Les Sorcières d'Aumin
Dans un passé alternatif de la Terre, dans un monde encore pur et sain, encore préservé par la dévastation de la technologie, un monde où la frontière entre la réalité et la fiction n'existe pas. Toutes les légendes racontées autour du feu de camp sont authentiques et n'ont pas été inventées de toutes pièces. Tout est vrai. Hélas, les humains, ayant peur de ces monstres indescriptibles, préfèrent les chasser, les éliminer. Alors, cela se poursuit rapidement leur extinction pour les espèces les plus stupides. Les autres espèces, plus intelligentes, arrivent à se cacher, à se camoufler, de l'être humain, ce danger mortel, comme les Sorcières Vertes, des sorcières* bienveillantes, qui aident gratuitement les villageois malades contre leur silence. Elles ne demandent rien à personne. Malheureusement, leurs cousines, les Sorcières Rouges, des sorcières malfaisantes et malignes, en font qu'à leur tête, ayant pour unique but la destruction des Univers. Les Humains n'en font évidemment aucune distinction et, à la suite de la promulgation de la Loi de Marrel'Foy, les sorcières ne sont plus tolérées sur la Terre Sainte, la Terre des Humains. Les Humains se promettent de toutes les trouver, et ensuite, de les exterminer. Toutes, jusqu'à la dernière.
On me nommait Connor Destrigon, membre de la secrète et essentielle Équipe de Destruction des Espèces Surnaturelles, l'EDES comme elle était plutôt communément appelée. J'étais une personne à double-visage. Pour les uns, je n'étais qu'un riche vagabond, allant de ville en ville, en recherche d'inspiration ou dans l'accomplissement d'une quête spirituel, pour d'autres, j'étais un être spécial, sans cesse confronter au Surnaturel, et mon unique but, avec mon équipe, était de les étudier avant de les éliminer surtout. Sans laisser aucune trace, aucune preuve et ainsi effacer l'existence des Surnaturels de notre monde.
La Faction Delta, celle auquel j'appartenais au sein de l'EDES, avait pris une terrible décision, qui pourrait bien tous nous faire tuer. Nos Chefs devaient être atteints par la folie, impossible autrement !
Cela faisait des mois, voire des années, que l'escadron Delta traquait activement une dangereuse et sournoise Sorcière Rouge se nommant Målogəm. Elle semait le chaos dans tous les villages où elle passait. Le seul point positif de ces interventions était qu'il n'y avait presque pas de témoins. Malheureusement, le « presque » finissait souvent par être diagnostiqué de folie ou d'un quelconque rapport avec le Diable, voire qu'il était frappé d'une malédiction, aux yeux de l'Inquisition. Alors, ce « presque » finissait souvent sur le bûcher ou... C'était bien de ne pas avoir de témoins mais il était aussi de notre devoir de faire survivre l'espèce humaine. Grâce à nos efforts de longue haleine, nous avions découvert qu'elle se réfugiait souvent dans des villages qui hébergeaient des Sorcières contre la loi, elle nous était donc très utile dans notre chasse contre ces êtres impurs.
Un fameux jour, nous avons réussi à la capturer et le calme était revenu sur notre monde – bon, pas entièrement, mais cela avait arrangé beaucoup de choses. Nos Chefs l'avaient maltraitée, jusqu'au bout, pour la faire parler. Elle avait des contacts, elle savait des choses, ils en étaient certains. Elle essayait d'unifier les Sorcières Rouges entre elles, tentait de corrompre les jeunes Bleues, et éliminaient les Vertes – même si les couleurs, nous nous en fichions complètement. Toutes les mêmes à nos yeux idiots d'Humains. Mais pourquoi ? Ça, personne ne le savait. Mais non, elle tenait bon, et préférait parler de choses futiles avec les gardes comme du bon temps, calme et tranquille, des montagnes.
Du jour au lendemain, Målogəm proposa un pacte pacifiste avec la Faction Delta :
« Je peux vous aider... je connais presque toutes les planques des Sorcières. Je pourrais être votre arme secrète. Et puis, j'en ai marre d'être emprisonner dans deux mètres carrés...
— Une alliance avec une Sorcière ? Quel drôle d'idée ! » avaient répondu les Chefs, hilares. Méfiants, les Chefs avaient augmenté le nombre et la puissance de la garde dans notre pénitencier carré, la Prison Delta des Surnaturels. Les Chefs songeaient que la Sorcière Rouge avait réussi à communiquer avec ses semblables et avait demandé qu'ils viennent la délivrer. Hélas, le mois suivant fut extrêmement long et pénible. Aucune attaque, rien du tout.
Après la capture de Målogəm, qui avait fait énormément de bruit dans la Presse Fantastique, les Surnaturels avaient appris à encore mieux se dissimuler de l'Humain. Nous ne trouvions rien. Mais tout nous signalait qu'ils n'avaient pas disparu... ils étaient là, tapis dans l'ombre... À force de se frotter au surnaturel, on arrivait à le sentir ; inconsciemment, on s'y habituait, comme si c'était devenu un sixième sens.
Nos chasses étaient de moins en moins fructueuses, et ça, dans toutes les Fractions, mais surtout la nôtre. À croire qu'on avait la poisse ! Le mois suivant, nous étions encore plus sur nos gardes. Mais il ne se passa rien de plus. Pas une seule sorcière ne fût venue secourir Målogəm, qui continuait de nous appâter avec son fameux pacte... que nos Chefs finirent par accepter, à contre cœur, n'ayant plus le choix.
Målogəm et les Chefs avaient donc négocier un arrangement. L'instant suivant les négociations, la Sorcière Rouge avait alors pris les poignets de nos Chefs, en cercle, en psalmodiant des formules en une langue inconnue. Des flammes des enfers étaient apparues dans son regard, ses cheveux s'étaient envolés comme attirés par le ciel. Un fluide rouge entra dans les bras de chaque membre formant le cercle. Ils venaient de sceller le pacte. Målogəm, elle, n'avait pas le droit de nous trahir, de nous tuer lorsqu'on avait le dos tourner, et nous, nous n'avions pas le droit de faire de même en retour.
Nous avions pris du temps avant de l'accepter, par prudence. Mais désormais, elle faisait entièrement partie de l'équipe. C'était notre coéquipière à tous. Elle nous dénichait des Sorcières et d'autres monstres surnaturels en un claquement de doigt, et nous, nous étions chargés de les éliminer. En échange, elle récupérait quelques ingrédients en provenance de nos victimes.
Les Surnaturels, même les Sorcières Rouges, étaient effrayés par la terrible et sanglante Målogəm, la surpuissante Sorcière alliée aux Humains – oui elle collectionnait les titres et embellissait sa notoriété.
En ce jour, montés sur nos chevaux, armés et protégés jusqu'au bout des ongles, nous acheminions la montée du trio de montagnes d'Auminazia, une terre extrêmement reculée, loin de tout, très lointaine. Aucune habitation. Aucun voyageur. Une terre entièrement oubliée de la surveillance humaine. Au centre, fortement dissimulé et protégé, il devrait s'y trouver le mythique village d'Aumin, un village constitué uniquement de Sorcières Vertes, une véritable aubaine. Reculées du monde dans ce petit coin de paradis, elles étaient inoffensives, mais Målogəm avait tenu à les éliminer en priorité... Que cachaient-elles pour que la terrible Sorcière Rouge en ait... peur ?
Arrivés tout en haut, le seul mot qui vint à l'esprit fut : Magnifique. Au milieu des trois montagnes d'Auminazia, il y avait un immense arbre aux feuilles bleu ciel, un tronc et des branches gigantesques, en parfaite vitalité, qui couvrait presque toute la surface. On ne voyait rien en bas, ou presque. Cependant, je n'avais pas le droit d'être émerveiller par quelque chose de magique... Je secouai la tête et repris la route, suivant les autres sur le sentier qui descendait dans la vallée. La luminosité était assez faible, mais suffisante pour voir et ne pas se marcher sur les pieds, aux reflets verts sur les parois de la montagne. Les rayons du soleil arrivaient tout de même à passer par-dessus l'immense arbre, laissant des halos de lumière un peu partout, et un plus gros halo lumineux sur Aumin. Nous tuions quelques bêtes-garous trouvées en traversant les plaines.
La Faction Delta arriva devant le mythique village d'Aumin, se trouvant au pied de la vallée entre les trois montagnes. Une forte aura magique était présente. On pouvait apercevoir une immense grotte derrière, semblant donner vers les profondeurs de la Terre. Deux statues, des espèces de reptilien-dragon-humanoïdes avec des ailles d'ange – me demandez pas ce que c'est, je n'en avais aucune idée comme je n'en avais jamais vu même dans les archives de mythes. Hypothétiquement, cela devait sûrement être des idoles protectrices des Sorcières... –, se situaient à l'entrée du village.
Målogəm se mit devant nous, stoppant notre élan.
— Arrêtez tout ! C'est un bouclier. Il faut que je le détruise pour pouvoir entrer. Sinon, vous serez tous carbonisés, expliqua-elle de sa voix effrayante donnant la chair de poule.
Elle s'avança, entre les deux statues, faisant apparaître la barrière. Elle envoya son pouvoir, d'un rouge sanglant et dévastateur. Elle puisa dans la puissance du bouclier jusqu'à que celui-ci explose en morceau de poussières magiques, les Sages Verts, reconnaissables par leur tunique à capuche blanche, n'ont rien pu faire, trop faibles face à elle.
Målogəm lévitait au-dessus du sol, les yeux en feu, les cheveux rouges encore plus flamboyant que sa peau, des boules de magie rouges flottant dans ses mains. Elle hurlait de manière machiavélique. Elle déchaînait ses boules de feu sur les habitations de bois ou de pierre d'Aumin. Je crois qu'elle voulait bien marquer son... euh... notre entrée ! Et c'était plus que réussi !
Et les chevaux pilèrent dans le village, que nous allions piller, et éliminer toutes les sorcières qui se mettront sur nos chemins.
Les trois Sages Verts, deux hommes et une femme, répliquèrent, avec leur magie verdâtre, attaquant la terrifiante Sorcière Rouge.
— Nous ne te laisserons pas détruire nos vies ! menacèrent les sorcières en tunique blanche, aussi courageuses que déterminées.
La Sorcière Rouge ignora complètement la menace, dédaigneuse, donnant ses ordres sans se soucier de rien.
— Tuez-les enfants en propriété ! ordonna Målogəm, d'une voix amplifiée par la magie.
Elle ressemblait presque à une démone. Une fois son ordre annoncé, ses bras changèrent de cible et elle visa l'Arbre. Les Elfes, habitants de l'Arbre sacré, répliquèrent immédiatement. Mais entre archers et guerriers, elle leur en fera voir de toutes les couleurs.
Je dégainai mon épée et mon bouclier, attaquant sans relâche les Sorcières Vertes, qui retenaient leur coup, essayant à tout prix de négocier – en même temps, leur spécialité magique n'avait pas pour objectif de nuire. Je les tuais, sans aucune gêne ou la moindre difficulté. Elles préféraient se laisser mourir plutôt que répliquer, fidèles à leurs valeurs. Pacifistes et généreuses, quoi qu'il en coûte !
Elles espéraient aussi ouvrir nos yeux d'Humains, afin d'annihiler notre peur à leur égard qui nous poussait à les exterminer.
Tout le monde criait, tout le monde courraient, la peur grandissante face à cette harmonie perdue remplacée par la confusion et la terreur.
Les Sorcières Bleus, représentant la neutralité, ressentant autant des tendances bienveillantes que malveillantes en fonction de la saison, tentaient le tout pour le tout pour protéger leurs consœurs vertes dont la spécificité les empêchait de riposter efficacement.
Cependant, les Humains prirent le dessus bien vite, trop vite. Les Chefs crièrent et un silence pesant s'installa au sein du mythique village d'Aumin. Même la Sorcière Rouge et les Elfes avaient cesser de combattre.
— Elles sont inno.... elles ne mérit... sort... nous dev... endre... tenta l'un des Chefs, mais la parole lui manqua, comme si on le lui avait volé.
Je fus heureux. Cela me rongeait de remord de tuer ces personnes innocentes, finalement. Ce n'était pas dans nos cordes de tuer des personnes désarmées, qui n'avaient aucune vocation à nuire.
— Quoi ?! Qu'ai-je entendu ?! répliqua Målogəm, incrédule, faisant mine de n'avoir pas bien compris.
Mais je n'aurais pas dû me réjouir trop vite, vraiment pas. Les yeux de la Sorcière Rouge devinrent aussi noirs que la nuit, démontrant toute sa colère. Elle referma sa main rageusement, en psalmodiant en un murmure quelque chose.
Les quatre Chefs se mirent à suffoquer, portant leur main à la gorge, et commencèrent à léviter, malgré eux. Ensuite, ils retombèrent à genoux, leur cœur à travers leur peau et vêtement se mit à s'illuminer d'une douce lumière orangée jusqu'à devenir noir. Leurs yeux devinrent jaunes. Leurs oreilles poussèrent légèrement. Leur pilosité s'accentua considérablement. Grand de trois mètres, de grandes épaules, musclés, une mâchoire et des griffes acérées, des pattes puissantes à la place de leurs jambes et de leurs bras. Ils s'étaient transformés en loups-garous**.
— REPRENONS ! ordonnèrent les quatre loups-garous en même temps, d'une même voix très, très grave. LES SORCIÈRES DOIVENT TOUTES MOURIIIIR !!! AAAAHOOOOOOUUUUUUUUUUUUUUU !
Les loups-garous, affamés, sautaient à la gorge des Sorcières Vertes ou Bleues en détresse. Nous, Humains, continuions notre extermination.
Enfin, même si moi, Connor, je restai perplexe. Ayant pour une fois de ma vie, du mal à accomplir ma mission d'éradication « pour un environnement saint ».
Je vis Målogəm massacrer les Elfes, et attaquer, en furie, l'Arbre qui prenait du temps avant de se consumer, se rebellant contre l'entité magique qui s'en prenait à lui.
Hélas, la colère amplifiait sa force et la descente de l'Arbre ne fut que plus rapide. Sans que les Sorcières, impuissantes, ne puissent faire grand-chose pour éviter ça. Elles avaient déjà du mal à se défendre elles-mêmes, alors, euh... un arbre immense cela allait être compliquer.
Le champ de bataille devenait de plus en plus apocalyptique. Les maisons s'enflammaient, les écoulements écrasaient les malheureux. Entre jets magiques et les lames, nous nous entretuions dans ces hostilités futiles.
Notre guerre du Réel contre le Surnaturel perdurait toujours.
Et elle ne semblait pas vouloir s'arrêter...
Je me dirigeai vers les dernières maisons de la vallée, proche de la grotte. Je n'avais plus mon cheval qui me ralentissait finalement. Hélas, il était décédé à cause de l'un de mes hommes idiots de la Faction Delta. Je restais le plus éloigné possible des terribles créatures créées par Målogəm, la maléfique Sorcière Rouge, par crainte d'être confondu entre un repas et un allié. Même si je me doutais bien que nos Chefs n'étaient plus de ce monde à l'heure qui l'était, leur côté bestial ayant complètement pris le dessus sur leur faible parcelle d'humanité restante – s'il leur en restait encore, car je pensais plutôt qu'elle frôlait l'inexistence, maintenant.
Dans ma route, allant de maison en maison, je vis une femme, blessée, se tenant entre les deux murs où il était censé y avoir une porte. Elle me regarda de ses yeux impuissants et craintifs.
— Ils ne savent pas ce qu'ils font en lui faisant confiance... souffla-t-elle.
Je rentrai dans une maison, j'entendis une lame derrière moi. Je réprimai un haut-le-cœur de dégoût, on venait de lui planter une lame dans la tête. L'instant suivant, je vis un homme, tout aussi blessée que la précédente femme.
— Ne la laisse pas détruire l'Arbre de Vie... murmura-t-il, encore plus faiblement. Ou notre magie baissera considérablement...
Je continuai ma route dans la maison, entendant l'un des hommes de la Faction Delta l'achever. En continuant le couloir, il n'y avait plus rien. Je décidai alors de sortir, retenant un faciès de dégoût en croisant mes coéquipiers.
Sans savoir véritablement pourquoi, je me sentis alors attiré fortement, sans comprendre, par la maison d'en face, beaucoup plus petite. J'ordonnai aux deux Humains qui me suivaient de me laisser tranquille, que je me chargeais de cette maison.
— Bien, bien. Si tu veux. Mais ce ne sera pas mon problème si l'une de ces sorcières, aussi dans la lune que tu es, finit par avoir raison de toi, m'envoya l'un d'entre deux, aussi hautain que vexé.
Mais moi... je savais qu'elles n'étaient pas méchantes, désormais. Je faisais maintenant la différence entre Elles. Dans la maison, il y avait une très vieille femme, sa peau verte toute ridée, tout aussi blessée que mes précédentes rencontres. Mais une chose la départageait des autres. En me voyant, un éclat d'espoir jaillit de son regard, le courage la remplissant de nouveau. Comme si elle avait lu en moi, que je n'étais pas comme les autres êtres humains. Elle m'agrippa avec vigueur.
— Aidez-moi ! Aidez-moi ! supplia-t-elle. Vous, homme bon.
— Que voulez-vous que je fasse ? Que je... vous soigne ou vous aide à vous cacher ? demandais-je, sans trop savoir quoi répondre.
— Non pas moi... Je vais mourir ici, j'en ai la certitude. Mais prenez-le... Écoutez, lui, il doit survivre, c'est capital. Sauvez cet enfant... s'il-vous-plaît... Mettez-le en sûreté, cela me donnerait encore une motivation pour me battre...
Je restais silencieux. Je réfléchissais. Je réfléchissais aux conséquences que cela pourrait amener. J'avançai comme au ralenti vers la chambre des pleurs du bébé.
— S'il-vous-plaît... Faites-ça pour moi... Pour vous, homme stérile... Pour un enfant auquel on veut priver de son droit le plus précieux : vivre... argumentait-elle, suppliante.
Elle commençait à m'attendrir. Comment avait-elle pu savoir pour ma stérilité ? Toutefois, ce fut sa troisième raison qui me fit pencher : Tuer des enfants, ces êtres innocents, qu'ils soient Surnaturels ou Humains, devraient être intolérables. C'était un acte inhumain !
— Ils arrivent... dit la vieille, pressante.
J'étais entré dans la chambre du bébé, et avais fermé la porte. Je fis bouger le berceau, doucement. Je lui donnai ma main, lui murmurant quelques rassurantes paroles.
— Petit, petit, ne t'inquiète pas... Je ne laisserai personne te faire de mal...
Le bébé serra mon auriculaire de sa petite main entière, plongeant ses yeux tantôt bleu azur tantôt violet dans les miens. Il s'arrêta de pleurer, comme s'il comprenait.
— Ils arrivent... ils arrivent... répétait la vieille avec insistance, plus fort. Sauvez l'Aeglos !
Je songeais que « Aeglos » était son nom de famille, ou un titre pour les nouveaux nés. En fait, je n'en savais rien. Mais ce n'était pas un problème urgent. A cet instant, je devais fuir, pour ma vie d'une part, mais surtout pour la sienne d'autre part.
Les Humains entrèrent dans la maison et s'attaquèrent à la vieille, se défendant de toute ses forces. Elle me couvrit, m'offrant une diversion pour me laisser le temps de m'échapper avec le fameux « Aeglos ». Je pris le petit bébé dans mes bras, toujours aussi étrangement silencieux, et sautai par-dessus la petite vitre.
Puis, tout se passa très vite.
Les Humains tuèrent la vielle après un combat acharné, soit très rapide mais elle avait donné tout ce qui lui restait pour ce bébé qui lui était si cher.
Målogəm lança l'ultime sphère flamboyante. Et... l'Arbre de Vie s'effondra, sans une grande résistance sur la vallée, mais surtout sur le village d'Aumin. Faisant des dégâts importants, éliminant la quasi-totalité des différentes formes de vie peuplant la florissante vallée d'Auminazia, Humains comme Sorcières, faune traditionnelle comme faune surnaturelle. La Faction Delta était réduite à néant, tuant deux loups-garous dans foulée.
Les deux loups-garous restants se chargeaient de tuer les pauvres innocents qui avaient survécu miraculeusement à la catastrophe.
— Il ne doit rester personne ! ordonna Målogəm aux loups-garous, sa voix résonnant dans toute la vallée.
Elle tenait une femme verte, en tenue blanche, par le cou.
— Toi. Tu vas mourir. Tu le sais, ça ?! fit la Sorcière Rouge, sur un ton espiègle.
— Tu... Tu ne peux pas me faire ça ma... ma sœu... sale garce !
— Ma quoi ?! Oh, bah bien sûr que si je peux ! MOUAHAHAHAHAHAH !
Målogəm serra son cou encore davantage. Il n'y avait plus d'oxygène pour irriguer le cerveau de la Sorcière Verte, et elle mourut. Målogəm la laissa lacement tomber par terre, devant ses deux toutous de compagnie qui la dévorèrent avec délices.
— Mes chéris, voici votre dessert si bien mérité ! roucoula la Sorcière Rouge, affectueusement sadique.
Le bébé dans les bras, je soupirais de soulagement d'avoir survécu, de justesse. Quel miracle ! Je m'étais réfugié dans la grotte. Le seul hic, c'était que je n'y voyais rien, mais vraiment rien du tout. Je ne savais même pas si elle avait une sortie, cette dite grotte. Si cela se trouvait, il y avait un cul-de-sac au bout... Et pour couronner le tout, j'étais seul, avec le bébé à ma charge...
Je vis une étrange lumière au loin. Sans me poser de question, je courais vers ladite lumière. Elle disparut aussitôt, une fois atteinte.
— Mon enfant***, je peux t'aider. Je connais le chemin. Il y a une sortie. Ne t'enfonce pas vers les Abysses Sans Fond, tu t'y perdras là-bas, souffla une voix innocente dans mon oreille.
Ladite lumière venait de réapparaître derrière moi. Me faisant sursauter. C'était une petite fille brune, au teint très pâle, habillé de marron, des bracelets de fleurs autour des poignets, ainsi qu'autour de la tête. Elle paraissait très jeune, mais je soupçonnais qu'elle était beaucoup plus vieille que moi. Elle semblait presque invisible, comme un fantôme.
— Je suis une Nymphe, jeune Connor Destrigon, je suis responsable avec mes congénères Nymphes du fonctionnement des forêts, montagnes, grottes, cours d'eau, etc. Tout ce qui touche de près ou de loin à la Nature, finalement. Les Nymphes ne se montrent que très rarement au monde, extrêmement discrètes. Nous vivons aux confins du monde visible. Mais lorsque l'équilibre du monde vacille, on nous autorise à nous montrer, tant que nous n'en abusons pas, expliqua la jolie Nymphe.
Elle m'indiqua le chemin, la suivant de près, jusqu'à la sortie, bien loin des trois montagnes que formait Auminazia. Nous étions dans des plaines, sous un unique arbre, où j'y avais adossé le bébé.
Le bébé fit dépasser quelque chose de la couverture. Quelque chose de violet pâle, très fin, en forme de losange. Je négociai avec le bébé pour voir ce que c'était. Si l'on regardait les extrémités, on pouvait voir les couleurs de l'arc-en-ciel à l'intérieur de cette chose. Je la fis tourner dans mes mains. Je vis sur les parois, des scènes de la vie quotidienne, des moments heureux, ce qui pouvaient potentiellement être des souvenirs.
— C'est la Graine de Vie, elle qui en grandissant aux côtés des Sorcières d'Aumin, les plus sages d'entre toutes, doit devenir le nouvel Arbre de Vie, l'un des trois piliers du monde surnaturel, il est très important. Je dirais même primordial. Le détenteur de cette Graine fait de l'Arbre ce qui le désir, pour cette raison, qu'elle ne doit pas être entre de mauvaises mains, expliqua la Nymphe débitant les informations comme un robot, comme si elle lisait une définition.
— Le bébé serait donc la bonne personne ? Mais je ne comprends rien à ces histoires !
— Målogəm vient de mettre ses plans à exécution. Vous n'auriez pas dû lui faire confiance... commença la jolie Nymphe, sombrement avant de le fixer droit dans les yeux, sérieusement. Elle a mis en péril l'équilibre...Connor Destrigon, vous avez un bébé sorcier entre vos mains. Êtes-vous de taille à pouvoir vous-en occuper comme votre propre fils ? Seulement ça. Pouvez-vous être un bon père pour que le petit ait une enfance heureuse ? Ou préférez-vous retourner à votre vie normale et ne plus jamais entendre parler de cet enfant et oublier ce que vous avez vu.
— Je... je ne sais pas... c'est compliqué... dis-je d'une voix vacillante.
J'avais cette envie de fuir, j'étais face à un choix impossible qui déterminerait la totalité de mon avenir. Je n'avais pas prévenu de questionner les Astres au sujet de ma progéniture ! Surtout que je m'étais fait à l'idée que je ne pourrais jamais en avoir.
— Il faut savoir ! Ce n'est pas une décision à prendre à la légère ! Elle peut avoir un impact primordial pour notre futur commun, Humains comme Surnaturels, l'avenir de notre terre !
Je regardai le bébé, apeuré par le choix cornélien que je devais faire. Je commençais à porter le bébé et à le tenir loin de moi, vers la Nymphe. Il dut sentir que j'allais l'abandonner. Il commença pleurer. Mon instinct paternel prit le dessus, je le resserrai contre moi et l'enlaçai pour le consoler. Ma peur se transforma en détermination. En outre, étant stérile, il se pourrait que je n'ai plus aucune possibilité d'avoir un enfant...
— Je décide de garder l'enfant, répondis-je, assurément, à la Nymphe.
— Bien, votre réponse a été enregistrée, informa la jolie brune, poliment.
Elle agita son bras, dans un mouvement harmonieux en spirale. Une douce lumière, mêlée à de la poussière magique, nous traversèrent.
— Maintenant, aux yeux de tous, vous serez considérés comme le père de cet enfant, sans nul doute, sans se poser de question, informa la Nymphe, enchanteresse.
Le bébé avait perdu ses couleurs bleus – de neutralité – et devenait beige. Ses yeux restaient bleu azur pigmentés de violet mais ne clignaient plus entre les deux teintes. Ce camouflage magique était époustouflant.
La Nymphe disparut dans un nuage de fumée blanche une fois son devoir accompli.
Moi, Connor Destrigon, je promettais d'élever cet enfant comme le mien, lui offrant une enfance heureuse et l'amour d'un père. Je le tiendrai à l'écart des mondes, réel et surnaturel, afin de le préserver des malheurs du monde. Afin qu'il puisse, soutenu par son père, le guérir de ses maux.
Nous créerons une nouvelle ère, une ère où les Humains et les Surnaturels pourront vivre main dans la main, en harmonie, sans pourtant se faire la guerre et cesser cette haine inutile l'un pour l'autre. Je le sais, je le sens, les deux mondes peuvent vivre ensemble !
L'Aeglos devait grandir sainement afin de pouvoirdéjouer, un jour, les plans de Målogəm, la terribleSorcière Rouge, afin de retrouver l'équilibre entre les deux mondes.
FIN.
Notes explicatives :
* Il existe aussi des hommes sorciers. Simplement, à mes yeux, le terme féminin « Sorcières » est la formule du pluriel comme on pourrait dire les « Humains », comme Sophie Audouin Mamikonian dans Tara Duncan. Les Sages sont donc des Sorcières ayant une sagesse et un niveau supérieure au commun de ces êtres magiques.
** Qu'on soit d'accord. Ce n'étaient pas des Loups à la Twilight hein... de vrais monstres. Mi loup, mi humain !!
*** Le « Mon enfant » ne signifie pas que Connor est un enfant. Non, c'est juste que la forme lumineuse est sûrement plus vieille que lui. Terme utilisé afin d'avoir la sensation d'être plus proche, plus familière avec son interlocuteur.
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