Chapitre 27. Captif

Kael


Je suis tiré sans ménagement hors du building, les menottes serrées si fort dans mon dos que je sens déjà la douleur irradier mes poignets.
Ma queue est attachée aussi, et chaque pas me donne l’impression qu’on m’arrache un peu plus ma dignité.
Je n'ai même pas eu le temps de mettre un haut...

Des gardes, tous en uniforme impeccable, me poussent en avant. Galen Derenos, le père d’Elara, marche à quelques mètres devant, son pas régulier et assuré.
Il n’a même pas besoin de parler.
Sa simple présence commande l’obéissance de ses hommes...

Devant les portes principales, une voiture noire nous attend.
Je n’ai pas le temps de réfléchir à une échappatoire.
Des regards me transpercent de toutes parts : des Kitsunes curieux, des Centaures qui ralentissent leur trot, des Anges perchés sur des balcons. Toute la rue semble s’être arrêtée pour observer le spectacle.

Putain...

Jordan, celui qui a trahi Elara, se tient près de la voiture, entouré d’autres Anges. Ses yeux verts me dévisagent avec une froideur presque assassine.
Il n'a rien d'angélique, il pue la noirceur.

Je grogne, je m’agite, mais c’est inutile. Les liens tiennent bon, m'arrachant une grimace qui remonte jusqu'à mes épaules.
La colère monte en moi, et avec elle, une peur que je ne parviens pas à étouffer.
Est-ce que Dorian avait raison ?
Est-ce que je vais mourir pour avoir osé m’approcher d’Elara ?

Je pense à eux.
Si je meurs, qu’est-ce qu’il va leur arriver ?

« Dépêchez-vous. Conduisez-nous au poste de police. »

La voix de Galen claque comme un fouet.
Je suis jeté dans la voiture, littéralement poussé comme un sac de sable. Ma tête cogne contre la portière, mais je serre les dents pour ne pas leur donner la satisfaction de m’entendre gémir.

Quand je relève les yeux, Galen entre dans la voiture à son tour et s’assoit face à moi. Il referme la porte avec un calme glaçant, comme s’il contrôlait parfaitement la situation.

Je suis tendu à l’extrême.
Mon souffle est court, mes pensées s’embrouillent.
J'ai pas envie de mourir.

Il me regarde longuement, peignant sa moustache blanche de deux doigts. Puis il parle enfin, sa voix est basse, mais tranchante.

« Pourquoi étais-tu dans cette partie de la ville, toi, un Incube ? »

Je ricane, mais c’est un rire sans joie, un rire nerveux.

« Vous savez très bien pourquoi. Vous m’avez embauché après tout. »

Ses sourcils se froncent légèrement, mais son expression reste impassible.

« Alors, dis-moi ce que tu voulais. Voler des biens ? Faire d’Elara une prisonnière pour réclamer une rançon ? »

Ces mots me font exploser.

« Jamais ! » je crie, ma voix craque sous la colère. « Je n’ai jamais voulu faire de mal à Elara ! »

À peine ai-je fini ma phrase que Jordan, assis à ma gauche, ricane froidement et me frappe violemment au visage.

Son coup me fait cracher, une douleur vive éclatant dans ma mâchoire. Je me penche en avant, le goût métallique du sang envahissant ma bouche.

« Ne mens pas, sale parasite. Ton genre ne fait jamais rien sans une arrière-pensée. »

Sa voix dégouline de mépris, et mes poings se serrent si fort que mes griffes s’enfoncent dans ma paume. Je voudrais lui répondre, mais je me retiens. Je sais que ça ne ferait qu’empirer les choses.

Je redresse la tête et croise à nouveau le regard de Galen, qui n’a pas bougé d’un millimètre.

« Je n’ai jamais voulu faire de mal à Elara, » je répète, ma voix tremblante de rage.

Il m’observe en silence, ses doigts toujours occupés à lisser sa moustache. Son calme est pire que tout.

Je garde la tête baissée, le silence pesant de Galen me rend nerveux. J’attends qu’il dise quelque chose, qu’il explose, qu’il me menace...
Mais il se contente de secouer la tête, un soupir glissant entre ses lèvres pincées.

Jordan, bien sûr, ne tarde pas à reprendre.

« Je m’en doutais. Ces derniers temps elle était bizarre. Je l’ai vue traîner avec toi, et franchement, ça puait les ennuis. »

Je serre les poings derrière mon dos. Ces accusations sont absurdes, et ça me brûle de devoir me défendre face à cet Ange rouquin.

« Je n’ai rien fait, » je répète encore, ma voix tremblante de colère contenue. « Je voulais juste récupérer quelque chose. »

Galen relève légèrement la tête, ses yeux perçants semblant interressés.

« Quoi donc ? » demande-t-il, sa voix toujours aussi froide et maîtrisée.

Je déglutis, mon cœur battant trop vite dans ma poitrine.

« Mon pendentif, » dis-je enfin. « Elara l’avait trouvé. Je n’avais aucune autre intention. »

Jordan explose, son rire froid et méprisant résonne dans l’habitacle.

« Ton pendentif ? C’est pour ça que je vous ai trouvés tous les deux au lit ?! » hurle-t-il, son visage déformé par la rage.

Je baisse les yeux, incapable de répondre immédiatement.
Oui, ça, c’était clairement pas prévu.

Le soupir de Galen interrompt le flot de paroles de Jordan. Sa voix se fait plus basse, mais d’autant plus tranchante.

« Si tu dis vrai, alors tu n’auras rien à craindre. Mais si tu mens, je t’enfermerai personnellement, » annonce-t-il d’un ton ferme.

Jordan éclate.

« C’est une blague, Galen ? L’enfermer ? C’est tout ? Cet enfoiré mérite bien pire !! »

« Cela suffit, Jordan, » coupe sèchement Galen en lui jetant un regard d’avertissement.

Jordan secoue la tête, furieux, mais il se tait. Moi, je reste là, incapable de bouger, les poignets serrés dans ces maudites menottes, ma queue attachée de façon inconfortable.

Je n’ai aucune idée de ce qui m’attend, mais je sais une chose : Elara est ma seule chance de m’en sortir.

Après ce qui me semble être une heure, je me laisse traîner hors de la voiture, mes chaussures raclant contre le sol pavé.
Mon souffle est court, et mon cœur bat à tout rompre.
Devant moi, un bâtiment massif s’élève, fait de pierre grise et brute, imposant et menaçant.

Son architecture semble ancienne, mais une aura étrange émane de ses murs, une magie oppressante qui me fait frissonner.

Autour de nous, des dizaines de Centaures et de Satyres en uniforme de police montent la garde, leurs armes brillantes sous la lumière tamisée du jour. Leurs regards sont impitoyables, froids.
Je serre les dents.

Reste calme, Kael. Si tu perds ton sang-froid, c’est terminé.

Galen descend à son tour de la voiture. Sa posture est droite, fière, et son aura impose le respect. Les flics se redressent aussitôt à son arrivée, le saluant d’un ton uni avant d’ouvrir les lourdes portes en fer forgé du bâtiment.

Je me laisse entraîner, essayant de capter chaque détail. L’intérieur est encore pire que l’extérieur. Les murs exhalent une puissance ancienne, brutale.
Les symboles gravés dans la pierre dégagent une énergie presque suffocante. Ce lieu est fait pour dompter les Sombres, pour briser leur esprit...

En passant par une vaste cour intérieure, des bruits attirent mon attention. Des hurlements, des rires dérangés, des insultes lancées depuis des hauteurs...
Je lève les yeux et découvre des silhouettes aux fenêtres grillagées. Ce bâtiment de six étages n’est pas qu’un poste de police : c’est aussi une prison.

La brume magique qui enveloppe les murs scintille par moments, comme une menace silencieuse. Elle semble vivante, prête à réagir au moindre faux pas.
Je détourne les yeux, mal à l’aise.

Les gardes s’arrêtent soudain, et je sens que nous avons atteint notre destination. Galen échange quelques mots avec un Centaure à l’air renfrogné et à la peau noire, puis se détourne sans un regard pour moi.

Le Centaure me pousse brusquement en avant, me forçant à avancer. Je m’enfonce dans un couloir sombre et humide, l’odeur de la pierre froide me prenant à la gorge.

Quand il ouvre une porte métallique, je suis jeté à l’intérieur sans ménagement.

Le choc du sol contre mes genoux m’arrache un grognement. Avant que je ne puisse protester, la porte se referme derrière moi dans un bruit sourd.

Je tire légèrement sur mes liens, mais c’est inutile. Mes mouvements sont entravés, et je n’ai aucun moyen de fuir.
Si je force, je vais m'entailler la peau.

Je prends une profonde inspiration, tentant de calmer le bordel dans ma tête. S’ils m’ont jeté ici, ce n’est pas pour me tuer tout de suite.

Je regarde autour de moi et remarque soudain une silhouette dans un coin sombre de la cellule.

Je sursaute.
Quelqu’un est déjà là.

C’est un humain je crois.
Il est maigre, presque décharné. Ses vêtements sont en lambeaux, et son teint est pâle. Il est assis dans l’angle de la cellule, le dos appuyé contre le mur rugueux, les genoux ramenés contre son torse.

Contrairement à moi, il n’est pas attaché. Ses poignets sont libres, mais il ne bouge pas. Ses yeux sont rivés sur moi, sombres et vides, comme s’il m’évaluait silencieusement.

Je m’éclaircis la gorge, et murmure.
« Tu comptes me fixer encore longtemps ? »

L’humain ne répond pas tout de suite. Puis, d’une voix grasse et basse, il répond :
« T’as pas l’air d'être un habitué. »

Je fronce les sourcils.
« Et toi, t’as l’air de quoi ? D’un prisonnier aguerri ? »

Il esquisse un sourire fatigué, mais son regard reste froid.
« T’as pas idée. T'es là pour quoi ? »

Je serre les dents.
« Ça ne te regarde pas. »

Il hausse légèrement les épaules, un geste presque imperceptible.
« Peut-être pas. Mais si t’es là, c’est que t’as dû faire quelque chose de hard. Et crois-moi, c’est jamais bon signe. »

Un frisson me parcourt l’échine. L’humain a l’air calme, trop calme pour quelqu’un dans une cellule comme celle-ci.

Je m’assois lentement, essayant de ne pas paraître aussi tendu que je le suis réellement.
« T’es là depuis combien de temps ? »

Son sourire disparaît, et il détourne les yeux.
« Assez longtemps pour savoir que personne ne sort d’ici comme avant. »

Son ton me glace. Je détourne le regard, observant à nouveau la petite ouverture en haut du mur.

Super...
Comme si j’avais besoin d’un prophète de malheur pour m’accompagner.

Pourtant, une part de moi ne peut s’empêcher de s’inquiéter. Ce type en sait probablement bien plus que ce qu’il laisse entendre.

Et si je veux survivre dans ce trou, je vais devoir découvrir ce qu’il sait.

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