Temps moyen de lecture : 7 minutes

Genre : Horreur, fantastique, Drame

Kelly aimait s'enfermer dans la bibliothèque de son père, et écouter de la musique classique. Elle avait l'impression de pénétrer plus facilement dans les romans qu'elle lisait, quand elle se retrouvait dans sa bulle.

la jeune fille ne choisissait que des livres particuliers. Ils pouvaient être dotés d'un monde fantaisiste ou d'histoires mystérieuses, mais il fallait qu'elle puisse s'évader dans un autre monde que le sien.

La demoiselle avait commencé à lire des livres aux histoires imaginaires depuis ses sept ans. Et aujourd'hui encore, elle était passionnée et excitée de visiter tous ces différents mondes, toujours aussi palpitant les uns que les autres.

Un jour de sombre nuit pluvieuse, alors qu'elle rentrait du lycée, elle vit une silhouette non loin de son habitation qui l'observait. Il faisait bien trop sombre pour qu'elle puisse reconnaître qui que ce soit, mais elle ne semblait pas appartenir à un adulte. Sûrement un élève de son âge, si ce n'est moins.

La silhouette ne bougeant pas, Kelly se décida à rentrer chez elle. Au final, cela ressemblait plus à un mirage ou à une illusion d'optique, qu'à autre chose.

Arrivée chez elle, elle continua le livre qu'elle avait commencé il y a de cela quelques jours.

C'était l'histoire d'une famille pauvre et vraiment spéciale. La mère était une sorcière et le père un vampire. Ils avaient une fille ainée, qui était mi-vampire, mi-sorcière et un plus jeune garçon totalement différent d'eux. Ce dernier était un ange déchu ou « ange noir ». Des anges rejetés par le ciel, après un acte déplorable.

Le mystère de cette histoire tenait surtout sur la rareté d'un ange déchu, surtout à cet âge, alors qu'aucun parent n'était affilié à des créatures angéliques. Beaucoup ont commencé à supposer que l'enfant fut adopté, mais les plus sceptique s'en étonnaient. Pourquoi donc, quelqu'un adopterait un ange déchu, sachant que cette créature avait dû gravement pêcher ? Pourquoi s'enticher d'une pauvre âme maudite, quand rien ne les y obligent ?

Kelly avait tendance à dévorer les livres avec une parfaite attention et un dynamisme incomparable, au point où elle ne remarqua pas le violent orage qui venait d'éclater si soudainement. Elle tournait tellement de pages et était tellement concentrée, qu'elle ne se rendit pas compte que deux heures s'étaient déjà écoulées...

Son père rentra du travail et alla à la bibliothèque, il frappa à la porte et demanda :

« Kelly, as-tu fait tes devoirs ? »

Mais elle ne répondit pas, trop absorbée par le livre, comme à son habitude. Son père savait qu'elle s'était encore terrée là et n'osait même plus insister. Elle finirait bien par sortir un jour ou l'autre.

La jeune fille, absorbée par son histoire, ressentait de tels émotions que ses muscles en tremblaient. La nuit venant de tomber, celle-ci semblait compatir avec la tristesse actuelle, qu'elle faisait face.

Alors que la pénombre sembla l'envelopper à mesure que ses paupières se fermèrent, une larme s'échappa. Elle rouvrit instantanément les yeux.

Étrangement, elle se retrouva dans un lit, et une chambre qui ne lui appartenait pas... Un endroit qu'elle n'avait jamais vu auparavant et qui pourtant lui semblait familier.

Soudainement, quelqu'un ouvrit la porte. Elle ferma instantanément les yeux, comme une petite fille simulant son endormissement.

Elle sentit, à peine une minute plus tard, une légère caresse sur son bras gauche. C'était d'une chaleur réconfortante, lui faisant ouvrir les yeux.

À son grand étonnement, un jeune garçon se trouvait face à elle. Il avait un regard confiant et dégageait un certain charisme emblématique. Il lui sourit avant de l'appeler par son prénom.

Son nom sortit de ses lèvres comme une brise légère. Il semblait quelqu'un d'amical à la présence calme et rassurante, mais laissant entrevoir une certaine peine.

« Où suis-je ? demanda la jeune fille.

– Chez moi. Tu ne reconnais pas l'endroit ? Peut-être que mon nom te dira quelque chose, je suis Nathan. »

Elle avait déjà entendu ce nom quelque part mais elle eut dû mal à s'en souvenir. Alors qu'elle réfléchissait, interloquée, il reprit :

« Te souviens-tu, d'où tu te trouvais avant de te réveiller ici ? »

Machinalement elle répondit, l'esprit un peu vague et perdu dans des souvenirs semblant si lointains :

« J'étais en Enfer. Mes parents venaient de me livrer au diable le jour de mon seizième anniversaire. »

Il eut un hoquet de surprise. Ne sachant que répondre, il la laissa continuer :

« J'étais si heureuse ce matin-là. Lorsque je me suis levée, je rêvais d'une journée magique. C'était mon seizième anniversaire, et comme tout le monde disait que c'était celui qui représentait le renouveau et que tous les miracles pouvaient avoir lieu, je me sentais chanceuse et excitée. Je ne pouvais plus attendre ! »

Elle se redressa sur le lit.

« Pourtant, poursuivi-t-elle, j'ai vu mon père assis sur le canapé. Il regardait la télévision, comme lors d'une journée banale. Rien n'avait l'allure d'un jour festif. Puis, ma mère est venue me voir. Elle m'a demandé si j'aimais ma sœur. Je lui ai répondu que oui, évidemment. Je lui ai également demandé pourquoi cette question le jour de mon anniversaire. Elle n'a pas répondu, et à seulement parlé de la maladie de ma sœur.  En fait, elle voulait qu'en ce jour de miracle,  je fasse le vœu qu'elle guérisse. C'était à cause de cette croyance sur les seizièmes anniversaires. Bien sûr, j'ai accepté. Je ne perdais rien à le faire, et je voulais aussi qu'Élodie aille mieux. Elle eue ce sourire si plaisant, qui me mit de nouveau de bonne humeur. »

Kelly reprit son souffle un instant avant de reprendre :

« Cependant, après que j'ai soufflé les bougies et ai fait le vœu, un monstre ressemblant au Diable des contes apparut. Il nous annonça qu'il était venu répondre au contrat. Et, tout en laissant une lettre, il indiqua à mes parents qu'ils devraient la lire dès qu'ils eussent récupéré ma sœur. J'eu un doute, mais il semblait être celui qui réalisait les vœux malgré son apparence effrayante. J'étais tellement heureuse ! Elodie était enfin sauvée ! »

Elle commença à pleurer, son regard témoignait à présent, de la tristesse.

« Kelly, s'il te plaît, arrête... ce n'est pas... », balbutia le garçon.

Elle le coupa de nouveau, tout en sanglotant :

« Ils me dégoûtent ! Je n'étais peut-être pas leur vraie fille, mais je croyais que malgré tout, ils m'aimaient. J'étais là que pour ce maudit seizième anniversaire. Celui qui exauce tous les vœux, celui où un miracle s'accomplit contre une vie. Ma vie n'avait donc jamais eu de vraie valeur que celle du contrat ? Ils avaient fait semblant de m'aimer, tout ce temps. Est-ce là, l'unique utilité des anges déchus ? Ce jour-là, tous mes souvenirs et bons moments s'effondraient à mesure que je me les rappelais. »

Le silence s'installa, faisant seulement résonner les pleurs de Kelly. Nathan put enfin prendre la parole :

« Kelly... ne pleure pas. »

Il la prit dans ses bras tout en continuant :

« Tu ne dois pas être triste, Kelly, car c'est mon histoire, pas la tienne... »

Elle eue un hoquet de surprise.

« Tu viens de conter une partie de ma vie, reprit le jeune garçon. S'il te plaît, je ne veux pas que tu en souffres. Si je suis venu à ta rencontre, c'est parce que j'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi.

– Je ne comprends pas ce qui se passe ? » sanglota la demoiselle, choqué par ses propres révélations.

Soudain, elle se souvint. Nathan, l'ange déchu...

« Dès que tu rentreras dans ton monde, brûle le livre, s'il te plaît, fait le pour moi. »

Il lui sourit, puis continua :

« J'en ai assez de revivre continuellement ce cauchemar à chaque fois que tu poses les yeux sur cet ouvrage.

– Revivre... ?

– Tu as le pouvoir de faire vivre, encore et encore, les histoires que tu lis.

– Vraiment ? Alors pourquoi ne pas réécrire ton histoire, plutôt que de la faire disparaître ?

– Si tu réécris l'histoire, ce ne sera plus la mienne.

– Que t'arrivera-t-il si je brûle le livre ? N'est-ce pas mieux de le laisser sur l'étagère et ne plus jamais le lire ?

– Dans le doute, et parce que je veux en mettre un terme, je préférerais que tu le fasses disparaître dans le feu. J'ai de la chance que ce soit l'unique exemplaire. Fais-le et ne t'inquiète pas pour moi. De toute façon je dois passer l'éternité en enfer, j'aimerais au moins ne pas avoir à revivre mon jugement dernier. »

A ces mots, la chambre se divisa en deux, laissant sur le sol une fissure, qui s'ouvrit petit à petit. Nathan se trouva de l'autre côté de la brèche et s'éloignait de Kelly au fur et à mesure que celle-ci s'élargissait. Un jet de lave, puissant et aveuglant en sortit, et quand la jeune fille ouvrit de nouveau les yeux, Nathan avait disparu.

La tristesse noya ses yeux de larmes, la forçant à refermer ses paupières. Quand elle les rouvrit, elle se réveilla au sol de la bibliothèque, son père l'appelait de la cuisine. Alors qu'elle se dirigea vers la porte, elle regarda une dernière fois la couverture du livre maudit. Ce n'était peut-être qu'un songe, mais dans le doute, elle décida de le jeter dans la cheminée non loin.

Ainsi, dans le reflet de la fenêtre de la bibliothèque, nous pûmes voir une silhouette d'ange aux ailes noires disparaître avec la pluie... Un ange de seize ans, qui avait vécu une vie remplie de mensonge et d'abomination. Une vie cruelle qui lui avait été prédite dès sa naissance.

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