Effet papillon

Temps moyen de lecture : 5 minutes

Genre : Psychologique

Aujourd'hui j'ai fait une bonne action : j'ai évité le suicide de quelqu'un.

Pourtant... je le regrette amèrement.

Ce jour du 23 décembre, je faisais mes derniers achats avant noël. Je suis père de deux enfants, et avec ma femme nous voulions fêter le 25 uniquement avec les enfants. On allait passer le réveillons avec mes beaux-parents et ensuite le nouvel an avec les miens, mais le 25 devait être notre journée.

Nous n'avions jamais osé le réclamer, mais cette année nous voulions voir les enfants ouvrir les cadeaux près de la cheminée avec notre chocolat chaud matinal. Il fallait donc que je prépare tout, en plus d'acheter les derniers cadeaux.

J'ai rangé ce soir là, les courses dans mon coffre et je suis parti. Pour rentrer chez moi, il me fallait passer un pont traversant une grande rivière. Il y avait beaucoup de monde en voiture mais très peu de gens à pied, pourtant j'ai aperçu une silhouette. La circulation étant très compliqué sur le pont, mon regard était happé par cette seule chose en mouvement.

C'était une jeune fille. Elle semblait perdue, faisant des allés retours entre deux lampadaires suspendus sur le pont. Elle semblait réfléchir.

Ce soir là, je ne pense pas avoir été le seul dont le regard s'était tourné vers elle. Quand j'y repense, elle savait que cette voie était très fréquentée. Peut-être parce qu'au fond d'elle, elle espérait qu'on la sauve ? Si seulement, j'avais laissé quelqu'un d'autre le faire.

Quelques secondes plus tard, alors qu'elle semblait toujours agitée, elle se rapprocha du bord et passa de l'autre côté de la barrière. Mon cœur fit un bond et je compris tout de suite ce qui allait se passer. 

Peut-être par peur, ou par espoir que quelque chose l'arrête, je n'ai pas tout de suite bougé. Et comme moi, personne ne s'était décidé à la stopper.

Il m'a fallut un temps, mais j'ai tout de même fini par sortir de ma voiture. Je me suis dirigé vers elle, sans trop savoir quoi faire. J'ai crié pour happer son attention. Elle se retourna immédiatement, les larmes aux yeux.

Je la pris instinctivement par le bras, comme dans l'espoir de l'empêcher de sauter. J'ai discuté avec elle, j'ai essayé de la rassurer, de lui montrer qu'il y avait toujours de bonne choses dans la vie et qu'à son jeune âge elle allait manquer tellement d'aventures.

Malheureusement, j'ai réussi à la faire passer de l'autre côté. Pressé, je ne pouvais lui accorder plus de temps, surtout que la voie commençait à avancer. Dans un élan d'idiotie, je lui ai communiqué mon numéro de téléphone. Je voulais être sûr que tout irait bien, rien de plus.

Je le regrette tellement.

Je suis rentré chez moi et j'en ai discuté avec ma femme. C'était unanime : j'avais fait une bonne action. Puis plus tard dans la soirée, j'ai reçu un message d'un numéro inconnu, j'ai tout de suite sut que c'était elle.

Elle me remercia, et parla de ses difficultés, de sa dépression, de ce qui l'avait amené à vouloir sauter le pas. Je la lisais et essayais de lui prêter l'oreille attentive qui lui manquait.

Le lendemain matin, j'avais reçu plusieurs messages pendant la nuit, alors je pris l'initiative de lui répondre. Pendant toute la journée et même pendant la soirée du réveillon, elle ne cessa de m'envoyer des messages. Mes beaux-parents en furent offensés, exprimant le manque de respect de ma part, surtout pour le fait d'utiliser mon téléphone à table. Mais, j'avais peur. Peur qu'elle décide de nouveau à mettre fin à ses jours si je ne lui répondait pas dans la minute.

Ma femme avait fini par expliquer à ses parents l'histoire. Cependant, ils ne semblaient pas convaincus. Ils pensaient surtout à une amante, et que si ce n'était pas le cas, elle finirait par l'être. J'étais pris au dépourvu, et j'ai bien vu le doute dans les yeux de ma femme. Cette expression qui signe l'effondrement de sa confiance à mon égard.

Que faire ?

Nous nous sommes disputés sur le chemin du retour, avec les enfants dans la voiture. Je lui ai laissé mon téléphone pour vérifier, mais la crainte était toujours là. Le doute avait point dans son esprit et il ne semblait plus prêt à partir.

Les fêtes me semblaient cauchemardesque, et le 25 en famille n'allait pas être aussi beau qu'on l'avait imaginé.

Le lendemain, j'avais encore plus de messages non lus. Notre discussion avait changé et la demoiselle semblait vouloir en apprendre un peu plus sur ma famille et moi. Je n'ai pas vu le mal à échanger sur ce sujet. J'avais à ce moment besoin de discuter. Elle était devenu mon oreille attentive.

Le 25 les enfants se précipitèrent devant le sapin et ouvrirent leur cadeaux. Ma femme était toujours en colère, mais elle ne laissa rien paraître face aux petits.

Mon téléphone qui vibrait sans cesse l'horripilait à chaque fois, jusqu'au moment où elle le prit et contacta la demoiselle dans un élan de rage. Je n'ai pas pu l'arrêter. Peut-être que c'est ce que j'attendais d'elle, après tout ?

Elle avait mis le haut parleur. J'étais mal à l'aise, mais je ne risquait rien. Si ma femme ne me croyait pas, peut-être qu'elle la croira elle ? La demoiselle au bout du fil sembla enjouée par l'appel, mais se calma immédiatement après avoir entendu la voix de ma femme.

Ma femme indiqua a la jeune fille qu'il était préférable pour elle de contacter quelqu'un de plus apte à faire quelque chose que moi-même. Elle indiqua aussi que ses messages incessants pouvaient s'apparenter à de l'harcèlement et qu'elle devait arrêter de me contacter.

Sa réponse nous glaça le sang à tout les deux. Le demoiselle nous menaçait, indiquant qu'elle savait tout de notre vie, de l'école dans laquelle mes enfants allaient, de mon lieu de travail et de notre adresse.

Je ne lui avait jamais donné autant de détails. Comment a-t-elle pu savoir tout ça ? Dans quel but ?

Elle savait tout et c'était effrayant.

Notre noël vira au cauchemar, et malgré le changement de numéro de téléphone, notre déménagement, le changement d'école pour les enfants, elle nous retrouvait toujours.

Comment pouvions nous avoir peur d'une gamine ?

Nous avions même décidé de supprimer nos comptes facebook pour essayer de disparaître d'internet.

Ma femme m'en voulait, et pensait même au divorce pour s'éloigner de moi et protéger nos enfants. J'allais donc tout perdre en une fraction de seconde, pour un choix qui semblait juste, et pourtant, je ne pouvais en vouloir qu'à moi-même.

Aujourd'hui encore je rêve de la voir sauter du pont.


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***Ce récit ne cautionne pas le suicide***

/!\ Ne prenez pas cet écrit comme réalité absolue. /!\ J'ai voulu aller dans l'extrême pour parler de "l'effet papillon". Nous ne savons pas ce que nos choix peuvent engendrer. En aucun cas, je souhaite exprimer ici qu'aider les autres n'apporte que malheur, ni même que les personnes suicidaires sont psychologiquement dérangés.

Si vous avez des idées noires, des moments où seul le suicide semble être la solution. Alors, parfois parler avec des gens, des inconnus ou de la famille, peut réellement vous aider.

Et, comme je le dis sur le premier récit de ce recueil : Ne faites rien de définitif pour répondre à un problème provisoire.


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