Elara

Je suis allongée dans mon lit, le regard fixé sur Kael. Il dort encore, sa respiration lente et régulière emplit la pièce.

Hier soir... Tout me semble irréel.
Ce rapprochement, cette tendresse, cette connexion.
Comment ai-je pu, en si peu de temps, tomber aussi bas dans son orbite ?
Il est là, à peine couvert par le drap, son torse nu exposé, ses cheveux noirs et violets en bataille.

La seule chose qu'il porte, c'est ce fichu pendentif, l'objet qui a tout déclenché.

Un sourire m'échappe malgré moi. Ce bijou aura bouleversé ma vie bien plus que je ne l'aurais imaginé.
Mes doigts glissent doucement sur la chaîne du pendentif, comme pour m'assurer qu'il est bien réel.

Mais un bruit soudain me sort de mes pensées. Un claquement sec. La porte d'entrée du trentième étage vient de s'ouvrir. Mon cœur s'emballe.

« Kael ! Réveille-toi ! » je souffle en le secouant doucement d'abord, puis plus vigoureusement.

Il grogne, encore à moitié endormi. « Quoi... ? Qu'est-ce qui se passe ? »

« Quelqu'un est monté ! Sors de ma chambre, vite ! »

Mais avant même qu'il puisse bouger, la porte de ma chambre s'ouvre brusquement.

C'est Jordan. L'assistant de mon père. Son habituel sourire calme s'efface aussitôt, remplacé par une expression de stupeur absolue.

« Oh... je suis désolé, mademoiselle Elara, je ne savais pas que... »

Il s'interrompt net, ses yeux s'élargissant d'horreur. Et je comprends pourquoi : il a vu Kael. Plus précisément, il a vu sa queue, qui se balance doucement derrière lui à demi-sortie du drap.

Le silence est si lourd que je pourrais jurer entendre battre nos cœurs.

« Jordan, je peux tout expliquer... » Je m'avance vers lui, tenant le drap contre moi pour couvrir ma poitrine.

Mais avant que je n'aie le temps d'en dire plus, il recule d'un pas précipité, ses mains tremblant légèrement.

« Lui... Ce n'est pas... Ce n'est pas un Djinf. C'est un Sombre... »

Sa voix est à peine audible, mais la terreur qu'elle contient dans ses yeux verts est claire.

Kael s'est redressé maintenant, le regard toujours brumeux de sommeil, mais je vois déjà ses muscles se tendre, prêt à réagir.

« Jordan, s'il te plaît... Ne fais rien. »

Il me fixe, son expression oscillant entre incrédulité et panique. Puis, d'un geste tremblant, il sort son téléphone.

« Non ! » Je bondis vers lui, essayant d'attraper le téléphone.

« Je dois appeler votre père. Il doit savoir que... »

« Que quoi ?! Que je suis avec mon garde du corps ?! Que je l'ai invité ici ?! » Je le coupe, ma voix plus forte que je ne l'aurais voulu.

Jordan secoue la tête, son regard pointé sur Kael.

« Vous ne comprenez pas... Il est dangereux. Les Sombres ne sont pas comme nous. Ils ne devraient pas être ici, encore moins si proches de vous ! »

Kael se lève lentement du lit, toujours torse nu, sa queue se balançant doucement derrière lui. Il avance d'un pas vers Jordan, ses yeux violets perçants.

« Et toi, l'Ange, tu crois que je suis une menace ? Que je vais te sauter à la gorge ? »

Sa voix est basse, un mélange de défi et d'exaspération. Jordan recule encore, mais je me place entre eux, levant les mains.

« Stop ! Tous les deux ! Jordan, écoute-moi. Kael n'est pas une menace. Je te jure qu'il ne m'a jamais fait de mal. »

Jordan hésite, son regard passant de moi à Kael, puis à son téléphone.

« Je ne peux pas couvrir ça, Elara... Votre père... »

« Mon père ne doit rien savoir ! » Ma voix claque dans la pièce.

Kael me regarde, surpris. Je continue, la voix tremblante mais ferme :

« Si tu tiens à moi, Jordan, si tu me respectes vraiment, tu vas me laisser gérer ça. C'est mon choix, ma décision. »

Le silence retombe. Jordan finit par baisser le téléphone, mais son visage reste grave.

« Je vais partir, mais... réfléchissez bien à ce que vous faites, Elara. Votre père ne pardonnera pas ce genre de... relation. »

Il me jette un dernier regard et quitte la pièce en repliant ses ailes contre lui sans un mot de plus.

Je m'effondre presque contre le mur, les jambes tremblantes.

Kael s'approche, posant une main légère sur mon épaule.

« Elara... T'as pas à te mettre dans des situations comme ça pour moi. »

Je le regarde, mon cœur encore battant à tout rompre.

« Kael, je ne laisserai personne décider à ma place de qui je veux avoir près de moi. »

Pour la première fois, je vois un éclat d'émotion sincère dans ses yeux. Un mélange de gratitude et de... quelque chose d'autre.

Et moi, je me rends compte que je suis prête à tout risquer pour lui.

Je m'habille en silence, mon esprit encore embrouillé par ce qu'il vient de se passer.
Kael est à l'autre bout de la pièce, face au miroir posé dans l'angle. Il semble perdu dans ses pensées, les mâchoires crispées.

Je n'aime pas le voir comme ça.

« Ça va ? » je murmure, hésitante.

Il ne répond pas tout de suite, puis hausse les épaules.

« On verra. »

Sa voix est basse, presque inaudible. Il ne me regarde pas, concentré sur son reflet comme s'il cherchait des réponses dans ses propres yeux.

Je m'approche, tentant de trouver les mots pour le rassurer.

« Jordan ne dira rien, je le connais assez. Il... »

« Tais-toi. »

Le ton n'est pas méchant, mais ferme. Kael lève une main pour me couper et tourne légèrement la tête. Ses oreilles semblent frémir.

Un silence étrange s'installe.

Puis je l'entends aussi. Le bruit mécanique de l'ascenseur.

Kael bouge d'un coup, enfilant ses chaussures à une vitesse effrayante.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » je demande, déjà agitée.

Mais avant qu'il ne réponde, je perçois d'autres sons. Des éclats de voix. Plusieurs voix.

Mon sang se glace.

« Merde... Il a prévenu ton père. »

Kael me regarde, son visage marqué par une panique contenue.

Tout s'accélère.

La porte de ma chambre s'ouvre brusquement, laissant entrer une avalanche de Kitsunes et d'Anges, tous armés. Kael réagit instantanément, courant vers la salle de bain dans une tentative de fuite.

« Non ! Laissez-le ! » je hurle, mais ma voix se perd dans le chaos.

Ils sont trop rapides. Je le vois à peine franchir le seuil qu'il est déjà immobilisé, plaqué au sol par plusieurs d'entre eux.

« Lâchez-moi, bordel ! » rugit Kael, se débattant comme un diable.

Mais ils sont trop nombreux. Ses poignets sont menottés, sa queue est maintenue pour éviter qu'il ne l'utilise, et ses mouvements se font de plus en plus restreints.

C'est alors que je le vois.

Mon père entre dans la pièce, le visage froid et fermé.

« Père, s'il te plaît... » je commence, mais il m'interrompt d'un geste.

Il s'approche de moi et, sans prévenir, sa main claque contre ma joue.

« Tu es une honte, Elara. Nous aurons une discussion. Très bientôt. »

Sa voix est basse, mais chaque mot est comme un coup de poignard.

Je recule, choquée, la main sur ma joue brûlante.

Kael hurle quelque chose, sa voix résonnant dans la pièce, mais je ne parviens pas à comprendre. Je le vois se débattre, ses muscles tendus, son regard brûlant de rage.

« Conduisez-le au poste immédiatement, » ordonne mon père d'un ton glacial.

« Non ! Vous n'avez pas le droit ! » je crie, désespérée.

Je sens ma magie bouillir en moi, incontrôlable. Je tends les mains et une gerbe de flammes jaillit, s'écrasant contre un mur.

« Elara, arrête ! » hurle une voix familière.

Jordan surgit derrière moi et attrape mes bras, bloquant mes mouvements.

« Lâche-moi, Jordan ! Lâche-moi ! »

Mais il tient bon, ses mains solides m'empêchant d'agir.

Kael est traîné hors de ma chambre. Ses yeux rencontrent les miens une dernière fois, pleins de colère et de désespoir.

« Elara ! »

Sa voix résonne dans ma tête, me brisant encore plus.

Quand ils disparaissent enfin, il ne reste plus que mon père.

Il me regarde longuement, un mélange de colère et de déception dans ses yeux. Puis il se détourne sans un mot de plus et quitte la pièce.

Le silence qui suit est assourdissant.

Je tombe au sol, mes jambes ne pouvant plus me soutenir. Les larmes coulent sans retenue, un sanglot déchirant s'échappant de mes lèvres.

C'est alors que je le vois.

Le pendentif de Kael, abandonné sur le sol. Je rampe pour l'attraper, mes doigts tremblants.

Je le serre contre moi et un rire triste m'échappe.

« Tu as encore oublié quelque chose, idiot... » je murmure, le cœur lourd.

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