Chapitre 33 - L'angoisse monte d'un ton

            Une semaine a passé, puis deux, puis trois. Un mois. Les jours se sont écoulés dans une lenteur abrutissante. Chacun se succédant sans jamais se démarquer. Décembre est très vite arrivé, nous enveloppant dans son doux manteau blanc, givrant les branches des arbres, embuant les vitres des maisons, brouillant le ciel de nuages laiteux et tapissant le sol d'une neige immaculée.

Tout s'est passé dans un flou indistinct. J'avais l'impression d'être le personnage d'un film et que mon spectateur avait appuyé sur le bouton « avance rapide ». Sablier en main, je regardais les secondes s'égrener, au même titre que les minutes, les heures ou les semaines. Chaque grain de temps glissant entre mes doigts pour se perdre à mes pieds.

Les cauchemars avaient repris. Ils m'accompagnaient maintenant chaque nuit, rendant mon sommeil sinistre et mon repos agité. Neven n'était jamais réapparu. Il s'en était allé aussi brusquement qu'il était arrivé.

Personne ne comprenait son absence, personne n'avait de réponses et les questions s'accrochaient aux lèvres de chacun. Les rumeurs allaient elles aussi de bon train, passant de l'adolescent perturbé qui avait fugué au garçon modèle que le tueur avait enlevé.

Je redoutais que la deuxième hypothèse soit vraie. Et mon corps semblait y croire dur comme fer vu comment il réagissait à cette absence : j'avais perdu du poids depuis le début de l'année. De fine, j'étais devenue maigre et mes jambes évoquaient à présent plus deux bâtons fluets que des membres musclés, capables de me porter.

Lily n'en menait pas large non plus. Je l'avais d'abord jugée, quand elle s'était jetée sur moi à la rentrée, puis j'avais fini par la rejoindre dans notre tourbillon d'émotions toxiques. Heureusement, Cam, Kitty et Juliette me soutenaient du mieux qu'ils pouvaient. Mes parents, eux, n'avaient aucune idée de ce qui m'arrivait.

C'était à peine s'ils s'étaient rendu compte que j'avais la peau sur les os. Ils étaient bien trop occupés avec les nouvelles restrictions du Coven. Le troisième meurtre, planant au-dessus de nos têtes tout le mois de novembre, tel un orage grossissant qui n'avait fait qu'attendre de s'abattre sur nos corps fragiles, avait fini par éclater.

La nouvelle était tombée hier soir. Les cours n'avaient pas été annulés mais c'était la pagaille à la maison – et dans toute la ville d'ailleurs. Juliette et moi n'avions pas dormi de la nuit, hantées par les fantômes qui régnaient dans Silverwood car – comble de l'ironie – malgré la surveillance permanente du bois, le tueur avait perpétré son nouveau crime à côté de notre maison, encore une fois.

Il était très exactement cinq heures du matin, Juliette et moi partirions pour le lycée dans au moins quatre heures, mais nous étions debout, incapables d'éteindre la lumière, incapables de rester seules avec nos pensées lugubres et les images terrifiantes que nous avions vues défiler sur l'écran de la télé, montrant que le criminel reprenait le même mode opératoire que pour les autres filles.

Nous ne connaissions peut-être que très peu la pauvre adolescente qui s'était faite assassiner hier, il n'en restait pas moins qu'elle était morte à quelques mètres de chez nous, qu'elle avait mon âge et que les sorcières de la ville ne savaient plus quoi faire pour protéger les leurs.

Je crois d'ailleurs que si mes parents nous avaient congédiées la veille au soir, c'est parce qu'ils envisageaient de quitter le village pour un temps. Et pour une fois, j'étais tout à fait d'accord avec eux. C'était sûrement la meilleure option si nous ne voulions pas allumer un jour le téléviseur et découvrir le corps de Juliette au milieu des Ipomées Blanches.

— Tu n'es pas comme Lily, a insisté ma cousine, alors que je lui affirmais le contraire, recroquevillée dans mon lit.

— Bien-sûr que si ! Je suis aussi pitoyable. Je ne comprends pas ce qui m'arrive...

Nous faisions tout pour éviter le sujet fatidique : celui du dernier meurtre. Aussi, c'était mon état qui avait été élu « conversation la plus divertissante » et nous en parlions depuis près d'une heure. J'avais beau expliquer à Juliette que mon cas n'était pas mieux que celui de sa meilleure amie, elle niait sans même prendre le temps d'y réfléchir, ce qui me rendait folle.

J'étais en train de perdre les pédales, comme ma pire ennemie, sans aucun contrôle sur ce qui m'arrivait. D'accord, j'avais éprouvé des émotions très intenses pour ce garçon, mais cela n'expliquait pas mon état. Jamais je ne m'étais laissée autant aller. En fait, ce qu'il y avait de pire, c'est que j'avais l'impression que mon corps me lâchait.

Le mental était là, malgré la peur, j'étais prête à me battre pour obtenir mes réponses et à laisser Neven derrière moi. Mais mon organisme ne suivait pas. Plus les jours passaient plus ma condition s'empirait. Je perdais des kilos à la manière d'un arbre qui perd ses feuilles en automne et, même si je mangeais autant que je pouvais, j'étais incapable de les retrouver.

Bientôt, mon épuisement serait intenable et je ne pourrais plus me lever. C'était ce que je redoutais le plus.

— Lily voue une obsession bizarre pour Neven. Toi... c'est différent. Inexplicable. Si tu avais été une sorcière ou lui un sorcier, j'aurais dit que...

Juliette s'est tue, retenant les derniers mots qui ne demandaient qu'à s'échapper de sa bouche. Mon cœur a manqué un battement et je me suis redressée dans mon lit, obtenant pour seul résultat un superbe engourdissement qui m'a fait violemment tourner la tête.

— Tu aurais dit quoi ? ai-je demandé d'une voix ferme, ignorant ma faiblesse.

— Oublie. Je dis n'importe quoi. C'est la fatigue.

Je ne sais pas si c'est à cause de l'angoisse permanente qui s'accrochait à mes tripes, à ma fatigue due à mon manque de sommeil ou à mon énervement d'être continuellement mise à l'écart, mais je n'ai pas pu résister :

— Quoi Juliette ? Tu penses que je n'ai pas le droit de savoir ce qui m'arrive ? Tu penses que je suis interdite d'accès à toute histoire de la magie ? Ça te plaît de me traiter comme une moins que rien ? Ça t'aide à te sentir forte ? C'est ça ?

Mon ton était mauvais, mes yeux lançaient des éclairs. Je n'arrivais plus à me contrôler. Juliette a poussé un soupir d'indignation.

— Comment peux-tu dire ça ? Jamais je ne penserais une chose pareille ! C'est juste que...

— Que quoi ? Que je n'ai pas le droit d'en savoir plus ? Pourtant, sincèrement, si tu peux m'aider à comprendre ce qui m'arrive avant que je meure à cause de ma sous-nutrition, je t'assure que ça pourrait me servir.

Juliette m'a examinée un moment en silence, serrant les lèvres si fort qu'elles ne formaient plus qu'une fine ligne blanche, puis, ses épaules se sont soudain voûtées et j'ai compris, non sans émotion, qu'elle allait céder.

— Écoute, ce que je vais te dire est impossible : déjà parce que vous n'êtes pas des sorciers et ensuite parce que ce n'est qu'un vieux mythe dont personne n'a jamais eu la preuve qu'il était vrai. Mais... (elle a fait une pause, s'assurant que personne ne s'approchait de notre chambre et a poursuivi, sur le ton de la confidence) On dit qu'il existe dans le monde, des gens qui sont liés par la magie. Des gens qui, une fois unis, ne peuvent être séparés sous risque d'en mourir.

Un frisson m'a parcouru l'échine, ses paroles faisant échos à celles de Neven, quelques semaines auparavant. Je savais très bien de quoi parlait Juliette : les Adelphes. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Ça tombait sous le sens !

Ma cousine a continué :

­— Personne ne sait s'ils existent, on ne sait même pas comment ce lien est créé mais... Si c'était vrai, alors tu pourrais en être la preuve vivante : tous les symptômes sont là. Votre rencontre intense, vos sentiments incontrôlables et maintenant ça (elle a pointé mon corps squelettique du doigt). Tu t'éteins, Alya. Tu t'éteins à petits feux et je commence à croire que c'est parce que tu as besoin de la présence de Neven pour aller bien.

Ses paroles semblaient tellement fondées... Elles résonnaient en moi, profondément. Pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer :

— Ou peut-être que tu te trompes. Peut-être que je suis exactement comme Lily, que je voue une obsession malsaine pour Neven et que...

— Je t'arrête tout de suite : Lily parle non-stop de ce mec. Elle lui envoie des messages toutes les heures, regarde des photos sur son Insta, en a même imprimées dans sa chambre. Sa réaction est bizarre aussi, je te le concède, mais elle n'a rien à voir avec la tienne. Toi, tu ne parles plus de lui, parfois, j'ai même l'impression que tu l'oublies. Pourtant, ton corps ne suit pas. Tu ne contrôles rien sur ton état et...

Juliette n'a pas eu le temps de terminer sa phrase : mon père a violemment ouvert la porte de notre chambre, entrant en trombes, le visage marqué par l'anéantissement.

— Les filles, venez manger. Elena et moi devons vous parler.

Nous avons dégluti bruyamment. Ça ne disait rien qui vaille.

— Nous avons décidé de partir dans dix jours, a annoncé maman après que nous nous soyons installées.

J'ai cligné des yeux, surprise. Il y avait une différence entre penser que mes parents voudraient fuir et la fuite en elle-même. Face à nos airs ébahis, ma mère a repris :

— Nous n'avons pas trouvé d'autre solution. Les dix prochains jours, nous devrons assister à plusieurs réunions du Coven – dont une ce soir – pour que je puisse aider nos confrères et nos consœurs au mieux dans l'élaboration de leurs sorts de protection. Puis, une fois mon travail terminé, nous partirons.

J'ai été prise d'un vertige. Qui aurait pu croire que cette situation était possible ? Dans dix jours, nous quitterions Ryneshire pour échapper à un tueur sanguinaire qui s'en prenait aux jeunes sorcières. Cela me semblait tout simplement impensable, inimaginable, impossible.

Et pourtant c'était en train d'arriver.

— Tu rentreras seule ce soir, Alya. N'hésite pas à manquer ton dernier cours si ça peut te permettre de partir avant la nuit. Reste enfermée à la maison et n'ouvre la porte sous aucun prétexte. C'est compris ?

J'ai hoché vigoureusement la tête, la peur engourdissant mes sens. Si je devais rentrer avant la tombée de la nuit, je devrais louper au moins deux cours. Mais ce n'était pas grave, il était hors de question pour moi de traverser Silverwood seule au milieu de l'obscurité.

J'ai promis à mes parents de suivre leurs ordres et ils nous ont accompagnées, Juliette et moi, au lycée. Il n'y avait presque personne aujourd'hui. Kitty était aux abonnés absents – ses parents avaient refusé qu'elle sorte – et Cameron ne semblait pas plus autorisé qu'elle à venir.

J'ai foncé dans ma classe et me suis assise à ma place, au fond. Le cours a rapidement commencé, nous n'étions que huit à y assister. La fatigue s'est rapidement abattue sur moi et je n'ai pas pu résister : posant mon front sur ma paume, j'ai fait mine de lire ma leçon en fermant les yeux, épuisée.

En temps normal, Cam m'aurait maintenue éveillée. Mais aujourd'hui, il n'était pas là. Rapidement, la voix du prof s'est émoussée et le ronronnement du sommeil l'a remplacée, m'engloutissant dans un nouveau cauchemar.

***

— Allez ma petite sorcière, donne-moi ton nom. Nous y sommes presque.

Je connaissais bien la voix de la dame au sari à présent. Et pourtant, même si j'y étais habituée, elle me terrifiait toujours autant. Je n'aurais su dire pourquoi. Elle ne m'avait jamais touchée, ne m'avait jamais fait de mal.

Mais je savais, je sentais au fond de moi, qu'elle inspirait le danger et la crainte. Elle a avancé ses longs bras drapés dans ma direction, l'étoffe écarlate virevoltant dans la brise. Même en plissant les yeux, j'étais toujours incapable de discerner les traits de son visage.

— Lai... Laissez-moi, ai-je murmuré, la peur effaçant ma voix.

— Une fois que tu m'auras donné ton nom, sorcière.

J'ai serré les poings. Je ne devais pas lui dire mon nom. Nous en étions toujours au même point. Pourtant, aujourd'hui, il manquait quelque chose : la terre ne répondait pas. En temps normal, elle me tirait à elle, m'empêchait de rester dans cet endroit sinistre. Aujourd'hui, elle était inerte, insondable.

Elle ne m'aiderait pas à fuir, ai-je fini par comprendre.

— Donne-moi ton nom ! a répété plus fort la dame au sari.

Et soudain, une veloute d'air a fait plier le champ de fleurs, traçant un chemin dans ma direction et me frappant de plein fouet. J'ai trébuché. Ai tenté de reculer, mais le vent m'en a empêché.

Un rire a retenti au loin.

— Eh bien, eh bien, il semblerait que tu ne sois pas protégée aujourd'hui, ma chère sorcière.

La peur a redoublé dans mes veines : elle avait raison. J'étais seule. Je ne m'étais jamais sentie aussi vulnérable face à cette femme. Quelque chose clochait.

— Voilà qui va rendre ma tâche bien plus facile ! a-t-elle poursuivi.

Mon cœur s'est mis à battre à cent à l'heure. Que se passait-il ? Comment pouvais-je fuir ? Je n'avais jamais eu à le faire par mes propres moyens ! La dame a répété, d'une voix puissante, emplie de magie. Je ne sais pas comment, mais je pouvais voir la magie qui s'échappait de chacun de ses mots, les entourant d'un halo sombre.

— J'ai dit : DONNE-MOI TON NOM !

Son ordre est parti comme une flèche, et m'a frappée si fort que j'en ai perdu l'équilibre. J'ai lutté pour tenir debout mais mes muscles ont lâché et je me suis effondrée dans le champ de fleurs. Mais ce n'est pas le pire : la demande formulée par la femme s'est mise à grimper sur mes bras, elle a glissé dans mes vêtements, longé ma poitrine pour s'enfoncer brusquement dans ma gorge.

Et soudain, j'ai été prise d'une brûlante envie de lui révéler mon nom. Ma conscience m'a crié de me taire, de ne rien dire, de garder les lèvres closes, pourtant, ma voix n'a pas suivi. J'ai senti les lettres se lier dans ma bouche, les voyelles s'associer aux consonnes sur ma langue et, sans que je puisse le contrôler, j'ai dit :

— Je m'appelle Al...

***

BAM !

C'est le bruit assourdissant qu'a fait ma tête en tombant sur ma table. Je me suis réveillée en sursaut et ai découvert des regards curieux plantés sur moi.

— Madame Clarke, je sais que les temps sont durs mais j'aimerais pouvoir assurer ma classe tranquillement. Pourriez-vous vous tenir un minimum, s'il vous plaît ?

J'ai senti la totalité de mon visage s'empourprer et j'ai marmonné des excuses pitoyables, complètement éveillée, à présent. La honte ! Je venais de m'endormir en cours ! Frottant mon front douloureux, je me suis promis de me montrer plus concentrée le reste de la journée.

Arrivée à quinze heures, j'ai demandé au prof si je pouvais partir plus tôt et il m'a laissé faire sans me demander la moindre explication. Après tout, j'avais l'air d'un zombie en cours de transformation et je vivais au milieu d'une forêt meurtrière. Il aurait fallu être malade pour refuser mon départ anticipé.

J'ai quitté le lycée au pas de course, et essayé de parcourir le plus de distance hors de Silverwood. Mais au bout d'une vingtaine de minutes, je n'ai pas eu d'autre choix que de m'y enfoncer. Montant le volume de ma musique au maximum dans mes écouteurs, j'ai avancé à une allure rapide, tentant d'emprunter tous les raccourcis que je connaissais pour éviter d'entrer dans le cœur de la forêt.

J'en avais tout un tas : depuis le début des meurtres sataniques, j'avais dû traverser ce bois plus d'une fois, mais j'avais finalement toujours réussi à m'arranger pour que Cameron me raccompagne. Cette pensée m'a fait réaliser que c'était la toute première fois que je rentrais seule depuis Halloween. Mon cœur s'est affolé encore un peu et j'ai accéléré la cadence, courant à moitié.

Je devais rester calme : le soleil était encore haut dans le ciel et j'allais bientôt arriver, je n'avais aucune raison de perdre mon sang froid. Je parcourais le dernier morceau du chemin, la dernière ligne droite, quand ma musique s'est coupée l'espace de quelques secondes, le temps de passer à la chanson suivante et qu'un bruit a retenti derrière moi. Immédiatement, je me suis immobilisée, mon sang se glaçant dans mes veines.

C'était sûrement le pire réflexe de la terre entière, mais je n'ai pas pu le contrôler. La peur m'a pétrifiée sur place. Les mains moites, j'ai cherché dans ma poche mon téléphone et ai débranché le fil de mes écouteurs pour couper le son, tous les sens aux aguets.

C'est le silence qui m'a répondu. Le silence, et le martèlement saccadé de mon cœur, qui battait à tout rompre. J'ai attendu, paralysée au milieu des arbres, d'avoir la preuve que quelqu'un me suivait. J'ai attendu plusieurs minutes sans rien dire, la gorge fermée, la poitrine vide et les poils hérissés.

Rien ne s'est produit.

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé avant que je reprenne peu à peu le contrôle de mon corps. Enfin, mes muscles se sont ramollis, le chant des oiseaux et les bruits de la vie m'aidant pour beaucoup. Après ce qui m'a paru une éternité, j'ai fini par réussir à bouger et je me suis lentement retournée, cherchant à m'assurer qu'il n'y avait personne, que j'étais parano.

Lorsque j'ai enfin regardé en arrière, un profond sentiment de soulagement m'a envahie : grâce à la neige, aucune ombre ne pouvait m'échapper et je n'en voyais pas de suspecte. J'étais bel et bien seule.

Enfin c'est ce que je pensais.

Jusqu'au moment où j'ai pensé à baisser les yeux. Ce que j'ai découvert alors m'a épouvantée : tout autour de mes pas, s'inscrivaient des empreintes. Des empreintes différentes des miennes, trop larges, trop grandes, trop lourdes...

Trop fraiches.

Je n'avais pas rêvé. Quelqu'un m'avait suivie. Et ce quelqu'un s'était approché très près, trop près. Plus je baissais la tête, plus je me rendais compte de la proximité qui s'était instaurée entre moi et l'inconnu. Quand je suis enfin arrivée à mes propres pieds, j'ai réalisé qu'il s'était avancé à moins d'un mètre de distance. La panique a explosé à nouveau dans mon ventre et cette fois, j'ai pris mes jambes à mon cou. Envolé mon état de paralysie terrifié, envolée ma fatigue, envolées mes faiblesses.

J'ai couru comme une dératée jusqu'à ma maison. Arrivée à la porte, les doigts tremblants, j'ai attrapé ma clé. J'ai cru entendre un bruit de pas derrière moi, étouffé par la neige, et le souffle dans ma gorge s'est coincé.

Par des gestes maladroits, j'ai manqué deux fois de rentrer la clé dans la serrure. Les pas se sont rapprochés. L'horreur m'a engloutie. Dans un dernier espoir, j'ai enfoncé l'outil dans le verrou, par miracle, il s'y est introduit. Sans attendre, j'ai déverrouillé la porte, tourné la poignée puis me suis engouffrée dans la maison et ai claqué derrière moi, m'écroulant sur la paroi de tout mon long.

Quelques secondes plus tard, les planches de la terrasse ont grincé. Je me suis levée en chancelant, me suis assurée que tout était verrouillé, puis me suis dirigée droit vers la cuisine et, sans plus attendre, j'ai vomi tout ce que j'avais avalé aujourd'hui dans l'évier.

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