Partie 12 : Huit clos stellaire

https://youtu.be/JsKQtvIqF2o

Précédemment dans L'évadé :

"Sans que je puisse anticiper ses prochaines actions, Taehyung attira avec hargne l'autre débile contre lui et se mit à l'embrasser à pleine bouche devant mon expression choquée, au bord de la crise nerf.

Bien entendu, ce fut ce moment que choisit ce maudit Taehyung pour me faire un grand signe de la main, tandis que l'autre posait toujours ses sales pattes sur le corps de l'angelot."


Sans le moindre bruit de ma part et plus rapide que je ne l'avais jamais été, je me faufilais avec hâte derrière ce fichu ordinateur qui grâce à cette douteuse distraction n'était pas verrouillé.

Transpirant la nervosité, je tentais de me concentrer malgré les bruits de bouches et petits gémissements en tout genre.

Heureusement, les dossiers étaient soigneusement rangés par catégorie. Cet endroit était étonnamment organisé pour un bordel. Cependant un problème persistait, les icones se comptaient par centaines et le temps m'était déjà compté. Le souffle court, je gardais malgré-tout mon sang froid, parcourant un à un les différents documents en priant pour tomber sur un élément concret avant que l'autre gugus ne se lasse de son échange torride avec mon compagnon de fortune.

Malgré l'urgence de la situation, mon œil ne put s'empêcher de glisser vers les deux autres et en chemin, capturer les orbes de Taehyung qui me détaillait déjà. Et je ne savais plus si je devais ressentir un puissant agacement ou une troublante fascination face à ce spectacle.

Le voir m'observer ainsi avec cette aura séductrice sublimée par cet air dominant, alors même qu'il dévorait la bouche d'un autre, c'était beaucoup à encaisser. Et une fois de plus, je réalisais à quel point ce garçon avait plus de facettes que je ne pouvais en compter.

Un geste bref de sa part et je compris que j'étais sur le point de tout faire foirer.

Replongeant dans mes recherches jusque-là infructueuses, je retins un cri lorsque je reconnu un nom, celui du mandataire financier du Conseil. La preuve était là, étalée sur quelques pixels en de petits caractères noirs. Ma connaissance de l'administration gouvernementale était suffisamment pointue pour que je sois sûr de moi : le document que j'avais sous les yeux prouvait que c'était bel et bien le Conseil qui à un rythme trimestriel injectait des fonds dans cet immondice.

Nuls codes ou lignes cryptés. Il ne se cachait de rien. Sans doute, car il se pensait intouchable.

Ecœuré par ma découverte, je ne pus malgré-tout m'attarder sur mon pauvre sort.

Sans savoir ce que j'allais en faire, je me servis de mon saki pour télécharger les informations dont j'avais besoin en priant pour que ce crétin ne veuille pas se détourner de Taehyung pendant ce laps de temps.

Il y avait peu de risque.

Au moment où le téléchargement s'acheva je vis la tige amorcer un mouvement, signe qu'il voulait changer de position. J'écarquillais les yeux, mais fort heureusement notre Eros de la soirée reprit le dessus et tira violemment sur son haut pour le maintenir contre lui.

Souhaitant coûte que coûte mettre fin à ce désastre visuel, je m'extirpais du bureau et me ruait jusqu'à ma précédente cachette en y attendant Taehyung.

L'instant d'après celui-ci se détacha de sa proie pour enfin amorcer sa fuite. En voyant l'angelot à l'œuvre, il n'existait plus de terme plus adéquat pour décrire l'autre crétin.

« Je dois te laisser mon joli. Il va finir par se douter d'un truc et puis je dois retourner à mes devoirs, son petit oiseau m'attend. » Osa-t-il déclaré dans un clin d'œil.

Lorsque son visage me fit de nouveau face, je ne pus cacher mon désarroi face à son comportement. Il semblait absolument fier de lui tendis que moi je bouillonnais de l'intérieur.

« Sérieusement ? Tu ne pouvais pas trouver autre chose que de lui rouler une pelle magistrale en prenant le risque qu'il te rejette ! Et puis c'était quoi ça, hein ?

-Ne réagis pas comme ça, monsieur tout carré tout propre sur lui ! Quoi ça ?

-Tes histoires de précoce et puis...Et puis le petit oiseau ! Tu voulais juste te moquer de moi, c'est ça ? »

Mon ton était froid et accusateur et je sentais que ça le désarçonnait, mais je n'y pouvais rien. Il n'avait qu'à pas me repousser dans mes derniers retranchements lui et ses paroles moqueuses. Lui et son comportement indécent.

Sans que je puisse le voir venir Taehyung me poussa une première fois, sans conviction. Ma colère et mon incompréhension ne purent avoir le temps de s'exprimer qu'il me poussait une seconde fois, cette fois-ci en prenant davantage d'élan. Décontenancé, j'attrapais ses bras pour l'immobiliser, mais le relâcha à l'instant même où sa peine vint m'exploser en pleine figure.

« Mais moi je ne sais pas ce que t'as dans le caleçon ! »

Ce commencement d'explication aurait pu être comique si sa voix n'avait pas tant tremblé, la gorge sans doute nouée par la déception que lui inspirait ma personne.

« J'étais dans mon rôle, c'est tout. C'est tout ce que je sais faire ! Je...J'ai fait ce qu'il faut pour te donner les réponses dont tu avais besoin. Je ne pensais pas que tu me le reprocherais. »

Même si je m'en voulais, j'étais trop fière pour me prosterner devant lui. Alors les lèvres pincées je m'excusais platement, mais sans doute trop sobrement au regard de mon comportement immature.

Pourtant son large sourire, ce sourire si communicatif qui avait illuminé la deuxième partie de mon périple, prouva que ma retenue ne l'empêcha pas de me pardonner. Cette bonté du cœur me réconforta tout autant qu'elle m'exaspéra lorsque je me fis violence pour ne pas lui rendre son sourire.

Finalement et d'un commun accord nous reprîmes notre expédition, mais pour cette fois-ci suivre le chemin inverse, en direction de la sortie. L'ascenseur était là, parfaitement visible au bout du couloir que nous venions d'emprunter. Nous allions enfin partir de ce lieu nauséabond, celui qui représenterait à jamais le regard nouveau, plus sombre, que je portais désormais sur le monde.

Cependant le destin déjoua nos plans, le destin ou notre manie à se mettre trop souvent dans le pétrin. Alors que seulement quelques mètres nous séparaient de la fin de cette escapade cauchemardesque, un jeune chevalier sortit de l'une des chambres dans le sens inverse de nos pas, mettant à mal une tentative quelconque d'évitement.

Bientôt, l'étranger et notre duo nous toisions. Intrigué pour l'un, statiques pour les autres.

« Bonsoir. »

Lorsqu'il s'adressa à nous, le petit brun mal fagoté ne sembla guère se soucier de sa semi-nudité, les bras nonchalamment croisés sur son torse frêle.

Face à notre mutisme, l'homme se rapprocha un peu plus et après nous avoir adressé quelques regards insistants, il poursuivit, pas le moins du monde dérangé d'entamer un monologue.

« C'est sympa de voir des nouveaux. Ça faisait un bail que je n'avais pas pu profiter de nouveaux visages...Et de corps. Dis-moi chevalier, il se nomme comment l'autre petit mignon ? »

Dos au mur, j'affrontais à présent ce que j'avais le plus redouté lorsque Taehyung m'avait partagé ses plans pour la première fois. On voulait lui faire du mal, ça se voyait et je ne savais plus comment agir. Nous étions si proche de la sortie que j'hésitais à directement intervenir en prenant le risque de créer un esclandre propre à nous faire repérer.

Le chevalier prit mon hésitation comme une invitation puisque sous mon œil assassin, il s'avança vers nous pour venir caresser la mâchoire de Taehyung.

Mon poing me démangeait, mais ce furent les dents de Taehyung qui entrèrent les premières en jeu quand elles mordirent la main qui l'avait agrippé sans son consentement.

Quel cran ! Ce garçon forçait définitivement mon admiration.

« Petite raclure, je vais t'apprendre à te rebeller moi ! »

Cette énergumène tenta de lui assener une gifle mais ma prise sur son poignet l'en empêcha, lui broyant rapidement les os au passage.

La soirée était déjà bien avancée, j'avais eu mon lot de mésaventure et je pouvais presque sentir ma patience s'effriter.

Dans un geste qui se voulait possessif, mon bras s'enroula autour de la taille de Taehyung pour le ramener contre mon torse, mon autre main s'occupant de pousser de toute mes forces le pervers nous faisant face.

J'entendis un bref « je sais me défendre tout seul idiot », mais dans ma rage n'y prêta guerre attention.

« Mon nom de famille est Jeon donc à moins d'être complétement fou, je te conseille de t'éloigner de nous et de ne surtout pas essayer de me froisser. Je veux que tu t'excuses auprès du charmant jeune homme à mes côtés. Tout de suite »

L'expression de son visage parlait pour lui, il était effaré par ma demande. Mais il était effrayé aussi, pur constat, car la peur faisait passer sur ses traits une véritable onde de choc.

Il n'y avait aucun honneur à profiter de la renommée de ma famille, mais je préférais encore compromettre mon nom dans ce genre d'endroit, quitte à en venir une seconde fois aux mains avec un autre chevalier plutôt que de livrer en pâture Taehyung.

Ce n'était même pas négociable.

« Pardon. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. »

Satisfait mais surtout perdu dans l'enchainement des événements, je me précipitais vers la première chambre que je rencontrais, Taehyung toujours accroché à mon bras et l'autre type me zieutant désormais avec crainte.

Par je ne savais quel miracle, la poignée que j'abaissa me permit d'ouvrir la porte et en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, nous nous retrouvions tous les deux dans une chambre vide, mais d'une ambiance saisissante.

Une porte se fermait pour en laisser une autre s'ouvrir vers un univers presque hypnotique. La chambre n'était pas immense, mais elle disposait d'un incroyable éclairage, des lumières bleutés projetant des étoiles par milliers, partout, sur les murs, au plafond, des planètes et des bouts de ciels omniprésents.

La peau de Taehyung s'était mue en une constellation d'étoiles aux mêmes carnations que sa chevelure océanique.

Il ne fallait cependant pas s'y tromper, ce bordel était un cadeau empoisonné. Un emballage particulièrement reluisant, mais à la substance nauséabonde, aussi putride que les hommes qui en profitaient.

« Jungkook ! Oh oui Jungkook c'est trop bon ! »

A peine avais-je fait le tour de la chambre que mes observations furent interrompues par des exclamations obscènes, des vulgarités qui me tordaient l'estomac lorsqu'elles étaient associées à mon prénom.

Taehyung était agglutiné à la porte, l'oreille collée à la surface plane et poursuivait sa petite mascarade en multipliant les gémissements et petites plaintes à demi-étouffées.

« Arrête tes sottises par pitié ! Quel est ton problème sérieusement ? L'endroit te monte à la tête c'est ça ? »

En partant à ce point dans les aigues ma voix avait craqué, mais je ne m'en formalisais plus. La chaleur que je sentais émaner de mon visage m'empêchait de maintenir une quelconque crédibilité.

Devenu silencieux à la suite de mon intervention, Taehyung se décolla légèrement de la porte avant de se rapprocher de moi de façon à pouvoir se faire entendre malgré ses chuchotements.

« Réfléchis un peu, il faut qu'on soit crédible. Imagine que ce mec ne soit pas loin et qu'il nous écoute. Faut bien donner un peu de sa voix. »

Lorsqu'il insista sur ses derniers mots tout en m'offrant un regard sans équivoque, je compris rapidement où me menait son plan diabolique.

« Hors de question. Je ne ferais aucun bruit. Aucun, tu m'entends ?

-Ça va, ne t'énerves pas ! Fallait que je tente le coup, tu ne peux pas m'en vouloir. Juste laisse-moi faire encore un peu et on sera peinard. »

Doutant du bienfondé de ses desseins, je ne discutais cependant pas sa demande, bien heureux de ne pas avoir été impliqué.

Les minutes qui suivirent furent les plus longues de ma vie, alors que le silence se faisait ponctuer par de « plus fort, oui là » par-ci, et de « tellement bon Jungkooook » par-là. Pour ma part, je m'étais immédiatement saisi de deux oreillers pour les plaquer de part et d'autre de ma tête, incapable d'assumer les paroles crues de Taehyung.

Après un temps que j'estimais largement suffisant, je vins stopper l'angelot dans son scabreux monologue alors qu'il me tendait un pouce en l'air tout en s'éloignant doucement de l'entrée.

Debout l'un en face de l'autre, nous nous contentions de laisser retomber la pression, chacun perdu dans ses pensées même si notre attention semblait focalisée sur le visage de l'autre.

Sans doute pour nous sortir de notre torpeur respective, ce fut Taehyung qui reprit la parole en premier.

« Merci de nous avoir tiré de là.

-Non. Ne me remercie pas d'avoir utilisé un nom souillé pour te sauver d'un chevalier malveillant, ça n'a aucun sens. » Crachais-je en m'asseyant sur le lit, le visage incliné vers le sol.

Désormais, ce nom me brûlait la langue lorsque je le prononçais. Il était tant respecté dans l'ordre et ça me donnais la gerbe maintenant que je comprenais ce sur quoi s'était construit mon héritage.

Taehyung s'avança pour me faire de nouveau face, lui debout et moi avachie sur le bord du matelas, mais mon regard buta sur son pantalon, indifférent à ce qu'il trafiquait.

« Tu ne trouves pas qu'il fait chaud ? »

Mon menton se releva pour le voir dénouer son foulard d'une manière qui donnait l'impression que le tissu commençait réellement à l'étouffer.

La paume de ma main essuya la moiteur de mon front et clignant brièvement des paupières, je réalisais que sa remarque n'était pas dénuée de sens.

« Non tu as raison, c'est une fournaise cette chambre » Répondis-je en me relevant pour retirer ma veste d'uniforme.

Etrange, la lourdeur de l'air me faisait quasiment suffoquer, mais la sensation restait grisante. Mon corps flottait presque, comme si mes sens étaient engourdis dans du coton.

« Waouh je ne m'étais jamais rendu compte à quel point tu étais...Tu étais musclé. »

Me fixant d'une drôle de façon, Taehyung passa le bout de ses doigts sur le creux de mes cernes, lentement, plongé visiblement dans une réflexion des plus sérieuse.

« Et tes yeux aussi. Tu as de beaux yeux verts. »

Taehyung enroula sa grande main autour de mon biceps et je le laissais me tripoter, trouvant le contact de ses doigts particulièrement agréable contre la peau laissée dénudée par mon t-shirt noir.

« Et moi je me suis toujours demandé ce que tu faisais aves tes cheveux. »

Ma main passa doucement entre ses mèches bleutées, m'attardant sur les petits cheveux bordant sa nuque.

« Parce qu'ils sont si doux, c'est dingue... »

Peut-être était-ce l'ambiance surréaliste de la pièce ou encore le contexte, j'étais confus, mais sur le moment tous ces gestes me parurent naturels. Pire, je ressentais le besoin d'agir ainsi, mué par un désir fou de profiter de la présence ensorcelante de mon angelot.

Ses amandes rivées vers mon torse, l'index de Taehyung vint retracer avec minutie le trait séparant mes deux pectoraux, fasciné je crois par leur forme qu'il pouvait distinguer à travers mon vêtement.

« Je me sens bizarre Taehyung. » Bredouillais-je le cœur lourd et le corps complètement détraqué par son attitude.

Hors de tout contrôle, je le laissai faire lorsqu'il passa ses mains graciles dans mon dos, les faisant glisser de mes omoplates jusqu'au creux de mes reins. Ses doigts s'y cramponnèrent fermement, s'enfonçant presque dans ma chair.

A la fois honteux et fébrile, je m'accrochais à ses épaules tandis que mon nez vint caresser son cou, humant avec délice son odeur entêtante ; mélange de sa sueur et de son parfum naturel.

Bordel.

« J'avais oublié de te dire... » Pouffa-il à mon oreille en frôlant mon lobe de ses lèvres humides.

J'ignorais la sensation que ce simple effleurement provoqua en moi pour l'écouter, pendu à la moindre de ses paroles.

« Dramor m'en avait parlé. »

Il resserra ses bras autour de ma taille, et ma respiration se bloqua en sentant son bassin faire pression contre le miens.

« Ces cons diffusent un tas de phéromones dans l'aération des chambres. Ce n'est pas considéré comme de la drogue, mais ce sont de puissants aphrodisiaques. »

Sa voix profonde et grave était pareille à la plus douce des mélodies, et je pensais déjà à la manière dont j'allais le balancer sur ce lit pour le laisser me guider dans des plaisirs que je n'avais jamais connus. Cependant et à mon plus grand désarrois, l'information qu'il venait de me livrer finit par cheminer jusqu'à mon cerveau, me percutant un peu trop violemment à mon goût.

Ma réaction fut épidermique lorsque je repoussais vivement Taehyung, tellement que celui-ci bascula pour s'étaler dos au matelas. Il semblait décontenancé, mais c'était mieux ainsi. Personne n'était en état de faire quoique ce soit. Et malgré cette petite voix, celle qui me soufflait que ce rapprochement fût voulu, loin de toutes manipulations hormonales, je la repoussais d'un revers de main, conscient désormais du chemin dangereux que prenait mes agissements.

« Nous ne sommes pas dans notre état normal, on devrait se calmer. »

Taehyung voulu, je le crois, protester mes dires, mais je ne lui en laissais pas l'occasion, tirant sur les draps du lit en lui ordonnant de s'y allonger et de s'endormir. Nous étions trop épuisés pour partir maintenant au beau milieu de la nuit et rejoindre à pied la voiture dans cet environnement hostile.

La porte de la salle de bain attenante claqua et enfin je pus souffler. Ma douche (froide) avait été bref, mais lorsque je revins auprès de Taehyung, celui-ci était déjà profondément endormi. Il était tellement emmitouflé dans les couvertures que seul le haut de son crâne m'était visible.

La nuit était à son apogée, mais sa quiétude ne voulait pas m'emporter, moi et pensées obsessionnelles. Au point où j'en était, je m'étais couché dans ce lit, avec ce garçon, mais veillant à respecter une distance raisonnable entre nos deux corps.

Mon emportement précédant m'avait ouvert les yeux.

Cet angelot aiguisait mes sens. Il faisait vibrer ma corde sensible ; une partie de moi que j'avais volontairement fait taire jusqu'à aujourd'hui.

Il me plaisait, tout simplement.

Cependant cette vérité n'était pas celle qui me faisait trembler de désespoir, empêtré dans les draps et auprès de lui, imprégné de cette ambiance pesante et de son odeur réconfortante.

Jusqu'à ce que le silence ne m'enveloppe, Taehyung avait été l'ultime distraction, la seule chose qui m'avait permis de ne pas faire face de suite à ma réalité. Mais alors que j'observais le ciel au travers de la fenêtre ouverte, l'amas d'évènements et de désillusions ainsi cumulés en si peu de temps me revenaient en pleine figure, m'arrachant au moindre espoir de repos.

L'enveloppe fragile de mon cœur se compressa puissamment et mes yeux papillonnèrent, en lutte perpétuelles pour ne pas relâcher le liquident qu'ils contenaient. Le flot de mes tourments m'emportait loin, de plus en plus ravageur, rendant ma respiration difficile, saccadée. Je me redressais, haletant et griffant mon torse nu comme si la douleur que je m'infligeais me permettait de reprendre mon souffle.

Emprunt à une soudaine terreur, je me relevais d'un bond presque délirant, tandis qu'une pensée foudroyante me poussa à me saisir de ma dague rangée soigneusement dans un coin de la chambre.

Venant me poster devant la fenêtre grande ouverte, la brise nocturne me fit frissonner sans pour autant me calmer. Malgré mon état, ce fut en pleine possession de mes moyens que j'attrapais une première mèche de cheveux pour la couper d'un geste rageur, comme pour me nettoyer de toute cette souillure, celle que je sentais s'incruster sous ma peau.

Auparavant, l'ordre, le conseil et moi ne faisions qu'un. Ils étaient mon tout et dans ce moment singulier enclin au désespoir, je priais et voulais crier pour m'en détacher.

Les mèches tombèrent une à une au sol et formèrent bientôt un halo sombre autour de mon corps, une première larme s'étant vicieusement échouée le long de ma joue pendant le processus.

Le poids sur ma tête s'allégea, mais j'étais toujours aussi lourd de l'intérieur, appesantit d'une culpabilité et d'une rage envers la naïveté de ma constitution.

Voulant effacer les traces de ma bêtise je brandis ma dague, la pleine lune se reflétant alors dans le tranchant de ma lame. Soulagé de pouvoir me détacher d'une marque que je pensais indélébile, je retirais à la hâte mon t-shirt et le jeta sans considération sur la place que j'avais laissé vide sur le matelas.

Avec lenteur, mais détermination, j'approchais la pointe de mon arme au niveau de mon cœur, le contact du métal sur ma peau me procurant presque une sensation de réconfort.

Cependant une voix rocailleuse me coupa dans mon action, m'empêchant ainsi de mettre à l'œuvre mes ambitions.

« Non ! »

Mon corps fit volte-face et malgré la présence de Taehyung assis sur le lit, le bras tendu vers moi et les yeux écarquillés par la peur, je voulu parachever mon désir de destruction.

« Ne suis-je qu'un idiot fini ? Est-ce que tout ça en vaut la peine ? »

Hurlant ces mots, ma main s'actionna et une première coupure vint strier les contours de mon tatouage, celui placé sur mon pectoral gauche. Sur le moment la douleur m'était étrangère, amoindrie par celle qui faisait vriller mes perceptions, à l'intérieur de moi.

Le sang coulait le long de mon buste, mais cette vision m'était indifférente. Plus encore, je voulais réitérer un geste que j'estimais salvateur ; un geste qui effaçait dans son sillon les stigmates d'un temps révolu.

Ma dague frôla à nouveau ma peau, mais elle glissa de mes doigts lorsque Taehyung se jeta sur moi, tirant de toute ses forces sur mon bras droit.

Parce que je ne voyais plus rien, mis à part le fantôme de mes aspirations passées.

Parce que je relâchais tous les sentiments négatifs que mon éducation militaire m'avait empêché d'exulter.

Je n'eus aucun scrupule à repousser l'angelot avec force, qui à cause de sa position bancale finit par retomber sur son fessier à même la moquette.

Nerveux, je lui tournai le dos sans pour autant chercher à récupérer ma dague, simplement désireux de ne pas croiser la pitié dans son regard.

« Je ne cherchais pas à me faire du mal, pas vraiment. Juste...Je voulais retirer cet insupportable tatouage.

-Que-

-C'est le tatouage des chevaliers aspirants. Alors même que je n'étais qu'un fœtus dans le ventre de ma mère, mon père m'avait déjà destiné à suivre ses pas. Contrairement à mes camarades qui ont attendu leur entrée dans l'académie, j'ai été contraint à me faire tatouer l'écusson de ma famille le jour de mon dixième anniversaire. »

Une salamandre.

« Ça...Ça craint.

-J'en était fière jusqu'à peu...Jusqu'à toi. »

Tout était de son fait.

C'était sa faute et uniquement sa faute si le voile avait été levé. Je ne savais plus si je devais le remercier ou le haïr, l'adorer ou juste le jeter en pâture au Conseil et tout oublier égoïstement.

Je ne savais plus rien. Je n'avais jamais sus finalement.

Les muscles de mon dos se crispèrent lorsque je sentis les doigts volages de Taehyung le parcourir, comme si nous partagions déjà ce genre d'intimité. Mon ouïe n'avait pas été capable de percevoir ses déplacements, le bourdonnement dans mon crâne étant suffisamment puissant pour avoir étouffé mes perceptions.

« Je ne te permets pas. » Soufflais-je sur la défensif.

-Elles viennent d'où toutes ces cicatrices Jungkook ? »

Encore une fois je n'osais esquisser le moindre mouvement, mais cette fois-ci pour une raison différente. Cette question n'en était pas vraiment une, je pouvais sentir la colère dans les intonations orageuses de sa voix.

Mes poils s'hérissèrent à la seule idée qu'il pouvait s'inquiéter pour moi. Que quelqu'un dans ce bas-monde le fasse réellement, et non pas sous le simple prétexte que j'étais le fils prodigue, celui qui amènerait une prospérité quelconque au cercle familiale.

« Jungkook ?

-Mon père. C'est un homme intransigeant, il...C'était quelque part sa façon de me montrer que je comptais pour lui, que j'étais important. Oui...C'était sa façon de m'aimer. »

Le silence nous engloutit et je regrettais ma confession à la seconde où elle m'avait échappé. Tout ceci allait trop loin, nous ne pouvions partager ce genre de choses.

Mais qui ne voulait pas d'un confident ? Taehyung était cette personne. Il était là, à m'écouter d'une oreille attentive, le visage déformé par l'inquiétude. Tout cela était peut-être factice, mais l'occasion était trop belle ; trop tentante.

Prêt à m'enfuir de cette fichu chambre, car motivé par la peur du rejet, je sursautais vivement lorsque deux bras vinrent m'entourer et que son torse chaud se colla à mon dos parsemé de cicatrices. Des reliures blanches témoins d'un passé pas si lointain.

« Pour montrer à quelqu'un qu'il compte pour nous, on lui fait un câlin. On ne le blesse pas. Ce que tu me décris-là n'était pas de l'amour. Murmura-t-il en plaquant sa joue contre mon omoplate.

-Lâche-moi ! »

Je ne le voulais pas.

« Tu ne m'apprécie même pas et je ne veux pas de ton insupportable pitié ! »

Bon sang je me détestais.

J'exécrais le trémolo de ma voix. Un tremblement qui trahissait l'état lamentable dans lequel j'étais, alors que Taehyung ne voulait pas m'abandonner, contrairement à tous ceux qui l'avaient fait avant lui.

« Tu confonds pitié et compassion imbécile. Et attachement aussi. »

Il avait marmonné sa dernière phrase, mais elle ne m'échappa guère.

« Tu ne comprends vraiment rien...Tu as ... Ouais, tu as l'intelligence émotionnelle d'une moule ! »

J'allais protester, mais il resserra sa prise autour de moi et se mit à me bercer doucement contre lui, alternant de petites caresses apaisantes sur mon ventre et quelques baisers à la dérober sur la peau de mon dos.

J'avais atteint les limites de ma tolérance et je ne pouvais plus passivement endurer. Quelque chose s'était brisée en moi et il me permettait, entre les quatre murs de cette chambre isolée du monde, de montrer ma peine et d'extérioriser mes démons.

Alors assez logiquement mon corps finit par lâcher prise.

Mes jambes flanchèrent et Taehyung eu juste le temps de nous allonger sur le lit avant que je n'explose en larme dans ses bras, comme l'enfant que je n'avais jamais été.

« Chut ça va aller...Et puis t'es aussi beau avec tes cheveux courts t'inquiètes... » me souffla l'angelot en caressant mes mèches raccourcies, ne se plaignant pas une seule fois de ma prise un peu trop brusque autour de son corps.

Sa bienveillance m'atteignit plus profondément encore et mes pleures redoublèrent, sonores. Et je chouinais, criais, maudissait le moindre aspect de ma vie et lui ne me jugea pas, à aucun moment, sans infléchir un seul instant ses attentions envers moi.

Le temps m'était passé au travers, aussi je ne sus à quel moment je m'endormis au creux de ses bras, dans une chaleur qui je le savais me manquerait à la seconde où je devrais la bannir, retournant au vide mon vieil ami.



« Prépare-toi. Nous devons partir. »

Ma conscience s'était extirpée du royaume des songes aux aurores, si ce n'est un peu plus tôt. J'avais réfléchi, beaucoup. D'abord dans le confort de son corps contre le miens, nos jambes entremêlées. Puis la tête plus froide, sur le fauteuil faisant face au lit, l'observant dormir un oreiller enfermé dans ses bras fins.

Ma main s'accrocha aux draps et les tira d'un coup vif, faisant râler celui qui profitait de leur chaleur.

« Jungkook, laisse-moi dix minutes encore. » Geignit-il de son visage bouffi que je trouvais, malgré mes nouvelles résolutions, adorable.

-Nous sommes encore loin d'Alesia, nous ne pouvons plus traîner.

-Je pensais que...

-Je suis désolé Taehyung. Je le suis vraiment, mais je dois accomplir ma mission. Peu importe la raison de ta venue, je ferai de mon mieux pour te protéger une fois là-bas. Cependant, rien n'a changé. Si je dois consacrer ma vie à la réformation de notre système je le ferai, mais pour ça je dois faire bouger les choses de l'intérieur. »

Ma voix était restée difficilement stable, surtout en détaillant l'expression de purs désarrois émanant de Taehyung. Pour l'instant, il me dévisageait sans rétorquer quoi que ce soit.

Tu étais merveilleux. Et la haine que tu semblais me vouer à présent me détruisait plus que de raison. Seulement mon devoir ne pouvait plus attendre.

« Pardonne-moi. »

💙💙💙💙

Hey me revoilou !

Je vous présente ma partie préférée jusqu'à maintenant, je pense que vous savez pourquoi 😇

Qu'en pensez-vous ? :)

Alors voilà, ceci était la dernière partie que j'avais rédiger à l'avance. Il faut désormais que j'écrive les trois dernières parties du tome 1.

Voilà pourquoi je devais faire ma petite annonce.

En avril, je participe à une sorte de camp d'écriture qui permet d'écrire beaucoup durant le mois. Je vais en profiter pour écrire ces parties à la suite, mais aussi d'avancer sur mon thriller Taekook, "Hunt".

MAIS du coup il faudra sans doute être un peu patient avant d'avoir la suite parce que je tiens à tout rédiger d'une traite pour des questions de cohérences.

Je veux vous offrir du contenu de qualité héhé (un minimum).

Alors soyez patient mes loulous et on se retrouve malgré-tout le plus vite possible!

Prenez soin de vous 💙

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