Chapitre 5 - Un début de vie sociale

La semaine s'est déroulée à une rapidité déconcertante. Les réunions au Coven se sont calmées et j'ai pu passer un peu de temps en famille, malgré l'absence répétée de Juliette qui commençait ses cours à l'école de magie. J'essayais de profiter au maximum de Nathan qui allait partir à l'université de Londres dès lundi.

Lui-même paraissait plutôt angoissé par ce départ : c'était la première fois qu'il quittait le cocon familial et il lui faudrait trouver rapidement un Coven à rejoindre non seulement pour continuer sa formation magique mais également pour s'assurer une protection au sein du monde des humains.

Depuis Salem, les sorcières avaient appris de leurs erreurs et s'étaient construit un réseau tellement sécurisé qu'il n'y avait plus eu de véritable accident en un peu plus de trois cent ans. La principale règle pour éviter les problèmes était la suivante : aucun sorcier de la vie ne devait évoluer seul dans le monde des humains.

Dès qu'il emménageait quelque part, il devait trouver le Coven le plus proche et s'y inscrire afin de signaler sa présence et surtout, de suivre la formation requise, respecter les règles et canaliser son pouvoir en pratiquant une magie régulière.

On disait d'un sorcier à qui l'on empêchait d'utiliser la magie pendant une trop longue période, qu'il ne pourrait plus se maîtriser et qu'il n'aurait pas d'autre choix que de se débarrasser de ce trop plein d'énergie devant les humains, risquant de créer ainsi un nouvel épisode de chasse au sorcières, autrement dit, le pire cauchemar de notre espèce.

Nathan devrait donc se rapprocher rapidement d'un des nombreux Coven qui fleurissaient à Londres et je pouvais comprendre en quoi ça l'angoissait, bien que je n'ai pour l'instant été affiliée à aucun organisme de ce genre. De ce que j'avais appris en observant mes parents, Un Coven, c'était plus ou moins comme une famille : une fois qu'on s'était lié à lui, on ne lui échappait plus et il régissait notre vie.

Néanmoins, ce n'était pas comme si mon frère avait le choix : même s'il l'avait voulu, il n'aurait pas pu rester. Il fallait dire que le village de Ryneshire avait beau être coquet et agréable, il ne regroupait pas plus de cinq mille habitants et ne possédait aucune université. Nous nous trouvions au fin fond de la campagne anglaise, la fac la plus proche était à plus de cinq cent kilomètres et avait une réputation qui laissait clairement à désirer.

— Du coup, tu viens ce soir ? m'a interrogée Cameron Lee.

La craie du prof a crissé sur le tableau et on s'est tous recroquevillés sur nos chaises.

— J'entends du bruit au fond, taisez-vous ! s'est écrié l'enseignant sans même tourner la tête.

Bon sang, cet homme avait peut-être dépassé la soixantaine, ça ne l'empêchait pas d'avoir une ouïe surdéveloppée. Depuis que les cours avaient repris, mercredi, il se plaignait au moindre petit chuchotement et il régnait dans la salle un silence de cathédrale qui ne faisait clairement pas mon affaire.

J'ai levé les yeux au ciel et Cameron Lee m'a imitée. Le prof s'est remis à écrire des équations au tableau et je me suis rapprochée de mon camarade. Il était vrai que je n'avais toujours pas répondu à son invitation étant donné que j'avais appris que Kitty ne serait pas disponible ce soir et que je ne me voyais pas me rendre seule à la fête.

Cependant, le garçon était vraiment adorable, nous nous entendions super bien et je n'avais pas vraiment le cœur à le décommander : il semblait tout excité à l'idée que je vienne. Finalement, j'ai décidé de jouer la carte de l'honnêteté et je lui ai chuchoté :

— Je sais pas...

— Pourquoi tu hésites ?

Son air tourmenté m'a encouragée à lui expliquer :

— Je pensais venir avec mon amie Kitty mais elle n'est pas libre tout à l'heure.

— Et alors ?

J'ai souri face à cette réponse.

— Et alors, contrairement à toi, Cameron, je ne connais pas tous les élèves de l'école et ça m'effraie un peu de me retrouver seule à une fête remplie d'inconnus.

Cameron a froncé les sourcils, plantant un regard sérieux dans le mien.

— Tout d'abord, appelle moi Cam s'il te plaît. Et ensuite, t'as pas à t'en faire : je ne te lâcherai pas d'une semelle, si c'est ce que tu veux.

Sa remarque m'a amusée.

— Oh vraiment ? Tu fais une fête énorme, tu invites plein de gens et tu serais prêt à rester coller à une fille que tu ne connais que depuis quelques jours simplement parce qu'elle est trop timide pour s'intégrer au groupe ?

Cameron Lee m'a décoché un sourire charmeur et a passé son bras autour de mes épaules.

— Tu sais, je peux être un vrai gentleman quand j'en ai envie.

J'ai gloussé.

— Madame Clarke ! s'est exclamé le prof.

J'ai sursauté et me suis redressée maladroitement sur mon siège, me débarrassant du bras de Cameron.

— Oui ?

L'Oompa Loompa m'a adressé un regard noir.

— J'aimerais que vous soyez plus attentive à mon cours au lieu de flirter avec votre camarade de classe.

À cet instant, il s'est passé un truc que Kitty aurait certainement condamné mais que je ne pouvais pas contrôler. La colère a inondé mes veines, des petits rires moqueurs ont résonné dans les rangs et ça n'a fait qu'augmenter mon énervement. Les joues brûlantes, je me suis levée de ma chaise, et j'ai rétorqué :

— Je veux bien que vous soyez agacé par mon manque de concentration, Monsieur, mais m'humilier de la sorte n'était clairement pas nécessaire et relevait plus d'un remarque machiste qu'autre chose.

Les élèves de ma classe de l'an dernier ont tous reporté leur attention sur moi avec curiosité, attendant la suite. Quand je disais que j'avais des problèmes concernant l'autorité... Ce n'était pas la première fois que je me donnais en spectacle. La seule différence, c'était que d'habitude, Kitty était là pour arranger les choses.

Le prof s'est étouffé en m'entendant.

— Comment osez-vous ? À aucun moment je ne me suis montré machiste, petite insolente. Il faudrait peut-être penser à vous calmer et à arrêter de voir du sexisme partout.

J'ai serré les poings, oubliant que je me tenais dans une salle de cours et que tout le monde me regardait.

— Oh mais ne vous inquiétez pas, je suis loin de voir du sexisme partout, je suis juste très bien renseignée sur le sujet. Permettez-moi de vous donner une petite leçon : quand deux élèves de votre classe, un garçon et une fille, sont en train de chahuter, grondez les tous les deux et évitez de reprocher à la fille de « flirter » avec son camarade si vous ne dites pas la même chose au camarade en question.

Plusieurs élèves ont marqué leur assentiment par des hochements de tête et un sourire carnassier s'est dessiné sur mes lèvres. Évidemment, ça n'a pas plu au professeur qui est devenu tout rouge et qui a lancé avec force :

— Asseyez-vous et taisez-vous tout de suite !

J'ai mimé une révérence et répliqué :

— Si c'est ce que vous voulez.

Je me suis posée à nouveau sur mon siège et le vieux bonhomme s'est mis à tousser. Je savais pertinemment qu'il ne m'exclurait pas de la salle étant donné que d'autres élèves de la classe avaient acquiescé face à mes propos et qu'il devait avoir peur des répercussions si j'allais le dénoncer à la direction.

Aussi, il s'est contenté de réclamer une énième fois le silence et a repris la leçon comme si de rien n'était. Cameron Lee, lui, est resté bouche bée, me dévorant du regard.

— Eh bah, si je m'attendais à ça ! Mais tu m'as dit que t'étais timide, m'a-t-il glissé à l'oreille.

Je lui ai fait un clin d'oeil.

— J'ai pas dit timide, juste effrayée.

Il a haussé les épaules, l'air de dire « c'est du pareil au même ». J'ai couvert ma bouche pour dissimuler mon gloussement.

— Si t'es capable de parler comme ça à un prof et devant toute une classe, je ne me fais pas de soucis pour toi ce soir. Bon alors, tu viens à la fête ?

Il n'avait pas tort. J'ai fini par me décider. Kitty n'était pas là, certes, mais il était vrai que je saurais me débrouiller toute seule – je venais juste de le faire, comme l'avait souligné Cameron – et en plus, il s'était proposé pour être mon chevalier servant. Que demander de mieux ?

— D'accord, ai-je fini par répondre.

Il a levé le poing à la manière de Rocky Balboa et son visage a revêtu une expression ravie.

— Parfait, j'habite pas loin de Moonlake, tu peux venir dès vingt heures trente si tu veux.

— Moonlake ?

Mince ! Je n'y avais pas pensé : il vivait vraiment de l'autre côté de la ville. Mes parents seraient sûrement d'accord pour que j'aille à cette soirée étant donné que c'était le week-end, mais jamais ils n'accepteraient de m'y accompagner et encore moins de venir me chercher. Je pouvais toujours envisager de m'y rendre en bus mais il y avait des chances pour qu'aucun ne m'amène directement chez lui et que je doive marcher plus d'une demie heure...

— Il y a un problème ?

J'ai pincé les lèvres.

— Je vis près de Silverwood... ça va être compliqué pour moi de venir.

L'inquiétude sur le visage de Cameron s'est envolée.

— Pas de problème, je passerai te chercher.

J'ai incliné la tête, étonnée.

— Comment ?

D'accord, il était riche, mais il était dans ma classe ce qui voulait dire qu'il avait le même âge que moi et donc qu'il était mineur.

— Je vais m'arranger. Fais moi confiance.

J'ai haussé un sourcil mais il n'en a pas dit plus. On a convenu que je devrais être prête à vingt heures sur le perron. J'ai accepté, impatiente de savoir comment il allait s'y prendre. Au fond de moi, je n'en revenais pas de ce qui se passait : en deux ans de lycée, je n'avais jamais assisté à plus de deux fêtes – toutes en petit comité – et voilà que je me retrouvais à être invitée d'honneur de la soirée chez Cameron Lee.

Si on me l'avait dit quelques semaines plus tôt, j'aurais attrapé un verre d'eau et recraché tout son contenu sur le sol en hurlant de rire. Comme quoi la vie était pleine de surprises.

________________________________

Hello les amis !

200 vues ? Mais c'est trop bien haha

J'adore tous les commentaires que vous laissez, je les lis avec avidité, j'avoue.

Si cette fiction vous plaît, n'hésitez pas à faire briller vos étoiles, à m'écrire pleins de petits commentaires et à partager !

En tout cas, merci ! Je suis trop contente hihi

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top