Drôle d'histoire à raconter...

Temps moyen de lecture : 4 minutes

Genre : Comique, horreur, épouvante

Il s'assit sur le rebord du lit avec, dans la main, un livre. Sa fille, de onze ans déjà, était emmitouflée dans les couvertures, prête à faire jouer son imagination.

Et Carl, son papa, connaissait bien son avidité pour les histoires. Judith était déjà bien grande pour savoir lire toute seule, mais comme elle avait su convaincre son père, elle préférait fermer les yeux pour que sa concentration soit optimale.

Comme quasiment tous les soirs maintenant, Carl partageait ce moment avec sa fille adorée.

Il ouvrit la première page et elle ferma les yeux comme entrant en trans, puis il commença sa lecture :

« Il était une fois un prince fou amoureux d'une pauvre paysanne. Il faut dire, la jeune femme avait une voix égale à celle d'un ange.

– Ah bon ? Parce que quelqu'un a déjà entendu la voix d'un ange ? Si ça se trouve ils n'ont même pas de voix. »

Carl détourna discrètement les yeux vers elle, sourire aux lèvres. Il était habitué aux remarques de sa petite. Après tout, c'est ce qui rendait ce moment de lecture plus intéressant. Il reprit :

« Le jeune prince, s'était donc éprit de la demoiselle, le jour où elle vendait les récoltes de sa famille au marché, et où elle avait décidé de chanter. Sa voix avait fait vibrer toutes les maisons de la ville, et la rumeur d'une sirène sur la terre, n'avait pas mis longtemps à arriver jusqu'aux oreilles de la cour Royale.

– Si c'était une sirène, elle se serait surement mise à la pêche, pas à l'agriculture. Elles sont plus habile dans l'eau que sur la terre.

En tout cas, le Prince lui, n'en avait que faire et décida de faire une escale au marché pour écouter cette merveille, et surtout pour pouvoir la voir.

– Je sens qu'il va être déçu, renchérit la jeune Judith.

Et bien pas vraiment. Il s'était déjà imaginé finir la journée autours d'un dîner. Le jeune garçon, d'un brin fougueux et téméraire, avait décidé de l'inviter pour le repas du soir où elle chanterait pour lui, jusqu'à s'en fendre la voix. Rien que tous les deux. Il s'y voyait déjà, comme les amoureux dessinés par le destin. Deux amants, dont le chant de la belle, aurait de nouveau réuni.

– Ouai enfin, qu'il se calme, il ne l'a pas encore entendu, ni même vu. »

Carl ria. Judith avait toujours les yeux fermés, le visage complètement inexpressif.

« Quand il put rencontrer la demoiselle, reprit Carl, comme tout Prince qui se respecte, il passa devant le public pour se retrouver devant la fameuse créature.

– Pardon, dit Judith d'une voix grotesque, poussez-vous, je suis le Prince tout de même, laissez-moi passer, voyons.

Tout le monde le laissa passer, surtout parce qu'il avait dit le mot de politesse, et il n'en fut pas déçu. Les yeux de la demoiselle reflétaient la pureté de son âme et sa voix, le délice. Pourtant, son visage peu attrayant et son apparence sale et délaissée l'arrêta un moment.

– Il s'attendait à quoi ? A une sirène maquillée ? A quoi ça sert, si après elle va dans l'eau ? Et je ne pense pas qu'à cette époque le « waterproof », existait. »

Judith était toujours plongée dans son imagination, les yeux complètement clos - tout l'inverse de ses lèvres d'ailleurs.

« Pourtant, reprit le père, pour lui, elle était parfaite, comme il les aime. Et, sans attendre, il fit sa demande en mariage sur cette même place, avant même qu'elle ait fini son chant.

– Veux tu m'épouser très chère ? Après on passera aux gosses. »

Carl rigola. Quand Judith était dans son truc, elle pouvait partir loin. Il reprit comme si de rien :

« Perturbée, et un brin étonnée, elle ne tarda pas à accepter l'offre plus qu'incroyable, surtout venant d'un homme puissant, riche et extrêmement séduisant comme le Prince.

– C'était déjà des croqueuses de Diamants à l'époque, ch'ui sûr qu'elle lui a demandé la marque de sa calèche aussi, au cas où...

Cela ayant été conclu, il l'emmena avec elle au Château pour le repas qu'il convoitait. Pour terminer l'après-midi et avant de préparer le repas, il avait fait venir la demoiselle jusqu'à sa cuisine privative, où un chef très réputé avait été engagé pour ces occasions. Il demanda à sa future femme d'autres chansons, ce qu'elle fit avec joie pendant de longues heures durant.

– Moi je lui aurais proposé une douche d'abord. Mais bon chacun sa priorité...

Quand la nuit tomba, et la faim les attrapa, le Prince appela le cuisinier. Ce dernier avait déjà préparé les assaisonnements et les accompagnements, il ne manquait plus que la viande. En l'espace d'une seconde, il leva la casserole dans sa main et l'écroula sur la tête de la paysanne.

– Aller hop, c'est rangé, plié. Comme quoi, il le voulait ce poisson dans son assiette.

La demoiselle s'écroula et le cuisinier prépara le met exquis qu'attendait son futur Roi. La chair de l'affreuse paysanne était aussi tendre et douce que sa voix.

« Et donc ? demanda Judith en ouvrant les yeux. Morale de l'histoire ? 

– Celui qui est beau n'est pas forcément bon, mais il y a toujours du bon dans ce qui est moche. »


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