Chapitre 17. Un commun accord
Elara
Je fixe Kael en silence, les bras croisés contre ma poitrine.
Mes pensées tourbillonnent depuis qu'il m’a tout expliqué, mais une chose est claire.
Je ne veux pas qu’il s’en aille. Pourquoi ? Je n’en sais rien.
Peut-être parce que sa présence, que je voyais au départ comme une punition, est devenue presque… rassurante.
Je secoue la tête, perdue dans mes réflexions, tandis qu’il se sèche.
Le bruit du tissu sur sa peau mouillée me ramène à la réalité, et mes joues s’enflamment quand il retire son haut pour enfiler quelque chose de sec.
Je détourne les yeux, mais pas assez vite...
Sa silhouette fine mais musclée reste gravée dans ma mémoire, et ça me déstabilise.
Je n’ai jamais vécu avec un homme avant Kael. Même si sa maladresse et son apparence négligée m’ont agacée au tout départ, il a réussi à se faire une place dans ma vie, et ça, en très peu de temps...
Et malgré ses mensonges, je lui fais confiance.
Après un long silence, je finis par briser la glace.
« Je veux que tu restes. »
Kael s’arrête net, ses oreilles redressée et sa chemise suspendue à mi-chemin, dévoilant encore sa peau tannée.
Il me regarde avec des yeux qui vacillent entre surprise et doute.
« Pourquoi ? » demande-t-il, hésitant.
Je serre mes bras un peu plus fort, tentant de trouver une réponse qui ait du sens.
« Parce que… je me sens mieux avec toi ici. »
Il baisse les yeux et termine de boutonner sa chemise.
« Mon frère m’attend dans le quartier des Sombres. Il a besoin de moi Elara. On travaille ensemble, on se débrouille comme on peut. Il… il compte sur moi. »
Mon cœur se serre à cette réponse.
« Oh, je vois… »
Je retire le pendentif que je porte autour du cou et le tends à Kael, même si le geste me coûte.
« Tiens, reprends-le alors. Si tu dois partir, il n’y a aucune raison que je garde ça. »
Kael semble aussi surpris que réticent à l’idée de le récupérer, mais il tend la main pour le saisir.
Ses doigts effleurent ma paume, et au même instant, une chaleur intense surgit.
Des flammes bleutées éclatent au creux de mes mains, si soudaines que je sursaute, tout comme lui.
Il recule d’un pas mais ne quitte pas des yeux les flammes dansant autour de mes doigts.
« Qu’est-ce que… ? » commence-t-il, la bouche entrouverte.
Je tremble, tentant de calmer le feu, mais les flammes refusent de disparaître.
La peur m’envahit.
Je n’avais pas perdu le contrôle depuis des semaines.
Pourquoi maintenant ?
Kael s’approche doucement, une lueur fascinée dans le regard.
« Wow… C’est impressionnant. Et pratique, » ajoute-t-il avec un sourire en coin. « Ça tombe bien, je commençais à avoir froid. »
Je le fixe, déconcertée par son calme. Il n’a pas l’air effrayé, ni même contrarié...
Au contraire, il semble presque… émerveillé.
« Ce n’est pas drôle, Kael ! » dis-je en le fusillant du regard.
Il lève les mains en signe d’innocence mais reste près de moi, observant les flammes.
« C'est pas drôle, non. Mais c’est ton pouvoir, et ça claque. »
Son regard plonge dans le mien, et pour la première fois depuis qu’il est ici, je sens que son masque tombe. Derrière ses airs sarcastiques, il y a quelque chose de sincère.
Je détourne les yeux, essayant de calmer les flammes par la respiration. Petit à petit, elles s’éteignent, ne laissant qu’une chaleur résiduelle dans mes paumes.
Kael finit par murmurer :
« Tu ne devrais pas cacher ça. »
Je le regarde, confuse.
« Pourquoi ? »
Il hausse les épaules, comme si c’était évident.
« Parce que c’est une partie de toi. Et que, franchement, c’est beau. »
Ces mots, simples mais honnêtes, frappent quelque chose en moi. Peut-être qu’il a raison.
Peut-être qu’il est là pour m’aider à accepter qui je suis, après tout...
Mais quand je vois son pendentif à présent accroché à son cou, je ne peux m’empêcher de me demander combien de temps il restera, s'il accepte...
Je le regarde s'installer contre le mur, les mains dans les poches, visiblement mal à l’aise.
Il évite mon regard, ses cheveux encore humides tombant en désordre sur son front.
La lumière de la salle de bain accentue les ombres sur son visage, lui donnant un air encore plus grave. Pourtant, je reste déterminée.
« Écoute, » je commence doucement, mais fermement. « Si c’est une question d’argent, je peux demander à mon père de te rémunérer. Tu deviendrais officiellement mon garde du corps. Ça réglerait tes soucis financiers, non ? »
Il lève la tête, ses yeux mauves se plantant dans les miens. Il secoue la tête en soupirant.
« Elara, c’est pas si simple. »
« Et si tu dois voir ton frère ? » j’ajoute précipitamment. « On trouvera un arrangement. Tu pourrais partir de temps en temps. Je te couvrirai. »
Il fixe le miroir, se contemplant comme s’il essayait de se trouver des réponses dans son reflet.
« Tu ne comprends pas. Ce monde, ici… le centre de Syl-Anor, tout ça, ce n’est pas chez moi. Je ne suis pas fait pour ce genre de vie. »
Il baisse la tête, visiblement troublé, puis murmure :
« Et puis, un Incube… ça a des besoins... »
Mon cœur rate un battement, mais je m’empresse de répliquer.
« Je te couvrirai pour ça aussi. Mais tu dois rester. »
Il se redresse, fronçant un peu les sourcils.
« Couvrir, hein ? Tu es prête à faire beaucoup pour un menteur. »
« Tu as sauvé ma vie, Kael. »
Il ne répond pas tout de suite, les traits tendus.
Finalement, il s’installe sur une console et hausse un sourcil.
« Alors, quoi ? Tu veux couvrir un Incube ? Comme ça, sans rien savoir ? C'est un peu risqué. »
Je hoche la tête, sérieuse.
« Oui je sais, mais si je dois te couvrir, je dois comprendre. Dis m'en plus. »
Kael lâche un soupir résigné et coiffe ses longs cheveux en arrière avant de croiser ses bras sur son torse.
« Très bien, mais ne viens pas te plaindre si ça te met mal à l’aise. »
Il commence par ses caractéristiques physiques, énumérant avec une neutralité presque froide.
« La queue, c’est le pire à cacher. » Il fait un geste vague derrière lui. « Elle est fine mais longue, et c’est une galère. Ensuite, j’ai des crocs. »
Il ouvre légèrement la bouche pour les montrer. J'avais déjà remarqué la longueur de ses canines, épaisses et acérées. C'est difficile à camoufler aussi...
« Et des griffes. »
D’un mouvement de la main, il fait apparaître des griffes aiguisées et allongées, qui rétractent presque aussitôt.
« Ça, ça va, je peux les contrôler. »
« Et tes oreilles ? » je demande.
Il hausse les épaules.
« Pointues. Mais avec mes cheveux, ça passe, et c'est assez courant chez d'autres espèces. »
Je le dévisage, fascinée malgré moi.
« Et… tes pouvoirs ? »
Il grimace, visiblement mal à l’aise.
« Le plus embêtant, c’est l’obligatoire... Je dois avoir des rapports sexuels pour absorber de l’énergie vitale des autres. Sans ça, c’est comme être privé de lumière. Je perds en énergie, je m’affaiblis, et à terme, je tombe malade. »
Je rougis malgré moi, mais il continue, évitant mon regard.
« L’autre pouvoir, c’est que je peux interagir avec les rêves… et les manger. »
Cette fois, je fronce les sourcils, intriguée.
« Manger les rêves ? Comment ça marche ? »
Il hausse les épaules, l’air gêné.
« Je ne l’ai fait qu’une fois, quand j’étais enfant. J’ai touché mon frère pendant qu’il dormait, par accident. J’ai vu son rêve. C’était nul, soit dit en passant. Mais ça m’a laissé une sensation… étrange. Désagréable. J’ai juré de ne plus jamais recommencer. »
Je reste silencieuse, enregistrant tout ce qu’il me dit.
« Et c’est tout ? » je demande après un moment.
Il hausse légèrement les sourcils.
« Presque. J’ai une ouïe plus développée que la plupart des autres espèces et je suis légèrement plus rapide. Pas de quoi impressionner qui que ce soit. »
Je hoche la tête, absorbant ces révélations. Une partie de moi est encore troublée, mais l’autre… est étrangement fascinée.
« Et ensuite ? J'ai encore des choses à apprendre sur les Incubes ? »
« T'es toujours aussi curieuse ? » il ricane.
« Normalement non, mais c'est difficile de se documenter sur les Sombres, » j'avoue en souriant.
Il hoche la tête et ferme les paupières en posant sa tête contre le mur.
Il semble toujours un peu fatigué.
Heureusement, j'ai réussi à lui donner une pilule pendant qu'il dormait...
Il devrait se sentir mieux, même si le médicament était prévu pour les Djinf.
« Merci, » dis-je simplement.
Il ouvre les yeux et me regarde, surpris.
« Merci pour quoi ? »
« Pour avoir été honnête. »
Il esquisse un sourire, un vrai cette fois, quoique furtif.
« Ne me remercie pas trop vite. Je suis toujours un menteur, tu sais. »
Mais même avec ces mots, il semble un peu plus détendu.
Peut-être, tout comme moi, commence-t-il à trouver sa place ici.
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