Les Dérives de l'Ushtarak - La Mission Secrète

Bienvenue à Equitorryo,

Une stratocratie, État gouverné par l'Armée Ushtarak, dirigée d'une main de fer par le Général Stratós depuis une cinquantaine d'années.

Découvrons Noah, un soldat de la FSAID, lors d'une opération secrète... dont la mission obscure dure depuis une trentaine d'année.

Bien rangé parmi mes pairs en uniforme rouge sang et jaune aveuglant, cet uniforme qui me rendait si fier, je me dirigeais en plein cœur de la région de Moonitio, celle du Sud-Est. Cette région, et principalement son cœur, les Plaines bleues étaient surnommées « Les Joyaux de l'Ushtarak, était précieux pour notre gouvernement.

En effet, c'était une région où l'urbanisation n'avait pas réussi à éradiquer la zone la plus naturelle et protégée d'Equitorryo. Les espèces animales et végétales vivaient en harmonie, dont la moitié ont complètement disparus dans les autres régions du pays, et sûrement du monde. Il y avait quelques villages humains au sein de Moonitio ; mais l'exode, sans cesse amplifiée à cause de l'inaction du gouvernement pour rendre la zone plus attractive en dehors des politiques de protection de l'environnement, poussaient les habitants à fuir. Seuls les plus pauvres ne pouvaient se permettre l'Exode.

Mais, alors, pourquoi se diriger vers cet endroit paisible ? Cet endroit n'ayant rien demandé à personne ? Ne devrions-nous pas plutôt marcher vers les contours de Pygnius, la région du Sud-Ouest, nommée à ainsi en référence à ces terres rouges, arides et autres déserts ?

Cette région contenait le peuple le plus ancestrale qui existe : Les Aztékois. Un peuple au teint métis, aux yeux bridés, la plupart ayant des cheveux de couleurs foncés et des yeux clairs, dont les origines et les traditions ancestrales remontaient à beaucoup plus de dizaines de siècles que nous.

Et vous vous demandez : Pourquoi concentrer ses efforts sur ce peuple ?

Parce que c'était un peuple forcé à se moderniser, à s'adapter à la vie à notre société artificiel et capitaliste, ce qui rendaient leurs relations avec notre gouvernement, et donc l'Ushtarak en son entier, assez tendues. L'opinion publique, quant à elle, s'en souciaient guère ou alors préféraient que les problèmes s'achèvent dans le pacifisme, désireuse de préserver cette diversité humaine.

Mais alors, que diable, pourquoi le Général Stratós désirait-il que l'on aille là-bas ? Il n'y avait rien à faire là-bas ! Son porte-parole nous avait désigné pour une opération spéciale, s'inscrivant dans une mission secrète opérationnelle depuis une trentaine d'années.

J'appartenais à la FSAID (Force Spéciale Anti-Intrusions et Débordements). Encore plus puissants et forts que les policiers, regroupement des meilleurs parmi les meilleurs, notre seul but était de maintenir l'ordre et protéger les personnalités influentes. Nous étions une élite respectée au sein de la stratocratie, non seulement par le gouvernement mais principalement par les habitants d'Équitorryo. Nous promettions la sécurité, et ils l'avaient sans ménagement.

Nous continuions à marcher jusqu'à une petite mare, une colline dessinant une partie de ses contours dont quelques arbres et arbustes partageaient. Des fleurs sauvages d'une beauté extraordinaire se mouvaient au rythme du vent sur le rivage. Nous étions à mi chemin entre les frontières de Moonitio et l'endroit indiqué, un endroit où il y aurait de la vie près du Joyau des joyaux de l'Ushtarak. Cette mare nous permettait de souffler un peu, s'abreuver, avant de reprendre la route.

Je me pris à regarder l'étendue d'eau, découvrant une grosse grenouille bleutée et noire et une rouge à points jaunes, gazouillant entre elles sur des nénuphars à l'opposé de nous, du côté de la colline. Immanquablement, je tombais sur mon reflet. Mon reflet reflétant mon magnifique uniforme, cet uniforme qui me rendait si fier, et ce badge FSAID qui me faisait jubiler – J'avais donné tellement pour avoir cette place.

Et, accessoirement, mon visage : Un type avec une morphologie plutôt standard, ou suffisamment développé pour appartenir à un corps militaire, des cheveux naturellement lavande presque rasés (comme le diktat militaire l'oblige), des yeux ronds aux pupilles dilatées dont l'iris se confondait entre le vert et le violet. Je remarquais la cicatrice de ma brûlure au niveau de l'intersection entre ma mâchoire et le cou droit. Suite à un « accident » durant l'enfance...

Avant de plonger dans mes pensées, une sœur d'arme m'interpella :

— Eh ! Noah ! On a besoin de toi, pour une vérif' !

C'était une femme aussi jeune que moi, dans la vingtaine, métisse foncée aux yeux marrons bridés avec de courts cheveux noirs. C'était l'une de mes collègues que j'appréciais le plus parmi la FSAID. Malgré son mode de vie modernisé, elle conservait ses origines aztékoises dont elle était fière. Peu d'Aztékois avaient des responsabilités, des places aussi importantes.

— J'arrive, Winona !

Je me levais en un bond, agrippant ma gourde que je venais de remplir, et fusais vers le trio. Sans surprise, ils me dévoilèrent un champignon : Je leur révélais qu'il était comestible. Mais, qu'ils ne devaient surtout pas manger son cousin germain, qui lui ressemble énormément.

Ensuite, nous étions repartis en direction de l'endroit qui n'avait pourtant jamais posé de problème jusqu'à là, parfaitement alignés et encadrés.

Sur le chemin, nous avons rencontré plusieurs autochtones itinérants, ils nous intimaient de partir, qu'il ne fallait pas rester ici. Que notre présence n'était pas demandée. Mais, mise à part effectuer un contrôle de légalité sur le territoire ainsi que sur leurs marchandises, nous n'en tînmes aucunement rigueur.

Nous étions désormais pratiquement au centre de Moonitio, au centre des Plaines bleues, un terrain de collines bleutées avec en leur centre de grands arbres millénaires, baignant dans une eau violette. Les scientifiques émettaient l'hypothèse que c'était les composants de l'eau qui étaient l'origine de la couleur de la terre et de la couleur lavande des feuillages environnants.

Il y avait bien un village. Mais, les premières maisonnettes étaient vides, comme si le village avait été déserté.

Cependant, une aura mystérieuse émanait des lieux, ne pouvant donner à la scène qu'une allure suspicieuse.

         — Bon, on a rien à faire ici ! grogna l'un de mes collègues, en tapotant avec vigueur la poignée de sa massue sur son autre main.

Lui aussi avait dû sentir l'entourloupe, et préférait sûrement ne rien à voir à faire avec cet endroit.

Je maintenais fermement mes doigts sur ma mitraillette, alors que j'avançais aux côtés d'Émile, un petit type imposant aux cheveux blonds presque entièrement rasés, et Gladys, une demoiselle très féminine et charmante, une adoratrice des dynamites aux cheveux rouges.

Il n'y avait rien jusqu'à la moitié du village.

Bientôt, l'ombre des arbres mystiques couvrant le reste du village allait nous englober.

Bientôt, nous serions dans le périmètre des maisonnettes rectangulaires disposées tout autour d'une grande maison centrale en forme circulaire entourée de deux maisons à étages faisant presque son contour sans pour autant se rejoindre.

Et, pile à cet instant, un mouvement fut intercepté.

Une forme agile se dévoila de la première maison et sauta sur mon acolyte masculin.

Un renard enragé, la gueule ouverte, était prêt à faucher ou mordre Émile par n'importe quel moyen. Dégainant mon couteau, il périt rapidement avant de causer des dégâts irrémédiables à mon frère d'arme qui se débattait comme si sa vie en dépendait. Gladys me prévint que ce fut le cas pour les autres de la FSAID.

Et depuis cet instant, tout bascula. Les autochtones, qui n'avaient nullement l'air humain, se dévoilèrent.

Une femme aux longs cheveux d'or et aux yeux violets et rouges, avec de longues ailes jaunes, s'avança sur l'escalier de la maison du centre, entourés par deux êtres colossaux avec de courts cheveux vert menthe ainsi que des yeux bleus et jaunes. L'un avec des ailes violettes à ma gauche et l'autre avec des ailes jaunes à ma droite. D'autres formes se dévoilèrent parmi les espaces libres tel que les fenêtres sans verre ou les portes sans porte, tout de même en restant à moitié cachés comme s'ils nous craignaient. PARDON ? DES PERSONNES AILÉES ? Étions-nous vraiment dans la réalité...?

— Humains du Pouvoir, que venez-vous faire sur nos terres ? demanda la femme d'une voix transcendante.

Les trios que nous composions se consultèrent. Le grognon lança un « La précieuse avec des ailes, pour qui elle se prend ? », Émile partagea son inquiétude avec son « Qu'est-ce qu'on va faire ? » tandis que Winona et moi discutions de la situation à travers nos regards et langage corporel.

Un homme blanc au teint mature et sévère, au crâne parfaitement chauve, habillé de l'uniforme emblématique décoré du Trident du Pouvoir en argent, s'avança. C'était Seyar, le Commandant de la FSAID, notre supérieur direct.

— Nous avons l'ordre de sécuriser la zone, avec l'autorisation d'utiliser la force si nécessaire, déclara-t-il, sans animosité, sans pour autant désarmer sa méfiance.

— Nous ne dérangeons personne ici, les habitants de la région apprécient notre présence, répondit l'ange exprimant une forte prestance, sans sourciller une seule fois.

Les deux chefs parlementaient entre eux, tandis que j'entendais le chuchotement déconcertant de Gladys.

— Hum... quand est-ce qu'on fait tout péter ? Ça se voit à dix kilomètres qu'ils craignent ces gens...!

— Mais, comment tu peux dire ça ? Ils ont l'air super bienveillants...

— Mais, Noah, t'es bien trop naïf, mon frère. T'as vu les armures qu'ils portent ?! Réfléchis ! Ça craint d'avoir ce genre de types non-humains parmi nous ! répliqua Émile, offusqué par ma réponse.

— Oui, mais leur cheffe n'en a pas, elle porte une toge blanche. Elle n'est pas ouverte au combat, fis-je remarqué, tachant de comprendre la situation lorsque celle-ci partait en vrille.

J'appuyais de nouveau mon attention sur la discussion diplomatique.

— Cependant, Wälkure ne vous appartient pas Madame, il appartient à l'Ushtarak, comme tout Équitorryo. Et, ils nous a été demander d'éradiquer les Infelicis... et leurs compères !

— Je vous l'interdis ! Ce n'était pas dans le contrat ! s'écria la femme, perdant durant un instant ses moyens. Déjà que que l'on a été contraint de sacrifier une partie de notre peuple !

— Sauf que l'on ne vous donne pas vraiment le choix, répliqua l'homme grognon à ma gauche en hurlant. En plus, vos hommes sont de sortie, mam'zelle. Les mains en l'air !

Les espèces de Valkyries craintifs laissèrent la place à des archers au regard aguerri et déterminé. Ils n'avaient pas l'air de vouloir se laisser faire.

L'homme grognon tira. La femme réussit à la dévier légèrement de sa cible initial, son cœur, pour atterrir dans son épaule.

— MÈRE ! cria une voix rauque masculine, déchirée, en provenance d'une des deux grandes maisons entourant celle du centre.

L'homme aux ailes mauves leva la main, et un trio d'oiseaux gêneurs piqua sur mes alliés aux côtés du Commandant Seyar pour les divertir.

Touchée, ses accompagnateurs se tournèrent autour d'elle pour la protéger, pour la faire entrer dans la maison centrale.

Une autre balle fusa dans le ventre de l'espèce de Valkyrie aux ailes mauves, le couchant au sol. Les archers se mirent à tirer à partir des quatre fenêtres sur nous. Ils se sentaient en insécurité, alors, ils se défendaient.

— À L'ATTAQUE ! déclara un guerrier ailé pour lancer le peloton de semblables qui ne semblaient pas vouloir déconner. AKÀTHARS, PÉRISSEZ TOUS AUTANT QUE VOUS ÊTES !

Irrévocablement, nous pouvions dire que le combat était lancé !

Émile, Winona, le grognon, et les autres se lancèrent face à la petite armée de guerriers ailés armés d'armes blanches d'un autre temps.

Gladys prenait un malin plaisir avec un autre homme à lancer des dynamites sur nos ennemis. Sans vraiment comprendre tous les enjeux, je serrais mon arme à feu, et me lançais également dans la bataille.

Perdu entre les projectiles, flèches, balles et explosions, j'en tirais quelques unes en direction des jambes pour paralyser mes cibles – comme on me l'avait appris à la Caserne Générale de Lokken, capitale d'Équitorryo, au centre de la stratocratie, quoi que largement étendue sur Kohor ; et à la CUN (Caserne Nationale de l'Ushtarak), en plein Kohor nord, la région du Nord-Est. Une région mi-naturelle, mi-urbanisée, normalement peuplée, avec des parcs et forêts parmi les villes.

Mais, Seyar, le grognon, et d'autres ne semblaient pas se retenir pour les descendre. À ce que j'en avais compris, notre Commandant avait cet ordre. Mais... pourquoi ?

Arrivé au niveau des trois maisons, la cheffe ressortit en une armure des plus étincelantes, armée d'un bouclier semblant avoir lutté contre le temps et une épée de légende destructrice. Elle s'est vaillamment défendue contre certains de mes alliés pour permettre à son acolyte de ramener son jumeau aux ailes mauves.

Les guerriers ailés étaient agiles et vifs, leur permettant d'éviter nos balles in extremis, et parfois, tenter des attaques en tenaille pour déstabiliser nos rangs.

C'était leur nombre qui permettait encore leur avancée. Nos dynamites fragilisaient leurs rangs et surtout leur enceinte. Nos armes à feu permettaient de réduire en poussière les survivants.

Rapidement, le village de Wälkure était à feu et à sang. Seule l'enceinte des trois maisonnettes résistaient plus ou moins. La FSAID menait largement le combat, mais les guerriers ailés résistaient. Mais faiblissaient inexorablement.

Toutefois, avec Seyar et le grognon, je réussis une percée dans le mur guerrier et à forcer l'entrée de la maison de gauche – Tandis qu'Émile, Gladys et le second homme-bombes pénétrèrent dans l'autre.

Illico presto, la cheffe rappliqua. Un duel en corps à corps débuta entre les deux Puissants.

Le grognon et moi-même continuions d'avancer. Le rez-de-chaussée n'était qu'un vaste couloir dont les murs d'argile sèche étaient munis de quelques peintures décoratives, sûrement significatives pour eux, encombré de quelques meubles de bois basculés sur le sol pour protéger les assiégés ou nous mettre des bâtons dans les roues.

Une troupe se tenait en face de nous, protégés par une muraille de meubles plus importante. Ils n'étaient pas prêts à lâcher leurs positions.

Nous nous jaugions, nos regards passant de nos visages à nos armes. L'atmosphère exprimait cette même idée : Le premier qui ose se verra exploser la tête.

Le plus impulsif parmi nous lança les hostilités. Sans surprise, le grognon tira. La balle traversa trois têtes, faisant tombée trois corps. Un poignard fut lancée dans le ventre de ce dernier. Qui énervé, se déchaîna sur eux avec son arme à feu.

Tout en me poussant, il me dit d'une voix pressante :

— Allez, vas-y ! Je te couvre ! Il y a une ouverture !

J'acquiesçais vivement, et me suis mis à la conquête de l'étage.

Je découvris une scène tout aussi similaire que la première qu'au rez-de-chaussée. Une grande pièce en pagaille, encombrée au possible. Il y avait plusieurs cercles de guerriers autour des archers. Il y avait trois fenêtres, mais deux étaient utilisées comme tourelles sur la FSAID au dehors. Et évidemment, il fallait que je sois entre les deux essaims de guerriers, protégeant la jeunesse de Wälkure derrière eux.

À ma vue, l'essaim se transforma en lignes entre les deux murs, les jeunes bambins derrière eux. J'ai commencé à tirer au sol pour m'assurer de tirer dans les jambes, faisant tomber deux archers sur quatre ainsi que plusieurs de leurs gardes du corps... faisant hurler les enfants d'effroi face au bruit de l'arme à feu et des images violentes dont ils étaient témoins, malgré moi.

C'était les ordres... et de la survie.

Face à leur animosité et armes blanches, je fus obligé de me replier dans l'escalier et tirer pour préserver ma position.

Rapidement, la FSAID a réussi à traverser le rez-de-chaussée pour me venir en aide. Grâce à Gladys et ses dynamites, nous fîmes exploser l'étage, éparpillant une grande partie des deux essaims. Et des enfants... notamment à cause de l'effondrement partielle de la structure suite à la fragilité engendrée par les affrontements...

Les survivants tentaient de fuir en s'envolant, mais ils devenaient des cibles faciles. Mes alliés les tuaient aussi facilement que les volatiles au tir aux pigeons, et s'en délectaient.

Le grognon, sous l'ordre de Seyar qui livrait toujours un rude duel contre la chef des Valkyries, m'interpella pour s'attaquer à la maison à étage de droite.

Sans sourciller, suffisamment dégoûté par la boucherie dont j'étais témoin, je ne me fis pas prier. Direction l'autre maison, sans trop difficulté. Enfin si, nous devions éviter de nous faire faucher comme des lapins à cause des flèches provenant de toutes parts.

L'espace était similaire à l'autre maison. Je retrouvais Winona, d'autres membre de la FSAID, et l'autre homme-dynamite, Clyde. Immédiatement, je le pris en aparté.

— Clyde, surtout, tu ne lance rien d'explosifs sur eux, d'accord ? fis-je, doucement.

— Pourquoi ? Le Commandant m'a donné champs libre avec Gladys, répondit-il, arquant un sourcil.

— Oui, mais je t'en donne l'ordre. J'ai discuté avec Seyar, et il est d'accord avec moi. Tu ne lances rien tant que je ne te l'ai pas demandé. Rappelle-toi que tu t'adresses à un Héros d'État ayant permis de sauver la moitié d'Équitorryo lors du Khlyzendra ! répliquais-je, d'une voix beaucoup plus dure et autoritaire que je ne l'aurais voulu.

— Euh,euh... oui, oui, bien sûr ! Je dois respecter les sages décisions du héros primé et soutenu par le Concilio ! fit-il, précipitamment en s'inclinant docilement.

Winona me lança un regard perplexe, ne comprenant pas ma décision stratégique, mais qu'importe. Je devais m'assurer d'avoir à faire à de vrais criminels qui en voulaient vraiment à notre peau et celle du pays entier, plutôt que des innocents qui cherchaient à se défendre face à une injustice fataliste.

Nous parlementions tout en luttant pour traverser le mur guerrier et atteindre l'étage. Et ainsi, réduire à néant la rébellion. J'ai privilégié les tirs de balles dans les jambes jusqu'à la paralysie totale du village pour les emmener ensuite en jugement face à la justice.

Winona et ses deux alliés les plus proches physiquement suivirent mon exemple, tandis que des hommes comme le grognon préféraient tirer dans le tas et en éliminer le plus possible, comme... Seyar l'avait laissé sous entendre : Personne ne devait survivre.

Mais, j'étais contre. Je n'avais pas été engagé pour faire justice moi-même. J'ai suivi le Bien pour protéger autrui au péril de ma vie, et ce n'était pas aujourd'hui que je tirerais sur de potentiels innocents.

Grâce à une percée, je réussis à passer. La FSAID ayant réussie à pratiquement contrôler l'autre maison, elle avait réussi à abattre ses tourelles ainsi que tous les guerriers à portée. Il semblait y avoir moins de monde ici, et beaucoup plus de rescapés de guerre et d'invalides.

Oui, beaucoup de personnes étaient allongées sur des lits de plumes à ma gauche, seulement quelques guerriers assuraient leur protection, et principalement un qui paraissait sacrément imposant et déterminé à abattre chaque « Akáthar » pénétrant en ce lieu. Même si avec son épée, il, ni les autres, ne pourrait faire grand-choses face à mon arme à feu chargée à bloc. Et encore pire, face aux explosifs, bombes, dynamites et compagnie de mes collègues spécialisés.

Les guerriers s'approchaient de moi, tandis que je m'approchais d'un jeune homme à l'opposé. Il était assis contre le mur, tout seul dans son coin, les mains enfouies dans son visage. Ma présence l'avait crispé, le rendant encore plus angoissé et apeuré. Ses doigts s'étaient écartés pour que ses yeux puissent capter l'envahisseur que j'étais.

C'était un homme au teint foncé, au visage juvénile entouré de cheveux crépus ainsi que des yeux d'un vert si profond que je croyais pouvoir y voir la nature sous tous ses visages à l'intérieur.

J'y voyais autre chose incroyable, complètement déconcertant : Je n'y voyais aucune haine, aucune animosité, mais une bonté immense. J'y ai vu l'humanité à son paroxysme, l'être le plus humain que je n'avais jamais rencontré, l'être plus humain que les humains eux-même.

Dans son regard, j'y ai vu la vie, l'avenir dans lequel il aspirait, conjointe à la mienne, et l'épouvante qu'il ressentait face à autant de violences et d'injustices.

Alors, j'ai lâché mon arme, le lançant loin de moi, et je me suis approché. Comme s'il n'y avait plus rien autour de moi, plus aucun bruit de la guerre, comme s'il n'y avait que ce petit être chétif qui comptait réellement. À quelques mètres de lui, j'ai murmuré, les yeux brillants :

— Vous n'êtes pas coupables. Non, en réalité, vous êtes les victimes de notre stratocratie. Qu'avons-nous fait ? Qu'avons-nous engendré...?

— Tu sais, parfois, mieux vaut reconnaître ses erreurs, tout arrêter au risque de pouvoir changer le destin inchangeable, plutôt que continuer d'être complice de ce genre de choses, m'annonça-t-il, d'une voix clairvoyante.

Sa voix, c'était comme si elle m'avait transcendé. Je n'avais pas peur de mourir, mais je ne voulais pas que des innocents supplémentaires ne meurent. Non, ce Valkyrie ne va pas mourir. Je ne resterais pas passif, je ne l'ai jamais été, et ce n'était pas aujourd'hui que cela changerait !

— Non ! (Un zeste de surprise traversa son regard ainsi que celui des guerriers s'approchant dangereusement) Je ne vais pas le laisser faire. Justice doit vous être rendu, vous méritez de vivre. Vous n'avez pas le droit de vous laisser aller à votre triste sort. Nous allons nous battre, oui, nous battre ! Pour la Vérité et la Liberté !

Tout en m'exclamant haut et fort, je lui tendis la main pour se relever. Il l'a pris et se releva avec énergie. Ensuite, je me retournais pour prendre ma mitraillette, prêt à descendre tous les complices du génocide orchestré par Stratós depuis une trentaine d'année.

Je remarquais la cheffe des Valkyries, se tenant fièrement devant moi, quoi que une main sur l'endroit où siégeait la balle. Elle souriait.

Rapidement, je vis Winona et d'autres membres de la FSAID, découvrant également la scène. Certains réagirent avec un dégoût profond, murmurant des insultes à mon encontre.

Découvrant le grognon, prêt à tirer sur la cheffe, je décidais de pointer mon arme avant lui. Les guerriers nous rejoingnirent rapidement.

J'ai tiré en premier ! Sur le grognon !

— AKÁTHAAARS !

— HYAAAAAAAH !

Sa balle rebondissant dans la pièce avant de sortir par la fenêtre, il tomba raide mort, baignant dans son propre sang.

La cheffe et ce qui semblait être son fils soufflèrent, soulagés.

— Je n'ai jamais été aussi reconnaissante envers un humain... il m'a sauvé la vie, nous a sauvé la vie !... répondit la noble voix féminine.

J'allais répliqué, convaincre mes amis de rejoindre ma décision, mais je n'avais pas prévu ce changement de situation.

Hélas, un couteau a filé de l'escalier jusqu'au cou de la cheffe, entrant dans sa jugulaire. Une telle pression permit une entaille facile du couteau, ouvrant alors la porte à une cascade de sang.

— Mère ! s'écria l'homme ténébreux aux ailes mauves, d'une voix déchirée, en se jetant sur elle.

Je partis alors au quart de tour, animé par un sentiment d'injustice puissant. Je me mis entre les Valkyries, dont l'homme auquel j'ai serré la main proche du cheffe et son fils, et le petit comité FSAID.

— Vous n'avez pas honte d'infliger autant de violences ?! Vous vous rendez compte de ce que vous êtes, ce que vous devenez ?! Est-ce que vous voulez vraiment être les auteurs, ou autrices, de ces massacres ?! Voulez-vous vraiment être toutes et tous complices du génocide volontaire du Général Stratós ? Vous aussi, vous voulez devenir un des criminels protégés par ce gouvernement corrompu...?

Ma voix s'était progressivement adoucie.

Winona, ainsi que ses deux amis après s'être consultés, s'est approchée.

— Notre Héros d'État a raison, nous ne pouvons être associer à ce crime. Comment pourrions-nous être considérés comme des humains, si nous mêmes nous ne sommes pas capables de représenter les valeurs qui lui sont siennes, l'humanité ?

Quelques personnes osèrent me rejoindre.

Mais, à l'arrivée de Seyar, les autres se mirent à tressaillir. Et beaucoup ont réarmé leur arme et reculer de leur demi-pas en avant.

— Hum, Noah Draykind, c'est désolant... soupira-t-il, d'une voix couverte de déception, avant de se ressaisir et revenir plus piquant que jamais. C'est quand même affligeant pour une personne aussi excellente que toi, d'être aussi faible d'esprit, pour ne pas voir que ces choses sont des monstres qui ne méritent que d'être exterminés.

— Excusez-moi, Monsieur le Commandant, mais s'ils étaient si horribles que vous le décrivez, ils n'auraient pas appliqué ce diktat à la lettre. Et, en vue de leur force, malgré nos armes, ils auraient largement pu tenter des conquêtes ou prendre le pouvoir par la force. Mais, nous n'avons jamais entendu parler d'eux, une grande partie de la société n'a jamais entendu parler d'eux, réaffirmant leur non-hostilité envers l'Humain, défendis-je, le plus sincèrement que je pouvais.

— Ouaaaah ! lâcha le Commandant, les yeux exorbités. Je n'ai jamais entendu autant de bêtises ! T'es vraiment un fini, l'ami ! Tu n'as pas vu avec telle violence, ils se sont déchaînés sur nous ? N'hésitant pas à user des forces de la Nature pour nous exterminer ?

— C'est nous qui avons attaqué en premier. C'est de la légitime défense. Et, semblant être des amis de la nature, je pense qu'il est normal que les êtres vivants tentent d'aider leurs protecteurs persécutés depuis trente ans, précisa Winona, lucide.

Agacé, il s'apprêtait à tirer sur la foule de manière aléatoire. Par instinct, mon ami d'origine aztékoise balança un coup de pied sur son arme à feu, le faisant vaciller. Perdant l'équilibre, il se rattrapa sur Clyde, prêt à déclencher une grenade.

— Tu ferais mieux de partir, Seyar. Je ne compte pas tirer un trait sur ce village. Oui, ce village va vivre, je vais vivre, et Équitorryo découvrira la vérité qu'on lui a toujours caché, déclarais-je, prêt à tout.

Ensuite, il s'enfuit en arrière, Clyde sur les talons en déposant la grenade.

— Il y a des blessés et malades ici ! s'écria l'homme que j'ai décidé d'épargner.

Immédiatement, les guerriers ailés se précipitèrent sur la grenade pour l'envoyer dans l'autre bâtiment.

Et les affrontements violents et puissants reprirent. Mais la donne avait changé, je ne combattais plus pour détruire un peuple mais pour le protéger, tel était ma mission de protection de l'État et de sa population, aux côtés de mes amis les plus proches et de ce nouvel ami ailé qui se révélait être un atout exceptionnel.

Ce choix fidèle à mes valeurs était périlleux. J'ai mis en danger des Hommes, et ma propre vie, pour tenter d'en préserver des dizaines d'autres. Je crois que si nous n'avions pas swticher de camps, les Valkyries n'auraient jamais survécu.

En effet, après une bataille sanglante, nous étions parvenus à venir à bout de la FSAID. De notre côté, nous avions minimisé les pertes valkyriennes, mais malheureusement, nous comptions peu de survivants humains. Il ne restait que Winona, Alkam, l'homme noir presque chauve très grand à la musculature impressionnante aux yeux noirs aux reflets bleus, et Kryss, un homme au teint métis avec de courts cheveux ténébreux et des petits yeux noisettes cerclés de noir.

Nous étions tous des jeunes militaires prestigieux, entre la majorité et vingt-trois ans ; une poignée de chanceux ayant reçue une aide précieuse permettant d'avoir des enseignements permettant notre place aujourd'hui au sein de l'élogieuse FSAID.

Enfin, mauvaise langue que je suis, il restait le Commandant Seyar, allongé contre le mur, les yeux exorbités et une main sur son ventre ensanglantée.

— Qu'est-ce qu'on fait de lui ? rugit le fils de la cheffe, toujours autant ampli de haine.

— On pourrait le garder prisonnier, pour lui soutirer des informations ou le servir comme otage, proposa mon nouvel ami ailé.

Les yeux de Winona me cherchèrent pour consulter mon avis, conjoint au sien.

— Si nous le laissons... commençais-je, avant d'être coupé par un haut-le-cœur de la cheffe dont la vie s'évaporait à vue d'œil.

Son fils se dirigea vers elle afin de capter son chuchotement distinct. Ensuite, il se releva, réitérant d'une voix forte :

— Elle dit que cela serait une mauvaise idée de laisser un traître aussi vicieux parmi nous, et qu'il serait risqué de le laisser partir. Cela serait très noble et vertueux de notre part, mais les Akáthars nous réduiront en miette.

Je sortais mon poignard à la lame tranchante, faisant tiquer Seyar qui préférait rester silencieux, sûrement pour ne pas aggraver son cas.

— Qu'est-ce que tu comptes faire, Noah ? questionna Winona, une crainte perceptible dans la voix.

— Ce qui doit être fait. Mes pensées rejoignent celle de la représentante de Wälkure. Nous ne pouvons pas le laisser partir, ils nous balancerait, et nous mourrons tous. Alors, je le crains, mais il va falloir l'éliminer.

J'ignorais la peur que je lisais dans le regard de mon amie, et approchais ma lame contre sa gorge. Les guerriers ailés semblaient apprécier le spectacle, surtout le fils de la cheffe.

Les yeux de l'otage s'agrandirent, une peur bleue vint à le faire tressaillir.

— Draykind ! Dray... Noah! Non, arrête ! N... tu peux pas faire ça ! Me faire ça ! Naaaaaan...

Pendant qu'il paniquait, j'ai rapproché la lame que j'ai quelque peu enfoncé dans sa gorge tout en la lui serrant. Mais, incapable d'achever mon geste, je laissais tomber la lame.

À genoux, la tête dans les mains, j'éclatais en sanglot.

Winona et mon nouvel ami s'approchèrent immédiatement de moi, pour me couvrir de leur soutien, me rassurant face à ce refus, car eux-même n'auraient pas pu le faire.

— Noah, tu as bien fait. Ne souille pas ton âme pour un pantin pareil, me souffla le jeune homme aux ailes jaunes.

Ils n'étaient pas suffisamment inhumains pour se permettre de tuer l'un de ses semblables, surtout de sang froid. Nous n'étions pas des criminels.

Le fils de la cheffe sembla soupirer de désolation face à ce que lui devait stigmatiser de faiblesse humaine. Il décrocha un long croc à sa ceinture et le planta dans la jugulaire de Seyar.

Lorsqu'il le vit s'approcher, c'était comme si Seyar avait vu le Diable, même la Mort venir le chercher sans qu'il ne puisse lutter, devenant parfaitement livide, hurlant à l'agonie de son désespoir.

Ensuite, les survivants se chargèrent de récupérer les blessés, les classant par ordre de gravité, en prenant prioritairement celle qu'ils nommaient tous par différentes appellations et qui semblait être, sans nul doute, la personne la plus importante de Wälkure : La plupart des habitants, ou plutôt des survivants, la surnommaient « La Kefátoría », une certaine élite intellectuelle semblant représentée la Raison l'appelaient « La Sainta Majestus Sýliendía », et six adultes de mon âge la pleurait au nom de « Anya » dont le premier Valkyrie auquel j'avais pu échanger.

Le fameux grand et imposant homme au teint bronzé, aux courts cheveux ténébreux, avec des yeux de vipères vicieux et fourbes, dotés d'ailes mauves, qui semblait être le fils de la cheffe du village, avait disparu depuis qu'il l'avait déposée entre les mains des ultimes druides et chamans.

Par ailleurs, ayant pu discuté avec celui qui m'avait permis de d'ouvrir les yeux sur l'insanité que je m'appétais à commettre, le fameux Adonaï Sýlien, j'ai pu apprendre certaines choses sur leur mode de vie.

Après tout, en tant que fils de fermiers du Sud, leur mode de vie était guère différent de celui que j'avais connu, si ce n'était l'absence totale de nouvelles technologies ou d'armes modernes. Comme s'ils restaient bloqués au Moyen-Âge, à leur manière de vivre au plus proche de la nature. Mais détail à part, j'ai pu remarqué que sur les extrémités des plumes de leur magnifiques ailes, il y avait comme des petites pierres précieuses ou autre chose qui permettaient de faire briller à la manière du diamant. Diamant doré pour les ailes jaunes, et diamant ressemblant à l'améthyste pour les ailes mauves ; resplendissant grâce aux rayons solaires !

Je suivais Adonaï dans le village, accompagné de Winona, qui se chargeait de la visite des lieux. Parfois, il fallait faire usage de mon imagination car certains lieux ont été complètement démoli.

Après cette rapide visite, passant par le garde-manger, la mare pour la pêche, le champs de baies et les potagers, les cuisines, ainsi que la Maison de Justice pour régler les conflits qui contenait des prisons souterraines au besoin, nous retournions rapidement au refuge pour aider les plus nécessiteux.

Alkim et Kryss se chargeaient déjà d'utiliser le matériel de la FSAID emportée pour soulager les réfugiés, plutôt réceptifs à l'usage des technologies ou modernités ; typiquement les duvets, les minces réserves de nourriture froides et les lampes torches pour s'éclairer dans la nuit. Le temps de façonner les torches approchait alors à grand pas.

Winona usait de ses talents en plantes médicinales pour soulager les douleurs de certains patients dont la blessure ou le handicap était moindre, tandis que Kryss utilisait la trousse médicale pour apporter des soins plus importants pour les invalides, les blessés aux dommages plus conséquents. Même s'il disait funestement : « Il faudra obligatoirement les emmener à l'hôpital pour sauver certains. Nous n'avons pas les matériaux nécessaires pour des opérations permettant leur guérison. Leur survie est alors compromise...»

Mais, je sentais qu'il se retenait d'abattre les derniers espoirs des proches ; je savais qu'il retenait cette phrase : « Certains ne passeront pas la nuit. »

Les torches, flambeaux, et feux de camp avaient remplacé nos lampes torches, que nous conservions tout de même à proximité pour s'éclairer dans les zones d'ombre entre les cercles lumineux dégageant une certaine chaleur. Accessoirement, les flammes permettaient d'économiser nos lampes.

— Le Kefálischýs, le Kefálischýs, Kefálischýs ! hurlèrent les guerriers ailés, décontenancés, en écho à travers tout le village.

Un écho se propageant sur plusieurs vagues de l'infirmerie, passant au refuge non loin, jusqu'à la maison du dauphin. Il sortit en trombes et accourut jusqu'à l'infirmerie au plus vite, face à l'appellation inquiétante des autochtones, me tirant directement de la discussion sans importance mais sympathique avec Adonaï.

À deux, nous accourions à sa suite, immédiatement rejoints par Winona. L'appréhension montait à la mesure dont je gravissais les marches. Je découvris les soigneurs accablés, éloignés d'un des lits naturels, et un fils de mère démuni.

Je ne parlais pas, restant bouche bée.

— Qu'est-ce qui se passe... ? osa mon amie, d'une voix fébrile.

— Elle... elle n'a pas survécu... expliqua Kryss, d'une voix brisée.

Je n'en croyais pas mes oreilles, incapable de croire que cette femme si forte ne puisse survivre...

Le fameux Kefálischýs – terme semblant correspondre au dauphin ou au prince dans leur dialecte – éclata en sanglot, serrant comme un fou le corps de sa mère.

Je ne pensais pas non plus possible que cet homme puisse être aussi émotif, exprimer des sentiments aussi forts. Après tout, c'était sa mère, et on réagirait tous pareil – sauf cas particuliers où l'entente n'est clairement pas possible.

Ensuite, il se tourna, les larmes s'arrêtant subitement de couler et le visage rouge écarlate. Il semblait animé d'une telle colère noire, dégageant une forte animosité.

Il me fusilla du regard. La rancœur que je voyais dans ses yeux foudroyants dépassait l'entendement. Si ses yeux auraient la faculté de lancer des éclairs, je serais mort au moins dix fois en une minute, si ce n'était plus, foudroyé de plein fouet.

Ensuite, il s'avança d'un pas lourd de reproches, de frustration. Sa marche vers moi était lente et suggestive.

J'ai levé les mains, en signe d'innocence, parfaitement compréhensif.

— Je sais ce que tu ressens, crois-moi...

— NON, TU NE PEUX PAS SAVOIR !

Arrivé dans mon périmètre vitale, sa furie se déchaîna.

Il me fit basculé, et se mit à me mitrailler de coups de poings, tout en crachant sa haine contre l'Ushtarak à ma figure.

Un poing, s'ensuivit immédiatement d'un autre, fut projeté dans ma figure. Sans me laisser le temps d'observer, d'autres arrivèrent en trombes à diverses endroits de mon visage.

Rapidement, je sentis la douleur et ce fameux goût métallique dans ma bouche, ainsi qu'une coloration rouge abîmer mes tissus et couvrir partiellement mon visage.

Je ne cherchais pas à me défendre, je comprenais sa colère, et j'étais prêt à être son bouc émissaire. Il ne s'attaquait pas à moi, Noah Draykind, mais à l'Ushtarak toute entière, l'unique responsable de ces crimes, de celui de sa mère.

— Kefá euh... Enfin, je veux dire... je comprends ta souffrance, j'en ai vécu une similaire.

— TU NE PEUX COMPRENDRE !

— Si, si, je comprends tout à fait, t'inquiète pas... C'est pour ça que j'ai décidé de vous aider...

— MAIS TOUS CES MALHEURS, C'EST DE VOTRE FAUTE !

— Je reconnais les tords de l'Ushtatak, n'étant pas qu'innocence. Permettez-nous de nous racheter, de vous aider.

— LES AKÁTHARS DOIVENT PÉRIR !

Winona tenta un mouvement en avant ainsi que Alkim et Kryss, mais je les arrêtais instantanément de la main, leur lançant un regard leur exigeant de pas intervenir.

— Je, laissez-moi vous aider à avoir un meilleur avenir.

— RAAAAH !

— Je vous jure que c'est possible.

— TU NE CONNAIS RIEN, RIEN DU TOUT, SALE AKÁTHAR !

Le coup envoyé fut beaucoup plus violent, ma tête, légèrement surélevée a dangereusement tapée le sol, me faisant voir des étoiles.

Cette fois, ce fut Adonaï qui s'avança.

— Khoren, tu ne peux pas traiter cet homme d'Akáthar, il n'appartient plus à l'Ushtarak. Sans lui, ton peuple aurait été réduit en miette, retiens bien ça dans ce malheur qui t'accables, déclara-t-il, d'une voix glaciale.

Il se tourna vers lui, s'arrêtant de me frapper. Le fils de la cheffe semblait le défier du regard, le défier de dire un mot de plus, de prendre ma défense.

— Il nous a sauvé, que tu ne le veuille ou non. Peu importe ta haine contre l'Homo sapiens.

Khoren vira encore plus au rouge, comme si sa haine s'était revivifiée. Il se retourna vers moi, et arqua son poing pour me remettre une puissante patate.

Sans se démonter, Adonaï lança sa dernière carte.

— Anya n'aurait jamais voulu que son fils ne tue qui que ce soit d'innocent, encore plus quelqu'un qui nous a sauvé la vie. Anya, ou Cęrsey Sýliendía, ta mère, rappelle-toi de ce qu'elle t'a dit avant de quitter notre terre.

Ses pupilles se rétrécirent immédiatement, ses muscles se relâchèrent, le rouge de ses joues vint à s'atténuer, et de fines larmes se mirent à couler sur son visage. Sa respiration fut plus calme, presque comme à la normale.

Il essuya son moment de faiblesse d'un revers du bras ainsi que ses épaules d'un vif et élégant coup de main, reprenant son attitude de jeune chef aux valeurs habituelles.

Ensuite, il se releva avec une grâce contrôlée et me tendit la main.

— Mère a voulu te garder, alors il me serait inconcevable de te supprimer, déclara-t-il en un murmure significatif.

Un sourire en coin s'afficha sur mes lèvres, et j'empoignais sa main qui m'aida à me relever. Sa poigne était puissante, et je devais me concentrer énormément pour tenter de rivaliser, ou du moins ne pas trop manquer de prestance.

— Wälkurois, chargez vous de lui ! Et prenez soin de nos invités ! Je ne veux que personne ne s'en prenne aux protégés du futur Kefátoría. Aucune insulte ne sera permise, aucun « Akáthar » ne doit être entendu dans le village à l'encontre de nos invités de marque, c'est clair ? lança-t-il d'une voix puissante, dévoilant sa pleine autorité.

— Aussi clair que de l'eau de roche, Sir le Kefálischýs !

Les Hommes de main se raidirent, non-désireux de décevoir leur maître, et s'occupèrent illico presto de l'accueil de mes amis.

Ensuite, les guérisseurs se chargèrent de moi, m'emportant dans l'un des lits de fortune. Khoren suivit mon trajet du regard, je crus même y voir dans son faciès glacial une étincelle de reconnaissance.

Adonaï me suivit sur tout le trajet. Avant d'être contraint de me laisser aux mains des soigneurs du village, les yeux dans les yeux, je lui murmurais un seul mot, en espérant qu'il puisse lire sur mes lèvres :

— Merci...

Son sourire constant s'élargit, et ses yeux se plissèrent de bonheur, en tournant les talons. Adonaï avait compris.

Ses ondes positives si communicatives me transcendèrent alors que mes yeux se brouillèrent sous les « Restez éveillé ! » des guérisseurs incessants.

Ma conscience revint lentement au sein de mon corps. Je pris conscience de mes membres, faisant légèrement glisser mes doigts, gardant les yeux plongés dans le noir complet, désireux de conserver ce moment de repos. C'était vivifiant de se sentir en vie.

Je me mettais également à la place des survivants de Wälkure, qui ne le seraient sûrement plus si nous n'avions pas décidé de nous rebeller contre leurs bourreaux.

J'ouvris les yeux. Je ne ressentais aucune douleur, sûrement car mon corps était encore engourdi. J'ai été placé dans un espace à l'écart des autres blessés, dans un coin de pièce.

Adonaï était là, comme s'il veillait sur moi.

— Oh, tu es réveillé, remarqua-t-il, son visage s'illuminant immédiatement.

— Oui, je... répondis-je, simplement, en essayant de me réveiller complètement.

La douleur me revint. Une douleur supportable, toutefois.

— Ne bouge pas trop, repose toi, me dit-il, magnanime.

Il entoura ses bras autour de moi et m'aida à m'adosser confortablement contre le dossier de plume planches.

— Je vais bien, cela fait longtemps que je suis là ? demandais-je avec un sourire.

— Tu as dormi toute la nuit jusqu'à la fin de l'après-midi, raconta-t-il, poursuivant avec les explications que je désirais entendre par la même occasion, comme s'il avait entendu mes questions muettes. Tu as reçu quelques traitements de la part des guérisseurs, bientôt on devra retirer les plantes médicinales plaquées sur ta tempe et rincer avec de l'eau pure pour ne pas risquer que la terre ne t'infecte après que les spécialités des plantes soient utilisées. Ensuite, ton ami... Kryss, c'est ça ? T'as appliqué des soins au niveau de ta mâchoire. Et, malgré notre crainte, il t'a fait consommé des petites billes blanches. Nous ne l'avons pas arrêté car nous lui faisons confiance, et que Winona était là.

Je souriais, les commissures de mes lèvres s'ouvrant légèrement. Adonaï et... les membres de son espèce ne connaissaient pas nos technologiques médicales, je comprenais leurs craintes.

— Aaah oui, t'en fais pas ! Il a dû me donner des antalgiques, des anti-douleurs, pour tâcher comme son nom l'indique de soulager les douleurs ou effets secondaires de l'opération de fortune qu'il m'a appliquée. D'ailleurs, j'ai encore mal, répondis-je simplement, en bougeant délicatement la mâchoire. Après, je sais pas comment ça marche chez vous !

Immédiatement, les traits de son visage se détendirent, et nous gloussions ensemble.

— Nous, les Skanwälks, avons rarement ce genre de problèmes. Notre corps doit être plus résistant que le vôtre, en plus d'avoir une guérison accélérée. Sûrement pour ça que nous n'avons pas besoin de votre technologie médicale, en plus d'être des Gardiens de la Nature. Si nous savions que votre enveloppe corporelle est moins résistante que la nôtre, jamais Khoren ne se serait permis de mettre la main sur toi. Enfin, il était tellement énervé que bon, je crois que même sa Raison n'aurait pas pu le réveiller !

— Ah oui, parle moi de vous. J'ai envie de savoir, qu'est-ce que vous êtes ? Comment vivez-vous ? J'ai envie de vous connaître, demandais-je gentiment intéressé, avant de me tourner vers lui, les yeux dans les yeux, tout en lui serrant faiblement la main. Ah, et aussi, merci. Énormément. Sans toi, il m'aurait trépassé tellement sa colère, légitime, était immense.

— Tu sais, c'est normal. Sa colère est légitime, mais en aucun cas contre toi. Je ne pouvais pas le laisser faire, contra-t-il, en m'offrant la vision d'un héros.

Ensuite, il parut enthousiaste à l'idée de combler mon intérêt grandissant pour son espèce, et il se mit à débiter sans ne plus jamais s'arrêter.

— Les Skanwälks sont des guerriers innés, notamment grâce à notre génome particulier et inaliénable permettant notre agile dextérité, notre robuste résistance et en l'occurrence notre pair d'ailes. Donc, des guerriers innés soucieux depuis toujours de la Nature, de sa flore et de sa faune. C'est grâce à elle que nous vivons. Elle en fait déjà beaucoup pour nous maintenir en vie, alors à nous d'en faire autant pour elle. En effet, sans persécution, nous pouvons vivre environ trois siècles.

— Mais, c'est tellement avantageux d'être un Skanwälk... D'ailleurs, toi, tu es sur quelle centaine ? Ah, et pourquoi certains ont des ailes violettes et d'autres des ailes jaunes, comme toi ?

Mes questions fusaient, l'enfant curieux et intéressé en moi refit surface. Et, il était ravi d'y répondre, ravi de converser avec un passionné et futur fervent défenseur de la cause Skanwälk.

— J'en suis même pas à ma première. Mais comme la plupart des enfants récupérés et adoptés par Anya, j'ai entre cinquante et trente ans. Et pour ma part, c'était vers la fin, j'avais dix ans. Aujourd'hui, j'en ai quarante.

— Oh, rien que ça ! Tu ne les fais pas ! répliquai-je, en éclatant de rire.

— Mais, nous n'avons pas la même espérance de vie et par la même occasion, nos corps ne vieillissent pas au même rythme et de la même façon, donc c'est normal ! Ha, ha !

Il fit une pause avant de répondre à ma deuxième question.

— Les Skanwälks naissent avec des petites ailes blanches qui ne cessent de se développer jusqu'à notre maturité, vers vingt cinq ans. Ensuite, durant cinq ans, nos ailes arrivées à maturation commencent à se colorer jusqu'à ce qu'elles se teintent complètement de leur couleur ancrée dans notre A.D.N et que l'on voit apparaître les prémices des cristaux à l'extrémité des plumes les plus éloignés de notre dos. C'est durant cette période que les Skanwälks se divisent en deux : Les Sérafs, les Skanwälks aux ailes jaunes, et les Infelicis, les Skanwälks aux ailes mauves. Ces particularités nous offrent des privilèges spécifiques de la Nature, notamment en ce qui concerne la communication avec les différents types d'animaux.

Ainsi, au fur et à mesure de notre existence, nous voyons nos cristaux se développer, sans pour autant que cela nous gêne pour nous déplacer ou voler. Ils sont légers, pas vraiment faits en cristaux, ça fait parti de nous.

— Super intéressant, j'ai hâte de découvrir vos spécificités, votre histoire. D'ailleurs, tu connais vos origines ?

— Les Skanwälks sont une espèce parue depuis l'aube de l'humanité, depuis son stade Homo Sapiens plus exactement. C'est au stade de la transformation de l'Homme de Cro-Magnon, qu'une partie des humanoïdes ne sont pas devenus Homo Sapiens mais bien Homo Skano et par la suite Homo Skano Wälko.

— Et personne ne vous a jamais découvert ? Mise à part la FSAID et la stratocratie de Stratós ?

— On peut pourtant nous trouver sur les quatre coins du Globe. Simplement comme toutes espèces vivantes, notre degrés de présence dépend du lieu, mais nous restons tout de même en large infériorité numérique par rapport à l'Homme. De plus, tout comme vous, nous possédons des différences ethniques. Mais à la différence de chez vous, elles n'ont jamais posé de problème car nous restons des Skanwälks avant tout !

— Ça, je ne peux te dire le contraire... lâchais-je, tristement d'accord.

— Nous avons décidé de vivre « cachés » aux yeux du monde, notamment pour ne pas subir la curiosité malsaine des scientifiques, ou encore, servir une cause malsaine des politiciens... du moins, officiellement.

— Ici, vous vivez cachés, je présume ?

Son visage s'éclaircit.

— Nous vivons « cachés » (Adonaï imita les guillemets avec ses mains:), en effet. Nous cherchons à être les plus discrets possibles, mais nous nous montrons qu'à des populations dignes de confiance, comme par exemple, les agriculteurs de Moonitio qui nous connaissent très bien. Ils sont bien plus ouverts que les riches de Orla, la Ville représentative de la région de Fictya. Une entente s'est liée entre nous grâce à une contribution mutuelle.

Cependant, comme tu t'en doutes, une autre élite connaît notre existence : L'Ushtarak. Depuis une trentaine d'années, nous sommes traqués, déportés, utilisés, par des Forces spéciales changeant bien souvent de noms. Votre représentant semble vouloir notre extinction totale désormais, Équitorryo n'est plus aussi sûr qu'il ne l'était par le passé...

Son ton était presque tragique. La crainte qu'il ressentait venait de le trahir.

Terriblement touché par ses paroles, continuant de faire germer mon sentiment de justicier, je me forçais à me lever pour pouvoir être à sa taille. Désormais tous deux assis, je le fixais de manière déterminé.

— Ne t'en fais pas, vous n'aurez pas à fuir Équitorryo. Non, ce seront nos représentants qui paieront, je te le jure. Comme je le jure sur Wälkure qu'aucune fusillade ne touchera plus le village en entier. Nous essayerons de protéger le plus d'entre vous, déclarais-je, sans savoir que je m'apprêtais à signer les prémices d'un pacte impossible, à l'encre indélébile de mes cordes vocales.

— Noah, J'aimerais tellement pouvoir te croire, vraiment... Mais, j'ai déjà si peur de la contre offensive de l'Ushtarak...

Sa voix et son corps paraissaient si fébriles, ses yeux brillaient à tel point qu'il se sentait démuni.

Je passais mes mains autour de lui, l'approchais de moi, et l'enlaçais pour le rassurer que personne ne viendra à bout de Wälkure tant que je serais encore debout.

Une promesse indéfectible que je me devais de respecter afin de rendre justice à ce peuple persécuté.

Lors de cette étreinte, mes yeux se posent contre ce meuble où est soigneusement déposé mon, non pardon... l'uniforme rouge sang et jaune aveuglant si caractéristique de l'Ushtarak. Ces couleurs qui me rendaient si fières, ce gouvernement que j'admirais tant... Mais aujourd'hui, c'est tout le contraire : Elles me repoussent, n'émanent que le dégoût à mon égard.

Comment avais-je réellement pu porter ces couleurs... ?!


A Suivre...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top