On y arrivera
M Y L A
Je serrais tout contre moi Adam en regardant au loin. Là où le soleil se soulevait doucement d'entre les branches d'arbres. Là où je sais que personne ne me suivra. Ni les tourments, ni les peines. Juste mon regard. Juste l'absence des gens.
Je sais qu'Adam veux qu'on aille doucement et que, lui comme moi, n'avons pas l'habitude de ce sentiment qui habite soudain nos poitrines. Mais après ce qu'il s'est passé hier avec ma mère, j'ai véritablement besoin d'une épaule sur laquelle m'appuyer un instant.
Je ferme les yeux quelques secondes pour savourer l'odeur d'Adam et la chaleur de son grand corps. Puis je rouvre les paupières.
Elle part cette semaine. Ma mère.
Tant mieux, ne puis-je m'empêcher de répéter. Ma mère ne me ferra plus de mal. Ni à moi, ni à Apolline. Et surtout plus à mon père.
Adam effleure mes cheveux. Il profite de notre proximité.
-Un jour, j'en suis certain, tu rejoueras de ce violon.
Je secoue la tête. Ma gorge me fait mal.
Il pose ses deux mains sur mes joues et m'oblige à le regarder. Le chocolat traverse le néant.
-Tu sais comment je le sais ?
Je soupire et à nouveau je secoue la tête. Il semble si réconfortant avec ses yeux...
Je ne veux pas lutter contre lui... Je n'ai pas assez dormi pour cela. Pas assez mangé. Je ne l'ai pas encore assez aimé.
J'ai évité le déjeuner et le repas d'hier... Même si ma sœur est venue me voir un instant pour m'apporter de quoi tenir toute la journée, je n'ai presque rien pu avaler.
Apolline et moi avons pleuré en mémoire du passé et en regardant quelques épisodes d'une série quelconque jusqu'à tard dans la nuit.
Un soupire m'échappe.
Je ne veux plus voir ma mère.
-Je le sais parce qu'un jour, j'arriverai à reprendre en photo les gens quand ils sont beaux.
Nous soupirons et le vent glacial soupire avec nous. Adam me fixe et dans ses yeux, j'observe l'espoir que tout aille mieux. Et j'ai envie d'y croire à mon tour. De croire en ce qu'il voit.
Alors, je m'arrache à son étreinte et écris sur mon téléphone.
_D'accord... Merci._
Adam me lâche un sourire enjôleur.
-Mais de rien, je suis là pour ça.
Je lui donne un coup de coude entre les côtes face à ce manque de modestie. Puis, je me détourne de lui pour contempler l'eau qui coule sous le pont.
Adam s'approche à son tour du mur et y pose ses mains. Lentement, il en approche une près de la mienne, posée également sur les pierres.
Nous ne disons plus grand chose, subjugués que nous sommes par ce contact. Nous fixons nos mains et nous nous étonnons qu'elles se soient retrouvées et unies si doucement. Si sincèrement.
Je m'arrache laborieusement de sa paume chaleureuse afin de lui poser une question.
_Ton frère va bien ?_
-Ouais. J'ai l'impression que ses traitements commencent à faire un peu d'effets. Il était temps ! Il arrive à être un peu plus lucide.
Je souris face à cette bonne nouvelle.
_Et ton père ?_
Adam rit et comme à son habitude, détourne ma phrase :
-Mon père est toujours lucide !
Je lève les yeux au ciel.
_Je reformule : comment va votre relation père-fils ?_
Cette fois-ci, Adam se rembrunit. Il croise ses bras et se cale contre le petit mur. Son regard se fait dur et tout son grand corps se fige dans le vent.
-On ne se parle pas trop le week-end... On a plutôt tendance à s'éviter. Alors j'imagine que ça a pas trop évolué.
Adam me jette un coup d'œil avant de poursuivre :
-Il m'a juste demandé si on comptait se revoir. Quand je lui ai répondu que oui, j'ai cru qu'il allait s'étouffer avec ses haricots !
_Il ne m'aime pas beaucoup, pas vrai ?_
-C'est pas contre toi, mon père aime très peu de monde. Et depuis que mon frère a fait son overdose à cause de cette meuf à la con... Bah, c'est simple. Il n'aime que ma mère. Point.
_Tu veux savoir mon avis ?_
-Non.
Voyant mon air faussement blessé, il renchéri :
-Ça va, je déconne ! Bien sûr que je veux connaître ton avis, et tous tes avis même.
_Je crois que ton père a peur qu'il t'arrive ce qui est arrivé à ton frère. _
Adam me regarde et un sourire fend ses lèvres.
-Quoi ? Que toi, tu me fasse du mal ? Petite chose que tu es ? Une pichenette et tu t'envoles dans les airs, Myla !
_Essaie déjà de m'atteindre monsieur qui ne sait pas même faire 30 min de course sans s'arrêter ! Je te sème quand je veux et où je veux._
Adam grimace mais ne réplique pas. Avant que nous nous éloignons du sujet, j'ajoute :
_Sérieusement.
Ton père a peur que tu te perdes, Adam. Il a peur de te retrouver, toi, à l'hôpital, mal en point et à la limite de la mort._
-Mais je ne me drogue pas et ne bois pas ! Je risque pas de faire une overdose.
_Je sais...
Mais la peur des parents n'est pas toujours rationnelle et est presque toujours incontrôlable._
Adam me regarde longuement avant de souffler entre ses dents et au travers du vent :
-Tu t'entendrais vraiment bien avec mon frère...
Je ris malgré moi.
_Après tes meilleurs amis et tes parents, tu souhaites que je rencontre ton frère !_
Adam se rembrume un peu.
-Non... Je pense que c'est un peu tôt pour lui de rencontrer de nouvelles têtes. J'dis juste qu'il aimerait ta manière de penser. Il aime les réflexions humaines...
Nous ne disons plus rien et laissons simplement les premiers rayons du soleil nous parvenir.
Soudain, je me tourne vers lui.
_Nous sommes en retard, il est temps de courir !_
Alors que je commence à m'éloigner et trottinant doucement, Adam me rattrape par le bras. Ses yeux parcourent mon corps d'une manière que je ne comprends pas bien.
Il hésite avant de finalement dire :
-Et si... Si aujourd'hui on faisait une pause ? Je suis pas vraiment chaud pour courir.
Un peu déçue, je hausse les épaules.
-Tu vas finir par me tuer si tu ne me laisses pas une journée de repis, ajoute-t-il avec un sourire aux lèvres qui ne se reflète pas vraiment dans ses yeux.
En une fraction de seconde, son regard redevient taquin et je pense soudain avoir imaginé son air inquiet.
-Ça te dit de sécher ? me chuchote-til en effleurant exprès de ses lèvres mon oreille.
Je sens un frisson naître partout dans mon corps et cela le fait sourire. Son souffle me fait vaciller dans cette aube en train de naître et colorer l'atmosphère en une couleur dorée. Je serais presque prête à acquiescer son idée.
Toutefois, je secoue la tête et des mèches glissent sur mes épaules.
_Ma sœur, Apolline, me tuerait._
Il s'approche un peu plus de moi. Il n'y a presque plus d'espace entre nos deux corps. Il coince une mèche sauvage derrière mon oreille et me répond :
-Je l'en empêcherai.
Je fouille une seconde dans la poche de ma veste. Et après avoir écrit quelques mots sur un de mes post-it jaunes, je décide de le coller sur son front.
Quand il l'arrache pour lire ce qu'il y a dessus, il grimace.
_Pourras-tu également empêcher ton père de te tuer ?_
-Très bien, on sèche pas. Tu finis à quelle heure ?
De mes deux mains, je lui montre mes dix doigts, puis sept.
-Dix-sept heures. Ok, je finis à seize. On a qu'à se retrouver devant ton lycée vers dix-sept heures ?
Malgré moi je souris.
_Nos lycées sont à l'opposés l'un de l'autre !_
-Une heure c'est largement assez pour aller de mon lycée au tiens, réplique-t-il.
_J'ai un scooter ! Je peux l'utiliser et te rejoindre._
Adam secoue la tête dans un non catégorique, même si je vois bien que l'idée de monter sur le scooter lui plaît bien.
-Si tu t'imagines un instant que je vais poiroter plus d'une heure en espérant voir apparaître bientôt ta petite gueule d'Amazonne, tu te fourres les deux doigts dans le nez !
Je regarde Adam et j'y vois tout ce qu'il est et ce qu'il doit rester.
Je le vois, avec un peu de cette colère dévastatrice. Avec ses peurs. Avec sa retissance à aimer... Et je pense que tout le monde mérite d'être aimé pour sa personnalité et pas seulement pour ses qualités.
Cette réflexion me prend de cours et alors, je capitule.
_Tu as gagné... Je t'attendrais devant mon lycée._
Nos regards se croisent. Et dans ses yeux, je ne perçois plus leur couleur. Je n'y vois que le bonheur.
J'attrape mes écouteurs et jusqu'à ce que l'heure nous y oblige, nous écoutons de belles musiques.
Sans courir.
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