Rose Georges Adams,

Je me demande si un jour je relirais les lettres que je t'écris. Peut être que mon futur ressemblera à celui d'Anne Frank ? Je disparaîtrais et quelqu'un tombera sur elles et les publiera. Serais-je connu autrement que par "celui qui ne s'en remettra jamais" ? 

Rose, toute à l'heure, Cole m'a appelé. Désolé de parler si souvent de lui, surtout que ses appels ne sont pas nouveaux. Mais, cette fois, il m'a soufflé entre deux plaisanteries qu'Emilie avait requit ma présence à un dîner qu'ils organisaient avec plusieurs invités plutôt proches. Elle trouvait qu'elle ne voyait pas assez le "meilleur ami de son mari". Cole faisait toujours ça lorsqu'il voulait dire quelque chose qu'il savait délicat à une personne ; il le glissait dans une conversation comme si de rien. Je n'osais pas lui dire que c'était pire que s'il prévenait avant.

J'appréhende. Voir du monde, c'est très peu pour moi, et je n'ai encore jamais vu Emilie dans... ces circonstances. Je me rends compte que Cole doit affronter ses tromperies au quotidien et que je ne lui ai jamais demandé comment il le vivait. Rose, tout ce qu'on fait, nos mensonges et tout le reste, c'est très mal. Emilie ne mérite pas ça. Mais, dans cette situation, je ne peux m'empêcher d'être très égoïste. Je ne peux pas me passer de ça, de lui, de nous. J'en ai vraiment besoin. Il est vrai que, parfois, j'aimerais lui mettre un ultimatum. Lui dire que c'est elle ou moi. Mais j'aurais trop peur de le perdre, lui aussi. Le risque est trop important aux yeux de mon coeur. Alors me voilà résigné à devoir y aller. Emilie sait très bien que je n'ai rien d'autre à faire.

Bref. Cela fait un certain temps que je fixe la chemise noire froissée, le jean beige et les chaussures en cuir que j'ai pioché soigneusement dans ma penderie. C'était la tenue dans laquelle tu me préférais, Rose. Je sais que tu m'aurais conseillé de la porter. Bon, il faut que j'aille faire du repassage. Souhaite moi bonne chance, ma belle.

Mickael.