Deux et le monde
M Y L A
Le jardin brillait dans la chaleur étouffante du soleil. Elle rendait l'herbe plus brillante. Cette ardeur qu'avait soudain le soleil, attirait irrévocablement les insectes de toutes parts. Les petits animaux venaient par-ci, par-là, goûter au délice d'une fleur trempée par le nectar des abeilles.
Et tu étais là. Tu souriais, de ce sourire taquin qui promet l'amusement.
-J'ai pas envie...
Tu as levé les yeux au ciel. Tu as attrapé mon bras et m'a entraînée avec toi, dans la sueur ruisselante du soleil. L'étui noir s'est cogné dans mes reins quand tu m'as saisie par la main. Moi, prisonnière de ton idée. Mais je t'aimais. Et je voulais te faire plaisir.
Je voulais être comme toi. Un brin courageuse. Un brin intrépide. Un brin sans peur.
Je voulais que tu m'aimes autant que moi je t'aimais.
Et tu étais là. Magnifique dans ta petite robe d'été. Le fin tissus flottait dans un orange délicat d'un couché de soleil resplendissant. Tu m'as entraînée, m'as fait avancer tandis que je criais contre toi et tes envies. Mais qui peut te résister ? Qui ?
-Pourquoi tu veux faire un truc aussi stupide ?
-Justement parce que c'est stupide ! Et ce qui est stupide est amusant !
Sur le scooter nous avons vogué un moment comme des oiseaux dans un grand ciel ouvert. Comme des oiseaux libres.
Toi tu étais la colombe. La belle allégorie des paix souveraines. Et moi, le corbeau, planant au dessus des désastres, prêt à piquer et à approcher l'horreur sans le vouloir.
Et nous sommes arrivées.
Moi qui pensais que jusqu'alors la petite ville où nous avions toujours grandies était vide, la voilà qui était bien trop pleine.
Je me suis recroquevillée. Un frisson a glissé contre mon dos. L'étui pesait sur mon corps disgracieux.
-Non... Je ne crois pas pouvoir...
-Quoi ? Alors c'est vrai, une Lamarre peut abandonner !? m'as-tu dis, les poings sur les hanches.
-Mais... Je ne suis pas très douée... Je vais me ridiculiser...
-Tais-toi, dis pas de sottises ! Il est temps de se déchaîner.
J'ai trituré ma large chemise à carreaux. Elle était verte comme les forêts sombres où se tapissent les monstres. Mon vêtement datait déjà de nombreuses années.
-J'ai... Hum, peur...
Je savais déjà que tu allais réussir à arriver à tes fins. Toujours. Mais j'espérais, au fond, peut-être qu'un jour mes dires changeraient quelque chose à ton univers...
-Le courage se mérite, c'est dans la peur qu'il surgit et se dévoile.
Tu m'as fixée avec ces yeux qui brillent la détermination farouche. J'ai soupiré. J'ai cherché du regard de l'aide. Mais il n'y avait que des inconnus, le centre ville et les vielles rues.
Trop. Trop de monde se déplaçait et bougeait, prisonnier de leurs habitudes. Si tous ces gens étaient là, c'était pour aller ailleurs. Ces adultes qui marchaient vite pour éviter un retard. Ces enfants dans ces poucettes colorées, inconscients du monde qui les entouraient. Ces adolescents de mon âge qui riaient aux éclats en bousculant leurs amis...
-Ma Myla.
Une douce voix m'a interpellée. La tienne. Pourquoi n'ai-je pas une aussi juste voix, moi ? Pourquoi n'ai-je pas le même timbre puissant, capable d'arracher un coeur de sa poitrine comme de l'adoucir et de le bercer par la beauté des mots ?
J'ai attrapé l'instrument et j'ai commencé à gratter.
D'abord, mes notes hésitaient à passer de l'une à l'autre. Elles bloquaient par ces inconnus qui, peut-être, tendaient l'oreille pour capturer un de mes sons entre deux enjambées.
Mais comme toujours, au bout d'un petit instant, j'ai oublié le monde. Je me suis lâchée et les émotions ont explosé. Toutes celles prisonnières jusqu'à présent en moi ! J'avais l'impression de hurler par mon instrument la joie qui emplissait à cet instant mon petit cœur tout boursoufflé d'euphorie.
Et puis tu es arrivée, as pénétré en bourrasque subliminale dans mon univers. Et nous n'étions plus que deux. Deux contre le monde. Deux à lutter par des paroles, des chants, des mots qui pour nous signifiaient tout. Mais pour les autres rien.
Nous étions deux et à nos côtés, il y avait juste le monde dans son intégralité. Il était là, et nous nous offrîmes en spectacle pour lui.
Je ne voyais plus les poussettes et les gens pressés.
Je ne voyais plus que les notes. Le violon. Toi.
La chaleur n'encombrait plus ma peau. Tout était puissant. Tout était musique. Rien d'autre n'existait. Tout, rien s'unissaient.
Juste un instant il n'y avait plus que toi, moi et le monde. Juste un instant parfait j'étais libre !
J'ai fermé les yeux et je me suis enfermée dans ma bulle. Je me suis enfermée dans ce monde qui m'appartenait.
Et puis, il y en a eu trop. Trop. Tout était trop puissant. Les émotions se chamboulaient. Ta voix. Mon violon. Mes doigts. Mon coeur à éclaté, je crois une larme a coulé.
Et enfin, tout s'est arrêté.
J'ai ouvert les yeux. La réalité est revenue. Les gens applaudissaient, certaines pièces avaient été glissées dans mon étui. Je t'ai regardée, certaines personnes continuaient d'applaudir quand d'autres étaient déjà reparties.
Un sourire majestueux, de dents blanches, alignées et parfaites a étiré tes fines lèvres. Tes joues étaient encore teintées de rouge. C'était comme si on y avait éclaté des paillettes de pétales de roses.
-Devenir humaine et accomplir un acte éphémère pour goûter au résultat de la vie.
J'ai essuyé le passage de ma larme. J'aurais aimé rallonger le temps. J'aurais voulu vivre plus longtemps, voir en boucle se dérouler la même scène.
-Sans parole j'accomplis ma liberté, je saute dans le ravin d'une vie...
-...Qui n'a encore jamais été tracée et qui pourtant s'avère être ma destinée, as-tu finis par me dire.
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