Chapitre 14. Trop chaud
Kael
Depuis mon réveil, je suis tendu, sur les nerfs, et tout m’agace, même le bruit de la ventilation qui s'échappe du plafond.
Et puis, pendant le petit-déjeuner, j'ai senti qu’Elara était distante.
Elle m’a à peine adressé un regard, et ça m’irrite sans que je comprenne pourquoi.
Je me passe une main dans les cheveux, grognant légèrement. Qu’est-ce qui m’arrive ?
Je ne suis pas du genre à me prendre la tête pour des trucs pareils. Peut-être que c’est lié à cette foutue mission...
Se faire passer pour quelqu’un d’autre, jouer un rôle, c’est pas aussi simple que ce que je pensais.
Et il y a ce pendentif...
À chaque fois que je l'imagine sur sa peau, ça me fout dans un état inexplicable.
Il est tellement proche, tellement accessible, et pourtant je ne peux pas m’en emparer. Pas maintenant.
Je m’affale dans une chaise de la salle à manger, fixant le vide, ruminant mes pensées pendant qu’Elara est dans la bibliothèque à réviser. Qu’est-ce qu’elle me cache, elle aussi ? Depuis ce matin, j’ai l’impression qu’elle m’observe autrement.
Le bruit de l’ascenseur me tire de mes réflexions.
Je me redresse légèrement alors que les portes s’ouvrent, laissant apparaître son père, accompagné d’un type que je ne connais pas.
L’homme est un Ange, grand, roux, charismatique, l’air propre sur lui avec un costume parfaitement taillé. Super classe, peut-être même un peu trop.
Le père d’Elara me salue, avec son air toujours aussi formel. « Kael, bonjour, tout se passe comme il faut ? »
Je hoche la tête, répondant rapidement. « Oui, tout va bien. » Mais je ne quitte pas l’Ange des yeux. Quelque chose chez lui m’agace, et je ne sais pas quoi.
Il n’a rien fait, il se contente de rester là, à côté du père d’Elara, l’air tranquille. Mais ça me bouffe. Pourquoi ?
Pourquoi ce type est ici, dans l’espace privé d’Elara ?
Mon poing se serre sous la table sans que je m’en rende compte. Je sens une montée de colère que je ne parviens pas à expliquer.
Le père d’Elara semble le remarquer. Il jette un coup d’œil rapide vers moi, puis vers l’Ange, comme s’il essayait de comprendre ce qui me traverse.
« Kael, tout va bien ? » demande-t-il.
Je me force à répondre d’un ton neutre. « Oui, oui, pas de problème. »
Mais mon regard reste planté sur l’Ange.
Le père finit par s’expliquer : « C’est mon assistant, quelqu’un de confiance. Elara l’apprécie beaucoup. »
Ah...
Bien sûr qu’elle l’apprécie. Pourquoi ça m’agace autant bordel ?
Ils s’éloignent finalement, changeant de pièce pour voir Elara. Une fois seul, je laisse échapper un grognement et montre les crocs, incapable de me contenir.
Cette putain de tension ne me lâche pas.
Quelques minutes plus tard, ils réapparaissent, et je retiens un soupir de soulagement quand l’Ange passe enfin la porte.
Mon regard suit son dos jusqu’à ce qu’il disparaisse dans l’ascenseur.
Elara arrive peu après dans la salle à manger, l’air ailleurs.
Elle s’assoit en face de moi et soupire légèrement.
« Mon père m’a demandé de rester tranquille aujourd’hui, » explique-t-elle. « Il dit qu’il me trouve un peu pâle, fatiguée... »
Je l’écoute à moitié.
Quelque chose ne va pas chez moi.
Je sens la sueur perler sur ma tempe. Mon corps est tendu, chaud, presque fiévreux.
Elara plisse les yeux en me regardant, l’air inquiète. « Tu vas bien ? Tu fais une drôle de tête. »
Je secoue la tête, posant une main sur mon front. « Je sais pas... Je me sens patraque. J’ai chaud. Peut-être à cause des fringues. C’est pas mon style, tout ce qui est aussi serré. »
Je me lève pour me dégager un peu, mais Elara rougit immédiatement, détournant le regard.
Je fronce les sourcils, incertain de ce qui se passe. Je souffle avant de baisser les yeux.
Et là, je comprends.
Putain...
C’est pas le moment...
Pas le lieu...
Mais mon corps ne m’écoute pas.
Une érection bien visible déforme l’avant de mon pantalon, et je sens le rouge me monter aux joues.
« Euh… Je vais… te chercher un verre d’eau, » balbutie Elara en se levant précipitamment, évitant soigneusement de me regarder.
Elle disparaît rapidement, me laissant seul avec ma honte.
Je m’asseois, le visage dans mes mains.
Et là, tout fait sens.
Le rut.
Comment j’ai pu ne pas y penser plus tôt ? Ça explique tout.
La colère, l’agacement, cette chaleur insupportable.
Bordel, pourquoi je n'ai pas été mis au courant avant de commencer cette mission ?
Putain, quel timing...
Quand Elara revient avec un verre d’eau, je le prends sans un mot, évitant son regard. J’ai besoin de me calmer, et vite, avant que ça ne dégénère encore plus.
Je la fixe un instant, toujours en sueur, l’estomac noué. « T’as pas… des médicaments contre le rut, par hasard ? »
Elara rougit violemment, ses joues prenant une teinte presque écarlate. Elle secoue la tête avec énergie. « Non ! Enfin… non, je n’en ai pas ici. Mais… je peux demander à mon père dès qu’il revient de son rendez-vous. »
Je hoche la tête, crispé, une main serrée sur le verre d’eau qu’elle m’a donné. « Ouais… Fais ça. »
Elle me regarde avec un mélange d’inquiétude et d’embarras avant de secouer la tête. « En attendant… peut-être qu’on peut se changer les idées ? »
Je fronce les sourcils, sceptique. « Se changer les idées ? Comment ? »
Elle me fait un petit sourire maladroit. « Je ne sais pas… On pourrait aller à la salle de jeux. Ça pourrait nous occuper jusqu’à ce que mon père revienne. »
L’idée me paraît ridicule, mais l’air déterminé d’Elara me pousse à accepter. « Ok, si tu veux. »
Je me lève, toujours mal à l’aise, et nous marchons en silence jusqu’à la salle de jeux. L’espace est trop spacieux, trop propre et bien trop rangé pour un lieu censé être fait pour s’amuser.
Elara fait le tour des options, semblant un peu plus à l’aise. « On peut jouer au billard, aux fléchettes, ou… à un jeu de cartes, si tu préfères. »
Je désigne la boîte de cartes du menton. « Les cartes, ça ira. »
Elle acquiesce et s’approche pour en attraper un jeu. Mais son mouvement s’interrompt, et son regard se perd dans le vide quelques secondes. Je l’observe, intrigué.
À quoi elle pense encore ?
Finalement, elle se tourne vers moi, un sourire presque timide sur les lèvres. « Et si on rendait la partie un peu plus… intéressante ? »
Je lève un sourcil. « Intéressante comment ? »
Elle hésite, mordillant légèrement sa lèvre avant de répondre. « On joue au jeu de la vérité. Chaque fois que l’un de nous perd, l’autre peut poser une question. Et on est obligés de répondre honnêtement. »
Je soupire.
Franchement, j’ai pas la tête à ça.
Mais quand mes yeux croisent les siens, translucides et presque brillants de déception, je me surprends à céder.
« Ok, d’accord. Mais je te préviens, je suis pas très patient, surtout aujourd'hui. »
Son sourire s’élargit légèrement, et elle s’installe à une petite table au centre de la pièce.
Je prends place en face d’elle, essayant d’ignorer cette chaleur qui me brûle encore.
Elle distribue les cartes, et la partie commence. Si je perds, je sais qu’elle va poser des questions auxquelles je ne peux pas répondre...
« Prêt ? » demande-t-elle, mélangeant les cartes avec une habileté presque irritante.
« Ouais, ouais… Vas-y. » Je m'appuie contre le dossier de ma chaise, cherchant une position plus confortable.
Elle distribue les cartes avec soin, les posant une à une entre nous.
Le jeu est simple : une sorte de bataille revisitée où chaque carte a une valeur, et celui qui remporte le pli peut poser une question à l'autre.
La première manche est rapide. Je gagne avec un as de pique qui écrase son huit de cœur.
Je souris légèrement, un brin moqueur. « Ok ! À moi la question. »
Elle fronce les sourcils, mais garde son calme. « Vas-y, je t'écoute. »
Je réfléchis une seconde avant de lâcher : « Pourquoi t’es si mal à l’aise quand ton père est dans le coin ? »
Elle cligne des yeux, visiblement prise au dépourvu. « Quoi ? Je… Je suis pas mal à l’aise ! »
Je la fixe, et elle finit par soupirer. « Bon, d’accord… C’est juste que… il a toujours des attentes très hautes. Et j’ai pas envie de le décevoir. Voilà. »
« Hm. » Je hoche la tête, sans rien dire de plus. Elle mélange à nouveau les cartes, l’air un peu plus nerveux.
Les manches suivantes s’enchaînent, et chaque victoire amène son lot de questions gênantes.
« C’est quoi le truc le plus idiot que tu as fait dans ta vie ? », elle demande.
« Insulter ma mère. »
« T’es déjà tombée amoureuse ? », mon tour.
« Non. », elle répond.
« Pourquoi t’es toujours aussi sérieux ? », elle gagne.
« Pas le choix... », je hausse les épaules.
« T'as déjà eu envie de tout envoyer balader ? », je gagne.
Elle hoche la tête.
À force de jouer, l’atmosphère devient plus légère, même si je sens toujours cette chaleur insupportable me peser. Elara rit un peu plus, et je commence à me détendre, à oublier ce qui me ronge.
Puis, elle remporte une autre manche. Elle me fixe avec un mélange d’hésitation et de malice.
« D'accord, dernière question pour moi. Pourquoi tu sembles… si secret ? »
Je m’arrête net, la carte en main. Secret ? Je ris, un peu nerveux. « Secret ? Tu te fais des films, princesse. »
Elle fait une petite grimace en jouant avec une de ses mèches blanches, son regard est insistant.
Je détourne les yeux. J'ai l'impression qu'elle se doute d'un truc.
Je me sens idiot, pris au dépourvu. « C’est juste que… c’est mon boulot de te protéger, c’est tout, j'ai pas besoin de raconter ma vie. »
Elle ne semble pas convaincue, mais elle n’insiste pas. Elle mélange les cartes une dernière fois, déclarant la partie terminée.
Un silence s’installe, mais il n’est pas aussi pesant qu’au début.
Peut-être que ce jeu a réussi à briser un peu la glace.
Peut-être...
Mais le feu qui brûle dans mes veines, lui, ne s’est pas calmé.
Et ça, c’est un problème.
×××
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top