Promesses insoupçonnées

M Y L A

_Tu as fait quoi ???!_

Malgré moi, je souris, à cause de ces mots que vient de me dire Adam.

-Je te jure mais... J'étais au collège, jeune et encore si innocent ! tente-t-il de se justifier dans un éclat de rire presque taquin.

_Par innocent, tu entends... Libérer des crapauds ?_

-Je n'étais pas tout seul, Rebecca était avec moi et elle est encore plus tarée que moi, j'te promets !

Adam lâche un ricanement avant de dire :

-Tu devrais la rencontrer. Je suis certain que vous vous entendriez super bien. Oh et son mec, Aaron, aussi. C'est quelqu'un d'extra. Ils seraient très heureux de te voir.

Son visage se tourne vers moi. Ses yeux brillent. Plus qu'à l'accoutumée. Comme ils brillent rarement. Et je me demande alors ce qui a bien pu changer dans sa vie et le rendre un peu plus joyeux. Je souris.

Malgré moi et mon incapacité à m'exprimer, mon corps réagit. Mes doigts se lèvent d'eux-même et viennent effleurer le dessous de son œil gauche comme pour effleurer le bonheur qu'il a réussi à posséder et à garder en lui.

Il a d'énormes cernes qui semblent envahir tout son visage. C'est à se demander s'il lui arrive véritablement de dormir toute une nuit... Sur sa tête, ses cheveux sont sans dessus-dessous. Un véritable champ de bataille capillaire ! Et ils sont bruns, sombres comme la couleur du chocolat noir. Ils sont beaux... Et il sourit, ses yeux pétillent. C'est beau la joie !

Je me prends à regarder ses lèvres trop fines. Son nez trop tordu. Ses sourcils trop larges. Ses yeux trop sombres. Son corps trop grand et trop long. Son visage un peu trop maigre aussi... Et je suis étonnée par toutes ces imperfections qui, étrangement me rassurent et le rendent plus humain que tous les humains que j'ai pu contempler. Peut-être plus humain que toi et ton visage toujours si froid et impénétrable... Si mystérieux et secret. Si magnifique et dénué d'imperfection. Lui, il n'arrive pas à être secret. Toute sa torture et sa rage sont là, contre le bout de mes petits doigts.

D'abord, Adam paraît étonnée de mon geste si innatendu. Puis son regard s'adoucit un peu. Il retire doucement ma main de sa joue douloureuse dans un froncement de sourcils. Il fixe mes falanges brunes entre les siennes, si pâles.

De mon autre main libre, j'écris comme je peux sur un petit bout de feuille :

_Tu as l'air plus heureux !_

Il me regarde un moment, dans le noir de nos pupilles animées.

-Je sais pas vraiment si je suis plus heureux. C'est juste que certaines choses dans ma vie guérissent et évoluent... Je... Mon père a enfin accepté que je rende visite à mon frère. Avant je ne devais même pas parler de Gabriel devant lui. Je... Oui, je crois que les choses s'améliorent un peu.

Il ne lâche pas mes doigts en parlant. Il les emprisonne tout contre les siens. Dans sa paume, il vient de capturer la mienne. Sa main est gigantesque ! Ses doigts sont longs et fins comme jamais je n'en ai vu de pareils. Nous commençons à jouer lui et moi : je tente d'attraper sa main chaque fois qu'il essaie de la retirer. Nos doigts se tordent et chacun peine à échapper à l'emprise de l'autre. Puis, notre jeu s'éteint et Adam fronce une fois de plus les sourcils en contemplant mes doigts.

-Tu... Tu m'as dit que tu aimais la musique et je me demandais si par hasard tu jouais d'un ou plusieurs instruments ? Parce que tu as des doigts... Ouais des putains de doigts de musiciens, et ils semblent promettre une mélodie qu'on est pas prêt d'oublier !

En pleine face, je me prends ton souvenir. Je te revois toi. Ta douce voix. Je revois nos sens aiguisés dans l'art de créer, unis et imbrisables, que même une fausse note n'a jamais su désunir...

J'arrache ma main de l'emprise d'Adam. Je décide de graver quelques mots, encore une fois, sur cette vieille feuille tordue par ce vent qui pourchasse la poussière.

_Il y a de ça un an déjà, je faisais du violon. Ma soeur chantait. Sa voix était merveilleuse ! Mais quand elle est partie, je n'ai pas pu continuer. Maintenant, la seule chose que je peux encore faire c'est courir et écouter de la musique._

-Je vois, je comprends. Désolé.

Je hausse les épaules parce que je ne vois pas pourquoi il s'excuse. Encore une fois.

_Ne t'excuse pas, Adam. Pas toi, surtout pas._

Quand il lit ces mots, il sourit avant de me piquer la feuille des mains.

-Ça arrive que les gens soient désolés tu sais. Genre, vraiment. Mais on va pas revenir dessus, chère Amazonne. On en a déjà parlé et je suis toujours aussi désolé.-

_Alors moi aussi je le suis. Pour ton père qui ne te comprend pas et ton frère qui n'arrive plus à différencier réalité et fiction... Et toi qui essais de te guérir de l'injustice..._

Au lieu d'écrire, il me dit simplement :

-Bien.

_Bien ?_

Il s'éloigne du mur contre lequel il s'était appuyé et me déclare en rangeant ses mains dans ses poches :

-Tu me dois un paquet de clope.

_Parce que je suis désolée ?!_

Il reprend la feuille.

-Disons... Pour ton refu total d'accepter ma compassion que pourtant, j'offre si rarement aux gens. On dirait pas sous tes p'tits airs d'innocente Sainte Nitouche mais t'es grave têtue.-

-Et je te rappelle que c'est TA faute si mon dernier paquet a fini dans l'eau ! ajoute-t-il comme par provocation.

_Dans ce cas, toi-même tu me dois un service, vu que tu t'obstines également à rejetter ma propre compassion à ton égard._

Cette fois, Adam et moi éclatons en même temps de rire. Parce que nous savons aussi bien l'un que l'autre que nos services sont bien futiles et ne servent pas à grand chose... Si ce n'est à combler le vide de nos existences bancales.

-D'accord, vas-y, propose ton offre.

Je réfléchi un moment. Puis une idée terrible me vient et me m'arrache un petit sourire qui fait grimacer Adam.

_À la place de rester ici sans bouger tous les matins, cours avec moi._

Adam reste un instant à observer mes mots. Son sourcil droit se soulève et il me dit :

-Je cours aussi mal qu'un bébé faon sur une banquise, Myla !

Je souris à nouveau en écrivant :

_Viendrais-tu de te comparer au cher petit Bambi de Walt Disney ? Toi ? Adam ?_

-Non... ment-il, le nez quelque peu plissé.

Je lui lance un coup d'œil amusé.

-Bref. Si je dois VRAIMENT courir, en plus d'aller chercher mes clopes... Tu dois accepter que je te prenne en photo.

Je le vois se racler la gorge après cela et se gratter la nuque, comme regrettant de telles paroles. Ou peut-être gêné par sa propre demande.

Je reste pensive un long moment qui semble durer dans un silence précaire. Et durant ce silence planétaire où seuls les éléments semblent chuchoter, je me demande pourquoi.

Pourquoi m'avoir demandé cela ? Pourquoi est-il si troublé par sa propre demande... Pourquoi ces pourquoi que chuchote ma raison ?

Puis je hoche infirmement de la tête en signe d'acceptation. Adam relâche le souffle qu'il retenait depuis tout à l'heure.

-D'accord... Cool...

Je lui tends alors ma main et, contre tout attente, cette fois-ci il la serre et ses yeux brillent plus fort encore. Ils tourbillonnent comme une tornade nocturne. Comme une vie qui s'arrête et une autre qui se déploie. Comme le début de quelque chose de nouveau que, ni l'un ni l'autre ne saurions réellement prédire...

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