de toi.
— Comment ça ? demandé-je en me frottant les yeux.
Elle sort son téléphone portable et lance une vidéo. Elle fourre dans mes oreilles un écouteur sans fil. Déjà, le son est trop fort, je reconnais une musique pop que vomissait les baffes immensément grandes et i-tech de cette maison. Face à face, il y avait Jay et un autre garçon, que je ne me rappelais pas avoir croisé. Ils étaient en train de s'énerver, l'un sur l'autre. Mais celui qui faisait face à Jay semblait se retenir. Tout à coup, la lumière s'éteignit et une fille hurla dans la foule.
Créant une sorte d'effet de panique, j'entendis à son tour ma cousine et ses amies prendre peur. Puis, ce fut l'angoisse générale. Tous se mirent à crier tandis que Jay hurlait de garder son calme, que ce n'était qu'une coupure de courant, qui serait bientôt rétablie. Une autre voix clamait le silence. Cependant, rien ni personne ne semblait pouvoir calmer l'effet de panique qui avait été provoqué. La vidéo s'arrêta.
— Que s'est-il passé ? demandé-je à Cidna subitement intriguée.
— Une fille à fait un malaise, d'où le cri que tu as entendu mais ce n'est pas ça que je voulais te montrer, élude ma cousine. Tu as compris pourquoi Jay et Clint allaient se battre ?
Je fixe Cidna comme si elle est un ovni, tout droit venue d'une autre galaxie. Les plombs ont subitement sauté puis une fille a crié et fait un malaise. Mais, tout ce qu'il l'intéresse, c'est la raison de querelles stupides, entre Jay avec ce Clint ? Je secoue la tête, abasourdie mais elle le prend comme une invitation à continuer.
— Jay est revenu de la cuisine avec une bouteille d'eau à la main, quand Clint l'a interpellé. Je vous ai vu, Abelle. Jay ne se déplace jamais pour quiconque.
— Et donc ?
— Tout le monde vous as vu ce soir. Clint, qui était bourré, comme tu as pu l'apercevoir, a provoqué Jay. Ce dernier, bien-sûr n'a pas apprécié d'être attaqué dans la maison de son ami. Ils se sont disputés par rapport à toi.
Je fronce les sourcils, pas sûre de comprendre.
— Mais c'est complètement débile ! Tout ça pour une bouteille d'eau ?
— Attends, attends, tu n'as pas tout entendu. Lorsque la lumière est revenue, suite à ce petit incident, Steve, qui a organisé la fête, a décidé de faire s'allonger la fille dans leur chambre d'amie. Jay l'a même accompagné... Finalement, elle n'avait eu qu'un petit coup de mou, même si elle semblait profondément déboussolée...
Cidna marque une pause, elle me semble inquiète, même blême : connait-elle la fille en question ? Elle en profite pour humidifier ses lèvres.
— Bref, Jay a attendu que les parents de la fille viennent la chercher, puis il a de nouveau pris part aux festivités. Moi, j'étais avec mes amies, quand il est venu m'aborder. Et pourquoi ? Pour me demander où tu te trouvais !
C'était donc ça. Voilà ce que Cidna trouve si palpitant, que ce terrible Jay, que je ne connais pas – ce que je ne voulais pas que ça change – s'intéresse à moi. Je soupire d'avoir perdu mon sommeil à cause de ça.
— Il semblait déçu que tu sois partie. Enfin, bref, il a passé le reste de la soirée entouré des gars de l'équipe de foot. Mais, Abelle, il faut que je te dise quelque chose...
Des pas retentirent dans le couloir.
— Merde, faut que j'y aille. Si maman me trouve-là, je serais encore punie de téléphone.
— Cidna, attends. Qu'est-ce que tu dois me dire ?
Elle s'arrête, dansant d'un pied sur l'autre, ayant sans doute peur de se faire prendre par ma tante.
— Laisse, je dois sûrement me faire des idées.
— D'accord, répondé-je perplexe. Bonne nuit.
Elle s'éclipse rapidement, comme elle al'habitude de le faire. En parlant de téléphone, où peut bien se trouver le mien ? Je cherche sur la table basse, à côté de mon lit, sans rien trouver d'autre que ma lampe de chevet et mon radio réveil.
Je regarde à nouveau l'heure sur ce dernier, il est tard, je décide donc d'aller me coucher. Je retrouverais mon portable dès le lendemain. Malgré la fatigue apparente qui pèse sur mes paupières, je ne réussis pas à m'endormir. Le sommeil qui suit cette longue heure d'insomnie, est léger et secoué de sursauts incohérents, qui me tirent par moment de ma torpeur. Voilà ce qu'il arrive quand de longs questionnements parasitent votre esprit.
Le lendemain matin, je me lève avec lenteur, si épuisée que je me demandais si je n'allais pas passer le reste de la journée à dormir.
Carla est dans la cuisine et prépare un petit-déjeuner. Je lui dis bonjour, tandis qu'elle m'embrasse le front, quand mon regard se pose sur le plan de travail. Mon téléphone s'y trouve, pourtant je ne me souviens pas de l'y avoir laissé. Enfin, je vais enfin pouvoir joindre mes parents. Ma mère me manque terriblement. J'allai le récupérer sans trop me poser de questions, quand, soudain, Clara déclare devant sa poêle où dorait un beau morceau de bacon :
— Tu devrais faire plus attention la prochaine fois.
Je fronce les sourcils, avant de comprendre. Elle doit faire référence au bar. Mais, se retournant vers moi, elle me montre mon téléphone du doigt.
— C'est Jay qui te l'a ramené ce matin, déclare-t-elle. Il a expliqué que tu l'avais fait tomber, chez Steve.
Affolée, je m'assure que mon téléphone n'est pas cassé. Rassurée, je me promets de faire plus attention la prochaine fois.
— C'est drôle, continue ma tante, sur un ton perplexe. Tu sais, les garçons ne sont pas vraiment un mystère pour moi, surtout les amis de Cidna. Mais, ce Jay, il...
J'attends patiemment qu'elle continue, mais, à la place, elle chasse une mouche de la main avant de rigoler, à la fois gênée et troublée.
— Oh, laisse, je dois sûrement me faire des idées.
Le comportement de Clara, mais aussi celui de Cidna, était étrange. Et puis, si mon téléphone était tombé, pourquoi ne me l'a-t-il pas rendu de si tôt ? Comment a-t-il pu savoir que c'était le mien ?
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