Psithurisme

M Y L A

_Je le sens moyen ton jeu, Gwen..._

-Mais si vous allez voir c'est très bien.

Elle me pose de force sur un matela du salon pendant qu'Adam ramène des gobelets et que Rebecca met un peu de musique. Gwen me lance un regard intransigeant avant de courir loin de moi. Ses beaux cheveux tout bouclés gesticulent gaiement autour d'elle.

Comme toujours, c'est la liberté qui se personnifie en elle.

Elle me laisse seule avec Aaron et Rebecca, qui me jettent des coups d'œil surpris, me demandant muettement ce que peut bien mijoter mon amie qui sautille comme un kangourou...

Je hausse les épaules. Je n'en sais malheureusement pas plus qu'eux...

Elle part à la cherche de son sac, resté dans l'entrée tout près du mien. Elle revient avec et en sort une ardoise et des feutres velleda de toutes les couleurs possibles.

Adam, qui débarque avec les gobelets et un plateau de pizzas fumantes au même moment, lève un sourcil interrogateur.

-Et sinon tu te balades souvent avec une ardoise aussi grosse dans ton sac ?

Gwen me regarde une fraction de seconde et, tandis qu'Aaron se précipite sur la pizza, Gwen cale l'ardoise sur ses genoux et souffle :

-Cher petit Adam, sache que le sac d'une fille recèle de choses et de secrets que même ton esprit n'oserait imaginer.

-Ah mais je vois ça !

Adam s'assoit méticuleusement sur un bout de matela, près d'Aaron.

À présent, nous formons un parfait cercle de cinq. Et nous attendons que Gwen nous explique...

Sentant que l'attention est tout particulièrement portée sur elle, Gwen fait durer l'instant et se racle la gorge d'une manière quelque peu théâtrale. Ses yeux brillent d'un éclat d'intelligence et d'une joie profonde qui me paraissent sur l'instant, simplement indéfinissable. Absolument précieux.

-On va essayer de faire deviner aux autres en une minute ce qu'on dessine. Si personne ne trouve, la personne qui dessine doit boire un gobelet cul sec ! déclare mon amie avec un sourire malicieux en remplissant chaque gobelet avant de les placer devant nous.

Lentement, je comprends qu'il est préférable de ne jamais sous-estimer mon amie, qui a plus d'un tour dans son sac... Si elle semble faire certaines choses par hasard, c'est assez rarement le cas.

Je vois du coin de l'œil, Adam lever ses yeux vers le ciel.

-C'est pas un peu un jeu de gamin, ça ?

-Fais pas le rabat joie il est très bien, ce jeu ! ricane Aaron, d'un air que je soupçonne d'être un peu trop moqueur à mon goût.

Ne pouvant laisser mon amie seule et sans défense face à ces gens qui peuvent parler sans soucis, je me penche vers elle et attrape l'ardoise ainsi qu'un feutre rouge.

Son sourire s'illumine à l'instant même où je lui prend des mains le petit tableau. Et, voir quelqu'un d'aussi joyeux qu'elle, simplement pour ces petites choses et petits gestes de la vie, cela embaume mon cœur tout craquelé.

Je mets toute ma créativité en action et, une fois mon chef d'œuvre terminé, je le tourne vers les quatre spectateurs qui ont soudain cessé de parler. Je le tourne toutefois d'avantage dans la direction d'Adam.

Il scrute de ses yeux la main que j'ai tenté de faire et du majeur, qui se lève fièrement sur ce dessin, avec écrit juste au dessus :

_Crois-tu qu'un enfant ferait ça ?_

Un sourire brise son air sérieux.

-Oh que oui, c'est tout à fait ce qu'un gosse de huit ans ferait.

Il m'arrache des mains l'ardoise et le feutre puis efface tout pour écrire. En deux temps, trois mouvements de crayon, il la pointe vers moi. Autour de moi, les autres se penchent pour mieux voir l'inscription.

Dessus, je peux y lire dans une écriture toutefois quelque peu désordonnée :

-Psithurisme-

Je fronce les sourcils.

-Ça, un enfant ne l'écrirait pas puisqu'il ne connaît même pas l'existence de ce mot.

-En même temps Gwendoline a dit de DESSINER, pas d'écrire, tente de justifier Rebecca pour me venir en aide.

-Et ça veut dire quoi, ton mot, gros malin ? demande Gwendoline en croisant les bras contre sa poitrine d'un air un peu mécontent.

L'interessé se recale sur son matela instable. Un air plus qu'amusé et arrogant se peint sur ses traits. J'ai tellement l'habitude à présent d'observer ces deux émotions consécutives sur ce visage, qu'il me prend l'envie de les faire vaciller un instant et de constater les limites de cette arrogance qu'Adam sait si bien manier. Mais soudain il ouvre la bouche et une nouvelle émotion m'étouffe et m'avale toute entière.

-Psithurisme c'est le bruit du vent dans les arbres. Vous savez, c'est ce genre de bruit tellement silencieux qu'on se demande si vraiment il existe ou s'il a même déjà existé. Il est là, mais on ne l'entend pas. Il se pourrait qu'on puisse l'entendre un jour... Mais seulement si on le veut et le cherche vraiment, quoi.

-Et t'as appris où ce mot ? Ne me dis pas que tu as lu ça dans un livre, je ne te croirai pas, se moque gentiment Aaron.

Adam croise soudain mon regard une fraction de seconde. Et je sais que si son regard croise le mien à cet instant précis, c'est un hasard. S'il connaît ce mot, c'est simplement un hasard. S'il le prononce maintenant, il ne connaît pas la justesse de ce qu'il vient de dire.

Et si c'était le contraire, ne penses-tu pas qu'il m'en voudrait de ne pas lui en avoir touché deux mots ? De toute façon, il doit s'en douter n'est-ce pas ?

-À force de passer du temps dehors et à prendre en photo la nature, on finit par apprendre des mots sur elle, j'imagine.

Il se tourne vers Gwendoline en lui faisant un clin d'œil.

-Des mots qui recèlent de choses et de secrets que même ton esprit n'oserait imaginer...

-Ah. ah. C'est bien de savoir piquer les réplique des autres ! souffle Gwendoline en lui tirant la langue.

-Bon je commence vu que personne ne se décide, tranche Rebecca en récupérant l'ardoise des mains d'Adam et en piquant un feutre noir à Gwen.

Elle commence à tracer des lignes et dessine des formes. La concentration lui fait froncer les sourcils.

-Humm, dit tout haut Adam au bout d'un moment, tandis que Rebecca continue de s'acharner sur son dessin. Moi en bikini ?

-Non mais presque, avoue Rebecca.

-Il reste 20 secondes ! déclare Gwendoline.

Aaron se redresse subitement, comme si cette réponse l'avait aidé.

-Un pingouin !

-Ouii ! s'exclame Rebecca en claquant dans la main qu'Aaron lui tendait. À toi Myla !!

J'attrape donc à mon tour l'ardoise et à mon tour fait deviner.

Le jeu s'enchaîne et la bouteille se vide de plus en plus. Nous rions comme des enfants devant les dessins des uns et des autres, car, je ne vais pas te mentir... Personne dans cette pièce ne sait véritablement dessiner.

Nos cercles ressemblent à de vagues patates vieilles d'un siècle minimum. Nos animaux prennent tous plus ou moins l'apparence de gros nuages vêtus de deux ou quatre baguettes en guise de pattes.

Je passe toutefois et malgré notre niveau faible en dessin, la plus merveilleuse soirée qu'il est possible de passer.

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