Les Profondeurs sombres
Temps moyen de lecture : 5 minutes
Genre : Pirates, surnaturel
La mer était calme ce soir, ce qui n'avait pas été le cas ces derniers jours. Lori faisait une partie de jeu de carte avec les autres. Et alors qu'il venait à nouveau de gagner, son adversaire se leva en pestant :
« Il triche ! J'en suis sûr ! »
Le vieux matelot furieux, continua ses accusations pendant que Lori ramassa les pièces posées sur la table. Cela faisait déjà un long moment que ces pirates n'avaient pas mis la main sur ce qu'ils cherchaient. Chacun avait trouvé le moyen de passer les journées en mer, autrement qu'en regardant les poissons se jeter sur le navire.
« Arrête de faire ton mauvais perdant ! lança un autre matelot. S'il avait vraiment triché, on l'aurait vu la dernière fois qu'on l'a suspecté. Si t'aime pas perdre t'as qu'à pas jouer, crétin. »
Le colérique se calma le temps de sortir de la pièce. Depuis quelque temps, les pirates menaient la vie dure et leur relation s'essoufflait.
Peu de bateaux circulaient dans les mers environnantes depuis les nouvelles rumeurs. Il était dit que des bancs de poissons bien étranges avaient envahi les profondeurs. Ces poissons attaquaient les navires et pouvaient hypnotiser l'équipage tout entier. On disait, que ces créatures asexuées pouvaient prendre l'apparence, le plus souvent, de femmes ou d'homme selon celui ou celle qui les regardaient. Ainsi, ces monstres attiraient les plus crédules jusqu'à leur ville ensevelies. Personne n'était revenus des profondeurs, mais les matelots ayant résisté aux tentations, avaient rapportés que les créatures avaient besoin des humains pour se reproduire et ainsi créer une nouvelle race qui pourrait envahir la Terre une fois les mutations adéquates obtenues.
Nul ne sait de ce qu'il advenait des humains après leur descente dans l'enfer marin. S'ils n'étaient pas faits prisonniers, alors ils en étaient sûrement morts.
Ces rumeurs faisaient penser aux sirènes des temps anciens. Bien que personne n'y croyait vraiment, une peur réelle était née auprès des différents pirates et autres pêcheurs. Pourtant, ces rumeurs intéressaient les plus téméraires, qui d'après eux, servaient à cacher l'existence d'un trésor inimaginable.
Lori et ses camarades étaient de ceux dont on qualifiait le courage de suicidaire. Certes, les eaux semblaient plus agitées ces dernières années. Les poissons se jetaient contre la coque du bateau, et l'excitation en profondeur supposait la naissance d'une guerre féroce entre les espèces. Cependant, les matelots avaient déjà vécu beaucoup d'événements qui ne rendaient pas cette rumeur plus effrayante, que la légende près du triangle des Bermudes ou même celle de Cthulhu. Les eaux n'étaient pas en manque d'histoires à chaque fois qu'une tempête renversait des dizaines de bateaux, et seuls les plus audacieux osaient aller en mer pendant ces périodes.
Actuellement, cette rumeur semblait bien plus intéressante que les autres, créant quelques fantasmes auprès de certains pirates.
Les moins crédules se disaient, que si ces créatures existaient belle et bien, alors elles n'étaient physiquement pas humaines. Et s'ils venaient à en rencontrer, bien que leur apparence semblerait attrayante, en réalité elle n'en serait pas moins écœurante. Peut-être que dans cet ensorcellement, leur sens seraient impactés. Ils verraient la beauté où elle ne se trouverait pas, et sentirait des odeurs agréables qui n'en seraient pas. Car oui, beaucoup pensaient que ces créatures difformes pouvaient dégager une odeur avariée de poissons et de profondeurs marine.
Cela faisait déjà plus d'un mois que l'équipage de Lori étaient en mer sans avoir vu de côtes. Certains se croyaient perdu.
Seuls... ou presque.
Au loin, ils virent un navire plus grand que le leur. Comme un navire fantôme d'histoires de pirates, il semblait bien amoché. Sa coque paraissait partiellement abîmée à certains endroits. On pouvait d'ailleurs y lire le nom d'« Esméralda » sur celle-ci. Ses voiles n'étaient plus aptes à retenir le vent, et laissait le navire sale se porter par les courants. L'ensemble du bateau semblait être ressortis des profondeurs marines il y a peu.
Et, à mesure qu'il avançait, une odeur de poisson putride s'invita dans les narines de tous l'équipage.
Sans bouger, ils restèrent sur leur garde au beau milieu de la pénombre. Les ennemis face à eux luisaient, attirant l'attention de l'équipage de Lori. Plus le navire s'approchait et moins il semblait dangereux. Au final, les nouveaux n'étaient pas nombreux. Ils étaient cinq ou six tout au plus, et étaient toutes des femmes. Une d'entre elle, plus jeune, paraissait bien fragile, presque trop pure pour faire partie d'un navire en désolation comme celui-ci.
Au final, les deux bateaux se firent face et personne ne commença l'assaut. Les nouvelles arrivées entrèrent dans le bateau de Lori suite à une demande auprès du capitaine. Apparemment, elles étaient perdues en mer depuis longtemps, et n'avaient rencontré personne depuis.
La moitié de l'équipage de ce bateau de pirate féminin avait péris dans les eaux.
Lori semblait étrangement attiré vers la plus jeune des filles, peut-être parce qu'il n'avait pas vu de demoiselles depuis longtemps et qu'elle était de sa tranche d'âge. Elle lui paraissait tellement différente de celles qu'il avait rencontré sur les côtes. Il avait pu converser avec elle : elle était réservée mais pleine d'atouts et de douceur. Elle correspondait parfaitement au goût de Lori, qui n'attendit pas longtemps pour tomber sous son charme.
La demoiselle à son tour semblait tout autant hypnotisée par le garçon. Elle souriait à toute ses blagues et n'avait d'yeux que pour lui.
Les femmes demandèrent si elles pouvaient continuer avec eux. Étrangement, ils acceptèrent, pour le plus grand bonheur de Lori.
Leur voyage continua sans encombre particulier, et le Capitaine de l'équipage masculin semblait cette fois suivre un itinéraire bien précis. Ce n'était pourtant pas vers la côte qu'il se dirigea.
Comme ensorcelé, tous les membres de l'équipage se jetèrent soudainement à l'eau, les nouvelles venues y compris.
Nul ne les revit depuis, ressortir à la surface. Ils semblaient avoir atteint des profondeurs inatteignables.
Aujourd'hui encore, le port de Bodge attendait le retour d'Esméralda, l'unique bateau pirate féminin de tout le continent. Des rumeurs disaient qu'elles avaient péris à cause de la légende. Si seulement ils savaient que ce n'était pas qu'une simple rumeur et que l'équipage de Lori avait encore frappé, au milieu des écumes...
Bientôt, Lori et son équipage referaient surface, dans l'espoir de trouver de nouvelles victimes.
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