Tout ce que j'apprends sur Jay ne me rassure pas du tout. Suite à cette phrase lourde en conséquence, Clara n'a pas pu empêcher Natasha de vider son sac. Luna a été harcelée, autant sur les réseaux sociaux qu'au lycée, de la part de Jay mais aussi de tous ceux qui le soutenaient. Au fur et à mesure, elle s'est renfermée sur elle-même. Elle a perdu tous ses amis, dont Cidna, celle qu'elle aimait le plus au monde. Sa meilleure amie.

Natasha a fait tout ce qu'elle pouvait pour protéger sa fille.

Luna non plus, ne voulait pas de Jay. Mais, à force de la courtiser, de se montrer à la fois gentil et cruel, elle a fini par y prendre goût. Pour elle, Jay n'était autre qu'un badboy au grand cœur. Malgré l'avis de sa mère, elle s'est finalement laissée happer et l'emprise qu'exerçait Jay sur elle s'est refermée. Ils ont couché ensembles, bien que Natasha pense que Jay ait violé sa fille. Suite à cela, plusieurs rumeurs ont parcouru les murs du lycée, à propos de Luna : « Fille facile, pute ». La pauvre n'était plus que l'ombre d'elle-même. Jay l'a ensuite jeté comme un vulgaire déchet.

Sauf que dans toute cette histoire, le seul détritus que je vois n'est autre que cet horrible connard.

Lorsque Luna lui a fait part de son envie de se rendre à la fête de Steve, où pouvait certainement se trouver Jay, sa mère a catégoriquement refusé. Sa fille lui a alors expliqué que c'était un moyen pour elle de se réintégrer, sinon quoi, sa dernière année de lycée serait un enfer. Natasha n'a pas changé d'avis. Alors, Luna a simplement attendu qu'elle dorme pour partir. La suite, je la connais.

Je suis bouleversée, complètement retournée. J'ai promis à Natasha de soutenir sa fille, si jamais elle doit revenir dans cet établissement qui l'a tant fait souffrir.

— Je suis complètement contre, nous explique Natasha. Je ne veux plus jamais qu'elle remette les pieds dans le même bâtiment que ce psychopathe ! Malheureusement, je n'y peux rien. Elle ne veut pas changer de lycée, malgré tout ce qu'il s'est passé.

Cidna revient quelques temps après, les yeux gonflés et rougis. D'après elle, Luna a accepté de lui parler. C'est un bon début. Complètement éreintée, ma cousine demande à rentrer. C'est donc ce que nous faisons. Après nous avoir chaleureusement remerciés, Natasha nous ouvre la porte.

L'ambiance dans la voiture, ensuite, est lourde. Cidna renifle bruyamment, sans parler. Carla quant à elle est complètement plongée dans ses pensées. Je n'ose pas briser ce silence religieux et décide d'attendre le retour imminent à la maison.

Une fois les portes franchies, ma cousine se dirige directement dans sa chambre. Carla, quant à elle, me fait signe de la suivre dans la cuisine.

— Comment te sens-tu ? me demande-t-elle alors qu'elle nous préparait du thé.

— Je vais plutôt bien... je n'ai pas recherché à recontacter mes parents. Ils... ils ont même disparus des réseaux sociaux.

Elle débouche deux sachets d'infusion aux fruits, qu'elle dispose dans deux tasses colorées aux nuances de l'été.

— Cidna m'a mis au courant, concernant Jay. Je sais qu'il cherche maintenant à t'approcher. J'aimerais savoir, Abelle, est-ce qu'il t'a fait du mal ? Harcelé ?

— Non, réponds-je en fronçant les sourcils. Certes, il me paraît bizarre. Pour mon premier jour de cours, j'ai dû m'asseoir à côté de lui. À la fin des cours, il m'a accompagné, sans me demander mon avis, jusqu'au parking.

— Donc pour le moment, il n'a rien fait qui a pu te mettre mal à l'aise ?

Je tourne et retourne ma langue dans ma bouche. Sa présence à elle seule de Jay suffit à me mettre mal à l'aise.

— Hier midi, je déjeunai avec Peter, un ami. Et... Jay est venu nous voir... enfin. Me voir.

Subitement intriguée, elle déposale une tasse fumante juste devant moi avant de s'installer à mes côtés. La tête penchée vers la droite, elle semble complètement à l'écoute.

— Jay est venu me souhaiter bon appétit, mais je ne lui ai pas répondu. Peter l'a fait à ma place et... Jay lui a renversé un verre d'eau sur la tête.

— Et comment a réagi ton ami ?

— Plutôt bien. Il n'a pas donné satisfaction à Jay en répliquant. Il s'est contenté de manger sa colère et ne pas répondre.

— Il a bien fait, dans ce cas.

Je bois une petite gorgée de mon thé, qui est encore brûlant. Carla en fait de même.

— Tata, pourquoi tu me poses toutes ces questions ? C'est Cidna qui t'en as parlé ?

Une lueur étrange passe dans ses iris bleutés.

— Oui. Et je ne peux rien vous dire pour le moment. Disons que le dossier est quelque peu... délicat. En attendant, je veux que tu me promettes que tu viendras me relater toutes les interventions, directes et indirectes, de Jay envers toi, d'accord ?

— Je te le promets.

Je suis contente de ne pas avoir à partager ce fardeau toute seule. Il est hors de question qu'une deuxième fille vive le même calvaire que cette pauvre Luna. Nous continuons de boire en silence, quand Carla récupére son sac à main.

— Jay semble intouchable, d'après sa position, et l'idée est de ne pas se faire remarquer par le maire, qui a des oreilles partout en ville.

Elle retire une boîte qu'elle mit devant moi.

— Cependant, il n'est pas condamné pour une jeune fille de porter une arme pour qu'elle se défende.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je en désignant le paquet mystère.

Elle me fait signe de l'ouvrir. Je dépose ma tasse, que je tiens entre deux mains, et m'intéresse à l'objet. Lorsqu'il est complètement déballé et entre mes mains, je ne peux m'empêcher de lâcher un hoquet de stupeur. À première vue, ça ressemble à un stylo bille tout à fait basique. Mais, à y regarder de plus près...

— Ce que tu tiens dans tes mains s'appelle un taser. Si tu appuies sur ce bouton – fait attention à la sécurité – et que l'extrémité touche quelqu'un, cela aura pour effet de lui envoyer une décharge électrique.

Elle me montre comment retirer la sécurité.

— La décharge mettra hors service la personne touchée pendant quelques minutes. Le temps nécessaire pour prendre la fuite et appeler, Bill, moi ou la police.

— Mais..., bredouillé-je. Est-ce que c'est autorisé ?

Le regard de Carla se voila et un sourire mesquin barre ses lèvres.

— Lorsque Jay s'en prend à toutes ces filles, il ne demande pas l'autorisation. Alors, ma chérie, j'espère que tu seras la première à oser te défendre.