CHAPITRE 15

Après avoir révisé à la bibliothèque et avoir vécu cet événement... bouleversant, Peter m'a déposé chez-moi. La voiture de Cidna est garée dans l'allée, mais celle de Bill et Clara est absente, signe qu'ils ne sont pas encore rentrés.

Inquiet de mon mutisme, Peter a cherché à savoir ce qui n'allait pas. Je lui ai mentis, prétextant une migraine affreuse. Il n'a pas cherché plus loin, mais je comprends dans son regard qu'il ne me croit pas. Je le remercie, avant de le regarder s'en aller.

Le jour suivant, tout se passe plutôt bien. Malgré cette frousse que j'ai eu – mon dieu, Abelle consulte un psy – j'ai plutôt bien dormi. J'ai facilement réussi à survivre à mes cours et, contre toute attente, Jay m'a laissé tranquille. Nous avons convenu avec Peter de bosser la première heure de l'après-midi ensemble, avant qu'il n'aille travailler pour la commune. Donc, comme la veille, il m'a attendu sur le parking et nous avons fait route ensemble.

Alors que nous travaillons sur l'un des grands axes de notre devoir, les incessantes vibrations de mon portable nous sortes de notre ambiance studieuse. Mon binôme en profite pour s'étirer les vertèbres. Je crois même discerner un léger craquement.

— Excuse-moi, lui dis-je alors que je prends mon téléphone.

J'ai deux appels manqués de Clara. Je regarde mes messages, elle demande à ce que je rentre.

— Pas de problème, répond Peter après que je lui ai expliqué. Je vais te déposer.

Ainsi, légèrement inquiète par rapport au fait que ma tante réclame ma présence, Peter me raccompagne une nouvelle fois jusqu'à chez-moi.

— Bon courage pour le boulot, lui dis-je.

— Merci, à demain. Abelle ?

Il me rattrape la main alors que je me retourne. Ce contact m'électrifie, je tente donc de faire comme si de rien était.

— Si... si jamais je peux faire quoi que ce soit...

— Tout va bien Peter. Et oui, je sais que tu es là pour moi.

Il lâche donc ma main, lentement, ses doigts effleurant les miens, un sourire timide barré sur ses lèvres. Je lui dis au revoir en m'éloignant jusqu'à chez Bill.

Je le regarde une nouvelle fois partir, le cœur léger. Lorsque son véhicule disparait de l'avenue résidentielle où mon oncle m'héberge, je décide enfin de franchir les portes de la demeure. Aussitôt, je tombe sur Cidna et ma tante, toutes les deux dans la cuisine. Clara semble ranger le lave-vaisselle. Ma cousine, quant à elle, tremble de la jambe droite tout en fixant son téléphone. Elle n'arrête pas de taper dessus.

— Enfin ! dit-elle en me voyant. Maman, on peut y aller.

— Où ça ? demandé-je, en déposant mon sac à dos sur l'un des tabourets de bar.

Il y a un blanc gênant durant lequel j'attends patiemment qu'on me réponde. Clara essuie un dernier verre avant de se retourner vers moi, un mince sourire barrant ses lèvres.

— Les Grace, ou du moins, Natasha Grace, nous invite chez-elle.

— C'est la mère de Luna, précise Cidna en décrochant enfin le nez de son téléphone.

Luna. Peter m'a parlé d'elle l'autre jour, c'est elle qui a fait un malaise à la fête de Steve, le fils de l'adjoint du maire.

Cidna saute sur ses deux pieds et vient jusqu'à moi, dans l'optique d'aller jusqu'à la porte. Elle semble avoir pleuré. Ses yeux rougis et ses joues humides le témoigne. Ma cousine et moi ne sommes pas très proches, il ne m'empêche que la voir comme ça me fend le cœur. Cidna s'arrête juste à côté moi, sans me regarder. Je m'attends au pire.

— Sa mère m'a demandé de passer voir Luna. Avant... tout ça, nous étions meilleures amies, explique-t-elle. Je voulais te demander de m'accompagner... tu sais, la fille dont je te parlais l'autre jour, qui a fait un malaise à la fête de Steve. C'est elle qui a tenté de mettre fin à ses jours.

Un sanglot se bloque dans sa gorge, l'empêchant de continuer. Je ne lui en laisse pas l'occasion.

— Bien-sûr, on va y aller toutes les trois.

Je suis heureuse que ma cousine fasse ce pas vers moi. Elle acquiesce simplement, impossible de prononcer quoi que ce soit et me dépasse. Clara récupère ses clés de voitures et son regard croisa le mien. Elle semble affligée. Ce qui est arrivé à Luna aurait pu arriver à n'importe qui, même à sa fille chérie. Je suis Cidna à l'extérieur, tandis que sa mère verrouille la porte d'entrée.

Je repense à ce qu'a dit Peter au sujet de Luna. Que Jay est en partie, voire totalement, responsable de l'état de cette fille. Mais, pourquoi ? Qu'a-t-il bien pu lui faire ? Est-ce qu'au moins, c'est la vérité ? J'ai beaucoup de mal à remettre en question la parole du seul ami que je me suis fait jusqu'à maintenant.

Le chemin jusqu'à chez les Grace n'a pas duré longtemps. Nous aurions presque pu nous y rendre à pieds. Mais j'imagine que ma tante ne voulait pas infliger ça à Cidna, alors qu'elle n'a pas le moral. La maison de Natasha est quasiment identique à celle de Bill et Clara. Dans ce quartier résidentiel, quasiment toutes les demeures se ressemblent. Grandes, deux ou trois étages, du bois blanc et des pierres grises, type maison de riche. Aussitôt garées, une grande femme brune vient nous accueillir sous le perron.

Mon cœur se serre aussitôt. Il n'y a pas de paraître ici. Natasha est affaissée sur elle-même, le dos voûté, le teint gris et des cernes béants. Elle prend Cidna dans ses bras, aussitôt que cette dernière soit arrivée à sa hauteur.

— Merci d'être venue, merci, dit-elle d'une toute petite voix. Entrez.

Elle nous fait toutes les trois l'honneur de pénétrer dans sa demeure. Malgré les événements, le tout reste propre et chaleureux. Arrivés dans la cuisine, je remarque qu'il n'y a pas un seul objet coupant qui traîne.

— Cidna, ma chérie. Je ne t'aurais pas demandé de venir si... mais...

Natasha dû respirer plusieurs fois avant de reprendre. Les mains tremblantes, elle ne cesse de triturer un torchon propre.

— Le médecin m'a conseillé de faire en sorte que Luna ait des contacts sociaux avec des gens avec qui elle est vraiment proche et...

— Mais nous ne sommes plus amies, elle et moi...

Le cœur de ma cousine lâche. Elle se mit à pleurer, de ce genre de larmes lourdes et douloureuses. Je me surprends à lui tenir la main.

— Je sais ma chérie. Mais Luna m'a beaucoup parlé de toi, même après votre dispute. Elle disait regretter, que c'était du gâchis ce qui vous étiez arrivé. S'il te plaît...

— Ma puce, tu n'es pas obligée, coupe Clara devenue subitement mère poule.

— S'il te plaît, essaie de lui parler, ça fait des jours que Luna ne mange plus. Si ça continue, je vais devoir l'hospitaliser et avec le travail, je suis déjà à bout.

— Je vais le faire.

La main de ma cousine de resserre autour de la mienne. Nos regards se croisent ensuite. Elle inspire un bon coup. Elle a arrêté de pleurer. Essuyant ses larmes, elle me lâche et se dirige vers le séjour. Luna devait s'y trouver. Je reste avec Clara et Natasha le temps de leur entrevu intime.

— Il va me le payer, gronde subitement la mère de Luna entre ses dents.

— Nat', pas maintenant, prie Clara à voix basse.

Mais trop tard, la bombe était lâchée.

— Je lui avais pourtant dit de se méfier de ce garçon et elle n'en a fait qu'à sa tête, comme d'habitude. Abuser d'une fille si douce et si gentille...

— Natasha...

En même temps, Carla me désigne du menton, pour lui demander de ne rien dire en ma présence.

— Je peux sortir, leur dis-je, embêtée.

— Non, tout le monde doit savoir ce que cette pourriture a fait !

La femme recroquevillée sur elle-même, a changé. Elle est devenue un serpent, se lovant afin de faire face à une menace, crachant un venin toxique. Dangereux. Clara va à nouveau l'empêcher de parler, quand la phrase de Natasha sonne comme une bombe.

— Il l'a menacé pour l'enfant qu'elle portait ! Il n'a pas tué ma fille, mais ce petit être qui se trouvait dans son ventre, si ! Jay a tué son propre enfant !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top