Chapitre 3 - Une rencontre imprévue

On est arrivés dans la salle assez vite et mon cœur est resté derrière, coulant dans les escaliers aussi abondamment que ma déception. Lily était en tête, collant aux basques du grand Neven qui continuait à marcher de sa démarche hypnotisante. C'était quand même dingue de se dire qu'il lui avait fallu à peine un mois hors cursus scolaire pour devenir le tombeur de ces dames.

Je levai les yeux au ciel.

Quand le prof nous a ouvert la porte, j'étais prête à me jeter au fond de la pièce pour me reclure dans un coin sombre où personne ne verrait que j'existais. Hélas, le vieux bonhomme nous a arrêtés, prononçant les quelques mots que je détestais le plus au monde :

— Attendez, c'est moi qui vais dire qui s'assoit où.

Une vague de gémissements nous a traversés et j'ai eu la nausée. Sérieusement, il ne manquait plus que je sois à côté de Lily pour m'achever. Plaquant mes mains sur ma bouche, je me suis maudite de n'y avoir ne serait-ce que pensé, de peur d'avoir provoqué le mauvais sort.

— Elisabeth Adams à côté de Neven Arsher, là, au fond à droite.

À ces mots, un soulagement et un agacement intenses se sont abattus sur ma tête : j'avais eu la chance de ne pas me faire insulter par le destin, cependant, contrairement à moi, Lily était en train de vivre sa meilleure vie. Aussi, je ne pouvais pas pleinement savourer notre séparation.

Je l'ai vue se contrôler pour ne pas sauter au plafond en entendant le prof. Une frustration sans bornes m'a envahie car je savais très bien qu'elle allait profiter de son bonheur pour me faire vivre un véritable cauchemar et que je ne pourrais pas répliquer, étant donné qu'elle avait obtenu tout ce qu'elle voulait en seulement une matinée, contrairement à moi.

Les noms se sont succédés dans cette bonne ambiance et mon tour a fini par arriver :

— Cameron Lee et Alya Clarke au fond, au centre.

À la réception de cette nouvelle, je me suis retrouvée partagée : d'un côté, j'avais été placée derrière – ce qui n'était pas si mal –, d'un autre, ça me rapprochait dangereusement de mon ennemie jurée. Cette rentrée promettait d'être divertissante au moins.

— Salut à toi, camarade ! m'a lancé Cameron Lee en me faisant un clin d'oeil.

Lui aussi était un canon à sa manière, avec ses yeux en amande, ses cheveux noirs et son teint mat. Kitty l'avait admiré pendant des années depuis notre recoin sombre en salle de permanence. Aujourd'hui, elle s'était bien calmée. Elle ne m'avait pas dit pourquoi, mais j'avais cru comprendre que c'était en rapport avec une nouvelle cible qu'elle ne m'avait pas encore révélée.

Je lui ai adressé un sourire en le suivant vers l'arrière de la salle.

— Bonjour, l'ami.

Le garçon s'est arrêté devant notre table. Il m'a tendu sa main et, refusant de passer pour une personne rancunière – parce que oui, j'avais été dans sa classe en seconde et qu'il paraissait l'avoir complètement oublié –, j'ai lancé la mienne pour taper dedans. Malheureusement, je me suis tellement précipitée que j'ai frappé trop fort, mes doigts ont dépassé les siens avant de tomber sur son épaule.

Pour tout avouer, je n'étais pas du genre tactile. Cela ne voulait pas dire que j'étais timide, loin de là, je n'étais juste pas à l'aise en ce qui concernait les interactions physiques avec des êtres vivants. Et là, Cameron Lee ne pouvait que s'en rendre compte.

Mine de rien, j'ai ramené mon bras contre moi et il a éclaté de rire :

— Bah dis donc, t'en as de la force.

— Ouais, je sais, ça contraste avec ma silhouette de brindille.

Il a hoché la tête en se frottant l'épaule – faisant mine de souffrir de mon coup – et on a fini par s'asseoir. Évidemment, j'ai fait en sorte qu'il se place à ma gauche et Lily s'est démenée pour que Neven s'asseye à sa droite, comme ça, nous avions établi une distance de sécurité entre nous.

— Très bien, parlons du sujet qui fâche : votre diplôme, déclara le prof, une fois assuré que tout le monde l'écoutait.

Aussitôt, mon attention et celle de Cameron Lee se sont déconnectées de l'estrade. À cet instant, je me suis rendue compte à quel point le prof avait fait une erreur en plaçant deux cancres l'un à côté de l'autre.

Mon voisin s'est tourné vers moi pour me murmurer d'un air particulièrement sérieux, comme s'il me demandait quels seraient mes derniers vœux avant de mourir :

— Dis, tu trouves pas que le prof ressemble à un Oompa Loompa ?

J'ai plissé les paupières pour me concentrer sur le principal concerné et là, je l'ai vu, c'était frappant. Le vieil homme rabougris était tassé sur lui-même, ne dépassant pas le mètre soixante, il avait des sourcils en accents circonflexes et un nez en flèche, le tout conclu par une fossette au menton, c'en devenait effrayant tant c'était ressemblant.

— Oh non, c'est vrai, ai-je soufflé, hilare.

— Ouais, j'arrête pas d'y penser depuis qu'il s'est présenté dans la cour mais j'ai pas pu en parler, ça me démangeait.

Je me suis couvert la bouche pour cacher mes gloussements.

Après ça, la conversation était engagée et malgré le passage gênant de tout à l'heure, Cameron Lee était tellement à l'aise que je ne pouvais que suivre le rythme. On a débattu sur plein de sujets. On s'est demandé s'il fallait bannir la réglisse des paquets de bonbons, ce qui nous a entraînés à nous demander si on devait dire le ou la réglisse. Puis on est partis sur d'autres questions, toutes plus marrantes les unes que les autres.

À la fin de l'heure, je n'arrivais plus à me départir de mon sourire carnassier et Cameron Lee semblait déterminé à reporter notre conversation à plus tard au lieu d'y mettre un terme. On s'est levés quand le prof a quitté la salle et il m'a glissé à l'oreille :

— Tu sais, je fais une fête pour la rentrée vendredi. Si ça te dit, tu peux venir.

En temps normal j'aurais refusé. Pour deux raisons très simples : il y aurait Lily et ce serait chez Cameron Lee. Mais maintenant que j'avais appris à connaître le fameux Cameron Lee et qu'il avait réussi à me faire rire une heure sans m'arrêter, j'avais changé d'avis.

— Pourquoi pas ? ai-je répondu.

Il m'a décoché un nouveau clin d'oeil et m'a adressé un signe de la main avant de s'éloigner.

— Tiens moi au courant, de toute façon on sera à côté après-demain.

Comme d'habitude, le mardi était consacré à l'installation des plus jeunes élèves dans le lycée. Nous, les dernières année, bénéficions donc d'un jour de repos supplémentaire et reprenions les cours le mercredi. J'ai souri de plus belles.

— Ouais, je te le dirai !

Il s'est éclipsé de la salle après un énième clin d'oeil et je me suis retrouvée seule, mon sourire idiot toujours plaqué aux lèvres.

— Bah alors, la petite Alya s'est trouvé un amoureux ?

La voix venimeuse de Lily a perturbé ma bonne humeur. Je me suis tournée juste à temps pour la voir dépasser Neven Arsher et se poser devant moi, appuyant son coude sur la place que Cameron Lee occupait quelques minutes avant.

Son regard mauvais a enclenché immédiatement mon mode peste et j'ai répondu :

— Non, je crois pas, je me suis fait un ami, c'est tout. Toi en revanche, on dirait que tu t'es trouvée une nouvelle proie à coller comme de la glu. (je me suis penchée pour rencontrer le regard de Neven Arsher) Je suis désolée, ma copine a sûrement développé un fort intérêt pour ta petite personne. Mais ne t'inquiète pas, dès qu'elle trouvera mieux, elle changera d'avis.

Je lui ai fait un clin d'oeil et le beau garçon a haussé un sourcil. J'ai vu les épaules de Lily se tendre et sa mâchoire se contracter. Bingo, j'avais touché dans le mille.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, Alya. La prochaine fois, contentes toi de faire ce que tu sais faire le mieux : prendre du retard et échouer.

Qu'est-ce que j'avais dit ? Lily terminait tous nos affrontements en me jetant mon absence d'éveil à la figure. Je me suis renfrognée, ai attrapé mon sac et, juste parce que je ne trouvais rien de mieux, j'ai contourné la table pour passer entre elle et Neven.

— Excuses moi, tu peux me laisser de la place pour sortir ?

Lily s'est légèrement écartée et je lui ai adressé mon sourire le plus antipathique.

— Merci, mon petit pot de glu.

Elle a poussé un petit cri d'indignation et a croisé les bras alors que je la dépassais, si bien que, sans le faire exprès, elle m'a poussée vers Neven. J'ai trébuché maladroitement, me suis rattrapée in extremis mais Neven a quand même réagi, plaçant rapidement ses mains autour de ma taille pour m'empêcher de lui tomber dessus.

Automatiquement, un choc électrique m'a traversée. C'était à la fois étonnant et merveilleux, comme un flot d'énergie lumineux qui m'enveloppait, une sorte de bain de puissance qui me protégeait du monde extérieur. Mon souffle s'est coupé. J'ai sursauté, me suis immédiatement décollée de Neven et il a planté ses yeux dans les miens.

Je me suis perdue dans ses iris grises, affichant une expression impénétrable. Il a froncé les sourcils et moi, je n'ai pas bougé d'un pouce, comme hypnotisée. Sans pouvoir le contrôler, ma main s'est levée dans sa direction et s'est approchée de son visage. J'éprouvais un besoin irrépressible de le toucher, de réinstaurer le contact que nous venions de perdre, de me laisser de nouveau engloutir par cette sensation magique qui venait de m'emplir.

Je ne pouvais me délivrer de son regard, j'avais l'impression que nous avions établi une connexion étrange, impossible à défaire.

— Non mais je rêve ? T'es vraiment en mal d'amour, Alya, s'est indignée Lily derrière.

Sa voix m'a réveillée. J'ai cligné des paupières, rompant le lien, et me suis écartée encore un peu du garçon, cachant ma main derrière mon dos. Non mais qu'est-ce qui m'arrivait ? J'étais folle ou quoi ? Neven a soudain tendu son bras vers moi, comme s'il voulait me rattraper mais j'ai tourné la tête, effrayée par ce qui venait de se passer.

— Euh, non, n'importe quoi, ai-je rétorquée maladroitement.

J'ai voulu m'éloigner et ai de nouveau trébuché, sentant la brûlure que laissaient les yeux de Neven dans ma nuque et j'ai fait volte face vers la sortie, le cœur battant la chamade.

— C'est ça, va-t'en ! s'est exclamée Lily.

Pour une fois, je l'ai écoutée et me suis enfuie sans demander mon reste, l'estomac en vrac et les nerfs en boule. Non mais qu'est-ce qui m'avait pris ? D'accord, je voulais bien le concevoir, ce mec était beau comme un dieu. Il avait des cheveux en bataille, tellement foncés qu'ils apparaissaient bleus, un teint du même acabit que le mien – sans les cernes évidement, ceux-ci m'étaient apparemment exclusivement réservés –, des yeux gris perçants, un nez droit et une mâchoire carrée parfaitement dessinée.

Donc oui, je n'étais pas aveugle. J'avais éprouvé cette attirance qu'il suscitait chez un peu tout le monde. Mais ce que j'avais fait tout à l'heure... Ce lien que j'avais voulu créer... C'était totalement différent. C'était une impulsion, une nécessité, une force supérieure qui me poussait à le toucher.

— Non mais t'es complètement malade ?

J'ai attrapé ma tête entre mes mains et ai accéléré le pas pour m'éloigner encore un peu plus de la classe. Vivement que je fasse mon éveil, moi aussi ! J'étais persuadée que ce petit manège était en rapport avec la magie qui circulait dans mes veines. D'un côté, c'était plutôt positif, c'était certainement une preuve que je n'étais pas humaine, d'un autre, c'était étrange parce que je n'avais jamais entendu parler de telles connexions.

Peut-être étais-je défectueuse ? Peut-être avais-je besoin d'aspirer l'énergie des humains pour avoir des pouvoirs ? Ma nausée s'accrût.

Bon sang ! J'espérais sincèrement que j'allais finir par le faire, ce foutu éveil et que toutes ces questions me déserteraient au moment où j'aurais la preuve que j'étais une sorcière normale.

Si j'étais une sorcière normale...  

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Hello les amis !

J'espère que vous allez bien !

Juste un petit message pour vous remercier : 100 vues en seulement 4 jours ! Oh là là mais c'est trop méga super geniaaaal !

Bon du coup, j'espère que cette histoire va vous plaire parce que moi, je l'adore déjà.

Je vous fais de gros bisous,

Ellecey

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