Chapitre 1 : Ella
J'inspire une grande bouffée d'air en observant le building qui me fait face. Je me sens minuscule sous son ombre imposante qui me donne l'impression d'être avalée par les ténèbres. Mon cœur bat la chamade tandis que je franchis les portes de la bâtisse. Mes talons claquent sur le sol en marbre blanc alors que je me dirige d'une démarche qui se veut assurée vers le comptoir où une blonde plantureuse machouille son chewing-gum bruyamment.
— Bonjour, j'ai rendez-vous avec Monsieur Torio, m'annoncé-je d'un ton ferme.
La bimbo lève les yeux de son téléphone et me toise sans dissimuler son mépris. Du haut de mon mètre soixante-deux, je ne suis peut être pas très impressionnante, mais je compense avec un caractère suffisamment acéré pour faire plier les plus récalcitrants.
— Monsieur Torio ne reçoit pas aujourd'hui, mâchonne-t-elle en continuant de me détailler.
— Je pense que pour moi il fera une exception, assené-je avec un peu plus de fermeté en lui présentant ma plaque.
La blonde se penche en avant et plisse les yeux pour détailler l'insigne. Son regard fait des allers retours entre mes yeux et mon badge.
— Personne ne pourrait croire que vous êtes flic.
Son ton mielleux glisse sur moi.
— C'est pour mieux tromper l'ennemi, souris-je. Maintenant, puis-je voir Monsieur Torio ?
Elle hoche la tête et tapote, de la pointe de ses ongles manucurés une combinaison de chiffres sur le téléphone.
— Monsieur... Oui, je sais que vous aviez dit que personne ne devait vous déranger mais... Oui, je suis désolé.
À mesure que sa conversation avance, la réceptionniste blêmit sous sa couche de fond de teint. Je peux presque sentir la peur qui lui contracte l'épaule. Quand elle raccroche, ses mains tremblent si fort qu'elle doit s'y reprendre à deux fois pour replacer le combiné.
— Je suis désolé, Monsieur Torio refuse d'être dérangé.
La bimbo a perdu toute l'arrogance dont elle a fait preuve à mon arrivée. Je n'ai face à moi qu'une employée effrayée.
— J'aimerais que vous m'indiquiez où se trouve son bureau.
Ses yeux s'écarquillent et elle se met à secouer frénétiquement la tête.
— Je...je ne peux pas.
— Pourtant il va bien falloir..., je scrute le badge accroché au ras de son décolleté, Mylène.
Les yeux de la jeune femme s'emplissent de larmes et je me retrouve complètement destabilisée par son changement soudain de comportement. Quel genre d'emprise à cet homme sur son personnel pour qu'elle soit à ce point effrayée.
Mes doigts cherchent la crosse de mon arme, dans un geste destiné à me rassurer. J'ai plongé la tête la première dans la gueule du loup, prête à faire du zèle, malgré les nombreuses mises en garde de mes collègues. Je ne pouvais pas laisser filer l'occasion d'enquêter sur le grand Andrea Torio.
Depuis mon entrée au CPD, trois ans auparavant, je n'ai qu'un seul désir, me confronter à cet homme. Si j'ai mis en avant mon besoin de justice lors de mes premiers entretiens, mes véritables motivations quant à mon enrôlement dans les forces de l'ordre s'avèrent bien moins nobles. J'y vois surtout un moyen de me venger, tout en protégeant tous ces jeunes qui pourraient se retrouver dans la même situation que Jaxon.
Mylène continue à m'observer, les yeux écarquillés. Ses ongles tapent contre le PVC de son bureau à un rythme frénétique et sa jambe tressaute si vite que tout son corps tremble.
— S'il vous plaît, veuillez m'indiquer le bureau de Monsieur Torio, insisté-je sans m'émouvoir de la panique dans les yeux de la blonde.
Je lis la supplique dans son regard, mais reste insensible à celle-ci.
— Il est en salle de réunion, au dix-huitième étage, balbutie-t-elle.
J'acquiesce et la dépasse sans m'attarder sur les quelques larmes qui ont commencé à faire couler son mascara. Je traverse le hall qui semble s'étirer sur des kilomètres pour rejoindre la longue ligne d'ascenseurs. Plusieurs hommes en costumes patientent en silence, le nez rivé sur leur téléphone dernier cri. Les chiffres lumineux défilent au-dessus des épaisses portes métalliques bien trop lentement à mon goût. Quand un léger bip retentit, je me précipite dans la cabine et m'enfonce tout au fond de celle-ci. Rapidement l'espace est rempli d'attaché-caisse, de coiffures gominées et d'une forte odeur d'eau de cologne et d'after-shave. Mes doigts battent la mesure de mon cœur sur ma jupe tailleur. Les étages défilent, les arrêts s'enchaînent et la cabine se vide peu à peu. Bientôt, il ne reste plus que moi et un grand brun qui ne cesse de me jeter de brefs coups d'œil. Ses traits acérés et le bleu perçant de ses yeux lui confèrent une beauté froide et hypnotique. Pourtant, son intérêt me met mal à l'aise. Ma respiration se bloque alors que ses iris s'attardent une fois de plus sur les lignes de mon corps. Pour éviter de trop attirer l'attention, j'ai troqué mon uniforme contre un ensemble chemise, jupe crayon qui me semble soudain bien trop près du corps. Lorsque les portes s'ouvrent enfin sur le dix-huitième étage, je me précipite dans le corridor d'un blanc criard pour échapper à cet homme à la présence oppressante. Manque de chance, ce dernier me suit.
Je tente de l'ignorer alors que je traverse le couloir. Je dépasse plusieurs portes avant de tomber face à une large porte vitrée qui laisse entrevoir une salle de réunion. Debout derrière une table de verre ovale, Andrea Torio domine une assemblé de costards parfaitement alignée. Vu de l'extérieur, tout pourrait laisser croire qu'il s'agit d'une simple réunion d'affaires. Pourtant plusieurs détails subtiles témoignent du genre d'affaires qui se décident entre ces murs : de légers renflements à peine visibles sous les vestes, quelques lignes encrées à la base d'une nuque ou des cicatrices discrètes sur mains et visages. Rien qui n'alerterait un œil non averti. Mais je sais dans quel type de commerce trempe Andrea Torio.
J'inspire une grande goulée d'air.
Lisse les pans de ma jupe déjà parfaitement repassée.
Lève le poing pour frapper.
Mais l'homme de l'ascenseur me dépasse et pénètre dans la pièce d'une démarche assurée.
— Aurelio, mio nipote, vieni qui, l'accueille Andrea, bras ouvert.
Le dit Aurelio offre une brève accolade à son oncle avant de se détourner. Ses iris de glace s'arriment presque automatiquement aux miennes, alors qu'il esquisse un sourire aussi charmant qu'inquiétant. Son oncle suit le chemin de son regard et remarque enfin ma présence. Malgré l'aura de puissance d'Andrea Torio qui déferle sur moi, je me redresse, relève la tête et affronte ses yeux d'un gris intense sans trembler. Les légères rides qui marquent son visage et les quelques poils gris qui parsèment sa barbe taillée au millimètre n'entament en rien la beauté de cet homme.
— Che cos'è questa bella cosa che ci portio ?
— Non la conosco, ma ho molta voglia di conoscerla meglio, lui répond Aurelio sans me lâcher du regard.
Le sens des mots m'échappent totalement, mais un frisson désagréable court sur ma peau. Mon instinct me hurle de fuir, mais je refuse de céder à de basses pulsions animales. Je ne me terre pas face au danger, je l'affronte.
Après une longue attente, c'est parti pour la publication de L'Etreinte de l'ombre. Vous découvrirez un nouveau chapitre les Jeudis et Dimanches à 19H.
Nous avons hâte de connaître votre avis sur cette histoire et nos personnages.
C'est barré, mais promis on est pas cinglé.
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