2 - The Smoke.

Le lendemain, le jeune homme se leva comme à son habitude en plein milieu de l'après-midi. Depuis plusieurs semaines, il ne prévoyait plus rien de ces longues journées qu'il subissait ; tournant en rond dans son appartement. Il s'installa à son balcon et enflamma le bout de sa cigarette à l'aide de son briquet. Fermant les yeux, savourant la fumée, respirant son oxygène.

Il aimait penser que la nicotine l'inspirait, le soulageait. Et cette aliénation se retrouvait dans ses textes, ses compositions. Le jeune homme vivait en effet de sa passion pour la musique. Avec un ami d'enfance, le seul qu'il n'ait jamais eu, il s'était lancé dans l'industrie destructrice de ce monde si fascinant.

Une industrie destructrice. Depuis quelque temps, il n'y arrivait plus. Les mots ne sortaient pas, les notes ne s'harmonisaient pas. Pourtant, il le fallait. Il fallait qu'il y arrive, il fallait que les mots reviennent et que les notes s'orchestrent.

Alors il s'était enfermé chez lui, fuyant aussi bien la lumière du jour que la pression oppressante de l'extérieur. Il se réfugiait dans l'alcool et la cigarette dans l'espoir d'oublier tout ce qui l'entourait. Il se coupait à nouveau du monde, s'enfermant toujours plus dans sa bulle.

Mais ce jour-là, il alluma enfin son téléphone. Ignorant toutes les futilités qu'il contenait, il chercha dans ses contacts l'unique personne qui pouvait le supporter. Un quart d'heure plus tard, trois faibles coups résonnèrent dans l'appartement. Le jeune homme se leva difficilement de son canapé pour aller ouvrir la porte. Il tomba sur le visage à la fois rayonnant et inquiet de son interlocuteur.

– Aryo, il esquissa un sourire, merci d'être venu.

– Je t'en prie, je suis heureux de te revoir ! Répondit le jeune homme d'une voix enjouée.

Il entra dans l'appartement du plus âgé et laissa échapper dans un souffle surpris.

– Wow quel foutoir, tu hibernes depuis combien de temps ? S'exclama-t-il en rigolant.

Le brun eut pour toute réponse un simple hochement d'épaules désintéressé. En levant les yeux au ciel, il entreprit de ramasser les nombreuses canettes et boîtes de pizza qui jonchaient sur le sol. Le jeune homme jeta un coup d'œil inquiet à la cigarette qui se consumait entre les lèvres de son ami puis déposa ses trouvailles dans la poubelle avant de le rejoindre sur le balcon. Il sourit légèrement en observant son habituelle posture désinvolte, assis sur le rebord, les jambes pendant dans le vide.

– Tu as encore changé de couleur, ça te va bien. Complimenta Aryo, essayant d'entamer la discussion.

Cette fois-ci, le plus âgé avait opté pour une couleur noire accompagnée de quelques reflets bleu nuit. Nouveau hochement de tête silencieux de son ami. Agacé de cette conversation à sens unique, le jeune homme soupira avant de demander fermement, ne laissant aucune place à une quelconque échappatoire.

– Bon, je suppose que tu ne m'as pas fait venir ici pour que je range ton appartement alors qu'est-ce qu'il t'arrive ?

L'aîné sortit une feuille de sa poche et la tendit au jeune homme. Celui-ci lut la lettre rapidement, un sourire taquin s'agrandissant sur ses lèvres.

– Et c'est une simple lettre qui te met dans cet état ? Ricana-t-il en dévisageant son ami.

Celui-ci tiqua en lui jetant un regard mauvais.

– J'ai seulement trouvé ça spécial. Eut-il pour seul argument, au grand bonheur d'Aryo qui se délectait de la situation.

– Mais encore ? Ajouta celui-ci d'une voix provocante pour le faire réagir.

– C'est le genre de connerie que toi tu aimes alors arrêtes de me regarder comme ça idiot. Railla le jeune homme tout en jouant avec son briquet. Il s'arrêta un instant, avant de continuer sa phrase en imitant le ton qu'avait utilisé Aryo. Ça te tente pas ?

– Est-ce que tu essayes vraiment de te débarrasser de cette lettre en me la donnant ? Rigola le jeune homme en se moquant de son aîné. Je ne me ferai pas avoir aussi facilement, si tu n'as pas envie de répondre tu n'as qu'à la jeter. Il jeta un regard taquin à son ami, qui semblait s'être perdu dans ses pensées. Si j'avais su que de simples lettres te mettaient aussi mal à l'aise, je t'en aurais écrit plus souvent. Ricana-t-il en évitant un coup de pied.

Aryo continua ses provocations et moqueries jusqu'à la tombée de la nuit. Il voulait voir son ami rire et sourire, savoir que sa présence le soulageait et lui apportait un peu de bonheur. Mais vint le moment de partir, il termina sa bière et décida de rentrer chez lui, laissant son ami refermer sa bulle derrière lui.

Se retrouvant à nouveau seul, le jeune compositeur resta sur son balcon. Les rimes azurées de la lettre tournaient en boucle dans sa tête, grignotant ses doutes comme le roulis permanent des vagues effriterait lentement une digue. Il soupira en entrant dans son salon, son regard glissant sur le sol à nouveau propre. Aryo avait beau être de nature moqueuse, il n'en restait pas moins un véritable vent d'air frais qui renouvelait son oxygène et illuminait tout ce qui l'entourait.

Ses yeux dérivèrent jusqu'à la lettre, légèrement froissée, posée sur la table basse. Il laissa échapper un rire et l'attrapa au passage en allant dans sa chambre. Peut-être qu'essayer d'écrire une réponse pourrait remettre la machine en marche. Peut-être que les mots allaient revenir. Peut-être, avait-il pensé, il n'avait rien à perdre.

Les mots tournaient dans sa tête, frustrant ses émotions. Il voulait trouver les bons, ceux qui n'existent pas. Il écrivait, réécrivait puis effaçait. Ses pensées tournaient, tournaient puis s'effaçaient. Les feuilles volaient, se froissaient et s'effaçaient. Et les cigarettes s'enchaînaient, s'enchaînaient puis s'effaçaient.

" Chère Inconnue, vos mots m'ont charmé. Malheureusement, je ne suis pas aussi doué que vous pour faire rimer les miens. Mais sachez que vous m'intriguez. Et c'est pourquoi je vous réponds.

Avez-vous les yeux bleus ? Je les imagine du magnifique turquoise que vous aimez tant.

Pour vous répondre, ma couleur préférée est plus sombre que la vôtre. J'aime le noir de la nuit. Le noir des corbeaux. Un noir sombre, terrifiant, inquiétant. Un noir profondément oppressant et effrayant.

Le noir me représente et m'habite depuis si longtemps que j'ai l'impression d'avoir fini par l'adopter.

Puis-je vous confier un secret ? J'aurais aimé être aussi vivant que vous. Vous semblez si joyeuse, je vous envie. Prenez soin de cette étincelle, ne la perdez pas ; elle me semble bien précieuse. »

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