CHAPITRE 22

— Quoi ?

— Bill, je veux revoir mes parents.

Je suis de plus en plus sûre de moi, à mesure que je le répète. Ce qui me rend malade, c'est de ne pas avoir de leur nouvelle. Moi aussi, finalement, je les ai lâchement abandonnés en les laissant seuls, alors qu'ils ont besoin de quelqu'un. En fin de compte, ils souhaitent peut-être qu'on les épaules, au lieu de les laisser dans ce moment difficile qu'ils vivent.

— Abelle... tu...

— Mais quoi ? Il faut que je les voie. Bientôt trois semaines complètes que je suis ici et je suis si inquiète pour eux.

— Je n'ai pas réussi à les joindre, moi aussi, avoue-t-il en s'arrêtant à un feu rouge.

Je regarde un couple traverser la rue. Le temps d'une seconde, mes pensées dévient vers Peter que je dois revoir ce week-end. Je me focalise rapidement sur le sujet de la conversation.

— Et alors ? On a qu'à retourner chez-moi. On leur dira qu'on est venu récupérer quelques-unes de mes affaires.

— On ne peut pas faire ça, Abelle, déclare froidement Bill en avançant dans le carrefour.

— Et pourquoi pas ? m'énervé-je.

Mon oncle pousse un long soupir, témoignant de son agacement croissant.

— Nous ne pouvons pas débarquer chez eux sans prévenir, sans même se renseigner de s'ils peuvent nous accueillir ou autre.

— Ce n'est pas comme si on pouvait savoir ou leur demander, je te rappelle que toutes leurs lignes ont été coupées.

— Abelle...

Je croise les bras contre ma poitrine, mécontente. Visiblement, Bill ne veut pas du tout m'amener les voir.

— Abela, reprend-il. Tu sais très bien ce que ça veut dire tout ça... s'ils auraient vraiment voulu garder contact avec nous ils... ils nous auraient au moins prévenus pour la ligne.

— Bah alors, pourquoi est-ce qu'ils ne m'ont rien dit ! Je ne te crois pas. Mais... je ne peux pas attendre plus longtemps, j'ai besoin de savoir s'ils vont bien.

Il va dire quelque chose, mais je le coupe.

— Si tu ne m'y emmène pas, alors je m'y rendrais par mes propres moyens.

Un long silence s'ensuit. Bill est toujours concentré sur la route. Il s'arrête sur le bas-côté, allumant ses feux de détresses pour prévenir que nous ne resterons pas.

— Abelle, regarde-moi.

Je lève la tête, croisant son regard bleuté. Il est presque similaire au mien, bien que le sien se rapproche un peu plus du gris.

— Je vais t'y emmener... on va y aller ensemble.

— Merci, me dépêché-je de dire avant qu'il ne change d'avis.

— Mais tu dois me promettre que tu ne te rendras pas là-bas seule. Et que tu ne chercheras pas non plus à les recontacter.

Je fronce les sourcils, perplexe. Pourquoi veut-il que je promette ça ?

— Pourqu...

— Promet-le, me coupe-t-il sur un ton plus ferme encore.

Je suis subitement mal à l'aise. Bill est si gentil d'habitue. Je ne comprends pas son changement subit de comportement.

— D'accord, acquiescé-je. Je te le promets.

— Bien.

Sur ça, Bill retire ses feux et, contrôlant route et angle mort, il se réengage sur la voix de circulation. Mon oncle pense sûrement que mes parents ne veulent plus rien avoir à faire avec moi. Je trouve cela absurde.

Je suis leur fille, certes, ils m'ont adopté. Mais c'est eux qui m'ont choisie. Il ne peuvent pas me jeter comme ça. Ils ont peut-être besoin de temps, mais ils ne peuvent pas non plus me reprocher d'avoir besoin de les voir. Je pousse un soupir à mon tour.

Mon oncle se gare dans l'allée de notre maison. En sortant de la voiture et arrivée à sa hauteur pour entrer chez-lui, il dit :

— Nous partirons demain matin et rentrerons dans l'après-midi, d'accord ?

J'acquiesce. Toujours autant contrarié, il ouvre la porte et me laisse passer. Cidna se trouve dans la cuisine, appliquant minutieusement du vernis à ongle fushia sur ses orteils. Clara quant à elle prépare un énième plat. Elle me sourit lorsqu'elle me voit.

— Comment ça va, Abelle ?

— Je meurs de faim, avoué-je.

Après avoir discuté un peu avec les deux autres filles de la maison et mangé un morceau, je monte dans ma chambre pour déposer mes affaires. Mon sac atterrit sur mon lit, tandis que je jète un coup d'œil circulaire à la pièce.

Mon regard se pose sur la baie-vitrée, donnant sur un large balcon. Je m'y rends, appréciant la fraîcheur d'une brise. D'ici, j'ai une vue sur l'arrière de la maison, donnant sur une petite ruelle, séparant la maison de Bill d'autres demeures du quartier.

En contrebas, la belle piscine creusée à l'eau bleutée m'appelle à elle, afin de nager dans ces eaux fraîches. L'infrastructure est entourée de chemins carrelés antidérapant et du reste du petit jardin : le potager de Carla et le coin barbecue, petit bébé de Bill.

Je m'appuie à la rambarde, tandis que les derniers rayons du soleil me réchauffent. Je soupire d'aise, puis j'ouvre à nouveau les yeux. Il n'y a pas âme qui vive dans les environs, j'entends, par moment, ci et là, quelques rires d'enfants venant de maisons voisines.

Tout à coup cependant, quelque chose attire mon attention. Ce n'est pas un voisin qui entretient son jardin, ni un autre qui rentre son véhicule tout neuf dans son garage. Il y a une benne à ordure dans la ruelle. Une benne tout à fait normale, à quelques détails près...

Sont-ce deux points blancs, que je vois ? Me fixent-ils ? Deux grandes mains griffues, à la texture d'une fumée noire épaisse, dépassent. Légèrement penchée sur le côté, il me semble apercevoir une tête. Et ces orifices blêmes sont-ils des yeux ? La chose semblait être ratatinée, à l'ombre de la poubelle. Je continue de la fixer, éberluée.

J'hallucine, ça ne peut pas être vrai. La dernière fois que j'ai vue ces deux yeux blancs remonte à ce soir, où je suis partie à la fête de Steve.

J'ai cru le « revoir » ou plutôt le sentir dans mon dos plusieurs fois ensuite. Mais, jamais encore, cette chose ne m'a suivis jusqu'à chez-moi. Cela devient absurde. Je deviens folle, il ne peut y avoir d'autres solutions. Je ne veux pas croire à d'autres solutions.

— Abelle ?

Cidna, qui m'a rejointe sur le balcon, me fait me retourner en sursautant.

— Tu veux que je te mette du vernis ? me propose-t-elle.

Je me retourne à nouveau, posant directement mon regard sur la ruelle. La benne était toujours là. Mais cette chose que je croyais avoir vu... a disparue. Je secoue la tête, me frotte les yeux. Je délire complètement.

Je suis folle, folle, folle. Je ne vois pas d'autres causes à tout ça, c'est peut-être pour ça que mes parents ne voulennt plus de moi. Cette idée me fait froid dans le dos. Un peu plus et je recommencerai à pleurer.

— D'accord, accepté-je, troublée. Je crois que j'ai besoin de me changer les idées...

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