M Y L A

«- Myla ? L'amour c'est quoi ? C'est deux personnes qui se tournent autour, se cherchent, se percutent et se repoussent ! L'amour, c'est un jeu de séduction, où on s'aime et se déteste. Où on apprend sur l'autre et sur soi même. Où on se teste sans cesse, nous et les limites... Nos limites.

Tu as tripoté tes cheveux, as regardé en l'air. À l'époque je prenais cet air pour un instant de rêverie et d'abandon de soi. Maintenant je pense que c'était le moment où tu tentais de retenir quelques larmes.

Ton visage était un peu abîmé et bleuit. Sa lèvre était fendue. Tu paraissais également courbaturée de partout. Mais tu m'avais dit et avait dit à tout le monde de ne pas m'en faire, que tu avais fait une mauvaise chute dans des escaliers et que tu avais tout dévalé. Alors, je t'avais cru et tout le monde t'avais cru. Certainement parce que nous ne voyions pas les raisons que tu avais de nous mentir...

Tu continuais de regarder le plafond quand tu m'as demandé :

-Tu crois que, parfois, l'amour et son jeu peuvent aller trop loin ? Peut être aller au delà des limites de l'amour ?

J'ai haussé les épaules parce qu'à l'époque, je n'aimais que toi, Apolline, maman, papa et quelques amis. Mais je crois que, perdue dans tes pensées, tu n'as pas vu mon geste, car soudain tu as repris :

-Et il se passe quoi au delà des limites de l'amour ? Une fois qu'on les a franchis, je veux dire ? Un jeu trop complexe pour être tenté nous fait basculer dans la folie ? Une passion trop intense nous dévore et nous fait abandonner la vie ? Quelqu'un a-t-il déjà plus qu'aimé, dis ?

Tu m'as regardée essayer de jouer un refrain avec mon violon.

Et tu t'es arrêtée de parler. Alors, je me suis m'arrêtée de jouer.

-Tout le monde, une fois amoureux, adore déclarer aimer plus qu'il n'en est réellement possible, ai-je dis en secouant mon bras un peu engourdi. Les gens adorent penser que leur histoire d'amour est peu banale et n'a rien à voir avec ceux des autres.

-Et si cette fois, c'était réellement possible ?

-Quoi ? Tu es amoureuse ?

Ton corps s'est tendu à cet instant.

-Qui te dit que je parlais de moi ? m'as-tu demandé peut-être un peu sur la défensive.

-Je ne sais pas. Tu poses beaucoup de questions...

-L'humain a tendence à être curieux de l'inconnu et à beaucoup s'interroger.

Ta carapace s'était remise en place. Tu t'es redressée et t'es raclée la gorge.

-Bon, j'arrête de parler de n'importe quoi, il est temps de chanter !

Tu as fait craquer tes doigts et m'as lancée un de ces sourires plein d'audace dont tu as toujours eu le secret tandis que je démarrais la chanson...

La dernière chanson que nous avons joué ensemble avant que tu ne décide de t'en aller, le lendemain même. À jamais.»