Chapitre 28 - La chasse aux sorcières

Hello les amis !

J'espère que vous allez bien ! 

Je suis désolée pour ce temps d'attente mais je suis en ce moment en train de me noyer sous une tonne de devoirs en pleine période de fêtes - je vous laisse imaginer le résultat. Je fais quand même au mieux pour vous pondre des petits chapitres, c'est quand même Noël !

Sinon, petit message aussi pour vous remercier : on a atteint les 3k vues, je suis juste tellement touchée ! N'hésitez pas à aimer, commenter et partager, vous n'imaginez pas combien ça m'aide et ça m'encourage ! C'est vous qui donnez vie à Alya et pour ça, je ne vous en serai jamais assez reconnaissante. 

Je vous souhaite une bonne lecture, de merveilleuses fêtes et vous envoie plein d'énergie,

Baci, Ellecey (ou Léa pour les intimes)

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— On prend du lait d'amandes ou du lait de soja ? s'est enquise Juliette.

— Lait de soja ! ai-je crié depuis le rayon des sauces.

Je me suis concentrée sur la liste que je tenais entre mes mains en fronçant les sourcils : mon père avait une écriture désespérante et je devais vraiment procéder à un travail de déchiffrage pour le comprendre.

J'aurais aimé que le nouveau statut de ma cousine – qui consistait en une espèce grandement protégée n'ayant droit à aucune sortie solitaire – nous ait permis d'échapper à la corvée des courses. Malheureusement, Elena Clarke n'était pas dupe : elle nous avait amenées en voiture et nous attendait sur le trottoir, nous laissant nous occuper de cette tâche ingrate.

C'est en me frottant une énième fois les yeux que j'ai soudain réalisé que Juliette n'avait pas répondu. J'ai brusquement relevé la tête : nous nous trouvions au milieu de la petite épicerie du quartier et, même s'il n'y avait pas grand monde qui vivait à Ryneshire, il fallait croire que la totalité du village avait décidé de se donner rendez-vous à la supérette du coin pile aujourd'hui.

Mon souffle s'est coincé dans ma gorge tandis que la peur affluait. Et si, pendant le court laps de temps où je ne lui prêtais pas attention, quelqu'un en avait profité pour me la ravir ? Serrant les poings autour de la liste de courses, j'ai tourné la tête dans tous les sens, guidée par la panique.

Je m'apprêtais à hurler son nom malgré la vingtaine de personnes qui m'entourait lorsque sa voix a éclaté à quelques centimètres de mon oreille :

— Ça va pas, Alya ? Tu fais une drôle de tête.

Prise de court, j'ai poussé un petit cri de stupeur, ai sauté sur quelques centimètres, me suis cognée l'épaule à une étagère et ai fait tomber une marée de conserves à mes pieds.

— Juliette ! Tu m'as fichu une de ces frousses !

Tentant de calmer les battements irréguliers de mon cœur, j'ai posé une main sur ma poitrine pendant que Juliette se baissait afin de rattraper les dégâts que j'avais causés par sa faute. Après quelques secondes pour me remettre, je me suis accroupie à son côté, lui venant en aide.

Alors que je ramassais une des dizaines de boîtes encore dans la nature, ma cousine m'a administré un petit coup de coude pour attirer mon attention.

— Dis, Alya. J'étais sérieuse en te posant cette question. Depuis les trois derniers jours, tu n'as vraiment par l'air dans ton assiette. C'est à cause d'Amber, c'est ça ?

Entre autres, à cause d'elle, à cause de la sécurité de Juliette qui était menacée et aussi... Parce que Neven ne m'avait pas répondu. Je ne savais pas bien quoi penser. Non pas qu'il ne m'ait pas prévenue : son avant dernier message stipulait clairement qu'il ne serait pas joignable... Mais quand même !

Un meurtre avait été commis à quelques mètres de chez moi, et même si je n'avais pas fait mon éveil et que je n'étais pas la cible numéro une des humains adeptes de magie noire, je n'étais pas naïve au point de me dire que je ne risquais rien. J'étais à peu près certaine qu'un groupe addict au pouvoir de la nuit avait de grandes chances de me trouver très appétissante s'ils en venaient à apprendre ma vraie nature...

La seule façon pour moi de garder mon calme, en ce moment, c'était en me répétant que je n'avais pas terminé mon éveil : ma mère m'avait clairement dit que ce qui les intéressait, c'était les sorcières aguerries. Moi, je n'en étais pas une, tout du moins pas complètement. Je devais donc, d'une certaine manière, être protégée... non ?

Hélas, malgré ces belles paroles, le doute persistait.

— Ne me dis pas que c'est à cause de Neven ou de Cameron Lee, a soudain chuchoté Juliette alors que nous nous relevions pour ranger les conserves en rayons.

J'ai ouvert les yeux en grand sous le coup de la surprise. Ça l'a fait sourire.

— Oh allez, arrête de jouer les innocentes. Je sais qu'il se passe un truc, l'ennui, c'est que je n'ai pas encore deviné avec lequel des deux.

Ma cousine était bien plus observatrice que je ne l'aurais cru. Mal à l'aise, je me suis raclé la gorge pour me donner contenance. Que pouvais-je bien lui dire ? Je me voyais mal lui révéler toute l'histoire de sorciers de la nuit et des Adelphes. Surtout pas dans un lieu public. Mais en même temps... j'avais besoin de me confier sur le comportement de Neven.

J'ai donc décidé de lui avouer une version de la vérité, légèrement modifiée.

— Tu as raison. C'est avec Neven, ai-je soufflé.

Juliette a laissé s'échapper de ses lèvres un cri d'excitation.

­— TU SORS AVEC NEVEN ARSHER ?

Plusieurs têtes se sont tournées dans notre direction et, horrifiée, je me suis jetée sur ma cousine pour lui enfermer la bouche entre mes mains.

— Juliette !

Elle a levé les yeux au ciel, l'air de dire : « on s'en fout, ils sont tous vieux ». Je l'ai fusillée du regard.

— On ne sait jamais qui peut t'entendre. En plus, ce n'est pas la vérité, on s'est juste embrassés.

La jeune fille a repoussé mes doigts pour s'écrier plus fort encore :

— VOUS VOUS ÊTES EMBRASSÉS ?

Cette fois, je suis devenue rouge comme une tomate et j'ai décidé de battre en retraite. Attrapant ma cousine par le bras, je l'ai entraînée vers le fond du magasin pour nous protéger des oreilles indiscrètes.

Heureusement, elle m'a suivie docilement. Mais dès que je me suis arrêtée, elle a embrayé :

— Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? Et pourquoi tu n'es pas dans ton assiette ?

Je me suis massé les tempes, déjà fatiguée à l'idée de devoir lui confier tous ces détails, surtout sachant que je devais dissimuler le sujet le plus important : la communauté de la nuit. Prenant une profonde inspiration – surtout pour préparer mon argumentaire et mes petits mensonges par omission – j'ai fini par raconter à Juliette que nous nous étions embrassés le dimanche de l'exposé, puis je lui ai dit qu'il m'avait proposé de sortir avec lui mais que j'avais préféré attendre avant de terminer sur son silence radio.

A la fin de mon récit, elle devait se tenir à la porte réfrigérée du rayon surgelé pour garder l'équilibre.

— Je n'en reviens pas. Il s'est passé tout ça et je ne suis au courant de rien ? Pourquoi tu as gardé le secret ? C'est pas cool !

J'ai haussé les épaules en lui adressant un sourire désabusé.

— Eh bien, on peut dire que tu n'as plus beaucoup de temps à donner, avec tes cours de magie et le lycée. Et puis, tu es amie avec Lily et Lily est...

— À fond sur Neven, a complété Juliette.

Ses yeux se sont emplis de compréhension et elle m'a brusquement prise dans ses bras, m'enfermant dans une étreinte chaleureuse.

— Mais, qu'est-ce que tu...

— Alya... tu es ma cousine, ma sœur ! Jamais je ne te trahirais, pas même pour ma meilleure amie. Je sais qu'avec Lily vous vous détestez, mais ça ne veut pas dire que je prends le parti de l'une ou de l'autre. Et ce n'est pas parce que j'ai fait mon éveil et pas toi que nous ne jouons plus dans la même cour ! Je sais ce que c'est d'être exclue, rappelle-toi qu'il y a encore deux mois, nous vivions cette galère ensemble ! Alors au lieu de tout garder pour toi, parle-moi ! Je suis la mieux placée pour te comprendre et tu le sais.

Ses paroles précieuses ont fait monter mes larmes. Je ne m'étais pas rendu compte d'à quel point j'avais besoin de les entendre jusqu'au moment où elle les avait prononcées. Ses mots étaient doux, avaient un goût sucré qui fondait sur la langue et une aura chaleureuse qui faisait brûler ma poitrine de tendresse.

Elle ne l'avait peut-être pas réalisé, mais depuis son éveil, Juliette avait changé. Elle avait mûri. Jamais elle ne m'aurait pondu ces phrases magnifiques en septembre, jamais elle ne m'aurait accordé toute cette attention.

Ce constat m'a fait regretter toute la jalousie que j'avais nourrie à son égard ces derniers temps : je m'étais tellement focalisée sur moi que j'avais oublié le plus important. Juliette était heureuse, Juliette était devenue une sorcière et s'accomplissait en tant que telle. J'aurais dû prendre le temps de me réjouir pour elle et avec elle.

En le comprenant, je l'ai serrée plus fort dans notre étreinte.

— Je suis désolée.

— De quoi ? a-t-elle demandé, l'air sincèrement perdu.

Prenant mon courage à deux mains, j'ai continué :

— De ne pas avoir été une grande sœur digne de ce nom : tu as fait ton éveil en septembre et je ne t'ai jamais félicitée. Je me suis enfermée dans ma jalousie alors que toi, tu prenais le temps de t'ouvrir parce que tu savais quelle souffrance je ressentais. C'était égoïste de ma part et j'ai honte de moi.

Juliette s'est légèrement écartée pour me regarder dans les yeux.

— Tu n'as pas à t'excuser. Je comprends totalement.

Et voilà comment nous avons passé plus d'une heure au rayon surgelé de la supérette de Ryneshire, à nous confier l'une à l'autre. Ma cousine m'a avoué combien elle détestait devoir me dissimuler les secrets du monde magique et m'a rassurée sur ma relation avec Neven : elle était persuadée qu'il ne m'ignorait pas mais que ses parents lui avaient confisqué son téléphone.

Nous avons ensuite parlé d'Amber et Juliette a fondu en larmes. Elle se sentait coupable car elles s'étaient éloignées quand la jeune fille était devenue amie avec Lily et les autres filles populaires. Elle se rendait compte à présent combien toutes ces histoires de collège étaient ridicules et avait honte de ne pas avoir été là pour elle, surtout maintenant qu'elle était morte.

J'ai fait de mon mieux pour la consoler, puis maman nous a appelées, nous hurlant dessus parce qu'elle en avait marre d'attendre. On a alors pressé le pas, terminant nos courses en vitesse avant de rejoindre la voiture.

— Non mais sérieux les filles ? Vous avez trouvé l'armoire qui menait à Narnia ou quoi ? a beuglé Elena.

Juliette et moi avons échangé un regard complice dans le rétroviseur avant d'éclater de rire. Une douce sensation de bonheur m'a empli les veines et je me suis baignée dedans, savourant chaque seconde de cette journée banale qui s'était transformée en un moment merveilleux.

Maman n'a pas posé plus de questions, comprenant que c'était personnel. Elle s'est focalisée sur la route pour nous laisser un semblant d'intimité mais je l'ai vu afficher un grand sourire. Elle était touchée. Entre Juliette et moi, ça n'avait pas toujours été facile.

D'abord jalouse de son arrivée car elle prenait toute l'attention de mes parents, c'était elle ensuite qui m'avait jetée comme une vieille chaussette, à la période du collège, où elle s'était liée d'amitié avec Lily Adams. Jusqu'à l'été dernier, elle n'avait cessé de me voir comme une ratée. Puis il y avait eu son éveil et de nouveau, la roue avait tournée, faisant de moi celle qui la rejetait inconsciemment, rongée par la jalousie comme je l'étais.

Aussi, ce moment de complicité devait la toucher au moins autant que nous : pour la première fois, nous décidions d'enterrer la hache de guerre. Comme si, rattrapée par l'âge, nous avions laissé derrière nous nos enfantillages et avions enfin décidé de nouer de vrais liens.

Maman a tourné le bouton du volume et This Christmas de Donny Hathaway nous a caressé les oreilles. Nous avons gloussé : c'était comme ça à Ryneshire, dès le lendemain d'Halloween, l'atmosphère prenait un virage à cent-quatre-vingt degrés et nous passions des monstres aux lutins sans véritable transition.

C'était ce qu'il y avait de plus magique. Car la fête des morts étant sûrement la période la plus angoissante de l'année chez les sorcières, Noël était accueilli comme notre grand sauveur qui nous réconciliait avec le monde.

Tout en chantant les paroles à tue-tête, maman a appuyé sur l'accélérateur pour foncer dans les champs, faisant défiler leur dépouille brunâtre adaptée à la saison. Nous étions presque arrivées à Silverwood lorsqu'un embouteillage s'est formé sur la route, devant nous.

— Euh, c'est quoi ce délire ? a demandé Juliette.

Nous ne pouvions hélas pas lui répondre : c'était une question qu'on partageait toutes. Il n'y avait jamais de bouchons devant le bois car peu de gens y habitaient et encore moins s'y aventuraient sans autre raison que par nécessité.

— Peut-être de nouveaux journalistes ou des touristes venus voir la scène de crime ? ai-je hasardé.

Ma mère a froncé les sourcils.

— Ça fait quand même cinq jours, c'est bizarre. Surtout qu'il y a vraiment beaucoup de monde, là.

Elle avait raison. Résidant au beau milieu de Silverwood, nous avions vu pas mal de gens passer, mais le flot avait déjà commencé à se tarir et surtout, ils ne se trouvaient pas au bon endroit. Amber avait été assassinée à l'autre bout de la forêt, à l'est.

C'est alors que le conducteur devant nous est descendu de son véhicule et nous avons reconnu le directeur Singer, du collège de la ville. Mon sang s'est figé : ce n'était définitivement pas des touristes qui s'étaient donnés rendez-vous, et ça ne me disait rien qui vaille.

Maman devait penser la même chose car, sans attendre, elle a débranché les clés du moteur.

— Ne bougez pas d'ici les filles, et n'ouvrez à personne.

Sa remarque m'a mis la chair de poule.

— Quoi, mais qu'est-ce que tu racontes ? Quel est le problème ?

Dans mon dos, Juliette a émis un gémissement. Je me suis brusquement retournée pour la trouver en larmes.

— Juliette ! Ça va ?

Mon cœur battait à tout rompre. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Ma mère a pincé les lèvres en me regardant puis s'est tournée vers la forêt et a pris sa décision. Ne m'accordant aucune autre précision, elle a répété d'un ton dur :

— Tu n'ouvres à personne Alya et tu ne sors surtout pas, c'est compris ?

Sous le coup de la panique, je n'ai pu qu'hocher vigoureusement la tête face à sa voix autoritaire. Elle nous a lancé un dernier regard, à Juliette et moi, avant de sortir et de verrouiller derrière elle.

Rongée par l'inquiétude, je me suis glissée maladroitement entre les deux sièges pour m'asseoir à côté de ma cousine et prendre ses mains entre les miennes.

— Hé... ai-je soufflé pour la rassurer, tout va bien, tu es avec moi, tu ne risques rien, d'accord ?

Juliette n'a pas répondu, son visage était d'une pâleur inquiétante et soudain, son corps s'est retrouvé secoué de spasmes incontrôlables. Je me suis mordillée la lèvre, désorientée par sa réaction si brutale que rien n'expliquait.

— Ju, explique-moi, je t'en supplie. Je comprends rien, là...

Enfin, ma cousine a posé sur moi ses yeux tourmentés et a révélé d'une voix hantée :

— Alya, les sorciers peuvent ressentir la vie en chaque être, leur énergie...

Ça, je le savais plus ou moins. Mais, ayant trop peur qu'elle s'arrête si je le disais, je me suis contentée d'acquiescer, une expression encourageante plaquée sur le visage. Ses mains se sont alors serrées autour des miennes, si fort que mes os ont craqué.

— On ne peut pas ressentir quelqu'un qui est mort, ça ne fait pas partie de nos talents. Mais...

Sa phrase s'est effilée, comme si ses dents lui barraient le passage.

— Mais ?

Les larmes ont redoublé sur ses joues quand elle a enfin expliqué :

— Mais on ressent la vie, quand elle quitte le corps d'une de nos sœurs. Une sorcière est morte Alya, je le sens. 

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