Chapitre 40. Épilogue

Elara

Quand mes paupières s’ouvrent, je suis encore engourdie, prisonnière de cette lourdeur qui m’écrase depuis des heures.
L’incident avec Jordan…
Ses mots me hantent, s’impriment comme une brûlure dans mon esprit. Je me force à respirer calmement, mais mon cœur refuse de ralentir.

Il fait encore nuit, la pénombre m’enveloppe, mais une faible lumière perce à travers les rideaux.
L’air est lourd, presque étouffant, et je lutte pour m’éveiller complètement.

Puis, je l’entends.

Une respiration, discrète mais bien présente, quelque part dans la chambre.

Mon corps se fige instantanément. Je ne bouge pas, retenant mon souffle. Un frisson me parcourt l’échine. Pendant une fraction de seconde, j’imagine que c’est Lyzé, qui se serait endormie sur la chaise.
Ça lui ressemble, non ?
Toujours à veiller sur moi, à rester jusqu’à s’écrouler d’épuisement.

Mais un doute me saisit.

Ce n’est pas elle.
Je le sens.

Ma gorge se serre alors que je glisse une main tremblante jusqu’au pendentif. La pierre, froide contre ma peau, pulse faiblement, émettant une lumière à peine visible.
Ce n’est pas normal...

Doucement, avec précaution, je me redresse. Mes muscles protestent, encore tendus de fatigue et d’angoisse, mais je ne peux rester immobile.
Il faut que je sache.

Quand je tourne la tête, mon regard tombe sur une silhouette assise au sol, juste à côté du lit.

Je pousse un cri, incapable de le retenir.

Kael.

Il est là.

Son nom éclate dans mon esprit comme une détonation. Mon cœur s’emballe, ma respiration se coupe, et je reste figée face à lui. Ses cheveux noirs sont en bataille, des mèches violettes tombent sur son visage...

Il dort, la tête appuyée contre le matelas, son visage crispé comme s’il luttait contre des cauchemars.

« Kael… » je murmure, mais ma voix tremble trop pour qu’il m’entende.

Mon cri l’a tiré de son sommeil. Il ouvre les yeux lentement, son regard mauve se posant sur moi, d’abord confus, puis alarmé.

Quand nos regards se croisent, il bondit sur ses pieds avec une vivacité féline, comme un animal sur le point de fuir ou d’attaquer. Mais au lieu de s’éloigner, il se rapproche de moi.

Je n’hésite pas.

« Kael ! »

Je tends les bras sans réfléchir, et il s’y réfugie, m’enserrant avec une force désespérée.
Une vague de chaleur m’envahit, effaçant toute trace de peur ou d’hésitation. Les larmes coulent avant même que je puisse les retenir, des sanglots saccadés brisant ma voix.

« Tu es là… Tu es vivant ! »

Il ne répond pas, mais je sens son souffle contre mon cou, brûlant, tremblant. Ses bras autour de moi sont fermes, protecteurs, comme s’il avait peur que je disparaisse.

Et alors, sans réfléchir une seconde de plus, je l’embrasse.

Mes lèvres trouvent les siennes dans un élan que je ne contrôle pas, un besoin viscéral de m’assurer qu’il est vraiment là, qu’il est réel.
Il répond aussitôt, sa bouche pressée contre la mienne avec une fièvre qui me coupe le souffle.

Son baiser est intense, sauvage, chargé de tout ce qu’il n’a pas pu dire. Ses mains s’accrochent à mes hanches, et je m’abandonne à lui, à cette proximité qui balaie tout le reste.

Mais alors que mes doigts glissent dans son dos, je me fige.

Sous mes mains, je sens quelque chose de froid, rugueux...
Des os.

Je recule légèrement, rompant le baiser, et mes yeux se posent sur...
Des ailes.
Je n’arrive pas à comprendre ce que je vois, ce mélange d’os saillants et de peau abîmée. Elles sont repliées, mais leur présence est impossible à ignorer.

« Kael… »

Il ferme les yeux, son front venant se poser contre le mien.

« C’est une longue histoire… » murmure-t-il d’une voix rauque, presque inaudible.

Je reste immobile, incapable de parler, mon esprit tourbillonnant d’une centaine de questions.
Mais pour l’instant, rien d’autre ne compte que lui...

Il est là.

Et je ne le laisserai plus jamais partir.

La chaleur des bras de Kael m’entoure, et je m’accroche à lui comme si le reste du monde n’existait plus. Une partie de moi ne peut s’empêcher de penser que tout ça pourrait être un rêve.

Après tout ce qui s’est passé, est-il vraiment possible qu’il soit là ?

Son souffle caresse ma nuque, et sa proximité me rassure d’une manière inexplicable. Je ferme les yeux un instant, me concentrant sur le battement de son cœur contre ma peau.

Réel.
C’est bien réel.

Mais ce moment de calme est brutalement interrompu.

La porte de ma chambre s’ouvre brusquement, frappant le mur avec fracas.

« Elara, ça va ?! Pourquoi t’as crié ?? »

La voix de Dorian est tendue, et mon regard se tourne vers lui. Il est là, debout dans l’encadrement de la porte, les sourcils froncés, prêt à intervenir.

Un sourire involontaire éclaire mon visage.

« Dorian, tout va bien, je- »

Il se fige en voyant Kael.

Son regard passe de moi à son frère, et je sens l’atmosphère dans la pièce changer.

Kael se redresse, relâchant doucement son étreinte. Il se tourne pour faire face à Dorian, un sourire en coin, comme s’il attendait sa réaction.

Les deux frères se fixent, leurs yeux parlant plus que les mots.

La tension est palpable, et avant que l’un ou l’autre ne puisse dire quoi que ce soit, d’autres pas résonnent dans le couloir.

Jack, Lyzé, et même Ordu apparaissent à la porte, attirés par le bruit.

« Kael… t'es là… et… ton dos… » souffle Dorian, visiblement sous le choc.

Je remarque son regard qui s’attarde sur les ailes de Kael, encore à moitié déployées, leur apparence macabre amplifiée par la lumière tamisée de la pièce.

Kael croise les bras et hausse un sourcil.

« Salut, petit frère. »

Sa voix est calme, presque moqueuse, mais il y a quelque chose dans son ton… un mélange de soulagement et de fatigue.

Dorian reste sans voix, et c’est Jack qui rompt le silence.

« Tu t’en es sorti vivant, alors ! Bravo, Kael. J’avoue que je commençais à douter. »

Kael sourit, un rictus malicieux étirant ses lèvres.

« Je t’en dois une, Jack. Et surtout à ta mère. »

Jack hoche la tête, croisant les bras à son tour.

« Elle sera contente d’apprendre que tu es encore en vie. Mais tu ferais bien de te reposer, tu as l’air d’avoir traversé l’enfer. »

Kael rit doucement, mais il vacille légèrement. Je m’avance instinctivement pour l’aider, mais il se rattrape tout seul, secouant la tête.

« Ça ira. Je suis là, c’est tout ce qui compte. »

Je ne peux m’empêcher de le regarder, fascinée par son calme malgré son état.
Mais je vois bien qu’il lutte pour rester debout, ses ailes repliées tremblent légèrement.

Dorian finit par trouver sa voix, brisant le moment de flottement.

« Qu’est-ce qui t’est arrivé, Kael ? Ces… choses… sur ton dos… »

Kael détourne légèrement les yeux, évitant la question.

« Une longue histoire. Je te la raconterai… plus tard. »

Il pose son regard sur moi, et je sens un frisson parcourir ma colonne vertébrale.

« Mais pas maintenant. »

Je comprends qu’il a besoin de temps, et je ne pousse pas plus loin. Lyzé, toujours en retrait, s’approche timidement, posant une main sur mon bras.

« Elara… Peut-être que Kael devrait se reposer. On pourra parler plus tard, quand il ira mieux. »

Je hoche la tête, même si je ne veux pas le quitter des yeux.

Kael se laisse finalement tomber sur le bord du lit, et ses ailes, lourdes et imposantes, se replient contre son dos avec un bruit sourd.

Ordu s’éclaircit la gorge, brisant le silence une fois de plus.

« On devrait tous sortir et lui laisser un peu d’air. »

À contrecœur, je suis les autres hors de la pièce, mais pas avant de jeter un dernier coup d’œil à Kael.

Il est là.

Et peu importe ce qui se passe ensuite, je sais que je ferai tout pour le protéger.

...

Dans la petite cuisine, l’atmosphère est presque étrange.

La tension de ces derniers jours semble s’être évaporée, remplacée par un soulagement collectif. Je ne peux m’empêcher de sourire, et en regardant autour de moi, je remarque que Lyzé, Ordu, et Jack sourient aussi, même timidement.

Mais pas Dorian.

Il reste figé, les bras croisés, le regard sombre.

« Ok, Kael est vivant, et c’est… une super nouvelle. » Sa voix est calme, mais il y a un poids dans ses mots. « Par contre… on a un gros problème. »

Jack, toujours alerte, s’approche de lui et lui tapote doucement le dos.

« C’est quoi ? » demande-t-il, son ton curieux masquant une pointe d’inquiétude.

Je regarde Jack, cherchant à comprendre ce qui le trouble autant. Une vague d’incertitudes m’envahit.

Kael a parlé de la mère de Jack. Qu’elle était en prison.
J’ignorais ça...
À vrai dire, je réalise que je ne sais presque rien sur mes nouveaux compagnons.

Ni sur leurs vies, ni sur ce qu’ils ont traversé...

Mais mes pensées sont interrompues par la voix de Dorian.

« Jordan… Jordan est mort. »

Le silence qui suit est assourdissant. Mon cœur rate un battement, et je vois les visages autour de moi se figer.

Lyzé ouvre la bouche, mais aucun son n’en sort. Jack baisse les yeux, et Ordu détourne le regard, les bras croisés.

Je reste plantée là, immobile, incapable de comprendre comment tout a pu basculer aussi vite.

Jordan est mort ?

Je revois son visage, son sourire narquois, sa colère... Et l’image de lui, étendu dans cette chambre, me revient en tête comme un coup de poing.

Dorian serre les poings, la mâchoire crispée.

« Je ne sais pas comment on va gérer ça, mais il va falloir agir vite. »

La pièce semble rétrécir autour de moi.
Les regards se croisent, chacun cherchant des réponses dans les yeux de l’autre.

Et moi, je me demande jusqu’où cette histoire va nous entraîner.

La seule chose qui me rassure, c'est de savoir que maintenant, Kael est avec moi...

À suivre...

×××

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