Chapitre 7 : Yohan
Elle relève la tête de son dossier, son regard accroche le mien. Ses yeux sont d'un bleu perçant, une teinte qui tranche nettement avec la lumière tamisée du café. Je souris légèrement, un sourire que j'ai appris à manier pour paraître innocent et avenant malgré mon apparence. Elle était tellement plongée dans sa lecture qu'elle ne m'a même pas remarqué. Ce qui n'est pas mon cas, cela fait déjà un petit moment que je l'observe, attendant le bon moment pour l'aborder. C'est une étape cruciale de mon plan, et je ne peux pas me permettre de faire un faux pas.
Une lueur de méfiance apparaît dans son regard quand il s'attarde sur mes tatouages et mon look de rebelle. C'est vrai que j'ai peut-être un peu trop forcé ce trait-là avec ma veste en cuir, mon T-shirt noir et mon jean déchiré. Malgré tout, je détecte au fond de ses prunelles un éclair de curiosité. Et je pourrais même m'avancer à dire une étincelle de désir.
— Puis-je m'asseoir ? demandé-je pour la deuxième fois en désignant la chaise face à elle.
Elle hoche la tête malgré le fait qu'elle soit encore hésitante, en témoigne sa lèvre inférieure qu'elle maltraite avec ses dents. Sa tête s'incline, comme si elle m'analysait pendant que je dépose ma veste sur le dossier et que je prends place face à elle. Elle ne sait pas encore qui je suis, mais moi je connais tout d'elle. Ella Pembroke, inspectrice dans une unité spéciale dédiée à la lutte contre le crime organisé. Mon sourire s'élargit légèrement en pensant à l'ironie de la situation. Je suis le futur chef d'un des plus puissants clans de Chicago, et elle, elle est payée pour m'arrêter. J'imagine déjà les blagues de Connor à ce sujet.
D'après ce que je sais d'elle, elle est une sacrée flic qui a résolu plusieurs grosses enquêtes. Et pourtant, dans cet environnement, elle paraît si vulnérable, presque désarmée avec ce dossier entre les mains. Ça serait même plus facile pour moi si je la faisais disparaître tout simplement. Un nouveau prendrait sa place et serait peut-être moins doué dans son job. Ce qui me rendrait la vie bien plus agréable. Mais je n'avais pas prévu le frisson d'excitation qui m'a parcouru en la voyant comme ça. Elle me fascine déjà, et ça ne fait que commencer. La baiser serait mon petit bonus, une sorte de compensation pour toute cette mascarade.
Je pose mon café sur la table avec des mouvements mesurés et détendus, exactement comme prévu, comme si c'était une rencontre due au hasard. Je m'installe avec nonchalance sur ma chaise, comme si cette place m'appartenait. Je pose ma cheville sur ma jambe opposée et dépose mon bras un peu en arrière sur mon dossier.
Sans faire plus attention à moi, elle retourne à sa lecture comme si je n'étais pas là. Je l'observe discrètement, en avalant quelques gorgées de mon café noir, notant chaque détail. La façon dont elle incline légèrement la tête lorsqu'elle lit, la manière dont ses doigts effleurent les pages du dossier, presque caressant le papier. Elle est absorbée par son travail, mais elle reste alerte, me jetant des coups d'œil furtifs, une qualité que j'apprécie. Si plus de mes hommes pouvaient être comme elle, ça m'éviterait pas mal de merde.
— Merci, dis-je finalement. Je m'appelle Yohan. lancé-je pour briser la glace.
Elle lève à peine un œil vers moi mais garde la bouche fermement close.
— Puis-je connaître ton nom ? lui glissé-je alors qu'elle a déjà redirigé son regard vers ses papiers, m'ignorant totalement.
Elle a l'air bien plus coriace à approcher que supposé. Posant son dossier sur la table, elle darde sur moi son regard émeraude, comme si je l'ennuyais profondément.
— Puis-je vous aider avec quelque chose ? demande-t-elle en plissant les yeux, légèrement suspicieuse.
Sa voix est presque professionnelle, mais pas dénuée d'une certaine curiosité néanmoins.
— Ça fait un moment que je fréquente ce café. Je ne t'y avais jamais vue avant.
Elle lève un sourcil, je décèle un mélange de curiosité et de méfiance dans son regard. Je détaille chaque centimètre de son visage, elle est belle. Dangereusement belle. Ce genre de beauté qui peut désarmer et faire perdre la tête à un homme sans qu'il s'en rende compte.
— Je viens ici de temps en temps... répond-elle de façon évasive. Et vous ? Vous semblez très à l'aise ici. lance-t-elle en insistant sur le vous, ce qui ne m'échappe pas.
— Oui, pour le travail. Le café est bon, et l'ambiance est tranquille. L'endroit parfait pour des rendez-vous. dis-je avec un petit sourire en coin.
Elle acquiesce lentement, ses yeux ne me quittant pas. La petite étincelle qui s'est allumée montre qu'elle a compris le sous-entendu. Bien. Même si je dois la jouer finement, ne pas trop en dire. Je dois être au plus près de la vérité. Elle est maligne, elle flairerait le piège et les mensonges trop tôt si je me montrais impatient. Je croise les bras et pose les coudes sur la table pour me pencher vers elle. Je ne loupe pas son regard qui dévie quelques secondes sur mes muscles mis à découverts par mon T-shirt à manches courtes. Ses yeux parcourent l'encre noire présente sur quasiment l'ensemble de mes bras, je contracte légèrement les muscles. Elle relève vivement la tête, prise en flagrant délit, et détourne la tête vers la vitre et la circulation dense dans la rue.
— Alors, tu travailles sur quelque chose d'important ? demandé-je en jetant un regard en biais vers son dossier.
Elle le referme prestement, comme pour protéger son contenu de mes yeux indiscrets. Intéressant. Ce dossier est plus important qu'il n'y paraît.
— La routine. Rien de bien passionnant. dit-elle en haussant les épaules.
Épaules bien plus raides qu'au début. Attention, elle va se fermer. Je sais qu'elle ment. Mais je ne la blâme pas. La confiance, ça se gagne, et avec elle, je sens que le jeu va être délicat.
— Les petites choses de la vie quotidienne ont souvent plus d'importance qu'on ne le pense, rétorqué-je. En tout cas, si tu as besoin d'une pause, je suis ton homme pour te distraire un moment.
Oui j'y vais au culot. Mais je ne sais pas si mon ego n'en prend pas un coup quand un rire sort d'entre ses lèvres. Ses yeux s'arrondissent sous la surprise de s'être laissée aller avec un inconnu. Elle pose une main sur sa bouche, mais c'est trop tard, le son mélodieux a déjà résonné agréablement dans le café. Malgré ce relâchement, je sens qu'elle reste sur ses gardes. Parfait. La méfiance engendre l'intérêt, et l'intérêt est la première étape vers l'implication.
Nous passons un moment à discuter de banalités. Ce qui m'ennuie profondément, même si elle suscite mon intérêt. Les choses peuvent devenir très intéressantes. Je la sens se détendre un peu, j'espère l'apprivoiser assez rapidement. Il ne faudrait pas que cette histoire dure. Chaque mot que je prononce est soigneusement choisi pour la faire tomber, chaque sourire fait pour la mettre à l'aise. Ma technique de drague est bien rodée depuis le temps, même si maintenant mettre une femme dans mon lit est devenue une chose trop facile. Elles cèdent toutes.
Le plan est en marche et chaque minute passée avec elle me rapproche un peu plus de mon objectif. Au fil de notre conversation, je me rends compte qu'il est difficile de lui glaner des informations. Elle mentionne brièvement son travail, sûrement pour me faire fuir. Mais je fais attention à ne pas insister sur ça, je ne veux pas éveiller ses soupçons. Déjà qu'avec son radar de flic, elle doit repérer quelques détails. Je prends note mentalement de chaque petite miette qu'elle veut bien me donner. Tout ça s'ajoute au puzzle que je construis.
Après une heure passée à discuter, je jette un coup d'œil à ma montre et feins la surprise. C'est l'instant que je saisis pour enclencher l'étape suivante.
— Oh, je suis navré de t'avoir pris autant de temps. Je devrais probablement y aller, dis-je espérant qu'elle saisisse la perche pour me faire rester.
Un léger sourire apparaît sur ses lèvres, ce qui attire mon regard sur celles-ci. Je les imagine faire plein d'autres choses que parler.
— Pas de soucis. Ce n'était pas si mal comme entrée en matière, Yohan !
— Pas si mal ? Tu me vexes. Pour moi c'était un plaisir, mademoiselle... lancé-je pour la pousser à nouveau à me dire son nom.
Mais sa bouche reste fermée. J'adore ça. J'attrape son stylo et tire son dossier avant qu'elle n'ait pu réagir. J'inscris mon numéro dessus avec mon prénom.
— Si jamais tu veux prendre un café ailleurs, ou même baiser, qui sait, n'hésite pas à m'appeler. dis-je avec un clin d'œil.
— L'espoir fait vivre... dit-elle presque moqueuse.
— J'en suis débordant, alors à bientôt, j'espère.
Elle ne m'écoute même plus, ayant déjà rouvert son dossier, comme si je n'avais jamais existé. Je me lève et attrape ma veste avant de l'enfiler. Cela s'avère plus compliqué que prévu. Je quitte le café, en lançant un dernier regard vers elle. Une fois dehors, je ne peux m'empêcher de sourire. La première étape est un succès. Elle est intriguée par moi, un étranger charmant rencontré par hasard. Maintenant, il s'agit de continuer à tisser cette toile, à la rendre suffisamment forte pour qu'elle se retrouve piégée, à ma merci sans même s'en apercevoir. Je sais qu'il va falloir que je prenne mon temps, ce n'est pas un sprint, mais ça va plutôt être un marathon. Ce qui m'excite un peu.
Elle ne sait pas encore à quel point sa vie va changer. À quel point elle va se retrouver prise dans un jeu bien plus dangereux qu'elle ne l'imagine. Et moi, je suis prêt à jouer. Prêt à tout pour me venger. Maintenant, je dois rejoindre le QG et déterminer quel sera notre prochain déplacement, après, cela sera à Ella d'avancer ses pions.
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